Yes or No ?

Chapitre 7 : Manque

4080 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/01/2022 16:47


Notes de l'auteur :


- sozu : type de fontaine à eau employé dans les jardins japonais. Il est constitué d'un tube segmenté, habituellement en bambou, pivotant sur un côté de son point d'équilibre. Au repos, son extrémité la plus lourde est en appui contre un rocher.

- Omamori : petit sachet en soie brodés censés porter chance.

- Maneki Neko : figurine en forme de chat ou de félin, saluant, la patte en l'air.


***


Le lendemain matin, nous nous étions retrouvés, le Doc, Mick et moi dans la chambre numéro trois pour faire le point sur notre protocole de soins.

- "C'est bon pour vous Mick ? Vous avez compris comment nous allons procéder ?" Demanda le Doc tout en retirant ses lunettes pour les nettoyer sur le revers de sa blouse.

- "Je crois, oui. Vous allez arrêter la morphine et la méthadone. Ce qui va entraîner le début des crises de manque."

- "Oui. C'est ça." Il rechaussa ses lunettes et regarda Mick par en dessous. "Et ça va être douloureux. Très douloureux. Si la douleur devient vraiment trop forte, nous vous injecterons un sédatif léger, juste suffisant pour vous permettre de vous détendre."


Le Doc prit une grande inspiration, se penchant vers Mick, les coudes appuyés sur ses cuisses :

- "Mais je vais être parfaitement franc avec vous, jeune homme : notre objectif est de vous faire passer les crises de manque sans aucun recours chimique. Plus vite vous vous passerez des analgésiques, sédatifs et autres, plus vite vous serez libéré de l'Angel-Dust. Il se peut aussi que nous soyons obligés de vous passer les sangles de contention, si vous êtes trop agité ou que vous menacez votre sécurité et la nôtre."


Assis en tailleur sur son lit, Mick hocha la tête.

- "Oui, je comprends. J'espère que vous n'aurez pas recours à cette extrémité. Mais je m'en voudrais vraiment de vous faire du mal. Alors, ne vous gênez pas ... mais appelez du renfort parce que, ce n'est pas vous et la belle Kazue qui allaient réussir à me stopper ..."

- "Remarque fort judicieuse. Je vais demander à Ryo et à Falcon de se tenir disponibles en cas d'urgence."


Le Doc croisa les jambes et se redressa dans son fauteuil qui faisait face au lit de Mick.

- "Alors, ce protocole était valable avant la découverte de Kazue. Il faudra peut-être l'adapter."


Il tendit une main vers moi, m'invitant à prendre la suite. Je m'avançai vers le lit de Mick et je pris le temps de bien choisir mes mots, même si ça faisait déjà une dizaine de minutes que je préparais mon petit exposé :

- "Le sérum que j'ai mis au point active la régénération cellulaire. J'espère que les terminaisons nerveuses et les muscles se reconstruiront plus vite et mieux et qu’ils iront remplacer les tissus endommagés. Il faudra aussi de la rééducation dès que les premières sensations reviendront pour que ces nouveaux tissus trouvent rapidement leur fonction."


Mick me regarda :

- "Bah, c'est plutôt pas mal, ça. Pourquoi vous prenez cet air désolé ?"

- "Parce que vous devez avoir conscience de certaines choses avant d'accepter le traitement."

- "Dites-moi."

- "D'abord, il ne s'agit pas du tout d'un traitement officiel. Je ne peux donc pas vous en garantir la réussite. Je pense sincèrement que c'est une des meilleures pistes à suivre pour retrouver l'usage de vos mains mais ce n'est que mon avis personnel. Deuxième chose, je n'en connais pas les éventuels effets secondaires."


Troublée par le regard de Mick, je dus me concentrer pour retrouver le cours de mon explication mais sans y parvenir et je perdis le fil du petit discours que j'avais tellement bien préparé dans ma tête. Je commençai à triturer mon stylo, signe que j'étais très mal à l'aise :

- "C'est que, la dernière fois que j'ai fabriqué un truc de ce genre ... Heuuu, enfin je veux dire ... un traitement expérimental, c'était il y a des années. C'était sur Ryo ! Et il a eu ... hum, hum, hum, il a eu, disons de petits ... embêtements ... masculins ..."


Mick leva les sourcils, interloqué et s'exclama :

- "Parce que pour vous, être privé à vie de mokkori, faire mokkori tout le temps ou comme un sozu, ce sont de "petits embêtements" ? Non, mais, Docteur Natori, si ça me fait cet effet-là, je préfère mourir tout de suite ..."


Surprise que Ryo ait mis sa vanité masculine de côté pour raconter cet épisode à Mick, je répliquai :

- "Oh, c'est bon, c'était pas si dramatique. Je suis sûre que Ryo a très nettement exagéré la chose ! Vous le connaissez ? Lui et son mokkori, c'est ... disons ... la seule chose à laquelle il tienne plus que la vie. Alors, il a certainement très mal vécu l'expérience. Mais, ne vous inquiétez pas, j'ai rapidement réussi à régler le problème et je pourrai le refaire si il vous arrive la même chose."

- "Ouais, c'est çaaaa ... Pis je suis censé vous croire sur parole ?"


Je le dévisageai, soufflée par son agressivité. Il poursuivit :

- "Oui ... Et si l'effet secondaire, c'est encore autre chose ?" Me demanda-t-il.


Je me raclai la gorge, gênée.

- "C'est ce que je voulais vous dire. Je ne l'ai testé que sur une dizaine de souris, et pour l'instant, elles sont en parfaite santé. Mais je ne peux garantir la suite."

- "Oui, alors, j'ai une question, Docteur Natori : c'est des mâles ou des femelles, les souris ?"


Je le regardai, interloquée :

- "Qu'est-ce que ça peut faire, le sexe des souris ? On parle de régénération cellulaire, pas de viagra !"

- "Qu'est-ce que ça peut faire ? Je vais vous dire ce que ça peut faire ! ça peut faire que si vos souris sont des mâles et qu'elles ne font plus mokkori, ça serait déjà un signe que quelque chose ne va pas, non ?"

- "Mais c'est pas possible ! Il n'y a que ça qui compte pour vous ? Puisque je vous dit que les souris vont bien ! Leur cœur, leurs reins, leur foie, tout ça ... Il vous faut quoi de plus ?"

- "Le mokkori."


Je levai les yeux au ciel, exaspéré :

- "Pfffff ! Mais, nous sommes pressés par le temps et plus vite nous commencerons le traitement, plus vite vos tissus se renouvelleront correctement. C'est une chance de retrouver votre motricité. Vous voulez rester un boulet toute votre vie ?"

- "Ouais, bahhh ... un boulet qui bande, c'est mieux qui boulet qui bande plus ..."


Mick me dévisageait toujours, visiblement obtu. Piquée au vif et vexée par son manque d'enthousiasme alors que je m'étais tuée à la tâche pour lui, je lançai sèchement, croisant les bras :

- "Oui, bon, après, si vous n'avez pas le courage de prendre ce risque, je peux le comprendre ... Vous êtes mon patient, je ne ferai rien qui aille à l'encontre de votre volonté."


Je tournai les talons pour sortir de la chambre en maugréant :

- "Mais, c'est pas vrai, ça ! Il n'y a pas que le mokkori dans la vie, quand même ! On va pas en faire une maladie pour : une fois ça monte, une fois ça descend ... faut arrêter les enfantillages ..."

- "Heyyyy ! Ce n'est pas des enfantillages, Docteur Natori, c'est quand même de mon corps dont il s'agit !"


Je me retournai vivement vers lui, fâchée :

- "Alors, franchement, à quoi ça vous servirait de faire mokkori si vous ne pouvez même pas ouvrir votre braguette tout seul ! C'est pas vous qui étiez en train de chouiner la semaine dernière que ..."


Le Doc dit d'une voix ferme :

- "Allons, allons ... Ne nous fâchons pas pour des choses qui n'ont pas encore eu lieu et qui n'auront peut-être même pas lieu."


Je respirai un grand coup pour me calmer tandis que je vis Mick serrer les mâchoires, me fusillant du regard, puis le Doc reprit :

- "Mick, je vous propose d'écouter ce que Kazue a encore à vous dire avant de prendre une décision définitive."


Je poursuivis, tentant de reprendre contenance :

- "Bien, en plus des effets secondaires éventuels ... ça risque d'être très douloureux."

- "Ah bah, formidable, de mieux en mieux ... Et à quel point ?"

- "Je ne saurais pas vous le dire. Ça dépendra de la quantité de tissus qui sera produite par vos cellules et de quand vos nerfs seront à nouveau capables de transmettre les informations à votre cerveau. De plus, l'intensité d'une douleur est propre à chaque personne. Tout dépend de notre capacité à la gérer et de sa nature. J'ai vu une femme pleurer et réclamer des analgésiques pour un doigt cassé. Un an plus tard, cette même femme venait accoucher ici, sans un cri et sans anti-douleur d'aucune sorte."


Mick se redressa, resta silencieux un moment avant de prononcer d'une voix calme et posée, presque sereine cette fois :

- "O.K. Donc, je résume. Si j'ai bien compris : vous n'êtes pas sûre que ça marche, vous ne savez pas si je vais me transformer en je-ne-sais-pas-quoi ou si je vais avoir de grosses pustules vertes sur le corps ou encore un autre truc bizarre ... et par dessus le marché, je vais en chier parce qu'à cause de mon sevrage, je ne pourrai pas avoir recours aux anti-douleurs, c'est bien ça ?"


Comme je ne répondais pas, il insista :

- "C'est bien ça, Docteur Natori ?"


Je tiquai sur le titre qu'il m'avait donné plusieurs fois d'affilée et j'en eu presque mal au cœur. D'un coup, je n'étais plus Kazue, j'étais redevenue Docteur Natori. Je le regardai franchement et sans ciller :

- "C'est un bon résumé. Oui."


Je restai silencieuse quelques secondes et je lui lançai :

- "Alors, Monsieur Angel ? Avez-vous le courage de relever le challenge et de me faire confiance ?"


Il me regarda, les yeux pleins de défi :

- "Et si je dis oui, que va-t-il se passer ?"


Je repris un ton plus professionnel :

- "Nous commencerons la procédure dès que vous vous sentirez prêt. Avec ou sans sevrage en parallèle. Parce que si vous préférez, on peut faire les deux procédures en différé pour mieux gérer votre douleur c'est-à-dire, traiter vos mains d'abord et commencer le sevrage ensuite."

- "Mais cela vous donnera aussi le temps de devenir de plus en plus accro ... Et le sevrage sera d'autant plus dur pour vous." compléta le Doc. "A vous de nous dire ce que vous souhaitez faire ..."


Mick baissa la tête et je l'entendis respirer profondément. Je ne parvins pas à voir, à travers ses cheveux blonds qui lui tombaient sur le front s'il avait fermé les yeux ou s'il observait ses mains posées sur ses cuisses, immobiles et marbrées de rouge, de blanc et de violet.

- "Dites ! Quel choix d'enfer !" dit-il d'un rire cynique. "Soit j'en chie maintenant à cause de votre traitement, soit j'en chie plus tard, à cause de la drogue ..."

- "Oui." répondit le Doc.


Mick restait silencieux encore un instant, gardant toujours la tête baissée puis il murmura :

- "Elle avait un objectif."

- "Je vous demande pardon ?" Demandai-je, ne comprenant absolument pas, ni de qui, ni de quoi il pouvait bien parler.


Il releva la tête et me regarda dans les yeux. J'en eus le souffle coupé pour de vrai cette fois. Car, à ce moment-là, il me laissa entrevoir son vrai regard, celui qui n'était pas marqué par la tristesse, celui qui n'était pas caché derrière la fanfaronnade, celui qui ne se masquait pas d'espièglerie. Je pus voir l'homme derrière toutes les armures qu'il s'était construites. Et cet homme avait peur bien sûr, mais en même temps, il y avait dans ces yeux et dans ce regard une telle résignation et une telle volonté que je sentis mes jambes flancher quelques secondes.


Il répéta :

- "Elle avait un objectif."

- "Qui donc ?"

- "La femme qui a accouché ... Elle avait un objectif : celui de donner la vie. Elle avait de l'espoir. C'est pour ça qu'elle a résisté à la douleur."

- "Heuuuu ... Certainement. J’avoue qu'en tant que scientifique, je ne sais pas quelle est la véritable raison mais vous avez peut-être raison."

- "Et moi, j'ai quoi comme espoir, d'après vous ?" Me demanda-t-il tristement.


Je répondis, voulant paraître pleine de confiance en moi, énumérant sur mes doigts :

- "Réutiliser vos mains. Vous habiller et vous laver seul, manger et boire comme un grand, faire en sorte que le tueur numéro un des Etats-Unis d'Amérique puisse aller faire pipi en toute autonomie et ... si vous tombez amoureux, vous pourrez à nouveau toucher une femme .. ce n'est pas ce que vous avez dit l'autre jour ? Que vous vouliez frôler la taille d'une femme, tenir ses mains, et quoi encore ? Ha oui ! La sentir vibrer sous vos doigts et jouer avec ses cheveux, je crois ... C'est ça ?"


Il me regardait, soudain devenu calme et pensif. Je répétai :

- "C'était bien ça ? C'est ce que vous avez dit la semaine dernière, non ?"


Il hocha la tête. Et je conclus, fière de ma réplique :

- "Alors, si tout ça ne vous suffit pas comme objectif, je ne sais pas ce qu'il vous faut de plus."


Un léger sourire en coin courba délicatement ses lèvres et il me regarda de son petit air espiègle qui fit à nouveau danser les petites fourmis de mon estomac :

- "Et bien, Docteur Natori ... Je constate que vous avez une bonne mémoire ..."


Je ne pus m'empêcher de rougir. Soudain, le Doc soupira en se levant de son fauteuil, se saisissant de sa canne :

- "Alors, jeune homme ? Quelle est votre réponse ?"

- "On fait les deux ..." répondit Mick d'un ton assuré. "Si Ryo a pu le faire, retrouver son mokkori et survivre à l'Angel-Dust, alors, je dois pouvoir m'en sortir."

- "Bien. Je pense que vous faites le bon choix, jeune homme. Pas le plus facile, mais le meilleur quand même. Et je vous en félicite. Sachez quand même que vous pourrez changer d'avis à tout moment. On ne force personne ici. On soigne." Il se pencha vers Mick, avec un sourire moqueur : "Alors comme ça, vous avez de l'espoir, vous ?"


Mick lui sourit, et d'un air énigmatique lui répondit :

- "Disons qu'on m'a trouvé un bien bel objectif ..."


Le Doc répliqua du tac au tac, amusé :

- "Dis-donc, vous ! C'est pas vous qui me demandiez de vous laisser mourir, la semaine dernière ???"


Mick éclata de rire. C'était la première fois que je l'entendais rire aussi franchement et je ne pus m'empêcher de sourire en l'entendant. Le rire et l'espoir sont contagieux.

- "Faut croire que vous savez redonner l'envie de vivre, ici !"


Le Doc éclata de rire lui aussi, se frappant la cuisse de la main :

- "Vous m'en direz tant, jeune homme ! C'est comme ça que je peux rester un jouvenceau candide et pimpant du haut de mon grand âge."


Je ne pus me retenir plus longtemps tellement la mélodie des rires des deux hommes était belle, résonnant dans la petite chambre numéro trois et mon rire rejoignit les leurs, profitant encore pleinement de ce moment d'insouciance. Le rire et l'espoir sont contagieux. Et, c'est bien ce qui fait de nous des êtres humains.


Nous commençâmes les premières injections de sérum le soir même, Mick ne souhaitant pas attendre plus longtemps. J'avais déterminé les parties les plus atteintes et décidé de piquer à une trentaine d'endroits différents, injectant d'infimes quantités mais de manière très ciblée. Cela rendait l'intervention délicate car il ne fallait omettre aucune zone, piquer exactement au même endroit et j'allai devoir renouveler l'opération tous les jours. Il s'assit sur le bord du lit, j'installai la tablette devant lui et je pris une chaise pour me mettre juste en face, laissant nos genoux se frôler.


Et cela prit du temps. Au moins une bonne heure, de bout en bout, le temps de préparer le matériel stérile, de piquer soigneusement, désinfecter et mettre des pansements. Comme il avait perdu toute sensation, au moins, il ne sentit pas toutes les fois où je faisais entrer l'aiguille sous sa peau.


Les deux premiers jours, il était resté parfaitement silencieux, respectant ainsi ma concentration. Et puis, les gestes étaient devenus plus faciles pour moi et nous avions passé du temps à discuter. Ça me faisait toujours un peu étrange car j'étais en train de lui injecter un produit expérimental qui pouvait le tuer. Et lui, me faisait la conversation comme si nous nous étions installés à la terrasse d'un café ou sur un banc dans le parc. Il me faisait confiance, et cela, d'une manière toute naturelle, comme si c'était normal et habituel de se faire injecter un sérum expérimental pour soigner des brûlures électriques faites parce qu'il avait été shooté avec une drogue qui rend fou, même au-delà de la mort !


Il me confiait sa vie, son avenir, ses espoirs. Prendre conscience de cela me mettait presque mal à l'aise.


Au troisième jour, comme il me paraissait nerveux, j'osai lui demander :

- "Vous commencez à ressentir les effets du manque ?"

- "C'est possible. Le Doc ne m'a rien injecté depuis avant-hier soir."


Je regardai ma montre : il était bientôt midi. Cela voulait dire que presque quarante huit heures venaient de s'écouler depuis la dernière prise. Le moment tant redouté arrivait plus tôt que nous le pensions, le Doc et moi. Je me tenais donc sur mes gardes.

- "Que ressentez-vous ?" Demandai-je, tout en gardant les yeux rivés sur ses mains et l'aiguille de ma seringue.

- "Des fourmillements un peu partout ..."

- "Dans les doigts ?"

- "Oui, aussi ..."

- "Bon, ça, c'est plutôt bon signe. Quoi d'autre ?"

- "J'ai froid ... et j'ai chaud en même temps."


Je relevai la tête pour l'observer.

- "Effectivement, vous transpirez ..."

- "Super ... c'est classe !" murmura-t-il avec un sourire triste.

- "Ce n'est rien, Mick." Répliquai-je. "Je ne suis pas là pour vous juger ou quoique ce soit d'autre. Je suis là pour vous soigner et vous aider. OK ?"

- "Mmmmm ... N'empêche ..."

- "Quoi d'autre ? Vous sentez d'autres symptômes ?"

- "Mal au ventre ... des crampes, je crois."

- "O.K. Je termine au plus vite et vous allez vous installer confortablement. Je pense que votre première crise arrive."


Il resta silencieux jusqu'à ce que j'ai tout terminé. Je rangeai rapidement mon matériel et l'aidai à s'installer. Sa respiration était rapide et saccadée, les battements de son cœur irréguliers, il tremblait ...

- "J'ai froid ..."


Le Doc m'avait préparée à ce genre de symptômes et je savais que je devais surtout rester calme et l'aider à gérer sa douleur par ma seule présence. Pas de recours aux analgésiques cette fois, même légers. Mick avait été très clair, nous en avions discuté à plusieurs reprises. Rien. Il ne voulait rien. Il voulait que son sevrage se passe le plus rapidement possible et je devais respecter son choix.


Il commençait à gémir de douleur.

- "Ça va aller, Mick. Ça va aller. Vous êtes solide. Vous pouvez le faire..."

- "Je ... J'ai ... mal ... partout ..."

- "Oui. Je sais. Mais, même si cette douleur est réelle, vous devez la combattre car il n'y a pas de vraies blessures."

- "Oh ... Putain ... vous êtes sure ? Regardez mon ventre, il doit y avoir quelque chose ..."


Par acquis de conscience, je soulevai sa chemise et l'auscultai méticuleusement.

- "Vous n'avez rien, Mick. Ces douleurs sont des leurres, créés par votre cerveau pour que vous cédiez et que vous lui donniez ce qui lui manque : de la drogue. Ne l'oubliez surtout pas. Vous vous souvenez ce qu'a dit le Doc ? C'est votre cerveau qui crée tout ça. Il cherchera par tous les moyens à obtenir le soulagement de la drogue ..."


Son pouls s'accéléra et il répéta :

- "J'ai froid ..."


Je cherchai une nouvelle couverture :

- "Ca aussi, c'est les effets du manque, Mick. Essayez de penser à quelque chose d'agréable. Fermez les yeux et pensez à quelque chose que vous aimez faire."

- "Mon porte-bonheur ... Le ... Le collier dans la table ... table de nuit ..." parvint à prononcer Mick tout en claquant des dents.


J'ouvris le tiroir et trouvai un pendentif, légèrement doré, en forme de balle de fusil, suspendu à une chaîne très ordinaire. Je lui passais autour du cou et il sembla rassuré.

- "Voilà ... C'est un étrange porte-bonheur." Dis-je. "J'ai plus l'habitude des Omamori et autres Maneki Neko ..."

- "C'est mon ... mon père qui me l'a offert ... lors de ma première chasse."

- "Oh, vous chassiez avec votre père ?"

- "Oui ... Et l'esprit de la forêt est censé ... être enfermé ... dedans ..."

- "C'est une bien belle histoire ... Vous me la raconterez un jour ?"


Il hocha la tête en guise de réponse. Il commençait à se détendre un peu et son cœur retrouvait peu à peu un rythme régulier, rapide certes, mais régulier.

- "Bien ... Super. Vous voyez. Vous y arrivez."


Et puis soudain, il se redressa et se plia en deux en se tenant le ventre. Il enfouit brusquement son visage dans le creux de son coude tout en me regardant d'un air paniqué. Je lui tendis un haricot juste au moment où des spasmes violents lui secouèrent le corps et il vomit tout son repas.


Son estomac ne lui laissa aucun répit et dès qu'il se rallongea, il eut à nouveau des haut-le-cœur mais cette fois, il ne vomit plus que la bile. Il grimaça de douleur et de dégoût. Au bout de quelques minutes, il put enfin s'allonger, épuisé. Il murmura dans un souffle :

- "Putain, je vais crever ..."


A peine avais-je fini de nettoyer mon haricot qu'un nouveau symptôme apparut et Mick fut pris de tremblements, d'abord dans les pieds, puis les jambes puis dans tout le corps. Il claquait à nouveau des dents. Il parvint à articuler :

- "Qu'est-ce ... qu'est-ce ... qu’il se passe ?"

- "Votre cerveau commence à comprendre qu'il n'y aura plus de drogue. Il n'est pas d'accord et il vous le fait savoir."

- "Bah merde, il est sacrément buté mon cerveau !" Répliqua-t-il avec un sourire avant d'être pris d'une violente quinte de toux.


Je lui tendis le haricot, pensant qu'il allait à nouveau vomir mais il secoua la tête.

- "Ça va ... Merci ..."


Il reprit son souffle alors qu'il tremblait toujours :

- "Vous êtes sûre que ... ce n'est pas un ... un effet secondaire de votre machin, là ?"


Je lui répondis très sérieusement, heureuse qu'il arrive à faire du second degré. C'était la preuve qu'il commençait à gérer sa douleur.

- "Est-ce que vous vous sentez mou du mokkori ? Ou est-ce que vous faites le sozu ?"


Il me sourit.

- "Non, je ne pense pas ... Je me sens plutôt ... comme ... comme un hochet dans la ... main d'un gosse hyperactif ..."


Je posai la main sur son front :

- "Chuuuut. Respirez profondément."


Je sursautai quand je sentis quelque chose effleurer ma main libre. Sans réussir à l'attraper, il cherchait maladroitement la mienne et, délicatement, je la saisis entre mes doigts et m'assis sur le bord de son lit et, même si cela était parfaitement inutile, je gardai sa main entre les miennes jusqu'à ce que les tremblements s'estompent.


Et puis, des nouvelles nausées le prirent et c'était reparti pour le cycle infernal. Nausées, vomissements, tremblements et ainsi de suite pendant plus de huit heures d'affilée.


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