Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 1)

Chapitre 4 : Sakurassic Park

5153 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/04/2021 17:06

Episode 3.1 : Le musée.


Le car roulait depuis une demi-heure, et les élèves patientaient. Le dôme du muséum d’histoire naturelle leur apparut en contre-bas quand le véhicule sortit de la zone commerciale.

 - Vous savez pourquoi ils l’ont construit sous ce dôme de verre ? demanda Yvan.

Sandrine leva les yeux au ciel et sourit :

 - Pour faire parler les curieux ?

Il ne l’écouta pas et allait continuer quand monsieur Loren se leva, se tenant au porte-bagages, au plafond.

 - Ecoutez-moi, lança-t-il pour avoir l’attention de tous. Nous allons bientôt arriver. Nous n’allons pas entrer tout de suite, car plusieurs autres groupes vont suivre les guides. Je vous rappelle que vous serez libres jusqu’au déjeuner. Ensuite, nous nous retrouverons dans le hall d’entrée pour...

 - J’ai hâte d’y être, sautilla Sakura.

 - Moi aussi, confia Tiffany, pourvu qu’on ait le droit de filmer.

 - Y a-t-il des questions ? Il serait temps d’y penser, avant d’y être.

Personne ne répondit et il hocha le menton.

 - Bien, conclut-il en regagnant sa place où l’attendait monsieur Davy et une autre dame.

 - Alison, demanda Sonya, il y avait un musée dans la ville où tu vivais auparavant ?

 - Non, c’était plus petit, répondit sagement la jeune fille, de sa petite voix. On n’avait pas le métro non plus.

 - C’est loin d’ici ?

Alison s’était plutôt bien intégrée. L’épisode du bruit l’avait visiblement libérée d’un poids et elle prenait bien plus facilement la parole. Elle avait pris peur dans le bâtiment de classe et cela avait dû faire fuir la carte qui la hantait. Aussi, elle croulait sous le poids des questions. Beaucoup voulaient savoir comment elle vivait avant, où cela se trouvait, pourquoi elle était venue. Et Alison se prêtait assez volontiers au jeu des questions. Ainsi avait-elle déjà expliqué qu’elle vivait près de la mer et qu’elle avait dû partir car son père venait travailler à l’université. Peut-être connaissait-il le père de Sakura. Justement, celui-ci avait expliqué à sa fille qu’ils se croiseraient peut-être car il se rendait au muséum avec Linda Carmin, son assistante-stagiaire, pour rassembler quelques données sur son travail.

Le bus se gara dans les allées réservées et les premiers élèves se levèrent, impatients.

 - J’ai hâte de voir leur salle principale, fit remarquer Nadine. Ils ont réorganisé toutes les scènes de l’ère secondaire. Le Jurassique et le Crétacé, surtout.

 - J’en connais un qui doit bien se reposer, soupira discrètement Sakura.

 - Il a dit qu’il ferait des recherches, sourit Tiffany.

 - Tu parles...


 - Atchii ! éternua Kero, les yeux plissés de fatigue. Eh bé !! J’ai attrapé froid, moi ?

Il reposa la tête sur le drap et se rendormit aussitôt.


La file d’attente ne dura pas longtemps. On les recompta et on leur distribua des autocollants à placer sur leur vêtement pour pouvoir se promener librement dans le bâtiment. Tiffany arrêta une des hôtesses d’accueil et lui demanda si elle pouvait filmer. Mais on lui demanda de déposer son caméscope dans un vestiaire. Elle rejoignit Sakura et les autres, une moue boudeuse aux lèvres.

 - Bon, eh bien j’espère qu’il n’arrivera rien, haussa-t-elle les épaules, parce que sinon, je ne pourrai pas te filmer...

 - C’était pour moi que tu l’avais emmené ? s’étonna Sakura.

 - Ben oui, se mit à rire Tiffany.

 - Moi aussi, j’espère que la journée sera calme car dans un tel lieu, il pourrait y avoir de gros dégâts ! Tu te souviens de la carte de l’eau à l’aquarium?!

 - Vous venez les filles ? les appela Sandrine. Je voudrais rattraper Yvan avant qu’il n’embête les visiteurs.

Une fois leur petit groupe reconstitué, ils se dirigèrent vers les portes du hall principal. En s’approchant de l’entrée majestueuse, la salle se dévoila peu à peu à leurs yeux. Un large cercle au centre de la salle à deux étages constituait le socle d’une des scènes les plus fabuleuses. Un iguanodon avait été reconstitué en pleine course et pointait une patte vers la sortie, vers le groupe ébahi, fuyant deux gigantesques squelettes de tyrannosaures. Plusieurs reptiles volants étaient suspendus autour de la scène et semblaient prendre leur envol sous les pattes affolées du pauvre iguanodon pris en chasse.

Quand Sakura réussit à décrocher ses yeux de cette extraordinaire scène de chasse, elle remarqua les autres tableaux qui décoraient la salle circulaire. Quatre sur la gauche et quatre sur la droite. En face, enfin, derrière les deux lézards géants, un escalier se dédoublant pour atteindre les étages de gauche ou de droite où des panneaux indiquaient le nom d’autres salles.

 - Ouahou !! s’exclama Sonya.

 - Ca fait un peu peur, remarqua Alison.

 - C’est effrayant, ajouta Sandrine.

 - C’est génial !! se retourna Nadine, les yeux brillants. Ils ont fait des merveilles. On va par là-bas ? Ce sont les premiers animaux terrestres. Venez, allez !

Tous la suivirent. Ils la savaient intéressée par les reptiles préhistoriques, mais pas à ce point. Même Yvan n’osa pas placer une de ses hypothèses originales. Ils parcoururent ainsi la moitié de la salle, presque sans parler. Arrivée aux escaliers, pourtant, Sandrine proposa à Yvan de monter. Sonya et Alison les suivirent et Nadine continua sa visite de la salle principale.

 - Et dire que tous ces animaux nous ont précédés, soupira-t-elle en esquissant un croquis devant le premier tableau.

 - S’ils ont disparu, c’est peut-être qu’ils ne méritaient pas de vivre sur terre, proposa Sakura, un grand sourire aux lèvres.

 - Mais non, répondit directement Nadine sans la regarder. Qui pourrait bien en décider ?

Sakura leva un doigt vers le ciel et Tiffany sourit en voyant Nadine chercher au plafond de l’immense hall.

 - Mais non, la corrigea Sakura. Dieu !

 - Ah. Oui, peut-être.

 - Mais alors il serait temps qu’il punisse aussi les hommes, fit remarquer Tiffany. Parce qu’on en fait des cochonneries, nous...

 - Notre tour viendra, reconnut Nadine. C’est dans l’ordre des choses.

 - Vous croyez ? demanda Sakura, sceptique.

 - Tout à fait, répondit-on derrière elles.

Sakura sursauta:

 - Papa ? Tu es là...

 - Bien sûr, sourit-il.

 - Je suis avec Tiffany...

 - Bonjour monsieur, je suis heureuse de vous revoir.

 - Et je te présente Nadine, continua Sakura.

 - Bonjour monsieur Gauthier.

 - Bonjour les filles. Que pensez-vous du hall ?

 - Fantastique !! répondit aussitôt Nadine.

 - Je suis content que ça te plaise, Nadine. Ah ! se rappela-t-il. Ton frère rentre après-demain. Il m’a téléphoné ce matin.

 - Quoi ? déjà...

Tiffany comprit la peur qui animait cette remarque chez son amie. Peut-être avait-il appris quelque chose de grave... ?

 - Ca ne te fais pas pl...

 - Si, bien sûr que si !! se rattrapa-t-elle. C’est génial, même !

 - Bien, je crois que je me suis suffisamment absenté. Linda va me chercher partout. Nous nous verrons cet après-midi.

 - Oui, d’accord, acquiesça Sakura.

Il les quitta et Sakura vit Nadine s’éloigner. Elle se tourna vers Tiffany et son regard suffit à lui parler.

 - J’ai bien compris, oui, murmura Tiffany. C’est inquiétant, ce retour.

 - Qu’a-t-il découvert ?


Kero remua le museau et ouvrit un œil. Cette force... Là, tout près. Il bondit et vola vers la fenêtre. Puis vers l’autre. La force disparut aussitôt. On avait remarqué qu’il cherchait d’où provenait cette puissance. Qui le pouvait ? Et pourquoi être venu chez Sakura ? Kero fila dans le couloir et descendit jusqu’au rez-de-chaussée. Il parcourut la maison en fouillant le paysage du regard. Personne. Plus aucune trace de cette force.



Episode 3.2 : Les proies.


Monsieur Davy rassembla les élèves après le déjeuner dans une des salles secondaires. Les trois accompagnateurs expliquèrent que quelqu’un viendrait répondre à leurs premières questions. Mais en attendant, chacun devait repérer un animal, un squelette, un schéma ou un tableau et le reproduire pour constituer la frise préhistorique que monsieur Loren avait prévu de monter grâce à leur travail personnel.

Sakura grimaça en parcourant la salle où ils étaient seuls, aucun des autres visiteurs n’y ayant accès pour l’après-midi.

 - Tu as trouvé quelque chose que tu aimes ? demanda Tiffany en la voyant passer près d’elle.

 - Toi oui ?

En effet, sur le papier, les premiers traits d’un œuf de dinosaure étaient déjà tracés. Devant elles, une mère couvait ses œufs en surveillant les alentours.

 - C’est trop difficile pour moi, ça.

 - Mais non, essaie ! l’encouragea Tiffany. Commence par l’œuf, comme moi.

 - Mouais, grimaça Sakura en laissant filer le crayon sur le papier. On dirait un ballon, moi. Les iguanodons jouaient au foot, à cette époque-là ?

 - Aujourd’hui encore, plaisanta Tiffany.

On donna un coup de coude à Sakura et :

 - Viens voir, lui souffla Sandrine.

Elle suivit son amie jusqu’à la porte de la salle et aperçut Nadine, appuyée au balcon en granit, couchant sur le papier la scène de chasse, vue du dessus.

 - Elle a l’air d’aimer ça.

 - Oui...

 - S’il vous plaît, les appela-t-on.

 - Nadine, tu viens ?

 - Oui, oui, répondit celle-ci sans trop y faire attention.

 - Voici le professeur Gauthier, commença monsieur Loren.

Sakura s’approcha en souriant mais... quelle surprise ! Ce n’était pas son père.

 - Le professeur Gauthier...

 - Appelez-moi Maxime, l’interrompit l’homme.

 - Si vous voulez. Maxime se tient à votre disposition pour tous renseignements sur les œuvres que vous aurez choisies. Je vous rappelle que le dessin ne suffit pas, bien évidemment.

 - Et moi, s’inséra monsieur Davy, je vous aiderai pour certaines traductions des légendes.

Le père d’Alison ? Mais oui, Gauthier ! C’était le père de leur nouvelle amie. Sakura rejoignit discrètement la jeune fille et patienta un instant à ses côtés.

 - C’est ton père ? lui demanda-t-elle alors.

 - Oui, répondit-elle simplement.

 - Il travaille ici, lui aussi ?

 - Pourquoi lui aussi ? s’interrogea-t-elle. 

 - Vous avez des questions ? demanda Maxime Gauthier.

 - Mon père aussi, souffla Sakura.

Les bras se levèrent et l’homme en blouse entrouverte sourit. A ne pas en douter, la beauté de la fille venait de son père. Sa blondeur surtout. Le professeur faisait bien plus jeune que monsieur Davy ! Sakura chercha tout de même une trace de son père et aperçut au lieu de ça Tiffany qui sortait, rejoignant Nadine, toujours au balcon.

En approchant, Tiffany aperçut un papier aux pieds de la jeune fille.

 - Nadine, se pencha-t-elle pour le ramasser, tu as fait tomber ça...

 - Hein ? Pardon ? s’étonna-t-elle en jetant un œil au morceau de papier jaunâtre. Non, ce n’est pas à moi.

 - Ah bon ?

Tiffany le reprit et l’amena devant ses yeux. L’écriture semblait ancienne, en effet, et ne pouvait appartenir à Nadine.

 - Von Cagourat exitae Nominii. Cum Pax Terae, lut-elle. On dirait du latin... mais ça ne veut rien dire !

Nadine releva la tête en fronçant les sourcils.

 - J’ai rêvé, là ? se demanda-t-elle à haute voix.

 - Pardon, lui sourit Tiffany. Que dis-tu ?

La respiration de Nadine s’accéléra et elle fit un pas en arrière, sans lâcher le balcon. Sakura entrevit sa réaction et sentit un frisson lui parcourir la peau. Qu’arrivait-il ?

 - Quoi, Nadine ? lui demanda Tiffany.

 - Je rêve... Je rêve, tentait-elle de se convaincre. Il est plus haut...

Sakura arriva et se pencha sur le rebord. Plusieurs élèves s’étaient retournés dans la salle, intrigués par les paroles de leur amie.

 - Non, je ne rêve pas. Regardez !

Sakura et Tiffany cherchèrent en bas et se mirent à frissonner en voyant la colonne vertébrale d’un des tyrannosaures se redresser. Le monstre tourna la tête à gauche et à droite, et une femme hurla au rez-de-chaussée. Puis le crâne gigantesque se tourna vers les trois filles.

 - C’est... c’est une animation du musée, non ?

 - Mon caméscope, murmura Tiffany.

Mais déjà la foule se précipitait dehors. Les deux pattes énormes se soulevèrent l’une après l’autre et l’énorme reptile se secoua. Tout-à-coup, des muscles recouvrirent son corps et sa peau enveloppa toute son anatomie. Déjà l’autre bougeait. Tiffany et Nadine reculèrent tandis que les élèves approchaient.

 - Il faut sortir !! Vite, s’écria Nadine.

 - Sa peau... bredouilla Sakura. Pshiout ! articula-t-elle abasourdie.

Un terrible hurlement caverneux s’empara du hall et le monstre se mit à tourner sur lui-même.

Sans trop chercher à comprendre, les accompagnateurs rassemblèrent les élèves dans le fond de la salle dont la seule issue était l’étage dans le hall. Tiffany approcha de Sakura et celle-ci acquiesça.

 - Oui, je sais, murmura Sakura, on ne peut plus sortir.

 - Une carte ?

 - Oui, mais comment l’attraper ? la Création sûrement. Il ne faut pas qu’elle...

D’autres squelettes s’étaient animés et les tyrannosaures traquèrent l’iguanodon ressuscité et le coincèrent dans un coin. L’un d’eux y planta ses dents et déchira tout son dos. L’autre se pencha pour avoir sa part du butin. Le sang avait entaché les colonnes de marbre qui habillaient l’entrée principale et la foule du rez-de-chaussée avait heureusement réussi à fuir. Mais tout comme eux, des visiteurs se retrouvaient coincés à l’étage. Que faire ? Surtout pas utiliser la clef...

 - Sakura, ils vont s’échapper, fit remarquer Tiffany.

James Davy, posté à l’entrée de la salle, près de Sakura et Tiffany, semblait chercher une solution.

 - Je crois qu’il faudrait les distraire, suggéra-t-il, au moins pour faire sortir tous ces gens.

 - Comment... ? demanda Sakura. Que voulez-vous faire ?

 - Il faudrait inspecter les deux portes, là-bas, indiqua-t-il. Je vois que vous avez moins peur, voulez-vous m’aider ?

 - Bien sûr, affirma Sakura.

 - Ok... Je vais courir jusqu’à la seconde, allez à la première et cherchez une sortie.

Il fixait Sakura et il chercha ses mots.

 - Ou tout ce qui peut nous aider, conclut-il. Allez !

Ils se mirent tous trois à courir vers les deux portes et Sakura et Tiffany se glissèrent dans la première. Et refermèrent. Un cagibi...

 - C’est le moment de faire diversion avec tes cartes, lança Tiffany.

 - Oui... La carte de la Voix, va les attirer ailleurs.

 - Non, souviens-toi de l’écriteau, ils sont sourds... Ils ne se repèrent qu’aux mouvements.

 - Alors le sable ? Je ne peux tout de même pas appeler la carte d’ici...

 - Pour les chasser, alors.

Les chasser, c’était leur ouvrir la porte au reste de la ville... Mais il fallait sauver tous ces gens.

Sakura sortit sa chaînette et s’empara de sa clef. Elle réfléchit encore, puis tendit les mains en avant, paumes face à face, légèrement tournées vers le ciel, et ferma les yeux.

 - Clef du sceau Terrestre ! dit-elle en camouflant sa voix. Reprends ta forme originelle et accomplit ton devoir. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordooone !!

Le sceptre s’allongea devant elle et tournoya vivement avant qu’elle y pose une main, puis l’autre. Elle sortit une carte de sa veste et la lança. Elle rabattit le sceptre en arrière et le projeta en avant, l’arrêtant contre la carte.

 - Carte du Sable, expulse ces animaux d’ici !!

Le sable apparut et tournoya à leurs pieds. La porte s’ouvrit soudain :

 - Vous avez trouv... Sakura ?! Que fais-t...

Monsieur Davy reçut tout le sable dans la figure. Traversé par la nuée de grains de sable, il tomba au sol. Sakura jeta un œil à Tiffany, qui haussa les épaules. Elles sortirent à leur tour et tirèrent leur professeur jusqu’à la salle où les autres élèves attendaient, terrorisés. Dans le hall, les deux bêtes se battaient avec de l’air. L’une des deux se mit à hurler et heurta le mur d’enceinte. Dans un grand fracas, celui-ci vola en éclats et les deux reptiles s’échappèrent.

 - Vite, on peut sortir, annonça monsieur Loren.


Quand tout le monde fut dehors, l’horreur les paralysa. Les tyrannosaures s’en prenaient à tout ce qui leur passait sous le nez.

 - Ils ne font rien aux gens, remarqua Nadine, avant d’être amenée vers le car.

Sakura savait pertinemment qu’il ne fallait pas partir et laisser ces deux monstres ravager le quartier. La terreur atteignit son paroxysme quand plusieurs autres dinosaures jaillirent du muséum. Le troupeau incohérent s’éparpilla dans la jungle urbaine...

 - Sakura, monte... lui ordonna monsieur Loren.

 - Je... chercha-t-elle... je n’ai pas vu mon père, lança-t-elle. Il faut que j’aille voir si il est là.

 - J’y vais, la coupa monsieur Davy.

 - Non, je veux venir ! insista-t-elle.

Tiffany l’observait et priait pour qu’il l’accepte. Etrangement, il leva les yeux vers elle et elle lui fit signe d’accepter.

 - Bien... D’accord. Nous ne serons pas longs, lança-t-il au chauffeur. Viens Sakura.

Ils partirent en courant vers le bâtiment dont l’entrée était en ruines. Sakura songea qu’elle n’avait pas encore rappelé la carte du sable. Elle la sortit et laissa son professeur entrer.

 - Préviens-moi si jamais ils reviennent, lui cria-t-il en parcourant les salles.

 - Carte du Sable, bloque les issues du bâtiment !!

Le sable envahit alors l’entrée et s’éleva autour des morceaux de marbre.

Sakura devait les rappeler à elle.


 - Eh bien ! souffla Nadine dans le car, prêt à partir. Quelle histoire...

Tiffany acquiesça sans la regarder. Comment tout le monde allait accepter ceci ?

 - J’ai bien cru que c’était toi, ajouta Nadine, qui les avais réveillés... Avec cette phrase bizarre !

 - Quelle phrase ?

Le mot trouvé par terre... Elle le sortit et le relut à haute voix. Et si...



Episode 3.3 : Rêve ou réalité.


Kerobero bâilla et poussa son tiroir. Sakura se tenait assise sur le rebord de son lit, les cheveux en bataille et les yeux dans le vague.

 - Tu es déjà réveillée ? s’étonna-t-il.

 - J’ai mal dormi.

Son père l’appela dans la cage d’escalier, la prévenant que le petit déjeuner l’attendait dans la cuisine. Elle se leva mollement et inspira profondément, ce qui la fit bâiller. Elle ouvrit sa porte et descendit deux marches. Dominique passait devant l’escalier et se pencha vers sa fille :

 - Tu m’as l’air complètement endormie.

 - Tu te répètes, papa, bâilla encore Sakura. Tu me l’as déjà dit hier...

 - Peut-être, fit-il en se dirigeant vers la cuisine en enfilant sa veste. On se verra peut-être aujourd’hui.

 - Encore ? articula-t-elle en arrivant en bas des marches.

 - Ca va, ma puce ? s’inquiéta-t-il en quittant la cuisine. On se voit au musée, non ? Tu ne m’as pas dit que le père de ton amie y travaillait ?

 - Ben... demeura-t-elle perplexe.

 - Bon, alors je te le répète, lança-t-il de l’entrée en enfilant ses chaussures. Moi, j’y serai avec Linda Carmin, tu sais, la stagiaire.

 - Quoi ? se réveilla-t-elle.

Un court silence s’ensuivit et il repassa la tête dans le couloir pour la regarder fixement :

 - Tu es sûre que ça va ? Bon, à plus tard. Je file.

 - Au revoir, murmura-t-elle sans comprendre.

Le four sonna et elle se leva. Kero descendit alors derrière elle en s’assurant que Dominique avait quitté la maison.

 - C’est quoi, ça ? Tu attrapes des cartes, sans me le dire ? C’est sympa !! Dis aussi que je suis un fardeau !!

Kero se posa sur la table et laissa glisser la carte en respirant l’odeur sucrée des beignets.

 - Une carte ?!

 - Hmm... fit-il en découpant une part, la cuillère entre les bras.

La carte... Une femme masquée tenait à deux mains un éventail gigantesque qui semait dans le fond du paysage des parterres de fleurs multicolores, une forêt et un château dans le lointain. « Dream » était marqué en bas.

 - J’ai capturé la carte dans mon sommeil ?!

Sakura s’assit. Tout ceci n’était qu’un rêve ?

 - Moué, che te le dis, affirma Kero, la bouche pleine. Chétais bien un rêve. Quand tu rêves, tu ronfles.

Elle le poussa du revers de la main et il tomba au sol, la cuillère dans la bouche.

Il fit un bond et remonta sur la table. Sakura se servait une grosse part de beignet.

 - Eh ! Mange pas tout, on est deux !

 - Petit glouton, tu viens d’avaler trois des cinq beignets ! Je me sers !

 - Tu sais bien que j’ai besoin de manger ! Comme Yue, siffla-t-il. Mais lui, c’est pas grave, hein ?

Elle prit le dernier morceau et le mangea.

 - Au lieu de borler, il fallait monger, sourit-elle, la bouche pleine.

 - Méchante ! Je vais le dire à ton père !

 - Essaie donc, sourit-elle.

 - Et ben d’abord, je vais pas te dire que quelqu’un t’observait cette nuit.

 - Ah bon, tu ne me le diras pas ? s’approcha-t-elle.

Il fronça les sourcils et croisa les bras.

 - Nan... Fallait pas tout manger !

 - Tant pis, se releva-t-elle.


Tiffany n’en croyait pas ses oreilles.

 - Tu es sûre que tu l’as capturée dans ton rêve ?

 - Oui, assura Sakura, en rangeant ses patins dans son casier. Bon, je ne me souviens pas , mais la preuve est là ! clama-t-elle en montrant la carte.

 - Moi, ça ne me convient pas.

 - Tu sais, Tiffany, c’est bien assez difficile d’attraper ces nouvelles cartes, alors je ne vais pas me plaindre quand l’une d’elle est plus simple à avoir !

 - Trop simple, Sakura. Il faut se méfier, tu le sais. Et d’abord pourquoi un rêve prémonitoire ? Pourquoi ne pas avoir rêvé tout bêtement d’un château et d’une forêt, expliqua-t-elle en observant la carte du Rêve.

 - Justement parce qu’elles sont plus puissantes que les anciennes cartes...

 - Tu ne me convaincras pas comme ça, murmura Tiffany.

Elle rendit la carte à Sakura et toutes deux se dirigèrent vers la classe de math, où elles suivraient le seul cours de la matinée, puisque à neuf heures, le groupe quittait le lycée pour le muséum. Sakura rangea la carte et prit place. Des tyrannosaures, sourit-elle. C’était un rêve suffisamment effrayant pour être l’œuvre d’une de ces cartes ! Pourquoi Tiffany en doutait-elle ?


Le car roulait depuis une demi-heure, et les élèves patientaient. Le dôme du muséum d’histoire naturelle leur apparut en contre-bas quand le véhicule sortit de la zone commerciale.

 - Vous savez pourquoi ils l’ont construit sous ce dôme de verre ? demanda Yvan.

Sandrine leva les yeux au ciel et sourit :

 - Pour faire parler les curieux ? la devança Sakura.

Tous la dévisagèrent et monsieur Loren se leva.

 - Ecoutez-moi, lança-t-il pour avoir l’attention de tous...

 - Tiffany, chuchota Sakura. Tout est à l’identique... Vraiment tout. Mes rêves sont flous, vagues, d’ordinaire...

 - Il faut se méfier. Tu m’as bien dit qu’il y avait des tyrannosaures, c’est ça ?

 - Oui. Il faudra aussi poser ton caméscope à l’entrée.

 - Oh non ! grimaça-t-elle. Bon, attendons...


En s’approchant de l’entrée majestueuse, la salle se dévoila peu à peu à leurs yeux. Un iguanodon avait été reconstitué sur une scène centrale, en pleine course, et pointait une patte vers la sortie, vers le groupe ébahi, fuyant deux gigantesques squelettes de tyrannosaures. Plusieurs reptiles volants étaient suspendus autour de la scène et semblait prendre leur envol sous les pattes affolées du pauvre iguanodon pris en chasse.

Sakura prit son amie à part et commença à s’agiter :

 - D’ici deux à trois heures, ils vont s’animer... Ils vont tout détruire, expliqua Sakura.

 - Attends calme-toi, Sakura. Ecoute, ce n’est pas encore le cas.

 - La carte du Temps, se dit Sakura. Et si c’était...

Elle sentit à travers sa veste les autres cartes.

 - Il faut essayer.

 - Quoi ? Sakura, qu’y a-t-il ?

Sakura la dévisagea gravement. Puis elle se précipita vers les toilettes. Elle ne pouvait pas se permettre de laisser les choses aller comme c’était écrit. L’ordre des choses, entendit-elle encore Nadine lui dire, dans son rêve. Non, l’ordre des choses n’est rien... Elle gagna les toilettes et s’y enferma. Comme elle était seule, elle condamna la porte avec un balai appuyé contre le mur, et sortit sa chaîne. Il fallait agir de face, prendre la carte de vitesse.

 - Clef du sceau Terrestre ! s’écria-t-elle. Reprends ta forme originelle et accomplit ton devoir. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordooone !!

Elle empoigna le sceptre, sortit une carte de sa veste et la lança. Elle rabattit le sceptre en arrière et le projeta en avant, l’arrêtant contre la carte.

 - Carte du Rêve, si tu es une carte de l’éternel, envoûte toutes les personnes qui se trouvent ici... Que toute magie leur soit invisible !!

Un halo de lumière s’écoula de la carte et se répandit dans tout le musée. Le silence envahit un instant les lieux. Sakura quitta les toilettes et regagna le hall. Rien ne semblait avoir changé. Tiffany et Nadine s’approchèrent, se dirigeant vers là d’où elle venait. Elles la frôlèrent sans la voir. Sakura sourit, se plaça devant les deux squelettes et inspira profondément. Quelle force devait-elle capturer ? Le Temps ? La Création ? Elle brandit le sceptre devant elle, le rabattit en arrière et le projeta en avant, l’arrêtant dans le vide.

 - Carte de la Création, quitte la forme qui est tienne. Deviens Carte. Carte de l’éternel, cria-t-elle enfin.

Un léger vent souffla dans la salle, mais personne ne s’en soucia. Sakura, ne vit rien. Mais une force s’élevait vers l’étage.

 - Carte de la Création... Redeviens Carte de l’éternel !! hurla-t-elle, alors que des enfants s’arrêtaient près d’elle pour regarder le pauvre Iguanodon...

Soudain, une silhouette se dessina à ses côtés.

 - Que fais-tu Sakura ?

 - Lio... Lionel ?

Il était là ?! Depuis quand ? Il lui tendit les bras et elle jeta un œil vers le plafond où se concentrait la lueur.

 - Sakura, répéta Lionel. Tu ne veux plus de moi ?

 - Tu n’es pas...

Tiffany arriva des toilettes en courant. Sakura la vit chercher dans la salle. Elle conseilla à Nadine de chercher de son côté et approcha doucement.

 - Bien sûr que non, je ne suis pas là, affirma Lionel. Mais j’ai réussi ce contact car... Je... t’aime, Sakura !

Elle sentit ses mains trembler.

 - Sakura ! s’écria Tiffany, provoquant un effet de surprise dans le hall. Sakura, où que tu sois, concentre-toi sur la carte !!

 - Sakura ! l’appela Lionel. Je vais repartir... Serre-moi dans tes bras.

Les larmes envahirent ses yeux. Les monstres ou son amour ? La foule ou elle ?

 - Sakura, murmura encore Tiffany, comme si elle avait deviné où son amie se trouvait.

Elle ferma les yeux et secoua la tête. Elle avait décidé. Ses mains se resserrèrent sur le sceptre :

 - Carte de la Création, hurla-t-elle à pleins poumons, quitte la forme qui est tienne !! Deviens Carte ! Carte de l’éternel !!

La lueur vacilla et l’image de Lionel disparut. Le flot mystérieux regagna la carte et Sakura tomba à genoux au sol. Elle attrapa entre le pouce et l’index la carte qui arrivait vers elle. Le charme et la carte du Rêve s’évanouirent. Sakura apparut devant Tiffany. Personne ne l’avait vue. Tiffany se jeta à son cou.

 - Tu es géniale, Sakura.

 - Merci... s’effondra celle-ci.

Une silhouette s’accouda au balcon et récupéra un bout de papier inutile laissé à terre.

« Tu es rusée et déterminée, Sakura. C’est bien. Mais Tiffany t’a grandement aidée et elle ne sera pas toujours à tes côtés. Alors, prends garde ! » 

Laisser un commentaire ?