Il faut tenter de vivre ...

Chapitre 8 : Les menaces se précisent

6486 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/01/2020 15:47

Jeudi vingt-sept Juin – vingt heures

Avant-Première du film « Les yeux du Dragon »  Hollywood Boulevard.


Ryo suivait des yeux la progression de sa cliente le long du tapis rouge. Elle s’arrêta de longues minutes afin de se faire photographier. Elle était au bras de son frère dans une longue robe noire très échancrée, que son garde du corps observait avec beaucoup d’attention. Elle rayonnait. Son frère au contraire semblait tendu. C’est étonnant songea Ryo qu’elle soit aussi peu consciente du danger potentiel de ce genre de sortie.


-          Pfff, je me demande ce qu’elle a dans le crâne cette fille, s’énerva Sayuri à ses côtés, sa vie est menacée et elle parade comme si de rien n’était. Qu’en penses-tu Ryo ?

Il regarda très sérieusement la jeune femme puis son regard dériva vers l’actrice :

-          Oui … Mais si elle ne le faisait pas, elle serait coupable de …

La bouche de Ryo forma un cœur :

-          Ne pas montrer une paire de jambes aussi divines, Rhhh Rhh Rhh

Une mini-massue « Crétin ! » vint le frapper  en plein milieu du front.

-          Oups, excuse-moi, grommela Sayuri, Kaori m’a passé quelques massues avant que je ne sorte, celle-ci a dû m’échapper …


L'imprésario de la star, Nick Glatt, vint les rejoindre en bord de tapis rouge. Il observa quelques instants sa jeune vedette se faire photographier, puis se tourna vers Sayuri :

-          Tout se passe comme vous le souhaitez, Mademoiselle Sayuri ?

Ryo observa avec étonnement la façon dont cette dernière rougissait légèrement en discutant avec l’agent de Cassia. Puis soudain, tous ses sens furent mis en alerte.

Un sniper.

Un sniper avait Cassia dans sa ligne de mire. Bousculant deux autres couples, il se rua vers sa cliente et son frère, et les précipita à terre. La balle vint se loger dans le mur de publicité qui une seconde plus tôt se trouvait derrière les deux jeunes gens. Un mouvement de panique commença à se créer autour d’eux. Il mit ses protégés à l’abri et dut se rendre à l’évidence : il ne pourrait remonter jusqu’au tireur. Il s’était placé au sommet d’un immeuble voisin que Ryo avait repéré avant l’arrivée de Cassia. Mais le temps de parvenir jusque-là, le tireur se serait déjà enfui. La foule était trop dense et surtout affolée. Au moins, leur agresseur ne tenterait plus rien ce soir.


Sayuri retrouvait déjà son professionnalisme pour interroger Ryo :

-          Crois-tu qu’il s’agit du fameux Patrick ?

Ryo ricana :

-          L’amoureux transi ? Non, ce n’est pas le tireur. Ce sont des professionnels que nous avons face à nous. Reste à savoir ce qu’ils recherchent …


Il se tourna vers Nick, qui semblait totalement déboussolé :

-          J’avoue que je n’analyse pas ce qui vient de se passer. C’était une vraie balle ?

Ryo soupira.

-          Evidemment, on n’est pas au laser game. C’est bien parce qu’elle est menacée que vous m’avez engagé, n’est-ce pas ?

-          Ou …oui, mais tout de même, je ne m’attendais pas à …

-          Ne vous en faites pas, glissa Sayuri, elle a le meilleur garde du corps qui soit et … RYO !!!


Elle regarda désespérée le nettoyeur « réconforter » une assistante de Nick visiblement affolée :

-          Je vois que vous êtes effrayée, susurrait Ryo, n’ayez peur avec moi tout se passera bien, si vous voulez dormir avec moi ce soir, je … ARGGGHHHHH

Il ne put terminer sa phrase, car Sayuri avait attrapé son col par derrière et le traînait jusqu’aux loges.

-          Je te signale que la personne que tu dois protéger se trouve là-bas.


Effectivement, l’actrice était à l’abri, et tout le monde s’affairait autour d’elle pour qu’elle puisse rejoindre au plus vite sa chambre d’hôtel. Ryo et Sayuri l’accompagnèrent dans la limousine qui la ramenait.

-          Et voilà, soupira-t-elle, une soirée bien gâchée …

Sayuri la regardait perplexe :

-          Cela ne vous affole pas ?

-          J’ai un excellent garde du corps, non ? dit-elle en coulant un regard langoureux à Ryo. J’ai été fascinée par la maîtrise de votre intervention.

Ce dernier déglutit péniblement et émit un petit rire gêné (rire que Sayuri qualifiait juste de « débile »)



***

23h – Chambre de Cassia


-          Nick ? Peux-tu demander à mon garde du corps de venir me rejoindre ? Je serais plus tranquille s’il dormait dans ma suite cette nuit.

-          Bien sûr ! C’est ce que nous avions déjà convenu avec lui. Il s’est d’ailleurs montré très empressé quand je lui ai fait cette requête.


Ryo et Sayuri discutait âprement dans le couloir devant la chambre de Cassia :

-          Je ne sais pas si c’est très professionnel de veiller sur Cassia uniquement vêtu d’un caleçon Ryo !

-          Oui, mais c’est mon caleçon porte-bonheur : celui à cœurs rouges. Je pense que ma cliente saura apprécier ELLE.

Sayuri se prit la tête entre ses deux mains, puis la releva subitement l’œil maléfique:

-          Que dirais-tu si j’invitais Kaori dès ce soir à partager ma chambre ? Je  risque de peu dormir car j’ai déjà un billet à écrire pour l’édition de demain, je suis sûre qu’elle serait ravie de me tenir compagnie et qu’elle en profiterait pour venir t’épauler.

Le visage de Ryo devient grimaçant :

-  Tu n’oserais pas !

- Tu crois peut-être que je vais me gêner. Le temps de repasser dans ma chambre et de décrocher le téléph…

- TRES BIEN ! Ryo-Chouchou va se rhabiller mais le chantage c’est moche.

La porte de Cassia s’ouvrit brusquement et Nick regarda éberlué Sayuri et le garde du corps … en caleçon … à cœurs rouges.

-          MAIS que se passe-t-il ici ?

Sayuri devint pivoine et bredouilla qu’elle avait cru entendre des cris dans le couloir et qu’aussitôt Ryo était venu l’aider et que …

-          Je ne vous savais pas si intime vous deux dit le jeune agent, j’avoue être un peu déçu ajouta-t-il en regardant la japonaise.

-          MAIS PAS DU TOUT cria Sayuri vous vous trompez complètement et …

Elle ne put terminer sa phrase car Ryo bondissait déjà dans la chambre de l’actrice:


-          Me voilà Cassia !!!

Si la jeune actrice fut quelques peu éberluée de voir son garde du corps entrer dans sa chambre en caleçon et … en volant, elle se reprit bien vite en lui tendant une coupe de champagne.

-          Et bien quelle tenue ! Vous êtes plutôt du genre direct ajouta-t-elle avec un rire de gorge que Sayuri trouva exécrable.

Mais la jeune femme ne put en voir plus car Nick refermait déjà la porte sur le couple improbable.

-          Laissons-les. Il est tard et …

-          MAIS, mais …

-          QUOI ? Vous avez une relation amoureuse avec Monsieur Saeba, oui ou non ?

-          Non ! Je vous l’ai dit, mais je ne pense pas que ce soit très professionnel de les laisser ainsi !


Nick éclata de rire :

-          Cassia est une grande fille, elle saura le contrôler. Et je sais que lui aussi, malgré ce qu’il veut bien nous montrer de lui. Enfin, je dois reconnaître que je ne m’attendais pas à ce qu’il me montre son caleçon, rajouta-t-il perplexe.

-          MAIS …

-           Que diriez-vous d’aller boire un verre au bar Mademoiselle ? Nous pourrions en discuter plus longuement.

-          Désolée, une longue nuit m’attend … Seule.

-          Comme vous le souhaitez. Je ne peux que le regretter, dit-il en se penchant pour lui embrasser le bout des doigts.


Sayuri s’éloigna rougissante et dépitée de la chambre de l’actrice. Elle espérait que Ryo saurait se montrer raisonnable. Si Kaori venait à l’apprendre …


Elle n’avait pas menti à Nick : elle devait appeler son rédacteur en chef pour lui raconter en détail la soirée, puis ensuite écrire un article pour l’édition du matin de son journal. Cette tentative de meurtre ferait sans nul doute la une. Autant dire qu’elle n’était pas couchée. Elle se demanda si Cassia avait toujours l’intention de passer le week-end chez son ami Andy.


-          Mais bien évidemment !!! expliquait Cassia dans le même temps à Ryo. Je serai plus en sécurité dans son ranch, qu’au cœur de la ville !

-          Je ne sais pas … J’aimerais également vous poser quelques questions pour assurer au mieux votre protection. Les personnes qui cherchent à vous tuer ne sont pas des enfants de cœur. Ne voyez-vous pas ce qu’ils pourraient vous reprocher ? Quelque chose d’inhabituel qui vous serait arrivé dernièrement ?

Elle balaya ses questions d’un geste de la main accompagné d’un regard agacé.

-          Je n’ai pas pour habitude d’avoir une conversation sérieuse avec un homme qui porte uniquement un … caleçon avec des cœurs rouges.

Ryo eut le bon ton de paraître un tantinet gêné.

-          Ne préféreriez-vous pas que nous passions plus agréablement notre temps ? poursuivit Cassia en s’approchant langoureusement de lui.

Elle  lui caressa l’avant-bras :

-          J’ai rarement vu un homme aussi musclé, je suis sûre que je ne serais qu’une plume légère entre vos bras … Montrez-moi. Ohhh … prometteur dit-elle en laissant son regard dériver plus bas.


Ryo sentit tout son corps se tendre vers un mokkori ultime, un mokkori  d’une intensité rarement atteinte, son regard devint vitreux, sa bouche se tordit en un rictus extasié, puis soudain il redevint sérieux :

-          A vrai dire, une bonne nuit de sommeil nous serait plus profitable. Un long week-end vous attend !


Cassia en fut estomaquée : plus rien ne bougeait dans le caleçon de son garde du corps si sexy.

-          Et j’ai une faveur à vous demander ajouta-t-il,  j’aimerais demander à ma partenaire Clare Daniels de venir m’épauler demain.

Cassia sembla comprendre :

-          C’est votre petite amie ?

-          Pas du tout, mais j’aurai besoin d’elle pour vous protéger efficacement.

Et pour me protéger de Kaori  … songea-t-il in petto.


Après avoir obtenu l’accord de la star, Ryo alla s’allonger dans la chambre voisine de la suite, et se retourna en soupirant.

Bon sang il aurait pu passer une nuit de rêve, mais au moment de concrétiser ses fantasmes, le regard noyé de larmes de Kaori était venu s’interposer entre lui et l’actrice,  tel un uppercut. Ce regard si touchant qu’elle avait eu cet après-midi … avant de le matraquer à coup de massue certes, mais ce regard … qui disait combien il lui avait manqué.

Et comme elle lui manquait également, songea-t-il en frappant son poing dans l’oreiller.

Mais demain, il la reverrait.

Pendant quelques jours, il pourrait encore profiter un peu de sa présence.

Et de ses massues, oui certes.

Avant de la perdre définitivement.


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Samedi vingt-neuf Mars

Propriété d’Andy MacMill


Le soleil était déjà très chaud en ce début d’après-midi et la jolie actrice se prélassait au bord de la piscine de son hôte. Excentré de Los Angeles, sur les hauteurs, ici on pouvait respirer un air plus épuré. En contrebas, reposait l’Océan Pacifique.

En dépit de cette vue magnifique, Cassia était de mauvaise humeur depuis le début de la matinée. Les événements de ces dernières vingt-quatre heures l’avaient passablement énervée …


En commençant par ce coup de feu …


Elle était d’ailleurs folle de rage  la veille au soir dans sa chambre d’hôtel. Il lui avait assuré qu’il ne comprenait pas non plus, et qu’il s’agissait sans doute d’une balle à blanc ... Il devait prendre des renseignements à ce sujet aujourd’hui même, et elle attendait avec impatience ce qu’il viendrait lui dire.


Son garde du corps, le beau Ryo, avait l’air de prendre ses menaces au sérieux, lui. Se pourrait-il que quelqu’un veuille vraiment la tuer ?


Non, se dit-elle, impossible …


Son regard dériva vers son bodyguard qui était posté non loin d’elle et qui semblait aux aguets. Il regardait avec concentration la baie vitrée donnant sur la terrasse.


Elle soupira. Il avait sans doute repéré une jolie femme. Cet homme était désespérant … Pourtant la veille, elle l’avait regardé différemment, il était diablement efficace et rassurant.


Et très beau.


Mais complètement obsédé.


Ceci dit, elle ne comprenait pourquoi il ne répondait pas à ses avances. Elle ne pouvait pas être plus claire … Depuis la veille, chaque fois qu’elle essayait un rapprochement, il commençait par prendre un air totalement idiot, son entrejambe laissant clairement entrevoir qu’il était intéressé, puis tout aussi soudainement, il redevenait sérieux et distant. C’était à n’y rien comprendre …


« Sortir avec ton garde du corps te ferait une pub d’enfer !!! Surtout depuis que le film « Bodyguard » cartonne sur les écrans ! »


Son mentor n’avait pas tort …


Ce film avec Whitney Houston et Kevin Costner était sorti en Décembre de l’année précédente et avait rencontré un succès dingue au box-office.


Dans ces circonstances, l'annonce d'une idylle entre elle et son bodyguard susciterait un engouement incroyable. Surtout un garde du corps japonais. « Les couples mixtes font toujours autant rêvé » songea-t-elle en laissant son regard dériver sur les muscles de Ryo…


« Qui sait ? Peut-être qu’on adaptera bientôt ma vie à l’écran ? En espérant que cela se termine par un Happy End » frissonna-telle.


Son regard  s’accrocha sur la jeune femme qui accompagnait Ryo.

Clare.

Il l’avait présenté comme sa « partenaire » de travail. Elle les avait bien observés et effectivement, rien dans son attitude à lui ne pouvait laisser présager autre chose qu’une relation amicale et professionnel. Sa partenaire par contre en était amourachée, c’était évident.


***


Clare ne comprenait pas ce que Ryo attendait d’elle. Il l’avait appelé hier soir pour lui demander de l’accompagner ce week-end dans cette magnifique demeure. Il lui avait juste confié qu’il aurait peut-être besoin d’elle pour protéger Cassia.


Cela l’avait fortement étonné, car c’était la première fois qu’il lui faisait une telle requête. Elle se demandait bien ce que lui cachait son si mystérieux ami.


Alors qu’il semblait absorbé dans la contemplation de la porte vitrée qui donnait sur l’hacienda, cette dernière s’ouvrit pour laisser passage à trois personnes.


Andy MacMill, le jeune milliardaire et imprésario, propriétaire de cette villa était accompagné de deux jolies japonaises. Clare fut surprise de reconnaître la jolie Kaori, elle reporta immédiatement son attention sur Ryo, dont les prunelles avaient pris une teinte plus sombre et sauvage.


Ce regard …


Elle se sentit soudain bien seule.


Kaori tourna son visage vers le nettoyeur et aussitôt Ryo reprit un air indifférent, voire légèrement ennuyé.


Andy interpella Cassia :


« La jeune journaliste et sa sœur sont là, ma chérie ! »


Cassia se leva et vint à la rencontre des deux jeunes femmes. Elle prit le bras de Sayuri et elles s’éloignèrent un peu :

-              Je sais que vous aviez prévu une interview, j’ai un peu de temps  à vous consacrer maintenant.

Effectivement, se dit Clare, elle ne semble pas trop occupée.



Restée sur la terrasse, Kaori était plutôt mal à l’aise. Andy lui proposa galamment de profiter de la piscine, puis s’éloigna.


Kaori se regarda rapidement, elle portait une petite robe courte mais n’avait pas pensé à prendre un maillot de bain. Sayuri était venue la chercher vers midi. Kaori l’attendait avec impatience car elle  avait suivi avec beaucoup d’intérêt les événements de la veille, et s’était empressée de demander des  détails à sa sœur aînée : Est-ce que Ryo avait pu protéger efficacement Cassia ? Avait-il une idée de ce qui se tramait ? Avait-il demandé à dormir dans la même chambre que l’actrice afin de mieux la protéger et SURTOUT de lui rendre une visite nocturne ?

 

Sayuri avait soupiré :

«  Oui, non, et je ne suis pas sûre que tu tiennes à connaitre la réponse à ta dernière question … »


Les yeux de Kaori s’étaient allumés d’un éclair de rage.

-              Il n’a pas changé ! Je me demande qui protège ses jolies clientes de ses accès de mokkori, maintenant que je ne suis plus là !!!


Sayuri avait regardé  sa sœur en lui tirant la langue:


-              N’oublie pas tes massues chez Andy !

-              Evidemment … Elles sont déjà dans mon sac.


Elle avait pensé aux massues mais point au maillot de bain.


Leur hôte les avait installées quelques minutes plus tôt dans de magnifiques chambres donnant sur l’océan. Après avoir déposé sa valise, Kaori s’était  rendue sur le balcon et avait pu constater que ce dernier était commun à toutes les chambres.


« Hum … Pratique pour rendre des visites nocturnes » avait-elle grommelé.


Et maintenant, elle était là, sur cette terrasse et observait intensément le couple formé par Ryo et Clare.


Ainsi donc, Clare était sa vraie partenaire … Vu que cette dernière avait sa propre agence de détective privée, Kaori avait supposé qu’elle ne travaillait pas directement avec Ryo, mais qu’éventuellement ils s’épaulaient de temps à autre sur une enquête en commun. Ce qu’elle découvrait aujourd’hui la laissait perplexe et ébranlait fortement ses certitudes.


Si Ryo avait accepté de prendre une autre partenaire, c’est qu’un lien très fort devait les unir.


Elle s’approcha d’eux.

-              Bonjour Clare, Ryo … dit-elle assez sèchement.

Clare se demanda pourquoi l’air était devenu si pesant soudainement.

-              Je voudrais te parler seule à seul. dit Kaori à l’intention de son ex-partenaire.

-              Et bien …

-              Ce n’était pas une question … rajouta Kaori, les yeux plissés.


Ryo ouvrit ses mains en signe de reddition :

-              Dans ce cas … Héhé.


Et il se laissa entraîner un peu plus loin. Clare, curieuse (« défaut professionnel » se persuada-t-elle), se rapprocha un peu afin de continuer à les entendre.


-              Alors, tu m’as vraiment remplacé ???

Ses yeux étincelaient de rage.

-              Clare est ma partenaire de travail, effectivement.

-              Es-tu amoureux d’elle ?


Ryo ne répondit rien. Le cœur de Kaori manqua un ou deux battements. Comment pouvait-il se montrer aussi cruel …


Ryo reprit la parole d’un ton cassant :


-              Je ne vois pas ton fiancé Kaori ? Il n’a pas été invité ?


Que devait-elle lui répondre … Il venait plus ou moins de lui avouer des sentiments pour une autre femme. La jalousie qu’elle ressentait fut la plus forte, elle grinça :

-              Il a dû retourner au Japon pour un travail urgent. Il me rejoindra bien vite.


Ryo hocha la tête, se détourna d'elle et reprit la parole le regard perdu vers l’océan :

-              Es-tu amoureuse de lui, Kaori ?

Elle le regarda intensément, des larmes de rage commençaient à poindre aux bords de ses yeux.

-              Cela ne te regarde pas !


Ryo reprit un ton léger en la regardant bien en face :

-              Nan, c’est vrai. J’espère simplement que tu le traites un peu moins brutalement que moi. NOOOOOOOON !!!


Alors que Ryo s’extirpait d’une énorme  massue « MEURS SOMBRE CRÉTIN », il entrevit Kaori s’enfuir vers la maison.


Clare avait tout entendu … et  commençait à comprendre pourquoi Ryo lui avait demandé de venir le rejoindre, et cela ne lui plaisait absolument pas !


De l’autre côté de la piscine, Sayuri et Cassia n’avait rien perdu du spectacle.

-              Mais enfin Ryo connait également votre sœur ?

-              Très bien même … soupira Sayuri.


Cassia fronça les sourcils. Il commençait à y avoir beaucoup de rivales pour gagner le cœur (enfin surtout le lit) de Ryo. Elle voulut en savoir davantage :

-              Ryo m’a l’air de draguer absolument tout ce qui porte une jupe …

-              Oui, c’est vrai, mais il n’aime qu’une seule personne : ma sœur, ajouta-t-elle rêveusement

-              Ohhhhh, j’adooooore les histoires d’amour, continua l’actrice sur le ton de la confidence. Mais il me semblait que vous m’aviez confié que votre sœur était fiancée.

-              A vrai dire ils sont plutôt en froid actuellement. Makoto a disparu depuis hier, je pense qu’il est en route pour le Japon ou encore à l’hôtel.


Sayuri s’arrêta en observant  le regard brûlant de l’actrice. Pourquoi venait-elle de confier tout cela à cette femme ? Quelle sotte.


Nick Glat arriva sur la terrasse à ce moment précis. Il s’approcha des deux jeunes femmes avec un air gourmand en direction de la japonaise.

-              Ohhhh Come On ... Get a room,  soupira Cassia en observant les deux jeunes gens.

Sayuri devint cramoisie tandis que Nick se contenta de glousser joyeusement...


L'actrice s’éloigna un peu. Elle parlerait à Nick plus tard, quand il aurait fini de draguer la journaliste. Si seulement son frère Axel était là .... Mais elle ne l’avait pas revu depuis la veille au soir. Il semblait avoir disparu lui aussi. Quelle journée pénible …


Le majordome d’Andy vint la rejoindre sur la terrasse.


-              Un appel pour vous Mademoiselle. Votre frère.


Merveilleux, se dit Cassia. S’il est encore en ville, je vais pouvoir lui confier une mission.


De son côté, Clare s’approcha de Ryo et s’enquit malicieusement :

-              Mais pourquoi n’évites-tu pas ses massues ? Le plus grand nettoyeur se faire mettre au tapis par une frêle demoiselle, c’est d’un comique.

-              Elle est beaucoup plus forte que tu le crois, grommela-t-il. Et quand sa massue approche, elle dégage une sorte d’aura qui me … force à rester et à accepter ses sanctions … ajouta-t-il piteusement.


Clare se mit à rire franchement :


-              Tu es complètement mordu mon pauvre.

« Même si cela me met sur la touche » songea-t-elle in petto.


Elle s’approcha de son ami et plaça son index sur son torse :

-              Par contre, je n’apprécie pas le rôle que tu me fais jouer ! Se servir de moi pour la rendre jalouse … C’est sordide et digne d’une cour de récré !


Ryo soupira :

-              Je ne voulais pas la rendre jalouse, juste lui montrer qu’elle n’a plus sa place à mes côtés. Je sais que cela la fait souffrir. Mon attitude l’a fait souffrir depuis des années, de toute façon. Mais, elle a enfin une chance de mener une vie normale ! Loin de cet univers dangereux. Si elle a choisi Makoto, c’est qu’il est celui qu’il lui faut !


-              Je ne sais pas qui est ce Makoto, mais je peux t’assurer que Kaori est toujours amoureuse de toi. Et sache qu’une femme peut choisir un partenaire pour de très mauvaises raisons. La douleur d’avoir perdu l’être aimé. Ne plus être seule. Combler un vide.


Le regard de Clare devint flou. Ryo savait qu’elle avait perdu son petit ami quelques années auparavant dans un banal accident de la circulation et connaissait sa tristesse. Il prit Clare dans ses bras.


Cette dernière continua :

-              Ryo ? Que ressens-tu exactement pour elle ?

-              C’est difficile à expliquer. On formait une équipe indissociable … Avant. On se comprenait sans avoir besoin de se parler. On sentait la présence de l’autre, même sans se voir, ni se toucher. Sans elle, je suis bancal. Je crois qu’il y a une expression dans ta langue … « She’s the One »

-              Ryo … J’ai l’impression qu’il existe toujours cette communion d’esprits entre vous …

-              Oui et non. En ce moment, je sens son regard depuis un des balcons de la maison. Mais je n’arrive plus à lire en elle  comme avant. Ces deux années nous ont éloignées. Elle a vécu des choses sans moi …


Il secoua la tête, et se détacha de Clare.

-              Pourquoi veux-tu l’éloigner de toi ? Elle sera plus heureuse de vivre dangereusement avec l’homme qu’elle aime, que de mener une vie morne auprès de quelqu’un d’autre …

-              J’ai perdu le droit de l’aimer, j’ai fait une promesse que je ne peux pas rompre.

-              Donc tu préfères vous rendre malheureux tous les deux …


Fâchée, elle s’éloigna de quelques pas :

-              Vous êtes en vie, vous êtes jeunes et fous l’un de l’autre. Le reste n’est qu’accessoire.


Depuis le balcon, Kaori n’avait rien perdu du rapprochement physique entre Clare et Ryo... même si elle ne pouvait entendre le son de leur voix. Elle détourna son regard brillant de larmes.

Elle devait faire quelque chose.

-              C’est la dernière fois que tu me fais pleurer Ryo Saeba, se promit-elle.


Ryo sentit qu’elle rentrait sa chambre. Il accrocha son regard à sa fenêtre.

Et si Clare avait raison ?


***


Que cette soirée lui avait semblé longue … Sayuri et Nick n’avait pas arrêté de flirter ; Cassia racontait des anecdotes d’actrices toutes plus ennuyeuses les unes que les autres ; Ryo et Clare n’avaient cessé de se disputer concernant la façon de protéger au mieux l’actrice. Dans sa chambre ? Pas dans sa chambre ?

Kaori s’était alors levée de table excédée en grommelant à l’intention de Clare :

-          Ryo n’a pas besoin de dormir avec Cassia. Elle ne court aucun danger cette nuit, si ce n’est la menace-mokkori de ton partenaire.

-          En es-tu sûre ? Comment le sais-tu ?

-          Je le sens c’est tout. Le danger ne rôde pas. Pas encore.

-          Ryo ? Demanda Clare, partages-tu l’avis de Kaori ?

-          Je suis d’accord avec elle. Je ne pense pas que Cassia risque quoi que ce soit, ce soir.

-          Mais comment … ?

-          Appelle cela de l’intuition.

Il tourna brièvement son regard vers son ex-partenaire, qui déjà lui tournait le dos. Elle s’éloignait en direction de la porte-fenêtre :

-          Je vais faire quelques pas dans votre jolie propriété, Mister Mac Mill, dit-elle en s’adressant à l’imprésario.

Ce dernier se leva galamment :

-          Vous avez bien raison, à la nuit tombée, le paysage est exceptionnel.

Kaori sortit.


Cassia reprit :

-          Je souhaiterais tout de même que Ryo dorme près de moi ce soir. Je me sentirais plus rassurée …

-          Votre chambre est juste à côté de la sienne, je pense que cela devrait suffire pour cette nuit, répondit Clare.

Cassia se détourna énervée. Bon sang, trop de femmes rodaient autour de son « crush ». Elle allait devoir jouer plus finement.


***


Kaori marchait dans le silence de la nuit à peine troublée par le froissement de ses pas sur la terre battue. Les ombres du soir apportaient une touche de mélancolie aux paysages magnifiques de ce début de nuit. Andy n’avait pas menti, la vue était exceptionnelle !

Dire qu’elle logeait dans un endroit paradisiaque non loin de l’homme qu’elle aimait …


Et pourtant ce soir, elle ne ressentait que le poids de son infinie tristesse.

Elle marcha longtemps … Jusqu’aux limites de la propriété, qui était gardées par plusieurs hommes armés. Andy prenait la sécurité de ses hôtes au sérieux. Quand elle se rapprocha de nouveau de la villa, les fenêtres de presque toutes les chambres étaient allumées. Ryo étaient accoudé au balcon qui les longeaient, une cigarette aux lèvres. Seul. Il regardait dans sa direction. Elle était plongée dans la pénombre, mais elle savait qu’il avait ressenti sa présence. C’était un don qu’eux seuls partageaient.

Peut-être la dernière chose qu’ils partageaient tous les deux.


Mais elle s’était promis quelque chose ce soir. Elle devrait se montrer audacieuse, et cela l’angoissait énormément.


Elle se glissa sans bruit par une porte-fenêtre laissée ouverte à son intention et monta en toute hâte jusque sa chambre. Le cœur battant elle referma la porte derrière elle et commença à se préparer.

Quelques mètres plus loin, Ryo retournait dans tanière, enfin plutôt sa splendide chambre privée songea-t-il amusé. Une porte seulement le séparait de Cassia, mais il n’avait aucunement l’intention de l’utiliser. Maintenant que Kaori était revenue dans la villa, il se sentait plus serein. Si elle n’était pas rentrée, il serait sorti pour aller à sa rencontre. Mais il préférait ne pas provoquer de rencontres en tête à tête avec elle. Cela se terminerait soit en coup de massue, soit … Il aurait risqué de se montrer faible. C’était tellement tentant.

Il avisa la chaîne hifi face à lui, et observa les cds qui se trouvaient à côté. A Tokyo ils  avaient encore un vieux tourne-disque. Il n’était résolument pas quelqu’un de moderne, et Kaori non plus. Elle aimait le son des vinyles qui craquent doucement. Il se rappela avec émotion comment elle se posait délicatement à la fenêtre quand elle écoutait les disques de son frère. Ses larmes qui coulaient discrètement sur ses joues. Elle ne se plaignait jamais, ne l’évoquait que très peu, mais il savait combien elle souffrait de la mort prématurée d’Hideyuki.

Et maintenant, par sa faute, elle avait de nouveau perdu un être cher. Il avait beau se dire que c’était pour son bien, il savait au plus profond de lui, qu’il n’avait fait qu’aviver des souffrances déjà trop nombreuses.

Il regarda les titres du cd qu’il tenait dans ses mains depuis quelques minutes. Et fut stupéfait.

Cette chanson.

Il ne put résister, alluma la chaîne hifi et glissa le disque dans le lecteur. Les notes mélancoliques s’élevèrent dans la nuit.

Comme un appel.

Elle n’était qu’à quelques mètres de sa porte-fenêtre quand elle entendit la musique. Elle porta la main à son cœur, et souleva doucement le rideau qui la séparait de sa maison.




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