Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 9 : Chapitre 9: Embellie éphémère

2342 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/08/2019 11:23

Mathilde


Mathilde préparait du thé. En même temps, elle faisait griller du pain. Elle allait faire un sandwich à la petite Ambre, quelque chose de bon et qui lui remplirait l'estomac.

La rouquine restait sujette à de nombreux doutes. Elle avait été recueillie à ses 13 ans par l'Institut. Elle y avait partagé une chambre avec Judith et elles avaient apprit à se haïr mutuellement. Elle y avait aussi rencontré Augustin, complètement perdu, amorphe et asocial, qui était à deux doigts de se faire exclure. L'Institut était un endroit particulier. On y gardait que la crème de la crème intellectuelle chez les ados et pré-ados. Dès que quelqu'un ne rentrait plus dans les critères, il se faisait éjecter. William Dunbar, le fondateur de l'Institut venait souvent leur rendre visite. Elle n'avait jamais comprit qui il était réellement, mais il semblait qu'il était important. Chaque fois, il leur faisait un discours pour leur rappeler les raisons de leur présence ici.

« N'oubliez pas que nous vous avons arraché à des familles d'accueil, des foyers. Certains étaient à la rue quand on les a trouvé... Nous vous offrons une nouvelle chance ! La chance de briller ! De travailler aux côtés de l'homme le plus puissant du monde et peut-être même de prendre sa place ! »

La plupart des membres de l'Institut étaient effectivement orphelins ou venaient de familles... compliquées. Mathilde était orpheline, ses parents étaient morts dans un incendie à ses six ans. Elle avait failli y passer aussi. Depuis, elle avait une étrange fascination presque malsaine pour les flammes. Elle essayait de s'éloigner des briquets et autres allumettes depuis qu'elle avait été trop loin.

Mathilde était arrivée à l'Institut en étant au bout du rouleau. En rencontrant Augustin qui était encore plus désespéré qu'elle, elle avait trouvé une raison de continuer. Puisqu'elle ne s'appréciait pas assez pour se battre pour elle, elle se battrait pour les autres, pour ceux qui n'en avait plus la force. Elle aida Augustin comme elle le put, en lui prêtant des attentions particulière, en l'aidant à réviser pour les examens. Au début, il avait été assez surpris qu'elle s'intéresse à lui et l'avait complètement ignoré. Mais peu à peu, il s'était accoutumé à sa présence et ils avaient fini par être amis. Même si Augustin restait très particuliers.

Et puis au fur et à mesure du temps, à force de s'entre-aider, arriva ce jour fatidique où ils furent convoqué dans le bureau de monsieur Dunbar avec deux autres membres de l'Institut. Ce n'était pourtant pas William qui les reçu, juste un étrange professeur avec des lunettes rayés qui se présenta sous le nom de monsieur Guidon. Il leur présenta un écran d'ordinateur et se mit en retrait.

Il y avait donc Augustin, Mathilde, mais aussi Judith et cette fameuse Zoé à qui personne n'avait jamais parlé. Un message apparut sur l'écran.

H : Bonjour mes jeunes amis. Je m'appelle Hannibal. Nous arrivons au terme de l'expérience de l'Institut. Le but était de me trouver un digne successeur parmi vous, mais la situation a changé.

Il leur expliqua que normalement, ils auraient dû être les quatre finalistes mais qu'une cinquième personne imprévue s'était rajouté à la liste, avec beaucoup d'avance sur eux.

H : Je suis navré, c'est arrivé par hasard et c'est un peu injuste pour vous. C'est pourquoi je vous donne une chance de me montrer votre valeur. De me prouver que vous valez mieux que lui.

Et c'est ainsi qu'avait commencé leur étrange alliance. Tout ce serait bien passé si Zoé et Judith n'en faisaient pas qu'à leur tête... Mais de toute façon, Mathilde ne savait même pas pourquoi elle voulait être le successeur d'Hannibal. Elle ne voulait qu'aider les autres. Est-ce que cette place lui donnerait plus d'opportunité de faire du bien dans le monde ? Elle voulait tellement se faire pardonner...

C'est pourquoi aider Ambre lui avait semblé nécessaire. Elle avait été la recueillir sans prévenir qui que ce soit. Judith avait été folle de rage. Augustin avait temporisé, en expliquant que depuis le début il essayait de recruter l'un des anciens Alpha-guerrier et que c'était leur chance. Mais Mathilde ne voulait enrouler personne. Lorsqu'elle avait vu Ambre sur le banc, elle avait ressenti sa douleur. Elle voulait l'aider à sourire à nouveau.

Je suis trop sensible pour cette histoire. Judith a raison quand elle dit que je n'ai rien à faire là. Augustin est probablement d'accord, mais il ne me le dira jamais, il tient trop à moi.

Elle soupira, prit le plateau qu'elle avait préparé et remonta voir Ambre.

??O??bre


J'étais sur le bord de la fenêtre. Prête à sauter. Prête à enfin finir ma fausse vie. C'était... beaucoup plus dur que je ne le pensais... Je voulais mourir mais j'avais peur de le faire, quelle ironie... Mathilde débarqua à nouveau dans la pièce et lâcha le plateau qu'elle transportait en me voyant. Elle se mit à hurler, mais je n'écoutais pas.

« Ambre ! Ne fais pas ça !

Je la regardais avec un petit sourire triste. Même ma sauveuse s'était trompée. Ce n'était pas moi qu'elle avait voulu aider, mais Ambre. Toujours et encore Ambre.

- Je ne suis pas Ambre.

Et je m'apprêtais à sauter.

- Qui es-tu alors ? Cria t-elle à mon attention.

Cette question. Personne ne me l'avait jamais posé. J'avais été la seule à m'interroger face à un miroir quant à mon identité.

- Je... Je ne sais pas. J'étais l'ombre d'Ambre jusqu'à ce que je me débarrasse d'elle dans la mer numérique. Je ne sais pas qui je suis.

Mathilde marqua une pause. Comme une hésitation. Elle devait me prendre pour une folle, et elle avait probablement raison.

- D'accord, tu n'es pas Ambre. Je te prie de m'excuser de m'être trompée, d'accord ? Descends de là qu'on puisse discuter, s'il te plaît...

Elle avait l'air alarmée. Ses yeux étaient rouges. Elle ne voulait pas que je saute. Elle ne voulait pas que je meure, alors qu'elle savait que je n'étais rien. Pourquoi ?

- Pourquoi ? Je ne suis personne ! Et j'ai tué... J'ai tué Jean... Je mérite de tomber !

- Personne ne mérite ça ! Et si tu n'étais personne... tu n'aurais pas de regrets !

Des regrets ? Oui. Oui j'en avais beaucoup. Beaucoup trop.

- Rien n'est irréparable, je te l'assure !

- Tu te fous de ma gueule ? Comment je répare quelqu'un que j'ai poignardé ?!

- Je n'ai pas toutes les réponses... Mais tu ne répareras rien en mourant ! Tu feras juste couler plus de sang !

- Mais je ne suis rien ! Je n'ai même pas de nom !

- Tu... Tu n'as qu'à t'en choisir un !

Pourquoi est-ce qu'elle essayais de me sauver ? Je ne voulais pas être sauvée !

- Descends maintenant... Je t'en prie...

Je voulus faire un pas vers le vide, mais je sentis qu'elle me prit la main.

- Je ne te connais pas. Mais je ne demande qu'à te connaître. Si tu n'as pas de nom, on t'en trouvera un. Si tu as commis des erreurs, on trouvera un moyen pour que tu puisses te racheter. Mais ne laisse pas tomber. Je ne veux pas de nouvelles morts...

Alors... Alors je descendis du rebord de la fenêtre. J'étais... perturbée. C'était la première fois qu'on me parlait. Je veux dire, me parlait à moi, non pas à Ambre. Une personne que je venais à peine de rencontrer venait de me reconnaître alors que Jean avec qui j'avais vécu pendant un an n'avait jamais réussi à faire la différence entre ma jumelle et moi.

- Assieds toi et mange, d'accord ?

J'obéissais. Que pouvais-je faire d'autre ? Je me dis que cette fille était curieuse de vouloir me sauver. Elle ne m'avait pas prise pour une folle quand je lui avais parlé d'Ambre. Au contraire, elle agissait comme si c'était totalement normal. Même moi j'aurai eu du mal à croire à une telle histoire...

- Tu lis des livres ? Me demanda t-elle.

- P... Pourquoi cette question ? Répondis-je avec agressivité, avant de me raviser. Être en permanence sur la défensive ne m'avait jamais rien apporté de bon. Oui, je lis, rajoutai-je.

- Quel est le dernier que tu as lu ?

- Notre-Dame de Paris.

Je l'avais lu avec Ambre, il y a bien longtemps, alors qu'on s'enfermait ensemble dans le grenier pour lire à deux.

- Oh, pas la plus joyeuse des lectures mais certainement une des plus intéressante ! Qu'est-ce que tu en as pensé ?

- J... J'ai trouvé ça fort.

- Tu partages cette vision de la fatalité ? Qu'on ne peut en quelque sorte pas échapper à son destin ?

- Au début, non... J'avais l'impression d'avoir échappé à mon propre destin en prenant le contrôle de ce corps et en chassant Ambre... Mais au final, pour ce que ça a donné, peut-être qu'il... qu'il y a bel et bien une fatalité.

- Tu crois ça ? Si c'était le cas, je pense que tu aurais sauté par cette fenêtre. Tu es quelqu'un, juste quelqu'un de perdu pour l'instant.

Ce qu'elle disait résonnait dans ma tête. J'étais « quelqu'un » ?

- Ça ne change pas... ça ne change pas le fait que j'ai tué Jean.

Mathilde eut soudainement un air grave. Elle prit une grande inspiration et reprit la parole.

- Quand j'étais plus jeune, j'ai mis le feu à mon dortoir. Je ne l'ai dit à personne, mais ça n'a pas été sans conséquence. Ma voisine de chambre, une certaine Jeanne s'est retrouvé en flammes et je n'ai rien fait pour l'aider. Elle est toujours vivante mais... elle a le visage défiguré à vie. Je ne cesse d'y penser. Tout ce que je fais, c'est dans le but de réparer l'erreur que j'ai commise ce jour. Peut-être que je pourrai jamais combler cette dette. Mais en attendant, j'essaie d'aider les autres.

Les yeux de la rouquine étaient devenus humides.

- Et... Et tu penses que c'est ce que je devrais faire aussi ?

- Seulement si toi tu le souhaites. Je t'ai empêchée de sauter aujourd'hui, mais rien ne t'empêchera de le faire demain. Au final, la décision t'appartient à toi. Pas à une sinistre inconnue ou a une quelconque fatalité.

- Tu donnes l'impression que c'est si simple...

- Au contraire, ça sera loin d'être facile. Ne crois pas qu'il te suffira de faire une ou deux « bonnes actions » pour oublier ce que tu as fait. Et de mon point de vue, je ne pense pas qu'il faille oublier. Je n'ai pas oublié ce que j'ai fait. J'y pense sans arrêt et c'est devenu ma raison de continuer. Si jamais tu décides de t'accrocher à la vie, je peux t'accompagner. On peut essayer de réparer nos erreurs ensemble, si ça te dit.

J'étais encore partagé. Une partie de moi voulait croire en ce qu'elle me disait... Et une autre était toujours persuadé que si, la fatalité existait et que ma seule option était de mourir. Il me fallait un moyen de trancher entre ces deux extrêmes.

- Je veux un prénom.

Mathilde se leva et alla jusqu'à sa bibliothèque. Elle en sortit un dictionnaire des prénoms et me le tendit. Je commençai à tourner les pages. Qu'est-ce que je cherchai ? Quelque chose avec une signification forte ? Non... Je voulais juste trouver celui qui me feras dire « mais oui, c'est moi ! ». Si jamais je ne le trouvai pas, cela signifiait que Mathilde avait tort, que je n'étais personne et que je devais mourir. Si jamais j'arrivais à en trouver un, cela signifierait que je ne serai plus simplement la simple ombre d'Ambre... Cela voudrait dire que je suis véritablement « quelqu'un ». Pendant une dizaine de minutes, je cherchai en vain parmi tous ces noms qui n'étaient pas « moi ».

- Je crois que j'ai trouvé...

- Je t'écoute. »

Constance



Je ne lu même pas l'explication qui allait avec le prénom. Rien qu'en le lisant, je su que c'était le bon. Que c'était moi. Je n'étais pas Ombre. Je n'étais pas Ambre. J'étais Constance. Et rien qu'en me trouvant, une vague d'espoir me submergea. Il en avait fallu du temps tout de même. Une année et un décès. C'était horrible à penser mais... peut-être que sans la mort de Jean, je n'aurai jamais réussi à atteindre ce stade. Je m'en voulais toujours, bien sûr, mais j'avais envie de croire à ce que me disait Mathilde. Que cet acte horrible que j'avais commis allait pouvoir devenir ma motivation. Qu'en plus d'être une personne désormais... j'allais en plus pouvoir devenir une bonne personne.

« C'est un très beau prénom. Il te va très bien, Constance.

Je ressentis des frissons en l'entendant me parler. Me parler ! Personne ne m'avais jamais parlé. C'était ma première conversation. Ma première vraie journée. D'une mort je renaissais. Mon parcours jusque là brumeux et incohérent prenait enfin du sens. Je voulais m'en sortir. J'allais m'en sortir. Avec Mathilde. Elle était là à me sourire, heureuse de me voir choisir la vie. Et j'étais heureuse d'avoir fait ce choix aussi.

- M... Merci. »

J'étais persuadé que désormais, les choses allaient changer. Que j'avais enfin trouver une raison d'exister. Bien sûr, tout cela était artificiel. On ne peut pas passer aussi rapidement du désir de mort à celui de vie en était sincère. Tout cela était dû à la présence rassurante et bienveillante de Mathilde. Mes réflexions n'étaient pas les miennes, mais les siennes. Mais à cet instant précis, je ne le savais pas. Pas encore, en tout cas. J'étais vraiment heureuse. J'avais l'impression que la pluie allait enfin cesser.

Oh, comme j'avais tort...


Laisser un commentaire ?