La moitié de City Hunter

Chapitre 7 : Les secrets d'un pique-nique réussi

Chapitre final

5130 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/11/2022 08:56

Chapitre 7 : Les secrets d'un pique-nique réussi


Ce même après-midi, derrière le comptoir du Café Cat's Eye, l'immense Falcon était occupé à faire briller une assiette déjà étincelante, ses yeux inertes cachés derrière ses lunettes noires, silencieux et pensif.  Soudain, il redressa un peu la tête et grommela à l'attention de sa femme qui préparait une commande d'arabica :

- "Les voilà."


Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit en faisant tinter sa petite clochette :

- "Salut Miki ! Bonjour Falcon !" S'exclama joyeusement Kaori avant de passer derrière le comptoir pour aller enlacer son amie. "Merci pour votre aide. Ryo et Saeko m'ont expliqué ce que Falcon et toi avez fait. Miki ... Désamorcer une bombe ? C'est un truc de dingue !"

- "Oh ... C'était pas grand chose, tu sais." Répondit modestement Miki en se dégageant avec pudeur de l'étreinte de la jeune femme.

Kaori la dévisagea, amusée et finit par éclater de rire :

- "Heuuu ... Quand même, Miki, désamorcer une bombe, ce n'est pas le genre de choses que Monsieur ou Madame tout le monde va faire en se levant le matin, hein ..."

Miki sourit :

- "Ca nous est arrivé. Peut-être pas tous les matins, mais quelquefois, oui." Elle soupira : "Heureusement, c'était il y a longtemps."

- "Oh pardon. Je ... J'ai été maladroite." Bafouilla Kaori, mal à l'aise. "Ce n'est pas ... Je ne voulais pas faire remonter de mauvais souvenirs et ..."

La jeune femme attrapa son amie par les épaules et lui sourit, sincère :

- "Rassure-toi, ça va. Ce ne sont pas que des mauvais souvenirs, tu sais. Falcon était déjà là pour veiller sur moi, on était une équipe, chacun la moitié d'un tout... La petite expérience de cette nuit m'a rappelé ça, tu sais. Pas forcément le reste."

- "Tu es sûre ? Je ne voudrais pas te rendre triste."

- "Pas du tout. Ne t'inquiète pas." Lui assura Miki, en rangeant son catalogue et son stylo dans un tiroir. "Va t'asseoir, je vous prépare les cafés."


Kaori prit place sur son tabouret habituel, juste à côté de celui de Ryo qui s'était déjà installé après avoir déposé un lourd panier en osier sur une des tables. La jeune femme, les yeux brillants et admiratifs, réclama, impatiente :

- "Bon alors raconte-moi ..."

- "Te raconter quoi ?"

- "Comment as-tu désamorcé ce truc ?"

- "C'était pas très compliqué … Il faut dire que j'ai eu de l'aide." Ajouta-t-elle en prenant Falcon par le bras et en posant sa joue contre son épaule.

Le géant ne manqua pas de rougir jusqu'au sommet de son crâne. Il maugréa :

- "J'ai rien fait, moi. J'ai juste tenu les pinces."

- "Tu étais là et ça m'a donné confiance en moi." Assura la jeune femme, rayonnante.

- "Hummmpfff !"

- "On est une équipe, Nounours, que ça soit pour faire les cafés ou désamorcer les bombes."

- "Oui, oui ... si tu veux ..." Falcon s'éclaircit la gorge avant de demander, le visage toujours écarlate tout en désignant du menton le panier posé plus loin : "Qu'est-ce que vous avez apporté ?" 


La jeune femme sourit en se levant :

- "Un pique-nique. Mon frère adorait les pique-niques et cette affaire ... Cette affaire était un peu la sienne aussi. Alors, je me suis dit que partager tout ça avec vous ... Enfin, bref ... Une sorte d'hommage ... Et puisque toi et Miki, vous nous avez sacrément aidés, ça me paraissait normal de venir fêter ça avec vous." Kaori commença à sortir de nombreuses petites boîtes du panier pour les disposer sur le bar tout en continuant à discuter : "J'ai proposé à Saeko de passer mais je ne sais pas si elle aura le temps de venir se joindre à nous ..."

- "Logique. Elle doit avoir une tonne de choses à régler au boulot ..." Supposa Miki.

- "Oh oui, je pense qu'elle doit être bien occupée." Répliqua Kaori, en dissimulant un sourire réjoui en fouillant dans son panier.


Au bout de une ou deux minutes, il n'y eut plus une place de libre sur le comptoir et Miki s'exclama :

- "Mais, Kaori, il y en a pour un régiment !" 

- "C'est vrai ..." Reconnut Kaori, un peu gênée d'en avoir trop fait. "Mais, je connais l'appétit de ton mari !"

Falcon, qui avait entrepris de préparer le café, faillit en faire tomber sa cafetière. Il rougit à nouveau, pétrifié de honte. Ryo ne put se retenir de rire, ne manquant jamais une occasion de tourner en dérision la timidité maladive de son ancien rival. Désolée de sa maladresse, Kaori détourna rapidement l'attention en reprenant le cours de la conversation non sans oublier de remettre Ryo à sa place avec un ferme et déterminé :

- "La ferme, Crétin. Lui au moins, fait honneur à la nourriture qu'on lui présente. Et tu peux garder ton commentaire sur ma cuisine pour toi, merci."

Puis, sans accorder un regard à son partenaire, elle se percha à nouveau sur son tabouret, planta ses coudes sur le comptoir, reposant son menton entre ses paumes et demanda à son amie, les yeux avides de détails :

- "Alors, raconte !"

Pendant que Falcon sortait quatre tasses en porcelaine, Miki inspectait avec avidité et gourmandise les petits encas disséminés autour d'elle, tout en expliquant : 

- "Finalement, c'était un engin assez basique. J'imagine que l'artificier qui l'a mise au point ne devait pas s'attendre à ce que quelqu'un mette la main dessus ... en tous cas, pas par hasard. Il était sacrément bien caché. Sans l'ouïe fine de Nounours, on aurait perdu un temps incroyable pour le dénicher, malgré les coordonnées GPS que Saeko nous avait transmises."

- "Il était où ?"

- "Dans la chaufferie, derrière un tas de vieilleries. Dans un bâtiment de la superficie de la Bourse, on aurait pu tourner autour pendant des jours avant de le trouver. Nounours a été épatant sur ce coup-là."

Falcon rougit une nouvelle fois et gronda :

- "Mais non. C'était logique. Je n'ai rien fait d'épatant."

- "Ah bon ? Logique ? Pourquoi ?" Demanda Kaori intriguée, tout en tendant une assiette de dorayaki à son amie qui attrapa une pâtisserie sans se faire prier. 

Ce fut la bouche pleine que Miki leur expliqua :

- "Le réseau de chauffage et de climatisation permet d'étendre l'incendie à tout le reste du bâtiment tout en alimentant le feu en oxygène. Du coup, pas besoin d'une charge trop grande. La détonation n'aurait pas fait énormément de dégâts. Par contre, l'incendie qui en aurait découlé, aurait tout ravagé. Et se serait certainement étendu aux bâtiments voisins." 


Miki fit une pause pour se lécher les doigts puis attrapa un dashimaki et tout en regardant son rouleau d'omelette parfaitement régulier d'un oeil gourmand, elle demanda :

- "Au fait, et vous, comment avez- vous avez fait pour maîtriser tous ces types ?"

Ryo haussa les épaules en souriant, fier de lui, redressant ostensiblement les épaules et en faisant le V de la victoire avec ses doigts :

- "On a assuré, comme toujours. City Hunter, les meilleurs."

- "Tu m'as laissée tomber, oui." Le corrigea Kaori, amère et froide.

- "Ah, non, non." Objecta vivement son partenaire.

- "Ah si, si."

- "Combien de fois faudra-t-il que je te l'explique, Kaori. Comment aurais-je pu récupérer mon Magnum sans ça ? Si tu étais venue tout de suite avec moi, on aurait été tous les deux complètement désarmés et puis ... il serait passé quoi, hein ? Donc, je t'ai laissée en arrière en renfort pour que tu puisses venir ensuite quand nos ennemis ne s'y attendaient pas. C'était stratégique."

Kaori leva les yeux au ciel :

- "Stratégique, n'importe quoi!"

- "Non, c'est pas n'importe quoi."

La voix de Kaori devint un peu plus aiguë :

- "Je n'en crois pas un mot. Tu as trouvé une excuse bidon pour justifier ta connerie après coup. C'est facile de dire que c'était planifié quand ça s'est bien terminé ! Je vais te dire : ce n'était pas du tout de la stratégie, c'était de la surprotection ! Et si j'avais dormi trop longtemps, et si je n'avais pas parlé de mon frère à Saeko et si Shiki n'avait pas entendu et si ..."

- "J'ai eu de la chance que tout s'enchaîne bien, j'avoue ..." Lui accorda Ryo en souriant, très calme, presque amusé par cette déferlante de rancune.

Sa partenaire répliqua, agressive :

- "Et l'intervention de Shiki et de ses hommes, tu l'avais planifiée aussi ?"

Ryo grimaça et tourna le regard vers sa tasse de café :

- "Humpfff schregpft ..."


Laissant échapper la colère qu'elle contenait apparemment depuis un moment, la main de Kaori claqua sur le bar, juste devant la tasse de Ryo, faisant sursauter sa cuillère. La jeune femme se pencha vers son partenaire pour répéter, rageuse :

- "Alors ? Tu l'avais planifiée, l'intervention de Shiki ???"

- "Non." Répondit simplement Ryo sans quitter sa tasse des yeux.

Satisfaite de sa reddition, elle s'adoucit brusquement :

- "Ah merci."

Miki fronça les sourcils, intriguée, et demanda :

- "Attendez, attendez ... l'intervention de qui ?"

- "Endo Shiki ..." Répondit Ryo en soupirant de lassitude avant de boire une gorgée.

- "Qui ça ?"

- "Pfff ... Un type qui passait par là ..."

Kaori s'indigna :

- "Un type ? C'est pas n'importe quel type ..."

- "Oui, je sais. C'est un héros naaational ..." Concéda Ryo, visiblement blasé avant que Kaori ne réplique, amusée :

- "Pfff ... Jaloux, va." 

Elle se tourna vers son amie et lui expliqua : 

- "C'est un des gars qui était sur place, le capitaine de la brigade spéciale d'intervention. Une section anti-terroriste mise au point par le père de Saeko il y a quelques années. Les types doivent rester parfaitement anonymes, on ne voyait pas leur visage et ils s'appellent par des numéros. Donc, le chef de cette brigade, Endo Shiki, un grand baraqué et tout et tout, et bah, figure-toi qu'il a démissionné devant Saeko pour venir nous prêter main forte quand je suis partie pour aider Ryo !"

- "Sérieux ?" Demanda Miki, admirative.

- "Ouais, elle m'a dit qu'il avait retiré tout son harnachement sous ses yeux ... Le casque, la cagoule, les armes, tout ... Tout son matériel officiel. Il lui a dit qu'il avait travaillé avec mon frère et il voulait s'acquitter d'une sorte de dette envers lui d'après ce que j'ai compris."

- "Wow. Courageux, effectivement." 

Kaori confirma, les yeux plein d'admiration :

- "Très courageux, oui."

Contrarié, Ryo objecta :

- "Il n'était pas le seul. Faut rendre justice aux trois autres aussi."

- "Rooo ..." Kaori leva les yeux au ciel, moqueuse. "Oui, ils l’ont suivis parce que Shiki était leur ancien sergent ... C'est héroïque. Épique, même !"

Ryo lança, exaspéré :

- "Oui, voilà ..."

- "Et en plus, il avait déjà défendu Saeko sur cette même affaire de braquage de banque."

- "Ah oui ?" Demanda Miki.

Kaori hocha la tête, les joues rosies, les yeux pétillants d'admiration. De son côté, Ryo l'observait, la mine déconfite. Il soupira :

- "Pfff ... Tout ça parce que Môssieur Endo Shiki a balancé un poing dans la tronche de son supérieur il y a douze ans, c'est bon, c'est pas un exploit quand même."

- "Pour un militaire, si. C'est ... spécial !" Le contredit vivement Kaori, souriante, visiblement sous le charme.


Miki, elle, avait du mal à retenir son fou rire. Ce qu'ils pouvaient être de mauvaise foi, ces deux-là ! Sans remarquer son regard moqueur, Ryo soupira en prenant une gorgée de son café :

- "Et voilà ! C'est reparti ! Depuis qu'on est rentrés, elle me bassine avec ça. J'ai l'impression de revenir des années en arrière et d'entendre Makimura-frère, qui ne jurait plus que par lui pendant des semaines ... Shiki par ci, Shiki par là ... et gna gna gna !" 

Kaori le pointa d'un index moqueur :

- "J'ai raison. T'es vraiment jaloux !"

Et malgré le regard désespéré de Ryo, Kaori entreprit de raconter ce qu'il s'était passé durant la nuit. Totalement absorbée par l'histoire de son amie, Miki en avait oublié les pâtisseries et les autres douceurs qui, auparavant, accaparaient toute son attention. Ryo et Falcon, eux, restaient pensifs, un, sirotant son café, l'autre faisant briller une coupe à glace.


Soudain, Ryo sursauta et faillit s'étouffer avec sa dernière gorgée de café quand il entendit Kaori murmurer : 

- "Et puis aussi, Ryo et moi avons quelque chose à vous annoncer."

- "Ohhh ..." Souffla Miki en regardant Ryo de biais, impatiente. "Est-ce que ..."

Toussant encore, Ryo poussa Kaori du coude :

- "Je crois qu'on les a déjà remerciés, Kaori. Tu radotes, là."

- "Non, non, je ne parlais pas de ça, en fait ... Mais plutôt d'autre chose."

- "Quoi donc ?"

- "A ton avis, gros imbécile ?"

- "Non je vois pas ..."

- "On avait dit que ..."

- "On avait dit beaucoup de choses, Kaori, et si tu ne me ..."

- "Silence !" Tonna soudain la voix grave de Falcon.

- "Nan mais attends, Umibozu, je ne vais pas me laisser ..."

- "Tais-toi, crétin." Le ton, sec et autoritaire, de l'ancien mercenaire résonna dans le petit café et le silence se fit. "On va avoir de la visite."


Nerveuse, Miki passa la main sous le comptoir pour saisir l'arme qu'elle cachait là en cas de nécessité. La poigne de Falcon se posa délicatement sur son bras et il murmura :

- "Pas besoin."

- "Qu'est-ce que ..."

Il l'interrompit en commençant un étrange décompte :

- "Sept ... Six ..."

Un taxi s'arrêta sur le trottoir, juste devant la porte du café.

- "Cinq ... "

Un homme en imperméable sombre et chapeau à larges bords en descendit. 

- "Quatre ... Trois ... " Continua Falcon pendant que, dehors, l'homme regardait discrètement par-dessus son épaule, vérifiant certainement qu'il n'avait pas été suivi. 

Rassuré, il se tourna vers la devanture du petit salon de thé alors que le décompte se poursuivait :

- "Deux ... Un ..."

Il s'approcha d'un pas assuré vers la porte et la petite clochette sonna gaiement : 

- "Zéro." Conclut Flacon avant d'ajouter : "Bonjour, Monsieur le Préfet Nogami."


L'homme se raidit, surpris puis retira son chapeau en souriant :

- "Mes filles m'avaient prévenu que vous aviez un sixième sens redoutable, Monsieur Falcon, mais je dois bien avouer que c'est bien plus impressionnant en vrai."

Il se tourna vers l'épouse du géant :

- "Je ne pense pas me tromper en vous disant : Bonjour Madame Miki Ijuin."

- "Je ... Non ... Non, vous ne vous trompez pas. Bonjour Monsieur le Préfet."

- "Bravo pour votre déminage en urgence. Vous avez brillé par votre efficacité."

Il s'adressa ensuite à Kaori :

- "Mademoiselle Makimura, vous ne vous rappelez sans doute pas de moi. Nous nous sommes croisés aux funérailles de votre frère."

- "Heuu, non, je ne me rappelle pas ." Bredouilla Kaori en lançant un regard inquiet à Ryo qui n'avait pas bougé d'un pouce, assis au comptoir, tournant le dos à Monsieur Nogami.

Ce dernier reprit :

- "Je comprends. Ce n'était pas vraiment le moment. Sachez que votre frère était un bon flic. J'ai toujours regretté sa démission. Sa mort a été un choc pour nous tous. Et une énorme perte ..."


Il s'éclaircit la gorge puis se tourna vers Ryo qui ne lui avait toujours pas adressé un regard. Accoudé au bar, il restait imperturbable, presque indifférent, n'offrant que son dos à la vue de Monsieur le Préfet qui murmura :

- "Enfin, nous nous rencontrons, Monsieur City Hunter ..."

Ryo se crispa mais resta silencieux et immobile. Monsieur Nogami poursuivit :

- "Ne vous inquiétez pas. Je ne vous ferai pas arrêter. Ni aujourd'hui, ni demain, ni un autre jour. Cela fait longtemps que j'ai renoncé à cette idée et que j'ai classé certains dossiers "sans suite". Sachez que vos actes de cette nuit me confortent dans mon choix."


Kaori soupira de soulagement tout en fermant les yeux. Pendant quelques affreuses secondes, elle avait craint le pire pour elle et surtout pour Ryo, qui était considéré par les autorités comme un  criminel. La petite assemblée restait muette et pétrifiée alors Monsieur le Préfet fit quelques pas en arrière et s'inclina :

- "Je tenais à vous présenter mes remerciements les plus sincères à tous pour vos interventions de cette nuit. Vous êtes les véritables sauveurs de la ville. Vous mériteriez de véritables honneurs mais je sais que c'est totalement impossible et que vous ne les accepterez pas au grand jour. Alors je n'ai malheureusement qu'un simple merci à vous offrir."

- "C'est notre travail." Répondit Kaori, souriante. "Et boucler définitivement cette affaire a eu une réelle signification pour moi. En mémoire de Hideyuki."

Le préfet la regarda attentivement puis hocha la tête. Elle proposa :

- "Vous voulez vous joindre à nous ? J'ai amené de quoi grignoter et je crois que j'en ai un peu trop fait !"

- "Merci, Mademoiselle Makimura mais je suis obligé de décliner votre charmante invitation. J'ai beaucoup de travail en attente. D'ailleurs ..." Il regarda autour de lui, soudain intrigué : "Je pensais trouver ma fille ici."

- "Nous n'avons pas vu Saeko." Confirma Miki. "Vous avez essayé de l'appeler ? Elle est peut-être en chemin ?"

- "Hummm ... elle m'a dit qu'elle passait chez elle pour prendre une douche et souffler un peu mais son téléphone privé sonne dans le vide, son portable est sur messagerie et elle n'était toujours pas de retour à son bureau quand je suis parti."

- "Étrange ..." Souffla Falcon.

- "Mais non, mais non, elle doit être sur la route. Vous savez, avec toute cette circulation, parfois, on perd vite vingt minutes par-ci, un quart d'heure par là ... elle ne devrait pas tarder." Intervint Kaori d'une voix rassurante.

- "Oui, ce n'est vraiment pas son genre de se soustraire à ses obligations." Renchérit Miki.

- "C'est vrai." Le regard du Préfet s'attarda encore un peu puis il se dirigea vers la porte. "Merci encore pour votre aide, Messieurs Dames. Je vous suis redevable."

- "Pas de quoi, Monsieur Nogami." Dit soudain Ryo en se retournant enfin, dévoilant son visage à celui qui l'avait longtemps pourchassé. "C'est toujours un plaisir de faire un peu de nettoyage ..."

Les deux hommes échangèrent un sobre sourire puis le préfet remit son couvre-chef d'un geste très solennel en ajoutant :

- "Tant mieux. Vous m'en voyez ravi ... Monsieur Saeba."


Il adressa ensuite un dernier regard à chacun puis il tourna les talons et disparut aussi discrètement qu'il était venu. Quand le taxi eut disparu, Kaori fut la première à rompre le silence :

- "Ah bah ça alors ! Je ne m'y attendais pas du tout ..."

Miki siffla, admirative : 

- "Classe, le bonhomme quand même ..."

- "Je suis d'accord avec toi. Et dire qu'il était notre ennemi juré il y a quelques années et qu'il voulait à tout prix nous faire arrêter."

- "Ah oui ?"

- "Oui ... Une longue et vieille histoire. Je ne t'en ai jamais parlé ?"

- "Non."


Ravie de raconter une de leurs aventures, Kaori prit une gorgée de café et commença son récit :

- "Alors, c'était il y a quoi ? Quatre ou cinq ans ..."

- "Attends ma belle, c'est pas que ton histoire ne m'intéresse pas, bien au contraire, mais tu avais commencé un truc avant qu'il arrive." L'interrompit Miki.

- "Comment ça ?"

- "Oui, tu m'as dit que Ryo et toi aviez quelque chose à nous annoncer et ..."

- "Où est Saeko ?" La coupa Ryo, en regardant sa montre, mimant exagérément l'inquiétude. "Vous ne trouvez pas ça bizarre qu'elle ne soit nulle part ? Ni chez elle, ni à la Préfecture, ni ici ?"

- "A mon avis, pas la peine de l'attendre ..." Dit Kaori avec un sourire mutin. "Elle est certainement très occupée."

- "Le Préfet a pourtant dit qu'elle n'était pas à son bureau." Ajouta Miki. "Alors qu'elle doit avoir du pain sur la planche."

- "Hihihihi et pas que du pain si tu veux mon avis ...." Souffla Kaori, les joues rouges de sa propre audace.

Comme Miki la dévisageait sans comprendre, la jeune femme ajouta :

- "Avec Shiki ... Tu vois ..."

- "Nooon ?"

- "Siiii !!!"

- "Comment tu peux savoir un truc pareil ?" S'exclama Miki, les yeux brillants d'excitation. "Saeko et Shiki ?"

Kaori pouffa : 

- "Évident ! Tu aurais dû voir comme il la dévorait des yeux. Et c'est bien la première fois que je vois Saeko troublée par un homme. En même temps, je la comprends ... Il a une voix ... et des yeux ... Ah là là là ... Bref ... tu connais Saeko, elle a essayé de ne rien laisser paraître mais ça se voyait comme le nez au milieu de la figure ! C'était évident ! Mais évident ! Ça ne m'étonnerait pas qu'elle passe un après-midi ... romantique."

- "J'en connais d'autres qui se mangent des yeux et qui ne passent pas pour autant un après-midi romantique ..." Maugréa Miki en lorgnant Ryo du coin de l'œil mais ce dernier affichait un air blasé et ennuyé au possible, jouant avec sa cuillère et sa tasse vide.

- "Pardon ?" Demanda Kaori en se penchant vers son amie : "Tu as dit quoi ?"

- "Non, rien, ... Raconte-moi. Il est comment, ce Shiki ?"


Kaori se redressa, ravie que son amie lui ait posé cette question :

- "Si tu veux mon avis, je parie qu'il n'est pas du genre à la faire attendre ou à tergiverser pendant des années, si tu vois ce que je veux dire."

Sans lâcher Ryo du regard, Miki acquiesça :

- "Oui, je vois bien, oui ..."

- "Et je pense aussi qu’Endo Shiki est déjà en mode attaque."

- "Tu crois ?"

- "Oui et tu sais pourquoi ? Parce que j'ai l'impression que c'est un type qui n'a peur de rien."

Miki ne put retenir un petit rire :

- "Bon, pour draguer Saeko, vaut mieux !"

- "Tu m'étonnes !"


Ryo tapota sa cuillère sur le bord de sa tasse pour attirer leur attention : 

- "Vous devriez changer de sujet, les filles. Madame la Commissaire Saeko Nogami arrive."

- "Comment tu peux le savoir ?" Demanda Kaori.

Ryo tapota son oreille :

- "Un moteur de Porsche tout neuf ..."

- "Hummm ... dans ... sept secondes." Se contenta d'approuver Falcon.

Un vrombissement se fit entendre dans la rue. 

- "Six, cinq ..." compta Ryo.

Une voiture rouge étincelante freina brusquement à la hauteur du café. 

- "Quatre ... Trois ..." Reprit Falcon.

La portière conducteur s'ouvrit et Saeko en descendit, visiblement pressée. 

- "Deux ... Un ..."

La sonnette de la porte tinta et Saeko lança à la cantonade :

- "Bonjour tout le monde !" Pendant que Falcon terminait son décompte :

- "Zéro." 


Saeko lui lança un regard intrigué mais ne releva pas. Retenant la porte du bout de sa chaussure au talon démesuré pour qu'elle ne se referme pas, elle lança à l'assemblée :

- "Je suis venue vous remercier tous pour ce que vous avez fait. Vraiment. Je serais bien restée avec vous mais j'ai ... un truc important à régler ..."

Miki se pencha par-dessus son comptoir pour mieux voir par la baie vitrée du café :

- "Un truc que tu aurais laissé sur le siège passager de ta nouvelle voiture ?"

Saeko souffla sur sa mèche en jetant un oeil dehors : 

- "Ah, heu ... Lui ? C'est ... heu ... un collègue. De la paperasse urgente à terminer, tu vois ?"

Miki sourit :

- "Oui, oui, je vois, je vois. "

- "Ok. J'espère que vous ne m'en voulez pas ?"

- "Je te pardonne seulement si ton collègue est bien Endo Shiki et si vous allez faire autre-chose que de la paperasse ... Surtout en étant habillée  comme ça." Lança Miki, soulignant ainsi la tenue très féminine de Madame la Commissaire : chemisier blanc au décolleté plongeant, jupe crayon en cuir noir dont la taille haute mettait en valeur la rondeur de ses hanches tout en laissant apparaitre sa cuisse gauche par une fente des plus audacieuses, même pour Saeko.

La policière lissa sa jupe et souffla sur sa mèche :

- "Quoi ? Meuh nan, je mets souvent cette jupe pour faire de l'administratif au bureau."

- "Tu m'en diras tant ... On voit même le bord en dentelle de ton bas, Saeko. Tu es super sexy comme ça." Sourit Miki tout en faisant un clin d'œil.

- "Oh, tu trouves ? Je ... Hum, merci ... Je ... Ohhh ! Vous avez vu l'heure ?" S'exclama la policière en regardant ostensiblement sa montre. "Je dois filer ! Bonne après-midi !"


Elle les salua rapidement de la main et la porte se referma sur ses talons. Tous la regardèrent s'asseoir au volant dans sa voiture flambant neuve avant de démarrer en trombe. Intriguées par cette attitude plus que suspecte, les deux amies se regardaient, en souriant :

- "Endo Shiki ?" Demanda Miki. "Tu crois que c'était lui, dans la voiture ?"

Kaori attrapa une prune salée et crâna un peu en répondant :

- "Je ne crois pas, j'en suis sûre. Il a belle allure, non ?"

- "Ah oui, oui ... et tu as parfaitement raison, il a l'air pas mal du tout ... J'aurais bien aimé qu'il sorte un peu d'ailleurs ... Histoire de le voir en entier !"

Kaori ne put retenir plus longtemps son excitation et applaudit en riant. Elle fut stoppée net par un sursaut de Ryo :

- "N'importe quoi ! Je ne vois vraiment pas ce que vous lui trouvez, vous toutes."

Kaori recommença à rire :

- "T'es vraiment jaloux en fait ! Certainement parce qu'il a au moins dix ans de plus que toi et qu'il est encore super bien conservé !"

- "Ah ouais ?" Demanda Miki. "Rooo ... c'est vraiment dommage qu'il ne soit pas sorti."

- "C'est clair ... En plus, tu verrais ses yeux ... Un regard à faire fondre un iceberg ... avec des petites pattes d'oie au coin, là ... Ça donne un air taquin ... Et des mains ..." Affirma Kaori, avec un sourire mutin, les joues légèrement roses, tout en lorgnant en coin son partenaire qui fulminait. "Et le reste ... de dos, il est ..."

Ryo se leva brusquement : 

- "Ça suffit maintenant ! Il est loin d'être aussi sexy et baraqué que moi !" S'exclama-t-il en bombant le torse et levant le poing. "Et en plus, c'est rien qu'un vieux ! Couvert de cheveux blancs et balafré par-dessus le marché !"

Kaori devint soudain un peu rêveuse :

- "N'importe quoi ! Moi je trouve que sa cicatrice lui donne un petit air spécial. Un côté bad boy ... Hihihi ... Et les cheveux blancs, ça donne du charme, je trouve. Il a beaucoup beaucoup beaucoup de charisme ! Pas une once de vulgarité, en plus, ce qui ne gâche rien !" Elle se tourna vers Ryo et lui asséna froidement : "Contrairement à certains ..."


Ryo se dirigea vers elle  et se planta devant elle alors qu'elle était restée assise sur son tabouret. Il la pointa du doigt :

- "Et bien, il faudra te contenter du charisme des "certains", Mademoiselle Makimura, parce que moi, désolé, je n'ai pas de cheveux blancs et je tiens à ma baby face ... "

Il passa son bras dans le dos de sa partenaire et se pencha vers elle pour lui murmurer :

- "Et mes mains aussi sont sexy. Il me semble que tu ne t'en plaignais pas ce matin dans la baignoire, Mademoiselle Makimura. Et je n'ai pas du tout la trouille, moi, je n'ai pas peur d'ébruiter certaines ... choooses ... Moi aussi, je sais passer en mode attaque."

La jeune femme rougit immédiatement, son visage prenant une teinte écarlate du cou jusqu'à la racine des cheveux. Sous le regard effaré de Miki, Ryo se pencha vers Kaori et l'embrassa brusquement, plaquant sa bouche à la sienne d'un baiser presque autoritaire, possessif.


Quand il décolla ses lèvres des siennes, il ajouta en souriant et en ajustant le col de sa veste :

- "Voilà ce que Kaori voulait vous annoncer tout à l'heure. Comme ça, ça, c'est fait ... Et on arrêtera de parler de l'autre super-héros."

- "Et bah ... Tout ça pour ça ..." Souffla Falcon en prenant un chiffon propre pour essuyer une nouvelle assiette. "Il était temps, imbécile."

Miki, plus expansive, battit des mains, les yeux brillants de joie : 

- "Roooo !!! Vous vous décidez enfin à avouer !" Comme Kaori restait pétrifiée et cramoisie, Miki se tourna vers Ryo, avide d'informations : "Ça fait combien de temps ? C'était où votre premier baiser ? Tu as fait comment ? Tu lui as dit quoi ? Raconte ! Raconte ! Racooonte !" 

Ryo enfonça les mains dans ses poches et tourna les talons :

- "Je ne raconte rien du tout, moi et je vais aller fumer ... J'ai mené assez d'opérations kamikaze ces dernières vingt-quatre heures !"


Miki éclata de rire, radieuse d'apprendre une nouvelle qu'elle espérait depuis si longtemps :

- "Je me disais bien que ce n'était pas normal que tu ne te comportes plus comme un débile. Tu n'as même pas bavé sur Saeko alors qu'elle était renversante. Et avec moi non plus, tu ne fais plus le pervers. Tu ne lorgnes même plus mon décolleté !"

Ryo rit aussi en ouvrant la porte :

- "Va savoir ... Peut-être que c'est simplement parce que tu as pris un peu de poids ces derniers temps. Les effets du mariage, non ?"

Miki pâlit brusquement. D'un geste rapide et sûr, elle saisit un plateau sous son comptoir et le lança avec précision dans la direction de Ryo qui l'esquiva souplement. Après avoir regardé le plateau rouler sur le sol, il se retourna vers la jeune femme, portant son mégot encore éteint à la bouche et la nargua : 

- "Tu désamorces mieux que tu ne vises, toi !"

Miki serra les poings et gronda :

- "Espèce de ..."

Avant de s'éclipser, Ryo ajouta, moqueur et provocateur :

- "Ne t'énerve pas comme ça. Ca vieillit prématurément, je l'ai toujours dit ..."



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