Juste trop tard

Chapitre 9 : Chapitre 8

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:21

Epica – Tides of Time : http://www.youtube.com/watch?v=jVkJkcvaA1A

 

Teru, pétrifiée, fut incapable de répondre pendant quelques instants. Mais de quoi parlait-elle ? Sa mère était morte à sa naissance, il était impossible qu'elle fût vivante. Et pourquoi lui parlait-elle de cela, tout d'un coup ? En quel honneur ? Pourquoi n'avait-elle pas répondu à sa question ? Que se passait-il ?

L'idée que sa mère qu'elle n'avait jamais connue fût en vie quelque part ne lui avait évidemment jamais traversé l'esprit. Et si c'était le cas, pourquoi Riko était-elle au courant alors qu'elle-même n'en savait rien ? Et Sôichirô, dans cette histoire ? En avait-il connaissance alors qu'il était vivant ? Mais que lui cachait-on au fond, bon sang ?! Et quel était le lien avec son accident ?

« Que... Quoi ? Mais...

- Teru, il faut que tu m'écoutes. C'est très important. »

Leurs voix tremblaient. Teru ne comprenait plus rien. Riko, de son côté, tenta de lui raconter cette sombre histoire du mieux possible. Sôichirô lui avait tout confié quelques années avant sa mort. Lorsqu'il avait commencé à bien maîtriser l'informatique, il avait recherché l'identité de cette femme. Il avait hacké les systèmes informatiques des maternités, à la recherche des certificats de naissance délivrés à une période donnée.

Il avait noté les noms puis cherché leur statut actuel. La quasi-totalité était en vie, certains étaient décédés quelques années plus tard, d'autres avaient été adoptés ou mis dans des orphelinats après le décès des parents.

Cependant, un dossier attira son attention. Une jeune femme, Kaoru Takashi, n'avait pas mis le nom du père. Et en cherchant dans ses informations actuelles, il ne trouva aucune trace d'enfant, comme si elle n'avait jamais accouché. Il découvrit seulement un congé de trois semaines qui correspondait à la période de la naissance de Teru.

En voyant la photographie de la jeune femme, il n'eut aucun doute : il s'agissait bien là de la mère de sa petite-sœur, alors âgée de six ans seulement. Elles possédaient les mêmes yeux ainsi que la même forme de visage. Kaoru n'avait elle-même que vingt-quatre ans. Ainsi, son père préférait les plus jeunes ?

Sôichirô n'entra pas en contact avec cette femme, mais conserva tout de même son dossier. Elle avait pris sa décision six ans plus tôt en leur confiant le bébé sans même lui avoir donné de nom. Elle n'avait même pas tenté de prendre contact avec eux afin de prendre des nouvelles de Teru. Elle était sans cœur. Sans l'avoir rencontrée, il la détestait déjà. Il protégerait sa sœur de cette femme.

S'il avait confié Teru ainsi que ses travaux à Tasuku, il avait donné à Riko son plus gros secret. Tout dépendait d'elle. Il n'avait pas favorisé son meilleur ami au détriment de sa petite-amie, il ne se le serait pas permis. Car, après tout, il l'aimait énormément, même si son monde avait tendance à tourner autour de Teru.

Riko le comprit à cet instant. Elle s'était toujours sentie délaissée, notamment lorsqu'il avait transmis ce qui lui était quasiment de plus précieux à Kurosaki. Elle-même n'avait rien hérité. Sôichirô avait vraisemblablement prévu qu'elle entrât dans la vie de Teru tôt ou tard, et que viendrait un jour où elle devrait certainement choisir de révéler ce secret.

Elle se moquait bien d'être haïe par Teru par la suite. Elle venait de se rendre compte que Sôichirô ne l'avait pas laissée de côté. Elle avait pu protéger ce qu'il avait de plus précieux à sa façon. Il lui était bizarre d'imaginer qu'une femme du même âge qu'elle était la mère de cette adolescente. Si elle pouvait, elle la remplacerait, car Teru était aussi devenu l'une des choses qu'elle chérissait le plus.

Riko ne s'attendait pas à être pardonnée pour avoir caché un tel secret. Teru allait se sentir affreusement trahie, d'autant plus que son frère avait modifié l'histoire de la famille afin qu'elle n'eût pas le moindre soupçon. Sôichirô s'était réellement dévoué corps et âme pour son bien, elle espérait qu'elle le comprendrait un jour.

Elle faisait cela pour son bonheur. Peu importait si elle la détestait par la suite, tant qu'elle était en mesure d'être heureuse avec Tasuku. Tous deux avaient assez souffert, il était grand temps d'alléger le poids qu'ils portaient sur leurs épaules. Elle tâcherait de faire en sorte qu'il n'oubliât pas qu'il avait une dette envers elle à présent.

Le visage de l'adolescente s'assombrit et avait toutes les raisons de l'être. Teru écoutait le récit de Riko sans la regarder dans les yeux, comme si elle fixait le vide, d'un air sombre. Elle ne prononçait mot tandis qu'elle apprenait cette histoire qu'on lui avait caché tant d'années. Elle avait du mal à réaliser l'importance de cette information.

Sa mère était vivante.

Durant toutes ces années, alors qu'elle croyait que sa mère était une autre femme, elle était en vie quelque part dans le monde, probablement au Japon. Assurément tout près d'elle... Et pendant tout ce temps, elle n'avait rien su. Elle n'avait pas pu rencontrer sa véritable mère.

On lui avait menti... Toutes ces années de mensonges de la part de tous... On lui avait fait croire qu'elle était la fille d'une femme morte trois ans avant sa naissance, et elle avait tout gobé. Elle n'avait même pas vérifié sur un papier si elle était bien décédée ce jour-là. Et Sôichirô... Comment avait-il pu lui mentir ?

« Alors... Pendant toutes ces années, mon frère m'a menti... »

Sa voix était grave. Teru ne parvenait pas à pleurer et n'en avait pas envie. Si Sôichirô lui avait menti, alors c'était aussi le cas de Riko. Tout le monde lui avait menti. On l'avait trahie. Elle ne pouvait faire confiance à personne. Nul ne pouvait être entièrement cru, même pas celui qui lui était le plus cher, son frère...

Riko ne répondit pas à sa remarque et continua son histoire d'un ton plus attristé. Teru, de son côté, se posait des questions. Qui était sa mère ? À quoi ressemblait-elle ? Pourquoi ne l'avait-elle jamais revue ? Pourquoi l'avait-elle laissée chez son père pour ne plus jamais revenir ? Comment s'appelait-elle ? Sôichirô l'avait déjà rencontrée ? Complotaient-ils, tous les deux ? Et son père, dans cette histoire ? Était-il bien son père biologique, lui, au moins ?

Une partie de ses réponses fut répondue par celle à qui elle pensait pouvoir faire confiance. Teru ne savait même pas quoi dire, que répondre, trop d'émotions l'assaillaient. Mais, plus que tout, elle se sentait trahie. Affreusement trahie. Elle sentait qu'elle ne pouvait plus croire qui que ce fût, puisqu'au final ceux près d'eux s'avéraient être les pires des traîtres. Sôichirô...

« Teru, je veux que tu saches une chose. il ne pensait pas à mal. Tout ce temps, il a tenté de te protéger. Je sais que c'est dur, mais, je t'en prie, ne lui en veux pas... Pardonne-lui... »

Riko fixait Teru d'un regard suppliant que celle-ci ne pouvait que deviner, puisqu'elle ne regardait pas son aînée. Avec ces mots, elle ne songeait pas seulement à Sôichirô, mais aussi à Tasuku. Ces paroles s'appliquaient aux deux. Les deux hommes s'étaient démenés de manière à la protéger, Riko espérait sincèrement qu'elle finirait par le comprendre.

Riko avait presque envie de pleurer, sans savoir pourquoi. Elle se sentait triste. Peut-être compatissait-elle avec Teru ? Elle comprenait ce qu'avaient ressenti ces trois personnes si liées. Le dévouement des deux hommes, le sentiment de trahison de Teru. Elle sentait bien que cette dernière ne lui parlerait certainement plus, après l'avoir trahie de la sorte, en cachant ce secret.

« Pourquoi... Me raconter ça maintenant ? Pourquoi toi ? Pourquoi pas Sôichirô ? Pourquoi après tant d'années ? »

Teru leva enfin les yeux vers Riko. Sa voix était encore plus grave et tremblait. Son regard suppliait qu'elle répondît à ses questions sans lui masquer la vérité. La jeune femme resta muette quelques instants, jugeant bon de ne pas tout lui révéler directement, elle devait retrouver la mémoire par elle-même. Pendant un moment, elle avait oublié que c'était là son objectif principal.

« Il y a... Une personne qui t'aimait plus que tout. Elle a dû partir pour ton bien et en souffre. Tu ne t'en rends peut-être pas encore compte, mais elle est prête à tout pour ton bien. Alors, pour cette personne, je t'en prie, ne lui en veux pas. Pardonne-lui, elle ne mérite pas ça. »

Teru écouta ces paroles silencieusement. Parlait-elle de sa mère ? De qui d'autre pouvait-elle parler, en même temps, avec ce sujet de conversation... Son esprit bouillonnait, elle ne savait même plus quoi penser, comment interpréter ce qu'elle venait de lui dire.

L'adolescente ne voulait plus voir Riko. Si elle restait près d'elle, elle allait dire quelque chose qu'elle regretterait toute sa vie, et elle ne le souhaitait pas. Teru se leva subitement puis se dirigea vers sa chambre où elle s'enferma. Elle avait beaucoup à réfléchir, si bien qu'elle ne savait pas par où commencer.

Elle s'assit par-terre, le dos contre le mur, en entourant ses jambes ramenées à la poitrine de ses mains. Elle avait envie de rester là, sans bouger, que le monde se figeât. Elle se repassa la conversation dans la tête en réalisant un élément important. Pourquoi ne l'avait-elle pas immédiatement compris ? Elle avait réalisé pourquoi elle avait été abandonnée chez son père.

Sa mère ne voulait pas d'elle.

Elle n'était qu'une erreur, quelque chose qui n'aurait jamais dû arriver. Elle était une nuisance, le monde se porterait mieux sans sa présence. Teru éclata d'un rire nerveux qui se transforma progressivement en pleurs. Elle laissa couler une larme qui s'en suivit par une autre, et encore d'autres.

Elle avait raison, elle ne pouvait réellement faire confiance à personne. Même sa mère l'avait abandonnée parce qu'elle dérangeait. Son frère qu'elle adorait lui avait menti toutes ces années. Depuis sa naissance elle était victime de trahisons.

Teru se sentait horriblement seule, comme si elle était le dernier survivant sur Terre. Le monde extérieur ne comptait plus, il grouillait de traîtres au visage innocent. Même sa propre famille lui avait menti. Ceux sur qui elle pensait pouvoir compter avaient disparu. Elle était toute seule.

La brune repensa à sa mère qu'elle ne connaissait même pas. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander qui elle était réellement, à quoi elle ressemblait... Et, surtout, pourquoi elle l'avait abandonnée. Si elle n'était qu'une erreur, elle aurait pu avorter. Si elle n'était que quelque chose de dérangeant, elle aurait pu choisir de ne pas la mettre au monde... Au moins, elle aurait moins souffert. Elle n'aurait pas connu cet endroit horrible.

Même si cette femme l'avait abandonnée, Teru souhaitait quand même savoir quel genre de personne elle était. Riko ne lui avait rien dit sur son nom, son âge, son occupation... Elle ne savait rien. Si elle la rencontrait dans la rue, elle ne la reconnaîtrait probablement pas. Et elle, la reconnaîtrait-elle ? Il était dit qu'une mère reconnaissait toujours son enfant...

Teru se demandait pourquoi elle s'embêtait à y songer. Si sa mère avait souhaité la revoir, elle serait allée à sa rencontre. Sôichirô l'en avait-il empêchée ? Toutefois, il était mort depuis trois ans, elle aurait pu prendre contact avec elle depuis tout ce temps...

Il fallait bien regarder la vérité en face. Sa mère ne désirait aucun contact. Elle ne la considérait sûrement pas comme sa fille et avait dû l'oublier depuis longtemps. Elle s'était sans doute mariée et avait probablement eu des enfants de son côté.

Quelle ironie, pendant trois ans elle avait cru qu'elle n'avait plus aucune famille, et voilà qu'elle apprenait que c'était faux. Si cela se trouvait, elle avait des petits-frères et des petites-sœurs qui, eux non plus, n'étaient pas au courant de son existence. Seule la mère savait tout.

Un nouveau rire nerveux, très faible cette fois, s'échappa de sa gorge. Elle releva la tête qu'elle appuya contre le mur. La brune ne savait même plus quoi penser de cette situation. Devait-elle quand même aimer sa mère, pour la seule raison qu'elles partageaient le même sang ? Cette justification lui parut stupide.

Teru ferma les yeux un moment, tentant de se calmer. Pourquoi s'énerver pour cette personne qui n'en valait même pas la peine ? Pourquoi se sentir triste pour quelqu'un qui se fichait éperdument de ce qui pouvait lui arriver ? Ces pensées ramenèrent de nouvelles larmes. Celle-ci se frotta les yeux, bien décidée à ne pas craquer. Cependant, le pire, dans cette histoire, était qu'elle ne pourrait plus jamais faire confiance à qui que ce fût.

« Aide-moi, Daisy... »

Son corps se pétrifia. Hein ? Qui était Daisy ? Devenait-elle folle ? Qu'est-ce que cela pouvait bien faire, de toute façon... Le monde se moquait bien que la misérable personne qu'elle était devienne folle. Elle n'avait personne sur qui s'appuyer, dorénavant. Ses amis la trahiraient certainement bientôt à leur tour.

Cette pensée la stupéfia. Avec cette nouvelle, elle en avait oublié son but principal lorsqu'elle était revenue ici. Comment avait-elle pu laisser Riko la détourner de son objectif ? Pourquoi lui avait-elle raconté ce secret à la place ? Que cachait-elle encore ? Elle était forcément au courant de ce qui lui était arrivé un an plus tôt.

« Il y a... Une personne qui t'aimait plus que tout. Elle a dû partir pour ton bien et en souffre. Tu ne t'en rends peut-être pas encore compte, mais elle est prête à tout pour ton bien. Alors, pour cette personne, je t'en prie, ne lui en veux pas. Pardonne-lui, elle ne mérite pas ça. »

Ces paroles résonnèrent dans sa tête. Il y avait anguille sous roche, sa réponse cachait quelque chose de plus gros, elle en était certaine. Teru ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu'elle ne parlait ni de son frère, ni de sa mère. Mais, dans ce cas, de qui ? Qui ? Qui était cette personne ? Que lui cachait-elle encore ?

Teru porta ses mains à sa tête qui commença à lui faire mal. Elle avait beau réfléchir, elle ne trouvait pas de réponse. Tout était lié à son accident un an plus tôt, elle le sentait. Mais pourquoi son cerveau ne répondait-il pas à ses attentes ? Lui cachait-il aussi des informations vitales ? Pourquoi ne parvenait-elle donc pas à se souvenir ?

L'adolescente regarda distraitement l'une de ses mains, en repensant au sang rouge qu'elle avait vu plus tôt. Les rumeurs qui circulaient au sein de l'école avaient commencé à éveiller des soupçons chez elle, qui avaient été confirmés par le sang qu'elle avait vu. Il lui manquait un détail qui l'aiderait à tout comprendre, mais lequel ?

Teru repensa à son rêve. Elle avait émis la folle hypothèse que l'homme en sang était Kurosaki. À partir de là, elle avait songé à diverses théories. Était-il cette personne dont Riko avait parlé ? Se connaissaient-ils donc réellement auparavant ? Dans ce cas, pourquoi était-il parti ? Comment cela avait-il pu la protéger ? De quoi ? De qui ?

Son mal de tête la relança. Comme si elle avait besoin d'avoir affreusement mal à la tête à cet instant précis, alors qu'elle en avait besoin pour réfléchir. À chaque fois qu'elle approchait de la vérité, c'était comme si on la remettait au point de départ. Qu'est-ce qu'on lui cachait ?

Ce n'était pas uniquement les autres, c'était aussi elle-même, comme si son corps refusait de se rappeler. Pourquoi avait-elle oublié ? Était-ce l'une des séquelles ? S'était-elle cognée la tête si fort qu'en plus de ses yeux, sa mémoire en avait pâti ?

Teru tenta de respirer profondément tandis que son mal de tête s'accentuait. Il fallait qu'elle se calme. Si Kurosaki avait fait partie de sa vie et que ses amis le lui avaient caché, peut-être y avait-il une raison. Elle dramatisait sûrement trop. Cependant, concernant Riko, elle ne parvenait pas à envisager une telle solution. Elle ne pourrait pas lui pardonner si aisément.

En quoi sa mère était-elle liée à sa perte de mémoire ? Elle ne parvenait à effectuer aucune relation. Comment lui révéler ce secret pouvait-elle l'aider à se souvenir ?

Plus elle réfléchissait, plus sa tête lui faisait mal. Teru gémit en serrant sa tête dans ses mains de plus en plus fort, comme si cela pouvait l'empêcher de souffrir. Comme si la douleur pouvait disparaître aussi facilement. Sa conscience s'estompa progressivement et elle perdit connaissance.

 

S'il y avait une chose dont Teru était certaine, c'était qu'il ne s'agissait pas encore de son rêve. Pourtant, elle voyait l'homme qui était dedans de dos. Elle avait beau courir, il restait intouchable, au loin. Elle tenta de l'appeler, or aucun son ne sortit de sa bouche. L'univers qui les entourait était tel du néant, il n'y avait rien autour.

Les larmes coulaient le long de ses joues tandis qu'elle le suppliait de ne pas partir, de ne pas la laisser toute seule. Teru ne se contrôlait pas dans ce rêve. C'était comme si quelqu'un avait pris possession de son propre corps et qu'elle n'était qu'une simple spectatrice.

L'homme ne réagit pas à ses pleurs. Teru ne parvenait pas à déterminer son identité, pourtant il paraissait familier malgré son apparence mystérieuse. Elle hurla un nom dont elle ne se rappela pas qui força l'homme à se retourner.

Il était blond. Et grand. Avec des yeux bleus. Il semblait souffrir. Pourquoi ? La Teru de son rêve parut soulagée qu'il se fût retourné et parvint subitement à s'approcher de lui avant de se jeter dans ses bras.

« Kurosaki... »

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