Entretien avec un Chasseur

Chapitre 11 : Révélations

3860 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/04/2023 09:20


- "Vous avez fait appel à Mick ?" Me demande mon gentil Binoclard. 

Je lui souris, il comprend vite. 

- "En effet, s'il y a bien une personne qui pouvait nous aider à résoudre notre problème de communication, c'était bien le Roi des Convoyeurs. Du moins, c'est ce que je pensais …"

Il se redresse et me regarde par-dessus ses lunettes :

- "Ce n'était pas le cas ?" 

- "Hummm… en un sens oui, il nous a aidés. Et dans un autre, ce qu'il nous a révélé, a sensiblement compliqué toute cette histoire…" 

Mon interlocuteur s'arrête de griffonner, s'apprête à me dire quelque chose en ouvrant la bouche et me désignant de son crayon. Puis finalement se ravise… Je souris. 

- "En fait, vous aimez bien me faire tourner en bourrique hein ?" Maugrée-t-il.

- "Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez." Fais-je en souriant.


Je ne vais certainement pas lui avouer que le taquiner et jouer avec sa curiosité sont devenus mon sport favori. Oui, vraiment, plus ça va, plus j'adore ça. En plus, toutes ses questions trouveront fatalement des réponses dans la suite de mon récit, alors, autant m'amuser un peu.

 

****

Je me levai pour aller chercher une craie dans mon sac. Kaori me regarda avec de grands yeux interrogateurs et bondit sur ses jambes quand elle me vit dessiner sur son parquet. Elle me tourna autour, tournant son index sur sa tempe. Je ne pus m'empêcher de rire tout en désignant le capharnaüm qui régnait autour de nous :

- "Arrête de jouer à la fée du logis, tu veux ? Tu as vu dans quel état est ton appart, sérieux ?"

Elle me pointa un doigt menaçant sous le nez, les yeux furibonds, les joues noires de colère. Je continuai à la taquiner : 

- "Et je te signale que c'est en partie de ta faute ... Si tu ne me fracassais pas des trucs sur le crâne, ça serait beaucoup plus ordonné, ici !"

Elle s'arrêta net et me dévisagea et je crus, pendant un instant, voir des flammes de rage brûler au fond de ses prunelles noires. Je cessai mes petites moqueries immédiatement, déglutissant avec appréhension. Ce n'est pas qu'elle me fichait la trouille ... 

J'essayais donc de l'apaiser : 

- "C'est bon ! C'est de la craie. Un coup de serpillère et hop, on ne verra plus rien." 

Elle se planta devant moi, droite comme un piquet, les bras croisés, le pied tapant le sol en cadence pendant que je terminais mon dessin : un grand cercle contenant différents signes cabalistiques et un code en latin. 

Je relevai la tête vers elle et la vit qui me regardai, incrédule. J'écartai les bras, surjouant mon impuissance en plaisantant :

- "Pas de ma faute si Mick est pas raccordé au réseau ..."


Je n'attendis pas longtemps et mon Emplumé Royal apparut au milieu du salon, devant une Kaori éberluée et pétrifiée.

- "En fait, tu peux vraiment pas te passer de moi, c'est ça?" Railla Mick sans regarder autour de lui, les bras croisés sur la poitrine, le ton méprisant, les ailes à moitié déployées.

- "Mick…" Dis-je en tendant le bras pour lui désigner Kaori, qui restait pétrifiée dans son dos mais il ne fit aucunement attention à moi et poursuivit sans s'arrêter :

- "En moins de deux jours, tu as encore besoin de moi ..." 

Je croisai les bras sur mon torse, imitant parfaitement sa posture, les ailes en moins, alors que mon âme errante se remettait peu à peu de sa surprise et s'approchait de lui à pas de loup dans son dos. 

- "Mick…" Essayai-je de l'interrompre.

- "Nan, mais en fait ... Je sais : tu as enfin compris que je suis meilleur que toi et que tu n'arrives pas à résoudre une affaire sans moi. Tu as BESOIN de moi …" 

Là, je ripostai, ma fierté de Chasseur en prenant un sérieux coup : 

- "Héééé, mais ! Ça va pas, non ? Attends un peu que ..."

Il me coupa la parole, m'ignorant à nouveau ouvertement :

- "C'est la même chose en ce qui concerne les filles. Je suis largement plus séduisant que toi. On peut ouvrir les paris : on va dehors et la première fille qu'on croise, je suis sûre qu'elle succombera à mon charme dès qu'elle me verra, ce n'est pas possible autrement ! Même en planquant mes ailes ! Et toi, elle te calculera même pas ! Et, tiens, on fera la même chose avec ton "âme errante super sexy" là, je suis sûr que, quand elle me rencontrera, t'auras plus aucune chance de concréti ..." Fit-il, sûr de lui, avant de finir assommé sous le même porte manteau qui m'avait aplati quelques instants auparavant. 

J'éclatai alors franchement de rire. J'en eus du mal à faire les présentations : 

- "Mick, Kaori ... Kaori, Mick… Mick, je te présente officiellement mon "âme errante super sexy" qui, contre toute vraisemblance, a résisté à ton charme." 

Mick réussit à sortir très élégamment du plancher où il avait été enseveli. Il se releva en époussetant dédaigneusement son costume et en lissant ses plumes, sous mon hilarité qui n'en finissait pas. Il me lança un regard assassin avant de se pencher vers moi pour me chuchoter :

- "Oui bon, ça va ! T'aurais pu me prévenir aussi qu'elle était là et que c'était une véritable furie !"

Puis il se tourna vers Kaori qui gardait les bras croisés et observait Mick se rendre présentable avec une mine sévère. Mick toussota et s'approcha d'elle en lui faisant une révérence. Elle le dévisagea, éberluée. Il s'approcha encore un peu d'elle, la regardant dans les yeux. Il tendit la main vers ses bras, l'attrapa lentement par le poignet sans la lâcher du regard, puis il lui fit un baise main.

Je sursautai en même temps que Kaori écarquillait les yeux de surprise. Pas possible ! Cet idiot d'Emplumé venait de réussir ce que j'avais essayé de faire sans succès même pas une demi-heure auparavant : la toucher. Mon cœur se serra et je sentis la colère mêlée à un profond sentiment d'injustice monter en moi. 

Comme je trouvais que Mick en profitait pour prolonger le contact de ses lèvres sur la main de Kaori, je m'écriai : 

- "Comment as-tu réussi à la toucher ? Je n'arrive même pas à l'effleurer ! On se passe au travers ..."

Il se redressa, lâcha délicatement la main en noir et blanc et se tourna vers moi :

- "Je suis un Ange, triple-crétin !!" Répondit Mick, condescendant. 

Je répliquai du tac-au-tac :

- "Merci, Sherlock, j'avais pas remarqué ! Je pensais que les plumes-là, c'était pour enlever la poussière !" Répliquai-je sans réussir à retenir la pointe de regret qui teintait ma voix.

Mick fit un pas vers moi. 

- "Jaloux, l'Etalon ??" 

J'ouvris la bouche pour contrer cette attaque en règle mais réalisant qu'il avait parfaitement raison, je me retins et poursuivis comme si de rien n'était :

- "Bref, quand tu auras fini ton numéro de charme à deux balles, je pourrais peut-être en caser une pour t'expliquer pourquoi je t'ai appelé ... J'avais pas vraiment besoin d'une démo de baise-main ridicule datant du siècle dernier, merci !"

Légèrement vexé, Mick me signifia de la main de poursuivre, ce que je fis avec soulagement :

- "Bien ... je t'ai fait venir ici pour une raison précise…" J'ajoutai en désignant le canapé avec un geste des mains exagéré : "Si tu veux bien te donner la peine".


***

- "Alors comme ça, c'est vrai ... vous êtes jaloux ?" M'interrompt encore le binoclard. 

Finalement je ne suis pas certain que l'adjectif "gentil" lui corresponde … 

Je soupire. 


Oui, j'ai été jaloux. Je n'ai pas pour habitude d'attendre quand une fille me plait et encore moins de devoir rivaliser avec un autre prétendant. J'ai toujours réussi à obtenir ce que je voulais assez facilement, passant ainsi d'une aventure à une autre. Ça m'empêchait de m'attacher et ça m'allait bien comme ça. 

Avec elle, toutes ces habitudes-là ont été ... disons ... chamboulées. 


Je croise les bras sur ma poitrine et je décide d'éluder la question, ne pas répondre, pour ne pas avouer mes faiblesses : 

- "Et vous comptez m'interrompre dès qu'un truc vous chiffonne ou vous amuse ? Nan, parce que sinon, on est encore là dans deux mois hein… Et mon temps est précieux, je vous rappelle !"

Mon petit binoclard se racle la gorge et s'excuse brièvement :

- "Oui, pardon, vous avez raison… donc, vous cherchiez un moyen de communiquer avec Kaori. Mick a réussi à vous aider ?"

Je souris. Voilà, ni vu ni connu et je n'ai rien avoué. Toujours amener sa cible là où vous voulez qu'elle soit. Merci Monsieur Le Binoclard.


***

Je me dirigeai vers le canapé pour m'y asseoir, Kaori restant debout près  de moi et je tapotai le coussin à mes côtés en regardant Mick.

L'ange passa devant nous et je levai ostensiblement les yeux au ciel quand il s'assit sur l'accoudoir du canapé, rejetant ses ailes en arrière dans un geste théâtral qui fit pouffer Kaori, alors que nous échangions un regard complice. 

Je me penchai vers elle pour lui chuchoter : 

- "C'est pour pas froisser les plumes… "

Elle éclata d'un rire silencieux et je bombai immédiatement le torse avec un sentiment de satisfaction virile. Je ne pouvais peut-être pas lui faire de baise-main mais, moi, je la faisais rire. Et voir ses joues se teinter de joie, ça, c'était un plaisir que Mick n'aurait pas. 

Je reportai mon regard vers mon ami et hésitai … Je connaissais bien l'Emplumé et je savais que ce que je m'apprêtais à demander allait fatalement m'attirer des moqueries, un rire goguenard, ou que sais-je encore… Mais en même temps… 

Je soupirai et me lançai, après avoir passé plusieurs fois ma main dans mes cheveux, trahissant ainsi ma nervosité. Mick me regarda, haussant un sourcil interrogateur. 

- "Voilà, Kaori et moi, nous devons réussir à communiquer. Elle ne peut pas parler : ici, dans la réalité, son corps a encore la sonde d'intubation dans la gorge et apparemment, ça bloque aussi ses cordes vocales dans l'entre deux mondes... Il faut un moyen de communication si nous voulons nous entraider sur cette affaire. Elle a entendu une discussion accablante entre un sale type et son frère qui était flic. Lui et sa partenaire étaient en train de rassembler des preuves sur une affaire de corruption politique au plus haut niveau : trafic de drogue, d'influence, pots de vin, tout le tremblement."

- "Oh, des gens biens et tout à fait aimables, en somme ..." Souffla Mick avec un brin de désespoir dans la voix. 

Je savais bien que sous ses airs désinvoltes et intransigeants, ces déviances humaines le chagrinaient au plus profond de son être céleste. Nous en discutions assez souvent et je savais bien qu'il souffrait de ne pas avoir le droit d'intervenir pour punir ces injustices considérées par ses pairs comme bassement humaines et peu dignes d'attention. Se battre pour éliminer des démons afin de maintenir l'équilibre de l'univers, oui, ça, c'était autorisé. Se battre pour rétablir la justice ici-bas, non, ça ... ça lui aurait valu d'être banni, c'est-à-dire perdre son statut, ses ailes, sa liberté et peut-être même sa vie.


Je repris :

- "En résumé, oui ... Kaori a suivi son frère qui enquêtait sur l'arrivée d'une nouvelle drogue à Tokyo. Une drogue que les clans s'arrachent. Et Kaori a entendu une discussion et des aveux accablants impliquant des personnalités politiques, il y aurait même un enregistrement quelque part qui permettrait de faire tomber l'un des chefs du réseau et tous ceux qui s'en mettent plein les poches avec le trafic d'Angel Dust. En plus, ce matin, quand je suis allé à l'hôp..." 

- "Attends, attends… Le trafic de quoi ?"

- "Oui je sais, tu vas encore rire et te moquer, des noms utilisés pour désigner la dro..." Soupirai-je

- "Non, Ryo, stop." S’écria Mick en se levant brusquement, le visage sérieux. "Répète juste ce que tu viens de dire. Le trafic de quoi ?"

Je l'observai un instant alors qu'il s'impatientait devant mon silence. C'était la première fois que je voyais Mick aussi sérieux. 

- "Le trafic d'Angel Dust."Répétai-je enfin sans le lâcher du regard, interloqué. 

Il se laissa tomber sur le canapé sans égard pour ses plumes cette fois. Kaori s'était approchée, inquiète. Je la regardai en haussant les épaules lui faisant ainsi comprendre que je n'avais vraiment aucune idée de ce qui pouvait bien se passer sous les cheveux blonds de Mick. 

Elle s'avança encore vers mon ange gardien qui regardait dans le vague assis sur le sofa, les plumes froissées sans que cela ne semble le gêner cette fois. Il avait le regard soucieux et perdu dans le vague. 

- "Mick ?" L'appelai-je. 

Il sursauta en nous regardant comme s'il avait oublié où il était. 

- "Tu connais l'Angel Dust ? Tu connais cette drogue ?" Demandai-je.

Il éclata d'un rire sans joie. 

- "Si je connais cette drogue ? La poussière d'ange, Ryo… Il faut que je te fasse un dessin ?"

- "Je pensais que c'était juste un nom comme ça ... Tu sais ... comme Christmas Tree, L'Extase des Étoiles, Next Délirium … Ce genre de trucs …" Dis-je en haussant les épaules. 

Mick secoua la tête, accablé par la nouvelle et expliqua :

- "Non, non, ce n'est pas juste une dénomination pour faire joli. C'est vraiment de la poussière d'Ange. C'est ce qui fait de nous ce que nous sommes. C'est ce qui fait qu'on arrive à voler, qu'on se déplace du monde des morts au monde des vivants, comme la poudre sur les ailes des papillons. C'est presque notre ADN…" 

J'en restai sans voix. C'était tellement évident mais en même temps, tellement impensable. Jamais je n'aurais songé à ça. C'était trop ... visible. 

Je m'exclamai : 

- "La poussière d'Ange ? Mais… Pourquoi ?"

- "D'après ce que j'ai appris, la poussière d'ange est utilisée comme un adjuvant à la substance de base, qui est un dérivé du PCP. Non seulement, les consommateurs deviennent insensibles à la douleur mais aussi à la mort, tout comme nous, les Anges. SAUF qu'ils restent bien évidemment des humains et ils se transforment en morts-vivants en quelque sorte."

- "Oui, c'est exactement ce que m'a dit Saeko ..."

- "Saeko ? C'est qui ?"

- "Saeko ... l'ancienne partenaire de son défunt frère."

- "Oh, une femme ? Décidément, je n'arriverais jamais à m'y faire, aux prénoms japonais ... Et ? Elle est jolie, dis-moi ?"

- "Tu peux pas rester sérieux, non ?"

- "Plus de trois minutes ? Absolument impossible, pourquoi ?"

Je soupirai. Il rit :

- "Ah, vu ta tête, elle est même carrément sexy ..."

- "Non mais ..."

Avant que j'ai pu terminer ma protestation, il avait repris son sérieux et continua :

- "Le truc, c'est que j'avance pas… ça fait plusieurs mois que j'enquête sur cette affaire de Poussière d'Ange. C'est pour ça que je suis moins dispo ces derniers temps. Quelqu'un enlève des anges et leur vole leur poussière. "

- "Mais comment c'est possible ? Vous êtes pas censés être les plus forts ?" 

Mick haussa les épaules, avouant son impuissance :

- "C'est bien là que je coince. Il s'agit le plus souvent d'anges secondaires qui disparaissent d'un coup. Pas des convoyeurs importants, non ... des officiers à des postes subalternes. Et puis ils réapparaissent, complètement à bout de forces, tellement vidés que certains sont même devenus humains. Purgés de leur substance céleste, ces Anges qui n'en sont plus vraiment, sont retrouvés amnésiques ou totalement fous. En général, ils ne font que répéter : "Le Dernier Satan est de retour, le Dernier Satan est de retour". 


****

- "Le Dernier Satan ? Attendez, c'est le nom de l'autre-là ... Du chef que Saeko et Hideyuki avaient identifié, non ?"

Je hoche la tête.

- "Oh ! La vache, tout était lié, alors ?" S'exclame mon compagnon de parlote en me regardant, abasourdi, derrière ses petites lunettes.

Je hoche à nouveau la tête mais ne réponds toujours pas. Le Binoclard soupire : 

- "Et vous vous êtes retrouvé au cœur de tout ça ..."

- "Moui ... et vous ne croyez pas si bien dire ..."

Il me regarde, intrigué. Je continue avant qu'il ne me pose encore une question.

- "Bien, attendez, vous n'êtes pas au bout de vos surprises ..."


***

Mick continua de nous résumer son affaire :

- "Du coup, avec ces rumeurs sur le retour de Satan, certains groupes célestes craignent l'arrivée de l'Apocalypse ... En plus, je n'ai pas encore localisé celui qui se fait appeler comme ça ..." Puis il ajouta en détournant le regard : "Je sais qui il est mais pas où il est ... Et…Enfin bref, on dirait bien que nos deux affaires sont liées, n'est-ce pas ?"

Je hochai la tête :

- "Oui, d'autant plus que Saeko m'a dit que le chef de l'organisation s'appelait El Ultimo Satanas ..."

- "Le Dernier Satan ... Donc si je comprends bien, il serait ici, au Japon ? " Souffla Mick.

Nous restâmes silencieux quelques secondes, puis il soupira avant de se redresser sur ses jambes, les plumes à nouveau parfaitement lisses. Il claqua dans ses mains, évitant mon regard. Puis il se racla la gorge, eut une sorte de rire bizarre, un peu gêné et dit :

- "Mais c'est pas l'objet de ton appel, n'est-ce pas ... OK… Let's start again (Recommençons) Raconte tout à tonton Mick… et dis-moi comment je peux aider cette belle demoiselle ..." 

Tonton Mick? Pensais-je, bizarre… 

J'hésitai un instant et le regardai intensément, le faisant se tortiller sur place. Puis, voyant qu'il ne disait rien de plus, je rangeai l'information dans mon crâne et repris donc mon récit là où je l'avais laissé :

- "Alors ... Kaori a suivi son frère qui enquêtait sur une grosse affaire de corruption liée à ... l'Angel Dust. Elle a entendu une conversation accablante pour faire tomber le réseau, son frère lui aurait donné un enregistrement. Un truc qui ressemble à un portefeuille d'après ce qu'il m'a dit. Puis Hideyuki a été abattu et elle a été blessée, certainement par des hommes de main d'un certain Diable Noir."

Mick s'esclaffa :

- "Putain, j'adore l'imagination débordante de ces mecs pour trouver des surnoms ... Et donc, je suppose que tu viens me demander de la ramener dans son corps pour qu'elle se réveille et aille témoigner, c'est ça ?"

- "Heuuuu ..." Je le dévisageai, ébahi et je sentis le regard plein d'espoir de Kaori se poser sur moi. "Tu pourrais faire ça, sérieux ?"

Mick secoua la tête :

- "Non. Enfin, si. Mais non, c'est contraire à la procédure."

- "Mais pourquoi ?!? Tu l'as bien fait pour moi !"

- "Oui, je l'ai fait pour toi. Mais ... de UN, j'étais TON convoyeur et de DEUX, ... de deux, je me suis bien fait remonter les plumes à cause de toi. Et je ne tiens pas à remettre ça, si tu vois ce que je veux dire. Je risque même gros ... Donc, le mieux est de retrouver SON convoyeur pour qu'il la conduise à nouveau à son corps ... Mais, tu sais, si son enveloppe est trop endommagée, aucun Ange ne pourra rien faire pour elle."

J'acquiesçai :

- "Je suis allé la voir aujourd'hui, là où elle est hospitalisée. D'après les médecins, tous les voyants sont aux verts et elle pourrait se réveiller."

- "Ah ? Et ? Quel est le problème, alors ?" Demanda Mick en regardant Kaori.

Elle secoua énergiquement la tête puis baissa le regard, penaude. Je répondis alors à sa place :

- "Je pense qu'elle est maintenue dans le coma magiquement, Mick. J'ai reconnu là-bas une aura que je n'avais pas ressenti depuis des lustres."

Kaori me regarda, éberluée. Je fuis son regard : je ne lui avais pas encore avoué cette information. 

Mick me regarda, très intéressé et répéta mes mots :

- "Depuis des lustres ?"

Je hochai la tête pour toute réponse.

- "Qui ça ?" Demanda-t-il, visiblement inquiet.

- "Kaibara… "

Mick tiqua et me dévisagea, à nouveau muet de stupeur. Au début de notre partenariat aux Etats-Unis, quand nous chassions les démons ensemble, je lui avais longuement parlé de mon ancien mentor, celui que j'avais considéré comme un père, celui qui m'avait trahi ... celui qui avait failli me tuer ... Celui qui avait fait que nous nous étions rencontrés la première fois dans l'entre deux mondes. 

- "Kaïbara ?"

- "Oui, tu as bien entendu ... Kaïbara ..."

Comme il ne réagissait toujours pas, je l'appelai : 

- "Mick ?" 

Il murmura :

- "Kaïbara ... Putain ... C'est pas vrai ! Moi qui voulais te laisser en dehors de ça ..."

- "Dis-moi. Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu sais, c'est pas grave ... Je gère, tu sais ..."

- "Non, non ... En fait, pour le coup, ça n'a rien à voir avec toi. Enfin je pensais que ça n'AVAIT rien à voir avec toi ... Mais maintenant ..."

Il resta un moment silencieux, manifestement peiné voire gêné.  Je ne l'avais jamais vu comme ça. J'insistai :

- "Non mais t'inquiète pas. Je savais bien qu'un jour où l'autre, je devrais à nouveau le rencontrer. Je suis prêt. Je suis sûr que je suis prêt ..."

- "C'est pas ça, Ryo ... C'est ... En fait, j'ai un truc à t'avouer ... Je ne voyais pas l'intérêt de te le dire car ça n'aurait pas fait avancer les choses ..."

Il suspendit ses mots. Je me levai et me plantai devant lui pour lui faire face : 

- "Mick ? Qu'est-ce que tu as à me dire sur mon père ?"

Il détourna le regard et soupira :

- "Putain de merde… Ryo, nos affaires… Elles sont bien plus liées et bien plus graves que ça."

Il releva ses yeux bleu azur vers moi et murmura :

- "Ryo ... Kaïbara est ... il est devenu ... Il a été élu Ultimo Satanas ... D'après mes informateurs, c'est lui, le Chef des Enfers..."

J'eus un mouvement de recul pour accuser le coup et murmurai :

- "Mon père est devenu ... Il est devenu QUOI ?"



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