Changer de point de vue

Chapitre 4 : Sens dessus dessous

1847 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/03/2020 09:43

 - Mais qu’est-ce qu’elle fait bon sang ?

- Elle s’est peut-être fixée un rendez-vous avec Caïn. Il n’est pas arrivé non plus.

- Elle me l’aurait dit.

- Sauf qu’apparemment ce matin elle est partie et elle ne t’a rien dit non plus donc …

- Ça va Nassim j’ai compris, s’énerve Legrand.

- Moi j’essayais juste de tenir la conversation à la base, je t’avais quand même demandé si tu avais pu trouver des informations sur monsieur Fizza, face au regard honteux de l’autre lieutenant Borel continue. Toi et Caïn vous êtes pareils. Dès qu’il arrive le moindre truc avec Lucie vous ne servez plus à rien.

Piqué au vif, Legrand reprend place à son bureau et essaye de travailler malgré son regard qui vole presque toutes les 5 minutes vers la porte. Borel retourne examiner l’ordinateur de la victime que le capitaine lui a ramené la veille. C’estt une véritable mine d’or. Bien qu’il ne fasse pas face à l’accueuil, Borel sait quand ses supérieurs entrèrent au SRPJ. Il saisit son dossier pour aller faire son rapport.

Legrand les a accosté dès qu’ils sont arrivés mais même de là où il est, Borel perçoit le malaise qui s’est installé. En le voyant la commandante fait une remarque à Legrand avant de le planter pour se diriger vers Borel. Caïn suit. Le lieutenant remarque alors quelque chose. C’est un petit rien, indicible et dont il ne comprend pas la cause mais c’est là.

Ils se sont repliés dans un bureau. Delambre est négligemment coiffée et non maquillée. Caïn, lui, ne se tient pas comme d’habitude. Ces détails-là au moins il peut en être sûr. Viennent ensuite toutes les impressions, les différences, quasi-impalpables qui le rendent fous, surtout leurs regards.

- Le couple Fizza consultait régulièrement Aimé Malecco pour régler un problème de fertilité.

- Et l’ordinateur ? , s’enquit Delambre.

- De ce côté-là je suis tombé sur une manne. Toussaint était fasciné par la magie noire, les poisons, les mauvais esprits … tout ce qui pouvait être morbide. Il recevait aussi de nombreux mails de menace qu’il conservait précieusement.

- Il a toujours été comme ça ? Sa mère ne nous a rien signalé, remarque Caïn.

- Non c’était même récent. 4 mois. Je pourrais même être encore plus précis. Le 23 mars.

- Ça fait beaucoup de coïncidences. Borel il faut que vous me trouvez ce qui s’est passé ce 23 mars, exige Delambre.

-Bien capitaine … euh pardon com … commandant ?

- Vous avez picolé lieutenant ?

- Vous ne savez même plus faire la différence entre … Delambre et moi ?

- Est-ce qu’on peut tout se dire ?, demande timidement Borel.

- Bien sûr.

- Évidement.

- Vous seriez pas un peu …

Borel essaye de se faire comprendre en croisant les doigts. Ses supérieurs se regardent légèrement désappointés.

- Vous savez le mieux si vous voulez qu’on comprenne c’est encore d’arrêter vos mimes parce que là c’est pas clair.

- Pour moi non plus c’est pas clair. C’est comme si Caïn vous étiez devenu Lucie et inversement.

- Vous savez que ce n’est pas possible ça Borel, souligna Delambre.

- J’ai pas dit que je croyais ça possible, j’ai dit que c’était l’impression que j’avais.

- Fred laisse-le, on aura peut-être besoin d’aide avec cette histoire de fou, déclare Caïn.

- Je voulais juste être sûr, répond Delambre en s’approchant. Parfois tu me surprends Nassim.

C’est au moment où la commandante lui tape sur l’épaule plus qu’à leur réponse que Borel eut la certitude qu’il a vu juste. Caïn fait rouler son fauteuil jusqu’à eux.

- Donc voilà, Lucie dans le corps de Fred et Fred dans Lucie.

- C’est bien la première fois malheureusement.

Lucie corrige Fred mais à son hauteur cela ressemble plus à une fessé qu’à un coup. Borel, lui, remarque simplement que le capitaine n’a plus fait de blagues vaseuses à Lucie depuis un sacré moment. Il ne peut que rire avec eux. Mais leurs éclats de voix s’évanouissent à la même vitesse que l’étrangeté de la situation les a fait naître.

- Du coup on fait quoi ?, s’enquit Borel.

- Rien. On fait comme si tout était normal et on boucle cette affaire. En parallèle Fred et moi on cherchera une solution à … ça.

- Il va falloir trouver certaines solutions avant parce que moi je ne couche pas avec Legrand.

- Tu vas quand même réussir à le supporter.

- S’il me touche, je hurle.

- Fred tu peux faire un effort.

- Je trouve que je lui suis déjà pas mal venu en aide alors question effort j’estime avoir fait ma part.


.o0O0o.


Caïn est sorti subitement de la pièce. Il a besoin d’air et puisqu’il lui est donné de le faire à nouveau il a besoin de marcher et de courir. Mais sur la route de la sortie il trouve Legrand.

- Lucie il faut qu’on parle.

- Non, va discuter avec Fred, vous avez sûrement plein de trucs à vous dire. Tu as déjà pensé à le remercier. C’est quand même un peu lui qui a poussé Lucie dans tes bras.

Le capitaine profite de l’effet de surprise pour échapper à Legrand. Il l’aurait sûrement suivie si Lucie n’était pas arrivée.

- Laisse-la Aimé.

- Depuis quand vous m’appelez « Aimé » vous ?

- Laisse-la je te dis.

- Je n’ai pas de conseil de couple à recevoir de vous.

- Fred tu viens.

Le véritable Caïn se délecte de la mine déconfite de son rival alors que Lucie s’approche avec un regard noir. Ils sortent tous les deux.

- Je les sens bien les Aimé en ce moment, retournons faire un tour chez Malecco.

- C’est quoi ton but en fait ? Ruiner ma relation ?

- J’avais prévenu que je ne ferais pas de rond de jambes. Dommage pour une fois que j’aurais pu. Et puis s’il est si amoureux que ça il peut bien supporter que je lui fasse la gueule le temps que ça passe. Moi il m’en faudrait bien plus que ça.

- Qu’est-ce que ça veut dire ? Fred ?

Le susnommé trottine jusqu’à la voiture où il ouvre la porte pour Lucie. Ils laissent tous les deux volontiers le casse-tête de la montée en voiture remplacer la question qui flotte encore dans l’air. En suivant les conseils de Fred, Lucie parvient à s’insérer sans trop de mal sur la place passager et, retenant la leçon du matin, elle démonte le fauteuil sans aide.

- Qu’est-ce que tu veux aller lui demander encore ?

- Si son neveu recevait tant de menaces, il a déjà dû assister à une scène au magasin.

- S’il faisait une si mauvaise pub pourquoi Aimé Malecco l’aurait gardé ?

-C’est la famille, ou alors il en avait peur. En tout cas avec cette porte arrière ça pourrait être n’importe qui.

- Je croyais qu’Aimé était forcément coupable.

- Ça arrive à tout le monde de changer d’avis.

Ils sont arrivés. Fred prend tout son temps pour sortir et pour laisser Lucie se débrouiller avec le fauteuil. Il arrive à ses côtés juste à temps pour la rattraper.

- Il faut toujours vérifier que les freins sont serrés avant de se lancer.

Lucie rentre la première dans la boutique. Fred reste derrière pour lui donner de petites impulsions quand elle ne s’est pas lancée assez fort. Même si la boutique est fermée à cause de l’enquête Aimé Malecco est dans le salon de thé. Il n’est pas surpris de les voir arriver.

- Bonjour messieurs, dames. Que puis-je pour vous aujourd’hui ? Un autre thé ?

- Non on voudrait savoir comment les clients étaient avec Toussaint, déclare Caïn.

Aimé s’éclipse tranquillement dans l’autre pièce. Il est si doux et le fait si naturellement que le capitaine ne l’arrête même pas. Ce n’est qu’après une longue minute d’observation du salon et de son propre corps vu de l’extérieur que Caïn se fait la réflexion que c’est peut-être une mauvaise idée. La porte de derrière lui permettrait de s’enfuir sans qu’il ne le sache. Juste à ce moment-là, Aimé revient avec une pochette qu’il confie à Lucie. Elle y découvre des lettres du même type que les mails menaçants.

- Vous saviez et vous ne nous avez rien dit ?, dit-elle en passant la pochette à Fred.

- J’ai le respect des morts, commandant. A fortiori quand ils sont de ma famille.

- C’est moi le commandant, le corrige Caïn.

- Je suis sûr que même votre lieutenant ne vous a pas confondu.

- Qu’est-ce que vous voulez dire ?, demande Delambre.

- C’est vous qui nous avez fait ça avec votre thé à la con !

- Comment on fait pour redevenir normaux ?, s’enquit Lucie.

- Il faut parfois savoir changer de point de vue.

- Vous pourriez peut-être nous aider en nous disant ce qui est arrivé le 23 mars.

- Le 23 mars ? Je suis désolé capitaine j’ai bien peur de ne pas pouvoir vous aider.

- Et pour nous ? Comment on fait nous ?, insista Lucie.

- Ça n’explique toujours pas pourquoi vous gardiez Toussaint à la boutique alors que tant de clients lui témoignaient de l’animosité.

- Ce n’est pas si simple commandant …

- Pourquoi pas ? Moi je suis d’accord avec Lucie. Si on menaçait mon neveu j’essaierais de le protéger pas de lui confier des gardes du matin.

- Toussaint aimait ce travail. L’empêcher de venir ça aurait été l’empêcher d’être heureux.

Après avoir discuté de détails plus particuliers, Fred et Lucie rentrent au commissariat, sur la route la commandante interpelle Caïn.

- Tout ce qu’il dit sonne faux. Il sait ce qui s’est passé le 23 mars, tout comme il avait une raison précise de garder son neveu.

- C’est l’effet fauteuil ça, il grince en présence des Aimé.


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