Inconnue au bataillon

Chapitre 3

1403 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2018 20:59

Ils avaient à peine atteint la voiture que Caïn recevait un message. Un étage. Un numéro de chambre. Il s'empressa de le dire à Lucie car si on avait mis leur victime dans une chambre, c'était bon signe. Cette dernière avait perdu toute sa bonne humeur en l'espace d'un clignement d'yeux même si elle tentait assez pitoyablement de faire croire au contraire. Sur le trajet de l'hôpital Caïn dépassa sûrement toutes les limitations de vitesse mais aucune de ses infractions ne put la faire réagir. Elle était bien trop occupée à paraître détendue.


Une fois garée sur le parking Delambre n'attendit même pas que le capitaine est remonté son siège et fila directement vers les portes. Quand Caïn put enfin entrer lui aussi, l’ascenseur se fermait sur Lucie à l'autre bout du hall. Tout comme elle, Caïn avait retenu le nombre de la chambre, il la suivit donc. Caïn détestait les hôpitaux, comme tout le monde, mais était tout de même à chaque fois forcé d'admettre qu'ils étaient parmi les lieux les plus adaptés aux fauteuils. Peut-être cela l'agacerait-il encore plus.


Il trouvera la chambre sans problème. À l'intérieur Borel regardait par la fenêtre, Lucie s'était assise au chevet de leur victime. Cette dernière était branchée d'un peu partout, elle avait les yeux fermés et ne ressemblait pas du tout à quelqu'un qu'il allait pouvoir interroger.


  • Qu'est-ce que c'est que ce bordel, Borel ?
  • Son état est critique. Les médecins l'ont placé en coma artificiel.
  • C'est bien ma veine. Et pour l'identification ?
  • J'ai diffusé son signalement mais on a un problème.
  • Borel épargnez-moi les devinettes.
  • J'ai relevé ses empreintes.
  • Elle n'est pas fichée ?
  • Si justement. Elle est bien dans la base de données mais les informations la concernant sont classées.
  • On ne peut pas avoir accès aux informations concernant notre victime ? On est la police oui ou merde. Comment je fais mon job, moi ? Comment les informations sur une gamine peuvent-elles être classées ?
  • Pour des raisons politiques, militaires, diplomatiques …
  • Merci Borel. Bon faites-moi un prélèvement ADN que vous enverrez à Stunia. On ne sait jamais et vous en profiterez pour lui transmettre tout le dossier médical.
  • Bien capitaine.
  • Et mon eskimo il est où ?
  • J'ai vu qu'ils en vendaient à la boutique au rez-de-chaussée.
  • Et bien qu'est-ce que vous attendez Borel ? Foncez.


Le lieutenant disparut aussitôt. Caïn s'approcha doucement du lit, du côté où Delambre n'était pas. Celle-ci avait les yeux rivés sur le visage entubé et ne cessait de serrer et de desserrer ses doigts.


  • Elle n'est toujours pas tirée d'affaire.
  • Lucie, on n'y est pour rien dans ce qui est arrivé.
  • Je sais bien mais … c'est comme si elle me rappelait quelqu'un et je suis incapable de me souvenir qui.
  • Tu penses que tu la connais ? Que tu l'as déjà vu ?
  • Non ce n'est pas ça mais …


À ce moment-là, la porte de la chambre s'ouvrit et Legrand entra en trombe. C'est à peine s'il vit Caïn avant de prendre une chaise et d'aller s'asseoir à côté de Lucie. Il lui murmura des mots doux et la réconforter avec des gestes tendres. Si Aimé était là, il pourrait reconduire Delambre. Caïn s'éloigna sans bruit du lit et sortit de la pièce. Une fois dehors la nuit était tombée. Le capitaine frissonna et se rappela que sa veste était toujours dans la chambre de leur victime, sur le dos de Lucie. Il ne put s'empêcher une certaine satisfaction en imaginant son blouson de cuir entre les deux amants. La commandante ne manquerait pas de la lui rapporter.


Caïn hésita entre retourner au SRPJ ou filer chez lui. Il opta pour la seconde option. Arrivé, il installa avec un casse-dalle., une bière et son ordinateur pour retaper tout ce qu'il se souvenait de la scène à laquelle ils avaient assisté, pour une fois qu'il était lui-même témoin. Il nota tous les sons, tous les détails. Il se débattit même plusieurs minutes avec son crayon pour aboutir à un schéma approximatif de la rue. Il s'endormit alors qu'il essayait d'énumérer tous les gens qu'il avait vu avec une brève description.


Le lendemain Caïn se réveilla avec le soleil. Il se lava, s'habilla, s'enfila un café et partit pour le SRPJ. Legrand vint accueillir presque à la sortie de sa voiture. Il avait toujours ce regard sérieux mais ce matin son expression tendait presque vers la froideur. Paradoxalement cela mit le capitaine dans une humeur excellente.


  • Une mauvaise nuit peut-être ?


Legrand ne répondit rien mais lui jeta un blouson qu'il ne connaissait que trop bien sur les genoux.


  • Vous aviez oublié ça capitaine.


Puis il s'en retourna derechef. Caïn n'eut pas le temps de le suivre qu'une nouvelle voiture arriva. Il reconnut tout de suite Borel. Ce dernier sortit avec une boite en plastique dans les bras et s'approcha immédiatement du capitaine.


  • La PTS vient d'en finir avec les affaires de la victime. Je les ai récupéré.
  • Bien joué Borel. Alors on a quoi ?


Tout en marchant, le lieutenant énuméra : des vêtements pleins de sang, un couteau, des clés, un élastique pour les cheveux, un peu de monnaie et un appareil photo. Évidement il n'y avait pas dans le tas une carte d'identité ou une carte bleue.


  • Borel vous m'appelez l'hôpital et vous me trouvez la serrure qui va avec les clés, compris ?
  • Je suis passé à l'hôpital avant de venir. L'état de la victime est toujours stationnaire.
  • Bien Borel mais arrêtons de l'appeler « la victime », dit Caïn en avançant vers le tableau encore vierge de leur enquête. Appelons-là Alice.


Borel lança un regard étrange au capitaine mais lorsque celui-ci lui tendit le crayon, il écrivit en haut en lettre capitale « ALICE ». Ensuite il accrocha les quelques photos du dossier : un portrait, la rue, là où elle était tombée. Dans un coin du tableau il détailla le contenu de ses affaires. Derrière lui Caïn s'était emparé de l'appareil photo et disparaissait dans son bureau. C'est à ce moment-là que Lucie arriva.


  • On a avancé sur l'affaire de la fille ? « Alice » ? On l'a identifié ?
  • Non. C'est le capitaine qui pensait que ce serait mieux que de l'appeler « la victime » tout le temps.


C'est quand il vit le soulagement dans les yeux de Lucie que Borel comprit pourquoi le capitaine avait agi si bizarrement. Lucie n'aurait jamais osé nommer la … Alice. Par peur de montrer une faiblesse alors Caïn l'avait fait pour elle. Malgré le temps et les obstacles, son regard s'égara, Fred et Lucie formaient toujours une équipe du tonnerre.


Borel se pencha sur la boite des effets personnels d'Alice et en retira les clés. Il laissait le reste à Legrand, peut-être y avait-il encore des choses à trouver. Le lieutenant s'assit à la table et déposa devant l'objet de son enquête. 3 clés étaient accrochés à un anneau métallique. L'une avait une taille normale seyant à l'ouverture d'une porte, l'autre était trop grosse et la dernière bien plus petite. Aucune ne portait de marque particulière et toute adoptait une forme standardisée sauf la première dont le système de fermeture semblait un peu plus complexe. Cela lui faisait une piste et Borel s'engouffra dedans.


De son côté Caïn venait de brancher la carte mémoire de l'appareil à son ordinateur, il vit tout de suite que relativement peu d'espace avait été utilisé. Aucune vidéo. Dommage. Mais beaucoup, énormément de photos. Caïn ouvrit le dossier. Elles avaient toutes été prises dans la journée de l'incident, même plus précisément durant la demi-journée qui les intéressait. Soit cette personne venait tout juste d'acheter une nouvelle carte SD, ce qui serait un vrai manque de chance, soit elle prenait soin de vider son appareil très souvent. En découvrant les photos, Caïn comprit pourquoi.


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