Partenaire

Chapitre 3

1061 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/07/2018 10:12

La première semaine fut un peu étrange, pas forcément pour Alice, mais pour Caïn et tous les autres agents. Le capitaine eut besoin de plusieurs jours pour retrouver ses marques auprès de son lieutenant surtout parce qu'elle continuait d'agir en tout point comme avant. Pour tous les autres, avoir un nouveau fauteuil dans les pattes fut plus compliqué que leur expérience la laissait suggérer.


Au début Lucie n'avait rien dit, elle estimait qu'ils devaient régler cela entre eux. Elle pensait que Caïn en aurait rapidement assez et qu'il lui demanderait d'arrêter mais les jours passaient et le capitaine ne disait rien dans ce sens. Elle l'avait même entendu dire :


  • Tu ferais mieux de serrer tes freins pour tout un n'importe quoi. Quand tu enlèves ton manteau, quand tu tires, quand tu parles avec les deux mains.


Comme toujours, Alice appliqua à la lettre les conseils de son capitaine. Elle restait maladroite parfois, se prenant les roues dans un pied de table ou ayant besoin d'un temps infini pour passer une porte ou sortir de la voiture. Caïn ne la traitait pas avec la moindre indulgence mais en la voyant elle, Delambre et Borel prirent conscience des prouesses qu'accomplissaient chaque jour le capitaine.


Et puis Lucie commença à s'inquiéter. Elle essaya de raisonner Alice qui se montra certes compréhensive mais ne bougea pas sa position d'un iota. Elle alla donc voir Caïn. Ce dernier se montra beaucoup plus obtus. Si Alice avait décidé de se mettre dans un fauteuil, c'est elle qui déciderait de s'en lever. Il restait persuadé, entre autre, qu'elle laissait les roues au placard dès le soir venu. Mais cela faisait presque un mois maintenant.


  • Je t'assure que non. Fred s'il te plaît, elle a les jambes qui fondent à vue d’œil.
  • Alors comme ça tu es souvent amenée à voir les gambettes de ma lieutenant ? Y aurait-il quelque chose que je devrais savoir ?
  • Arrêtes ça et vas lui dire de se lever.
  • Est-ce qu'en retour elle va aussi me dire de marcher ? Tout le monde serait content.
  • Ce n'est pas comme ça qu'elle le fait.
  • Vraiment ? Parce que moi je vois pour l'instant c'est une gamine qui joue aux handicapés !
  • Elle met sa santé en danger Fred ! Juste pour essayer de te montrer quelque chose. Elle aurait pu te cracher dessus pour te remettre les idées en place, elle a choisi de s'infliger ça. Je ne sais pas sur quel médecin elle fait pression mais si tu ne mets pas rapidement un terme à ça … !, s'énerva Lucie en haussant le ton au fur et à mesure que la colère se mêlait à sa peur.
  • Sinon quoi !, rugit Caïn. Sinon elle en gardera des séquelles à vie, elle devra passer le reste de ses jours en fauteuil ? Sans sentir ses pieds, ses mollets, ses cuisses ? En traînant avec elle ses jambes comme un poids mort ?
  • Je te savais borné et stupide mais méchant ? Aigri au point de la laisser se détruire ? Qu'est-ce qui te gène à ce point chez elle ? Sa joie de vivre ? Sa franchise ? Sa façon de voir toujours la vie du bon côté ? Ou simplement parce qu'elle est jeune, valide, intègre et que grâce à ça elle fera plus de choses dans la police que tu n'en a jamais fait.


Lucie ne l'avait pas quitté des yeux un seul instant. Son énervement ajoutait encore à sa profonde déception et malgré ses efforts pour se contenir, sa voix tremblait de ce qu'elle rêvait de crier, de hurler sur le capitaine. Quand elle eut fini Caïn la regarda longuement avant de tourner les roues et de se diriger lentement vers la porte. Personne ne l'empêcha de s'en aller.


On ne le revit pas de la journée mais le lendemain il était de retour à 4 heure et demi. Il n'avait pas dormi et avait finalement décidé qu'il serait mieux de s'occuper de son enquête, seul, sans personne pour lui crever les pneus. Il rentra et se délecta du silence ambiant, de l'obscurité aussi. Il avait sa lampe torche, il n'allumerait la lumière qu'une fois dans son bureau. Un peu partout les appareils en veille faisaient des points rouges, oranges ou verts.


Dès qu'il fut dans l'open space, Caïn soupira. Quelqu'un avait laissé son ordinateur allumé. En avançant plus dans la pièce il vit qu'il s'agissait du bureau de son lieutenant. Elle ne partait jamais sans éteindre et débrancher tout son matériel. Caïn fut pris d'un mauvais pressentiment. Il s'approcha encore. La première chose qu'il vit fut son fauteuil. Alice était par terre, les yeux fermés ; dans une position qui n'avait rien de naturelle.


  • Alice !


Caïn était déjà terrifié. Il se pencha pour prendre son pouls. Il le sentait à peine battre contre la pulpe de ses doigts. Il sortit son téléphone et appela les secours en même temps qu'il se laissait tomber à terre à ses cotés.


  • Alice ! Réponds-moi. Alice. Allez bordel. Alice !


L'appel aux pompiers fut bref. Caïn savait quoi dire et la caserne n'était pas si loin du SRPJ. Il avait beau crier son nom, Alice restait inerte entre ses bras. La peur le faisait trembler. Il eut un mal de chien à composer le second numéro. Évidement il n'était même pas 5 heure alors il tomba sur la messagerie mais avant qu'il est le temps de jurer, son correspondant rappelait. Caïn ne le laissa pas parler.


  • Nassim j'ai besoin de toi. Je suis au SRPJ avec Alice …
  • J'arrive.


Le lieutenant n'avait pas semblé très réveillé mais il arriva alors que l'ambulance fermait ses portes et partait vers l'hôpital. Caïn était là, devant les portes du commissariat. Il avait encore les pupilles dilatées par la terreur qu'il avait ressenti. Borel s'approcha et ne demanda rien d'autre que le nom de l'hôpital où elle allait être conduite. Même là, Caïn eut besoin de plusieurs secondes de réflexion pour répondre.


  • Hôpital nord.


Laisser un commentaire ?