Nouveaux horizons

Chapitre 5

3174 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/10/2019 19:02

Clémentine consacra son temps libre les jours suivants à sa recherche d’appartement. Elle avait rapatrié toutes les affaires qu’elle souhaitait conserver dans sa chambre au Spoon et ça commençait maintenant à devenir délicat à vivre au quotidien, il était temps de retrouver un chez-elle.

Olivier avait réinvesti les lieux à leur ancienne adresse, profitant du départ de Clémentine pour libérer son propre appartement, moins idéalement placé et plus petit. Cette décision de son ex avait grandement arrangé Clémentine, elle n’avait ainsi pas à s’occuper des démarches avec l’agence immobilière et elle pouvait s’affranchir d’un préavis. Pour une fois depuis leur séparation qu’une idée d’Olivier concernant leur famille était bonne elle n’allait pas la laisser passer !

Ce jour-là elle avait trois visites de programmées. Elle avait scrupuleusement choisi les biens qui l’intéressaient en fonction de leur environnement, elle souhaitait absolument éviter d’être noyée dans la masse des locataires anonymes d’une résidence hors normes. Pour autant elle ne voulait pas s’isoler non plus ; en d’autres temps quelques petites maisons charmantes en périphérie de la ville auraient attiré son attention. Mais aujourd’hui elle voulait surtout se sentir en sécurité. Elle avait beau se rappeler sans cesse que Christophe ne pourrait plus jamais lui faire de mal c’était devenu comme un réflexe, elle avait depuis l’incident une fâcheuse tendance à se méfier de tout.

Clémentine avait donc sélectionné deux appartements dans des copropriétés de taille moyenne (de dix à douze logements) et un dernier dans une ancienne grande maison de ville qui avait été réhabilitée et divisée en trois logements : un T2 et un studio au rez-de-chaussée et un appartement plus grand de 50m² au-dessus, ce dernier étant celui qui l’intéressait.

 

Chez lui, Maxime sourit dès que l’écran de son smartphone s’éclaira, indiquant un nouveau message de Clémentine. Elle avait passé l’après-midi à visiter des appartements et lui demandait s’il voulait bien lui donner son avis sur l’un d’entre eux pour lequel elle avait un véritable coup de cœur ; si ça l’intéressait ils pourraient le visiter ensemble le lendemain matin.

Depuis la soirée avec les collègues de sa mère ils ne s’étaient pas revus mais échangeaient quotidiennement par messages. Leurs conversations étaient toujours brèves, plus des petites pensées l’un pour l’autre au fil de la journée que de véritables discussions mais ça semblait leur convenir à tous les deux. Maxime souhaitait de tout cœur accepter la proposition, mais d’abord il devait tenir la promesse qu’il s’était faite à lui-même : parler à ses parents de son intention de renouer avec Clémentine. Même si pour l’heure il n’avait pas été question d’autre chose que d’amitié il nourrissait le secret espoir que ça puisse évoluer et il voulait mettre toutes les chances de son côté.

— Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça mon fils ? demanda Alex curieux en passant devant Maxime affalé de tout son long sur le canapé du salon, son portable à la main serré contre son cœur et un sourire niais imprimé sur les lèvres.

— Euh rien, répondit Maxime évasivement en se redressant. Maman est rentrée ?

— Oui elle est dans son bureau je crois, pourquoi ?

— J’aimerais vous parler à tous les deux, j’ai quelque chose à vous dire.

— Rien de grave j’espère ! plaisanta Alex, tout de même un brin inquiet face à l’air soudain sérieux de son fils.

Chloé rejoignit son fils et son mari dans le salon et pris place dans le fauteuil en face de Maxime, avec une légère intuition du sujet de conversation à venir… Elle jeta un regard à Alex qui lui aussi semblait préparé à ce qui allait arriver. Après que Clémentine eut quitté leur maison et que Maxime se fut retiré dans sa chambre l’autre soir ils avaient longuement discuté de ce dont ils avaient été témoins les heures précédentes. Jusque-là ils avaient réellement été surpris, voire soucieux, de voir les mois passer sans que Maxime ne semble intéressé par une fille ni même par des sorties nocturnes avec ses amis, mais ils ne se doutaient pas pour autant que sa brouille avec Clémentine pouvait en être la cause. Mais la transformation qui s’était opérée en lui depuis la soirée les avaient interpellés. Se pouvait-il qu’ils aient sous-estimé l’impact que Clémentine avait eu et peut-être avait encore dans la vie de leur fils ?

— Bon je ne vais pas y aller par quatre chemins, se lança Maxime, Clémentine et moi on se parle à nouveau.

— Depuis la soirée de la semaine dernière ? questionna Chloé, qui avait vu juste.

— Non, un peu avant. C’est Clémentine qui m’a recontacté à son retour à Sète, elle voulait me parler de certaines choses alors on s’est rencontrés pour s’expliquer.

— Et du coup vous vous êtes remis ensemble ? supposa Chloé.

— Non ! Tu me prends pour qui ? Tu crois vraiment qu’après ce que Christophe lui a fait elle pense à ça ? s’insurgea Maxime.

— Non bien sûr, pardon ! s’excusa Chloé en levant les mains devant elle en signe d’apaisement, pour montrer à Maxime que ce n’était pas son intention de le provoquer.

— Tu n’as plus de sentiments pour elle ? voulut savoir Alex.

Maxime réfléchit quelques instants à la réponse appropriée à cette question.

— Ce n’est plus comme l’année dernière, ils ont changé mais si, je crois que j’en ai toujours. Tu crois que c’est possible de désaimer ?

Alex sourit à sa femme en lui attrapant la main avant de répondre à son fils :

— Non je ne crois pas, les grandes histoires d’amour sont éternelles, même quand elles s’arrêtent.

— Je ne sais même pas quels sont ses sentiments à elle, déplora Maxime. Mais j’ai décidé d’être à ses côtés dans les moments difficiles qu’elle vit en ce moment, tant qu’elle voudra bien que je sois là. Franchement je n’ai aucune idée d’où ça va nous mener mais ça serait vraiment important pour nous que vous acceptiez notre lien.

— Je ne vais pas te mentir ça ne me fait pas plaisir, soupira Chloé. Je ne comprends vraiment pas ce qui vous attire l’un vers l’autre tous les deux ! Toi partout où tu passes les filles se retournent sur ton passage et tu veux te battre pour être ami avec une femme qui a mon âge ?

— Maman… L’idée c’est qu’on n’ait pas à se battre justement…

Chloé s’était levée et faisait les cent pas dans la pièce, pas vraiment énervée mais plutôt dépitée de sentir la situation lui échapper. Alex, lui, semblait plutôt amusé.

— Et qu’est-ce que tu attends de nous exactement ? voulut savoir Chloé.

— Juste que vous me souteniez dans mes choix quels qu’ils soient et Maman s’il te plait, pas de commentaires désobligeants à Clémentine en salle des profs ! Elle veut aussi être ton amie tu sais !

— Alors là il ne faut pas exagérer non plus, répliqua Chloé sans trop de conviction. Et toi, tu ne dis rien ? demanda-t-elle à Alex.

— Qu’il y a-t-il à ajouter ? Maxime est majeur, il a fini le lycée, tant qu’ils ne font rien de mal je ne crois pas qu’on ait quoi que ce soit à dire en fait.

A ces mots Maxime pris son père dans ses bras pour une longue étreinte, il était tellement heureux d’avoir son soutien. Quand sa mère céda et les rejoignit dans leur embrassade il faillit laisser échapper quelques larmes.

 

***

 

Le lendemain Maxime rejoignit Clémentine au Spoon pour prendre un petit déjeuner avant de se rendre à son peut-être futur appartement pour la contre-visite. Ils avaient convenu de cela la veille au soir mais Maxime ne l’avait pas informée de sa conversation avec Alex et Chloé, il préférait lui annoncer la nouvelle en face pour voir l’expression sur son visage. Il avait dormi comme un bébé, et le matin venu il se sentit en forme comme jamais, enfin prêt à s’attaquer à son avenir de jeune homme libre de ses choix. Certes il vivait chez ses parents et n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire de son année, mais c’est comme si un poids énorme avait quitté sa poitrine, il se sentait merveilleusement léger.

C’est donc tout guilleret qu’il arrivera au café de bon matin. Clémentine n’était manifestement pas encore descendue alors il choisit pour eux une table haute pour deux et commanda un premier café pour patienter.

Clémentine fit son apparition quelques minutes plus tard et le rejoignit. Quand elle se pencha pour lui faire la bise il fut ravi de constater qu’elle utilisait toujours le même shampooing parfumé à la rose qu’il aimait tant, ça lui rappela de tellement bons souvenirs qu’il dut se retenir de lui glisser un baiser dans le cou.

— Bonjour, tu as bien dormi ? lui demanda-t-il.

— Non ! J’étais trop excitée, j’ai hâte de revoir l’appartement il me plait vraiment beaucoup !

— Eh bien moi j’ai passé une très bonne nuit ! Hier soir quand j’ai eu ton message j’ai décidé que c’était le bon moment pour parler à mes parents alors je les ai convoqués au salon pour une réunion de famille ! C’est pour ça que j’ai tardé à te répondre, je ne m’imaginais pas ce matin devoir expliquer à ma mère que je sortais visiter des appartements avec toi sans avoir éclairci la situation avant.

— Et qu’est-ce qu’ils ont dit ? voulut savoir Clémentine, impatiente.

Maxime n’eut pas le temps de répondre avant qu’une serveuse ne vint prendre leur commande. Ils avaient largement le temps avant de devoir se rendre à l’adresse où se trouvait la maison et avaient tous les deux un solide appétit alors ils optèrent pour un petit déjeuner complet : omelette, salade de fruit, pain complet, avec un thé noir pour Clémentine et un second café pour Maxime.

— Alors ? insista Clémentine quand la jeune femme fut repartie.

— Je crois qu’ils ont compris ! Mon père en tout cas. Il dit que je suis majeur, qu’ils n’ont pas à juger mes choix et que tant qu’on ne fait rien de mal il ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas se voir.

— Ton père est vraiment quelqu’un de bien, j’ai l’impression qu’il se soucie toujours du bien être des gens qu’il aime avant tout. Et Chloé ?

— C’est plus compliqué pour elle. Elle est persuadée que je perds mon temps avec toi et que je devrais plutôt passer du temps avec des gens de mon âge.

— Elle n’a pas complètement tort là-dessus, tempéra Clémentine. Je ne veux pas que tu me consacres tout ton temps ! On n’est pas obligés de partir à l’autre bout de la France ni de se cacher cette fois ci, on va continuer à vivre chacun notre vie, et si tu fais partie de la mienne de temps en temps comme ce matin j’en serai déjà très heureuse.

— Oui, j’espère qu’on arrivera à la rassurer. Mais avec mon père avec nous je ne m’inquiète pas trop. Et puis ça la préoccupe maintenant mais je suis sûr que ça lui passera, Judith rentre dans deux semaines de Los Angeles alors tu peux être sûre que j’aurai le champ libre à ce moment-là, ma mère va oublier mon existence pendant un bon moment !

— Tu dois avoir hâte de la retrouver aussi, j’espère que ce n’est pas toi qui m’oublieras ! blagua Clémentine.

Ils finirent leur petit déjeuner en discutant de choses et d’autres, contents de partager ce moment ensemble. Ils avaient tous les deux conscience d’avoir éludé le sujet de la nature de leur relation mais ça serait une conversation pour un autre jour.

 

***

 

Quelques heures plus tard Clémentine et Maxime se trouvaient dans l’appartement élu. L’enthousiasme de Clémentine n’était pas retombé et elle était enchantée de montrer à Maxime chacun des détails du logement qui lui avaient plu la veille.

L’appartement, refait à neuf l’année précédente, était doté d’une grande pièce à vivre avec une cuisine ouverte moderne et bien équipée qui lui conférait tout son potentiel. L’espace nuit était en effet bien plus modeste : une chambre simple de 11m² où Clémentine s’installerait équipée d’un placard intégré suffisamment grand pour y loger toute sa garde-robe faisait face à une plus petite pièce côté rue qui ferait office de bureau mais dans laquelle elle pourrait installer un canapé-lit pour le cas où Garance souhaiterait rester dormir. Adjacente à cette pièce se trouvait une salle de douche petite mais fonctionnelle, joliment décorée de faïence aux motifs orientaux.

— Alors ? Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Clémentine.

— A voir ta tête je crois que tu n’as pas besoin de mon avis, cet appartement est fait pour toi !

— C’est fou je m’y sens super bien il est juste parfait !

— Il est bien placé en plus, tu pourras aller au lycée à pieds non ?

— Oui, et en longeant le canal des Quilles c’est à quinze minutes de la plage, il y a même le complexe sportif du Lido juste à côté, parfait pour aller courir !

— Et parfait aussi pour que je vienne te rendre visite le samedi matin après l’entrainement de basket !

— Tu ne m’avais pas dit que tu t’étais réinscrit cette année ! Le coach a accepté de te reprendre dans l’équipe ?

Maxime, qui faisait du basket dans ce club depuis l’école primaire, était meneur dans l’équipe sénior l’année précédente en alternance avec un autre joueur. Mais quand il était parti du jour au lendemain à Berck pour accompagner Clémentine pendant sa rééducation ça ne s’était pas vraiment bien passé. L’entraineur n’avait rien voulu entendre et lui avait passé un sacré savon pour les avoir laissé tomber la veille d’un match important. Parmi ses coéquipiers certains avaient été plus indulgents mais la plupart n’avaient pas compris et avaient coupés les ponts avec lui, malgré le fait qu’ils se connaissaient depuis l’enfance. Malgré tout il était resté en bons termes avec l’équipe dirigeante de ce club qui lui tenait à cœur et avait accepté d’encadrer l’équipe des poussins le samedi matin. Après tout il avait du temps et il savait d’avance qu’il prendrait beaucoup de plaisir à transmettre les rudiments de son sport favori à ces petits bouts de chou. C’est ce qu’il expliqua à Clémentine.

— C’est super ! Qui sait tu vas peut-être vouloir devenir prof de sport après ça, le taquina-t-elle.

— Merci de me rappeler que je ne sais pas quoi faire de ma vie mais prof, non merci, le lycée c’est fini pour moi !

Maxime, qui ne souhaitait pas engager la conversation sur la voie de son avenir indéfini s’approcha de la large fenêtre du séjour pour changer de sujet. L’arrière de la maison donnait sur un petit jardinet rectangulaire parfaitement entretenu. Une pelouse tondue au millimètre vierge de toute plantation à l’exception d’un acacia dans le fond était bordée d’une rangée de rosiers de différentes sortes d’un côté et de l’autre d’un large potager qui s’étirait sur toute la longueur du jardin. Une dame qui paraissait âgée s’y afférait, le dos courbé mais les gestes sûrs et précis. Elle était menue et vêtue d’un pantalon de travail confortable qui remontait haut sur sa taille par-dessus lequel elle avait noué un tablier de jardinage de la poche duquel divers petits outils dépassaient, prêts à être utilisés. Ses cheveux blancs étaient noués en un chignon impeccable sur sa nuque, recouverts d’un chapeau à larges bords assorti au tablier.

— C’est la dame qui habite en-dessous, indiqua Clémentine qui avait rejoint Maxime à son poste d’observation. Elle est très gentille, elle est venue voir hier quand on est arrivées avec l’agent immobilier pour visiter l’appartement.

— Ah elle est du genre curieux ? Fais gaffe avec une mamie en bas de chez toi tu vas encore être épiée ! plaisanta Maxime.

Cela fit rire Clémentine mais il s’excusa tout de suite, visiblement gêné :

— Pardonne moi, c’est nul de blaguer à ce sujet, je n’aurais pas dû.

— Hey ! Ce n’est pas grave ! le rassura Clémentine d’une tape dans le bras. Au contraire même, ça ne me ferait pas de mal de commencer à prendre tout ça avec plus de légèreté. Ma nouvelle psy m’a dit qu’il fallait que je travaille là-dessus pour arriver à me détacher des événements : relativiser sans pour autant minimiser les faits.

— Je suis ravi si je peux t’aider alors, répondit Maxime. En disant ça il avait passé son bras droit autour du cou de Clémentine pour le laisser retomber nonchalamment par-dessus son épaule et dût une nouvelle fois se retenir pour ne pas lui déposer un baiser sur la joue. Décidément il devrait faire preuve de beaucoup de retenue s’il souhaitait que leur relation évolue à son rythme à elle. Il fut réconforté quand elle lui saisit le poignet de sa main droite tout en entourant sa taille de son bras gauche et ils restèrent ainsi longuement face à la fenêtre à observer les mouvements de la voisine.

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