Il faut tenter de vivre ...

Chapitre 7 : Une nouvelle affaire

4927 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/12/2019 19:29

Pendant que Kaori était en rendez-vous avec Clare et avant de rejoindre son travail, Sayuri profitait du soleil déjà doux de ce mois de mars sur la terrasse de son appartement. Elle grimaça quand elle aperçut Makoto semblant se diriger vers la porte de son immeuble.


« Le voici donc de retour … après avoir boudé pendant une journée complète, il se décide à réapparaitre … »


Sayury songea que maintenant que Kaori avait retrouvé la trace de Ryo, il serait souhaitable que ce comptable ennuyeux et jaloux disparaisse de la vie de sa jeune sœur. Mais ce n’était pas à elle de décider de la destinée amoureuse de cette dernière. C’est donc en forçant son sourire qu’elle accueillit son futur beau-frère.


Makoto ne remarqua pas que la jeune femme semblait mal à l’aise. Il regarda autour de lui surpris certainement de ne pas voir apparaître Kaori. Il fronça ses sourcils et s’enquit d’une voix grave et énervée :


-    Où se trouve-t-elle ?


-    Bonjour Makoto, ravie que tu sois revenu de ta fugue, je pense que Kaori te cherche…mentit-elle avec aplomb.


-    Evidemment, s’adoucit le jeune homme, elle devait être morte d’inquiétude.


-    Je crois effectivement que c’est une bien mauvaise blague que tu nous as fait là…


-    Elle a dû passer une nuit épouvantable, continuait Makoto sans tenir compte de l’intervention de sa belle-sœur, j’espère que tu l’as rassuré.


 


La jeune femme contempla rêveusement ce jeune homme qui semblait se réjouir que celle qu’il aime se soit morfondue toute une nuit à l’attendre.


« Si tu savais mon pauvre, Kaori à passer toute une partie de la nuit dernière à me parler de Ryo… » Songea-t-elle non sans satisfaction.


Au même moment, la clé tourna dans la serrure. Kaori apparut échevelée et visiblement furieuse.


Makoto ouvrit ses bras et s’écria :


-    Ne t’inquiète plus mon cœur, je suis rentré et …


Le pauvre ne put terminer sa phrase : une mini massue vint achever sa course contre son front.


-    Ça t’apprendra à disparaître sans prévenir, lui souffla « gentiment » sa fiancée en passant à côté de lui.


Le jeune homme était estomaqué, en l’espace de 24 h, sa douce et gentille Kaori s’était transformée en une petite furie ambulante, il ne la reconnaissait plus.


Dans la demi-heure qui suivit, les deux jeunes femmes regardèrent Makoto s’affairer autour de sa valise. Enervé au plus haut point, il avait décidé de rentrer au Japon sans tarder. Avant de passer la porte de l’appartement, il s’adressa à Kaori :


-    Je pense que nous devons réfléchir calmement chacun de notre côté à cet engagement que nous avions pris ensemble, car je ne suis plus si sûr que ce soit une bonne idée.


-    Moi non plus à vrai dire… lui confia Kaori.


 


Il la regarda médusé et sortit de l’appartement en claquant la porte.


 


Kaori se retourna alors lentement vers sa sœur :


-    Je ne sais pas si c’est normal mais je ressens simplement du soulagement.


 


Sayuri ne put s’empêcher de rire doucement devant l’air étonnée de sa sœur.


 


-    Je crois que tu viens d’éviter un mariage calamiteux. Bon et si nous réfléchissions plutôt à un plan d’attaque pour retrouver ce lâche de Saeba. Qu’en penses-tu ?


-    Mais c’était exactement mon intention ! Cela ne te dérange pas si je m’incruste chez toi quelques temps ?


-    OH NON ! Au contraire … mais ne devrais-tu pas prévenir Miki ?


-    Je t’avoue que j’ai un peu peur de lui parler, nous nous sommes séparées plutôt en froid.


-    Je suis sûre qu’elle serait très intéressée par les derniers événements qui sont survenus dans ta vie, ajouta Sayuri avec un clin d’œil.


-    Tu as raison, pouffa sa sœur, je ne connais pas quelqu’un de plus friand de ce genre de ragot que Miki.


Attendant une heure décente pour appeler au Japon, elle passa une partie de matinée au téléphone avec sa meilleure amie et patronne qui s’empressa de lui donner un congé illimité.


-    Oh si tu savais comme cette histoire me semble prometteuse, se réjouit Miki. Et j’aurais tellement aimé voir la tête de Makoto quand tu lui a balancé une massue en guise de retrouvaille.


-    Arrête je me sens assez minable sur ce coup là … Après tout ce n’est pas de sa faute si je ne suis pas suffisamment amoureuse de lui.


-    Non, certes, mais je ne suis pas sûre que tous les torts soient de ton côté. Umi qui a tout écouté m’a dit …


-    Comment cela il a tout écouté ?


-    A vrai dire dire, j’avais mis le haut-parleur et …


-    MIKI !!!


-    BREF ! Falcon me dit que tu as intérêt à retrouver ce gros bouffon de Ryo et le ramener ici par le caleçon rapidemment.


Kaori ne put s’empêcher de rire, et elle ajouta :


-    Merci Umi, et bonjour.


Mais elle entendit non pas un mais trois saluts en retour.


-    MIKI ! Combien de personnes écoutent notre conversation ?


-    Et bien je dois avouer que Mick et Kazue sont arrivés dans l‘intervalle et donc …


Mick l’interrompit et cria à l’intention de Kaori :


-    Kao ? Tu diras à Ryo que je suis devenu le nouvel étalon de Shinjuku, et que si ce vantard souhaite reconquérir son titre, il a intérêt à se ramener rapidement !


-    MICK !!! cria Kazue.


Kaori raccrocha au nez de ses amis, mais il fallait reconnaître qu’ils avaient bien réussi leur petite mise en scène : ils lui avaient redonné le sourire.


Au moment où elle raccrochait le téléphone, ce dernier se remit à sonner. C’était Sayuri surexcitée.


« Kaori, ma chérie, je crois que j’ai déjà retrouvé la trace de Ryo ! »


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Jeudi vingt-sept  Mars – Dix heures du matin


Sayuri Tachiki était une jeune femme de trente ans plutôt pragmatique. Après avoir longtemps travaillé à New York en tant que chef de rédaction d’un mensuel économique, elle s’était lassée et avait choisi de retrouver un poste de terrain. Elle travaillait pour un hebdomadaire très réputé de LA en tant que journaliste d’investigation. La spécialité de Sayuri était les affaires criminelles. Elle s’était faite une solide réputation dans ce domaine.

Si sa vie professionnelle la comblait, il n’en allait pas de même de sa vie sentimentale. En rencontrant sa jeune sœur quelques années auparavant, elle avait pris conscience que l’amour vrai entre deux personnes pouvait exister. Ce n’était pas une chimère. Depuis ce jour, elle souhaitait ardemment rencontrer un homme qui lui inspire les mêmes sentiments que Kaori et Ryo éprouvaient l’un pour l’autre. Evidemment, c’était une quête ardue, et elle n’osait trop y croire. La nouvelle de leur séparation avait ébranlé ses certitudes, mais tout comme elle savait que ces deux-là finiraient leurs vies ensemble, elle ne désespérait pas de vivre elle aussi un grand amour.

Ce matin-là alors qu’elle venait de quitter sa jeune sœur, la journaliste reçut un ordre de mission très ennuyeux : elle devait se rendre de toute urgence auprès d’une jeune actrice récemment récompensée aux oscars. N’ayant pas l’habitude de couvrir les événements mondains, Sayuri se montra de fort mauvaise humeur en apprenant la nouvelle.


Will son chef de rédaction, lui expliqua, que Cassia Dormant, fraîchement lauréate de  l’oscar du « meilleure second rôle féminin » avait reçu d’étranges menaces, et qu’elle  venait d’échapper de justesse à un mystérieux attentat. Sa voiture avait été prise pour cible  par un camion sur une portion de route particulièrement dangereuse. Elle ne devait la vie sauve qu’à la présence d’esprit de son nouveau chauffeur qui était de toute évidence un as du volant.

Sayuri, qui avait vaguement entendu le récit de cet événement  le matin même à la radio, se redressa immédiatement sur son siège.


Will se tenait debout face à une baie vitrée qui s’ouvrait sur la ville. Même de dos, il l’impressionnait énormément. Doté d’un charisme hors du commun, Il était très certainement l’homme le plus remarquablement séduisant qu’elle n’eut jamais rencontré. Il se dégageait de lui un tel magnétisme, une telle … OH ZUT … elle avait toujours du mal à garder les idées claires quand il lui parlait en tête à tête. Ses pensées se brouillaient d’idées complètement crétines du genre : « Même ses sourcils sont sexy ».

Navrant ….

De son côté, Will avait toujours adopté une attitude très professionnelle à son égard. Aucun regard échangé n’aurait pu la laisser espérer que la moindre romance était envisageable entre eux. Et puis c’était tout de même son patron. Mais un patron divorcé et … Ah, il le regardait comme s’il attendait une réponse. Et elle n’avait aucune idée de ce dont il venait de lui parler.


Redevenant professionnelle, elle préféra répondre par une question :

- Comment suis-je censée approcher cette jeune personne ?

Son chef de rédaction l’observa avec un petit sourire amusé, nul doute qu’il n’était pas dupe.

- Eh bien, comme je venais de te le dire, humm, la semaine dernière elle a accepté que notre magazine la suive durant ces quelques jours. Au début, je comptais envoyer Maya, mais vu la tournure des événements, je me suis dit qu’une spécialiste en affaire criminelle, comme toi, serait un choix plus judicieux.

- J’ai peine à croire, que son attaché de presse ait confirmé cette interview, au vu de ces événements justement.

- Il semblerait que la demoiselle ait les dents longues. Elle doit s’imaginer  que cela lui fera une pub d’enfer. A vrai dire, son agent nous a confié qu’elle est en passe d’obtenir le premier rôle féminin du prochain  film de Casper Tardan. Elle est en concurrence avec la jolie Adélie Bertram.

- Tu ne penses tout de même pas, que Cassia pourrait être à l’origine de ses propres menaces ?

- Tout est envisageable, non ? Cela  pourrait rendre les membres du casting plus enclins à la favoriser … Cependant, je n’y crois pas vraiment ! Elle a vraiment failli mourir hier, et elle ne doit son salut qu’à l’intervention magistrale de son chauffeur.

- Oui … enfin j’ouvrirai l’œil tout de même, il pourrait être également dans la combine.

- Dois-je en déduire que tu acceptes ?

- Ai-je le choix … soupira-t-elle.

Son patron se pencha pour lui faire un clin d’œil :

- Pas quand on est la meilleure.

Sayuri, toute rougissante, sortit du bureau.


C’était bien la première fois que son patron esquissait un geste tendre envers elle.

Enfin, si on considérait qu’un clin d’œil était un geste tendre évident. Pour un homme qui avait une solide réputation de Don Juan, cela ne voulait certainement rien dire, mais …

- Sayury ? L’interpella Will, tu as à nouveau le regard dans le vague !

- Ah oui, pardon.

- Je viens de contacter l’agent de Cassia, tu as rendez-vous avec elle au Four Saison dans une heure. A priori, il lui a trouvé le meilleur garde du corps de LA. Et Fun Fact : c’est un de tes compatriotes. Tu le connais peut-être ? Héhé.

- Cette remarque est vexante ! Je ne connais pas tous les Japonais qui vivent ici !

Will eut l’air gêné, mais elle s’empressa de rajouter :

- Enfin, il est tout de même probable que je connaisse celui-ci. Et même, je le cherchais justement.

La tournure de cette affaire était de plus en plus prometteuse, elle contacta rapidement sa petite sœur, puis s’en alla le cœur léger à son rendez-vous.


Dans  la suite du « Four Saison » Sayuri fit la connaissance de la jeune vedette. C’était une femme très sure d’elle. Sayuri fut impressionné par la chevelure de la jeune femme : d’un noir ébène et ondulé jusqu’au bas de son dos. Son visage aux traits racés était agrémenté de deux yeux bleus verts fascinants. Cassia connaissait parfaitement son pouvoir de séduction, et Sayuri pressentait qu’elle savait parfaitement manipuler les gens, les médias notamment.

Ce sera plus difficile avec moi, pensa la jeune journaliste.

Cassia lui expliqua, qu’elle souhaitait que Sayuri l’accompagne dans tous ces déplacements du week-end : avant-première, week-end à la campagne, soirées …

- Je pensais qu’au vu des événements récents, vous auriez restreint vos engagements.

- Oh, confia la jolie actrice, en haussant les épaules, c’est exactement ce à quoi s’attend le fou furieux responsable de ces incidents. Et puis je dois reconnaître, que mon agent m’a trouvé un garde du corps fantastique !

Elle leva les yeux au ciel :

-Bon, c’est un véritable obsédé, mais … je produis beaucoup d’effet sur la gente masculine, alors je suis quelque peu habituée …

Sayuri ne releva cette preuve supplémentaire de narcissisme, mais elle songea plutôt que le doute concernant l’identité de son garde du corps se confirmait. Des bodyguards  japonais et obsédés notoires ne couraient pas les rues.

- Puis-je vous demander où se trouve cette merveille actuellement ?

- Je crois qu’il est devant ma porte, même si je ne risque pas grand-chose ici. En tout cas, j’espère qu’il n’est pas dans ma chambre à coucher : figurez-vous que ce matin, je l’ai retrouvé fouillant dans mes petites culottes…

La menace se précise, pensa la jeune journaliste, tout en imaginant Ryo nanti d’un soutien-gorge en guise de serre tête.

Tout en se débarrassant de la libellule qui venait de finir sa course sur sa tête, elle demanda :

- Je suppose qu’il s’appelle Ryo ?

- Oui, vous le connaissez surement, il est japonais comme vous.

Il fallait se rendre à l’évidence, pour les californiens : deux japonais vivant à Los Angeles se connaissaient forcément …


Sayuri s’enquit ensuite de ce qui motivait sa présence ici : les menaces qui pesaient sur Cassia. Cette dernière lui confia avec empressement toute l’histoire.

Depuis plusieurs mois, elle recevait des lettres signées Patrick. Cet homme lui demandait expressément de mettre un terme à sa carrière d’actrice. Il ne supportait plus de voir sa star préférée s’exposer dans tous les magazines, et il semblait penser que Cassia et lui étaient fiancés.

- Un cas classique d’érotomanie, l’interrompit Sayuri.

 - Exact, et dans ce métier, nous ne faisons guère attention à ce genre de lettres.

Cependant, depuis sa nomination aux oscars, et la médiatisation accrue de la jeune femme, les menaces devenaient plus précises. Il couchait sur les papiers ses envies de meurtre. Voir « son diamant » ainsi exposé aux yeux de tous semblait le rendre fou.


Néanmoins la menace ne semblait pas diriger directement contre elle, et là encore elle l’avait minimisé, jusqu’à l’avant-veille, quand le camion avait souhaité anéantir sa limousine.

La porte du salon laissa passer un homme d’une trentaine d’année. Il aurait pu être très beau, si les marques d’un certain mode de vie ne vieillissaient prématurément les traits de son visage.

- Axel, gazouilla Cassia,  je voudrais te présenter à la journaliste de ce grand magazine new-yorkais, qui a décidé de faire un reportage sur moi. Sayuri, je vous présente mon grand frère Axel.

- Enchanté, grinça celui-ci, puis se détournant aussitôt vers sa sœur, il ajouta :

- Je pourrais te parler en privé ?

-Oh … eh bien, je suppose que cela ne dérangera pas Mlle Sayuri.

D’un signe de tête, la journaliste leur donna son assentiment. Les deux jeunes gens se retirèrent dans ce qui semblait être la chambre de la suite.


Mue par une curiosité toute professionnelle (enfin, c’est ce dont elle se persuada), la jeune femme se rapprocha de la porte qui séparait les deux pièces. Elle crut vaguement comprendre que le bel Axel désirait un petit peu d’argent de poche.

En grimaçant, Sayuri imagina sans peine, l’utilisation de l’argent ainsi demandé. Les penchants du frère de la star se lisaient sur son visage.


Avant de prendre congé, Cassia demanda à la journaliste de l’accompagner dès le lendemain à une avant-première d’un film où elle tenait le rôle principal, puis samedi chez un riche ami, qui l’avait invité à passer la fin de semaine dans son ranch sur les hauteurs d’Hollywood.

- Eh bien, je pensais profiter du week-end pour passer du temps avec ma sœur qui est de passage aux Etats-Unis, et dont c’est l’anniversaire Dimanche.

Cassia balaya l’objection d’un revers de main.

- Il est probable, que vous n’ayez à vous consacrer qu’à moi, ces jours-ci. Mais vous pourrez demander à votre sœur de vous accompagner. Je suis certaine que cela ne dérangera pas mon ami Andy. Rajouter simplement son nom sur la liste des invités. Mon agent ne devrait pas tarder, vous verrez cela avec lui.

Sayuri, que ces propos agacèrent prodigieusement, ne put qu’acquiescer. Elle sortit du salon en grommelant. D’ordinaire ses reportages ne l’amenaient pas à côtoyer des jeunes stars capricieuses, elle allait devoir composer avec.


En pénétrant dans le vestibule, elle ne vit pas tout de suite la silhouette qui était appuyé sur un pan du mur.

- Elle n’est pas facile, hein ? lui confia-t-on en japonais.

Sayuri sursauta puis esquissa un sourire.

- Ryo, charmée de te revoir, dit-elle en se retournant doucement.

Elle écarquilla soudain les yeux, en voyant le jeune homme  se précipiter sur elle tel un obus volant , elle n’eut que le temps de lui envoyer son sac à main entre les dents.

-Imbécile, s’écria-t-elle, tu ne changeras donc jamais ?

-Pas fraiment , tu fais … on ne se refait pas.

Attirée par le bruit, Cassia souleva le rideau de séparation.

- Ah vous aussi ? Décidemment, c’est un danger public.

- Ne vous inquiétez pas, je sais manœuvrer ce genre d’individus.

-Ryo pouvez-vous raccompagner Mlle Tachiki, je vais bientôt devoir sortir et … j’aimerais me changer en paix rajouta-t-elle doucement à l’intention de la japonaise.

-  Avec plaisir répondit cette dernière, j’ai justement quelques questions à lui poser !


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Jeudi vingt-sept Mars – Midi


Ryo et Sayuri étaient attablés dans le bar du « Four saison ».

- Je ne savais que tu faisais dans le mondain maintenant, s’enquit-il.

- Non, gronda-t-elle, je m’intéresse surtout aux menaces qui pèsent sur elle. Crois-tu que ce soit sérieux ?

- Eh bien, je ne pense pas que l’auteur de ces lettres soit réellement dangereux, mais je sens une autre menace autour d’elle.


Sayuri prit bonne note des considérations de Ryo. Elle connaissait son professionnalisme.


Après un verre, le nettoyeur aborda le sujet qui lui tenait à cœur :

- Comment se porte Kaori ? J’ai cru comprendre qu’elle était fiancée.

Sayuri hésita un court instant puis finit par lâcher méprisante :

- Oui, effectivement. A un … charmant jeune homme.


Ryo prit un air inspiré et agita son petit doigt sous le nez de Sayuri :

- Il était temps, à presque trente ans … C’est déjà bien que quelqu’un veuille se charger de cette furie ambulante.


La jeune femme, qui lui faisait face, serra les poings. Mais elle connaissait suffisamment Ryo, pour savoir que ses paroles n’étaient qu’une façade masquant ses véritables sentiments. Elle savait que lui aussi souffrait de la situation. Enfin elle le supposait … Vu qu’en ce moment même il reluquait de façon consternante la serveuse du bar.


En soupirant, elle reprit la parole en se masquant le visage d’une main :

- J’en profite pour te faire savoir que ton attitude la concernant est affligeante. Ne pas vouloir la revoir … Tu sais, elle a beaucoup changé, depuis que tu es parti … Elle n’est plus aussi … agressive ! Enfin, ajouta-t-elle avec un regard par en-dessous, il faut aussi reconnaître que la source de son agressivité a disparu de son champ de vision !

- Minute, dit Ryo en continuant d’agiter l’index, je l’ai vu hier soir faire joujou de sa massue sur son fiancé.


Sayuri bondit sur ses pieds. Tendant le doigt vers le nettoyeur elle s’écria :

- HA HA tu refuses de la voir mais, tu ne te gênes pas pour l’espionner, C’EST DU JOLI, tiens !


Ryo se mit debout à son tour :

- Ce n’est pas ce que tu crois, JE M’ASSURAIS QUE …

Soudain il se figea, tous ses sens en alerte. La porte du palace venait de s’ouvrir derrière lui.

Il vit Sayuri esquisser un demi-sourire.

- Evidemment quand j’ai su que Cassia avait un garde du corps japonais et obsédé, je me suis permis de prévenir Kaori que nous avions une piste très sérieuse te concernant, et je lui ai même demandé de me rejoindre ici. Cela ne te dérange pas je présume ?

Le nettoyeur se retourna très lentement, les battements désordonnés de son cœur ne lui laissaient aucun doute sur l’identité de la personne qui se tenait à quelques mètres derrière lui.

La première chose qu’il vit d’elle fut son regard. Ses yeux noyés de larmes.

Il en fut bouleversé.

Elle était belle. Bien sûr qu’elle était, malgré la mauvaise foi dont il avait toujours preuve à son égard, elle l’avait toujours été. D’ailleurs, il suffisait de voir les regards intéressés des hommes du bar pour s’en persuader.

Mais lui savait.

 Il savait que son âme était encore plus belle. Il se demandait souvent comment un ange comme elle avait pu tomber amoureuse d’un être aussi sombre que lui.

Avec beaucoup d’émotions, il la vit esquisser un pas vers lui, puis franchir les derniers mètres en courant :

-          RYO !!!

Il ouvrit les bras, pourtant ce n’est pas le visage de Kaori qui s’abattit contre sa poitrine.

Mais une massue de dix Tonnes …


Plusieurs corbeaux firent une danse de la victoire au-dessus de la tête du nettoyeur ...


-          AHHHHH, cela va mieux, fit notre héroïne en se frottant les mains. Deux ans que j’attends avec impatience le moment de nos retrouvailles.

Les clients de cet hôtel chic étaient estomaqués. Ryo se dégagea tant bien que mal de l’obus intitulé  Sanction divine.

« Quand je pense que je la comparais à un ange une seconde plus tôt, j’ai la mémoire courte » songea-t-il in petto.


-          Ta fœur m’a dit que tu afais fangé mais tu es toufours auffi folle furieuse !!!

-          LA FAUTE A QUI ??? Deux jours que je te piste, cette fois tu ne m’échapperas pas.


Sur ces entrefaites, entourées de son armée personnelle, Cassia fit son apparition :

-          Ah Ryo, j’ai rendez-vous pour déjeuner, je souhaiterais que vous m’accompagniez !

Redevenant aussitôt sérieux, Ryo s’adressa à Kaori

-          Je crois que je vais t’échapper encore cette fois : nous allons devoir reporter nos retrouvailles Sugar Boy, fit-il en esquissant un clin d’œil à son ex-partenaire.

Kaori se figea, estomaquée par l’emploi de ce diminutif si intime.

De son côté, Cassia ajouta à l’intention de Sayuri :

« Mon agent va venir discuter avec vous des modalités de notre week-end, Mademoiselle Tachiki ,  je vous attends donc demain soir pour l’avant-première de mon dernier film, j’ai déjà réservé une chambre à votre nom dans cet hôtel ! Ah et demandez-lui pour que votre sœur nous accompagne chez Andy ! »

Alors que Ryo s’éloignait non sans un dernier regard lourd de non-dits entre Kaori et lui, et que cette dernière s’abattait dépitée sur une chaise du bar ; Sayuri fit connaissance avec l’agent de la jeune actrice : Nick Glat.

C’était un bel homme d’une trentaine d’année, un peu dragueur, un peu facétieux, très séduisant en tout cas se dit la jolie journaliste. Ce dernier assura qu’il n’y aurait aucune difficulté à ajouter Kaori sur la liste des invités d’Andy MacGlass pour ce week-end.

Elle en profita pour lui poser une question concernant la vie privée de la jeune star :

-          Qui a engagé ce chauffeur merveilleux qui a sauvé la vie de Cassia ?

-          Et bien je crois que c’est un ami de son frère. Une vraie providence, n’est-ce pas ?

-          Oui, c’est bien le mot sourit Sayuri.

A mon avis cette affaire ne sera pas très compliquée, se dit-elle avec satisfaction.

De son côté, Kaori était désespérée … Il était si proche d’elle quelques minutes auparavant, elle aurait pu se réfugier dans ses bras et oublier ces presque deux années de séparation. Au lieu de cela, elle avait encore utilisé sa fichue massue … Elle avait longtemps cru qu’elle ne pourrait plus jamais retrouver la chaleur de son corps contre le sien, et alors que ce rêve était de nouveau accessible, elle l’avait frappé. Quelle idiote …

Les deux sœurs se retirèrent une demi-heure plus tard. Elles avaient quelques achats à faire car Dimanche aurait lieu une splendide réception chez le fameux Andy.

-          Il faut que tu sois la plus belle ce week-end pour éblouir Ryo, dit Sayuri en esquissant un clin d’œil. Ce qui m’ennuie, c’est de t’imposer mon travail pour ton anniversaire …

Le regard grave de sa sœur l’empêcha de continuer.

-          Ne t’en fais pas Sayuri, j’ai toujours eu des anniversaires particuliers. Souvent tristes, c’est vrai. Mais le dernier a été vide de sens. Celui-ci devrait mieux me convenir.

ET surtout je le passerai avec Ryo, songea-t-elle en retrouvant un semblant de sourire.

Dans un taxi à quelques rues de là, Ryo songeait au visage noyé de larmes de Kaori.





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