Probabilities

Chapitre 2 : Corollaire I ~ La loi de Gumperson

8949 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:05

Corollaire I ~ La loi de Gumperson

« La probabilité qu'un événement arrive est inversement proportionnelle à sa désirabilité. »

 

Jeudi 15 mars XXXX

09:21 p.m.

Tōkyō, quartier de Beika

Convenience store _

 

Ils étaient deux à sortir du petit magasin, tous deux chargés de paquets de diverses tailles, pleins de produits divers. Il était tard, et les rues commençaient à se faire de moins en moins fréquentées ; mais ils avaient apparemment profité du fait que tout convenience store était obligatoirement ouvert, quelle que fût l’heure de la journée ou de la nuit.

Le groupe était formé d’une adolescente d’environ seize ou dix-sept ans, accompagnée d’un petit garçon plus jeune qu’elle d’au moins dix ans. Tous deux semblaient simplement heureux, marchant tranquillement dans une des innombrables rues de la capitale nipponne, comme si une simple tâche – aller faire quelques achats nécessaires, principalement des aliments pour le repas du soir et les suivants – les ravissait réellement.

 

« Tu n’as pas trop faim, Conan-kun ? » demanda soudainement l’aînée en se tournant vers l’écolier, qui devait donc probablement se nommer ainsi.

 

Le concerné haussa légèrement les épaules, mais avoua qu’en effet son estomac commençait à crier famine. La lycéenne s’excusa alors d’avoir dû rentrer aussi tard et d’avoir oublié d’avoir préparé le dîner ; et d’avoir acheté de quoi préparer le dîner, il fallait croire.

 

« Pour me faire pardonner, c’est riz au curry ce soir ! » annonça-t-elle alors d’un ton rayonnant.

 

Cette bonne nouvelle eut l’effet escompté : le dénommé Conan prit un air exagérément enfantin, clamant que c’était génial et qu’il aimait vraiment ce plat, principalement lorsqu’elle le cuisinait elle-même. Une telle attitude ôta un petit rire discret et sitôt réprimé de la part de la jeune femme, qui se contenta d’afficher un petit sourire amusé.

La discussion continua tandis que les deux amis continuaient de remonter le boulevard principal, parlant de choses banales et diverses. Puis ils bifurquèrent, prenant une petite rue plus calme encore ; cette petite rue sombre devait les mener à l’avenue sur laquelle ils retrouveraient l’agence Mōri, aussi étaient-ils donc à deux pas de leur destination. Habituellement, cela leur eut pris moins de cinq minutes pour rentrer, à partir de là.

 

Pourtant, quelque chose les retint sur place.

 

Un corps.

 

Il y avait un corps au beau milieu du chemin, à moitié caché par l’ombre.

 

Mais pas n’importe lequel.

 

L’adolescente, en le reconnaissant, fut prise d’un tel élan de stupeur qu’elle laissa tomber au sol tous les paquets qu’elle portait, se raidissant telle une statue. L’écolier, lui, refusait d’y croire. Cela ne pouvait pas être lui. Ce n’était pas possible.

Il devait se tromper. C’était à cause de l’obscurité. C’était forcément une erreur à cause de l’obscurité. Il n’y avait pas d’autre explication.

 

Mais en tous les cas, il fallait voir de quoi il s’agissait exactement. Déterminé à mettre cette histoire au clair, l’enfant laissa de même sur le sol les paquets devenus trop encombrants, se précipitant vers l’énigmatique corps et ayant pour tout premier réflexe de poser sa main près de sa carotide.

Son pouls battait encore. Donc il était vivant.

 

Il se releva, considérant la personne inconsciente qui n’était, finalement, pas un cadavre.

Il refusait d’y croire, mais la vérité était pourtant là : ce jeune lycéen ressemblait en tous points à lui. Et pourtant, il savait bien que cela ne pouvait être lui. Ce n’était pas possible.

 

L’adolescente le rejoignit finalement d’un pas chancelant. Extrêmement pâle, elle demanda à Conan si il était toujours vivant, ce qu’il confirma d’un ton distrait.

 

« Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda-t-elle, angoissée. On ne peut pas le laisser ici…

- C’est certain. Mais on ne pourra pas le transporter jusqu’à l’agence, encore moins avec les courses… »

 

La solution à leur problème s’offrit alors à eux juste à ce moment : le mystérieux jeune homme, désormais allongé sur le dos, fit trembler ses paupières avant de, lentement, les entrouvrir. Il les referma, geignit silencieusement comme s’il était sorti d’un long sommeil, puis se releva douloureusement. L’ainée se précipita pour l’aider à se mettre en position demi-assise, le harcelant aussitôt de questions.

 

« Que s’est-il passé, Shinichi ? Je t’en prie, dis-le-moi ! On t’a attaqué ? Tu n’as pas l’air d’être blessé, pourtant… Mais alors que faisais-tu ici, comme ça ? »

 

Il était difficile de savoir si c’était à cause de la subite volubilité presque exagérée de l’adolescente, à cause de ce qu’elle lui avait dit ou à cause du simple fait qu’il venait de se réveiller et était encore étourdi, mais le lycéen semblait profondément troublé, la dévisageant comme s’il ne l’avait plus vue depuis des années entières. Pendant une fraction de seconde, son expression était totalement indescriptible, apparaissant comme un mélange entre perplexité et égarement. Comme s’il se croyait dans un rêve.

 

« Ça a marché… »

 

Seul Conan avait semblé l’entendre. Après tout, il était juste à côté de lui, et Ran semblait beaucoup trop angoissée pour avoir prêté attention à des paroles ayant été prononcées d’un ton aussi aphone, tandis que ses lèvres avaient à peine remué.

Il fronça les sourcils. Qu’est-ce qui avait “marché” ? Qui était cet homme qui avait intentionnellement pris son apparence d’origine et comptait usurper son identité ? Que voulait-il ?

 

Toutefois, le lycéen se ressaisit rapidement, expliquant qu’il avait seulement eu un problème en lien avec son affaire, mais qu’elle n’avait pas à s’alarmer. C’était terminé, elle n’aurait plus à s’inquiéter pour lui. Comme pour le lui montrer, il se releva et se mit debout assez rapidement ; peut-être trop toutefois, car il fut comme pris d’un violent vertige qui lui fit perdre l’équilibre tout en lui ôtant une certaine douleur au plus profond de son crâne. L’adolescent eut la chance de pouvoir se rattraper en s’agrippant au mur proche, reprenant lentement son souffle.

 

« Tu vois, gronda alors son amie, tu es encore en état de choc. Si tu veux, tu peux rentrer avec nous le temps de reprendre un peu de forces, tu es épuisé ! Et puis tu me diras ce qui est arrivé en détails, hein…

- Non… Non ! Tout va bien, j-je t’assure. Et puis, je t’ai dit, c’était rien… Juste quelque chose en rapport avec mon affaire, c’est pas important… »

 

C’était suspect. De plus en plus suspect. Un éclair de lucidité traversa le regard noir que lui lançait discrètement, de loin, le petit enfant.

D’un autre côté, cela l’arrangeait qu’il vînt chez les Mōri sur le moment. Il pourrait mieux le surveiller. Et peut-être même lui extorquer des informations pour le moins fort intéressantes.

 

Oh que oui, ce type allait lui devoir quelques explications. Dès qu’il aurait trouvé un endroit et un moment où ils seraient à l’abri des oreilles indiscrètes, il allait devoir s’expliquer. Et il allait avoir intérêt à être convainquant.

 

Jeudi 15 mars XXXX

09:47 p.m.

Tōkyō, quartier de Beika

Agence Mōri _

 

« Papa s’est encore absenté pour jouer au mah-jong. À tous les coups, il ne rentrera pas avant au moins onze heures, alors tu peux t’installer ici en attendant. »

 

Ran lui présenta le canapé, occupant la majeure partie du petit salon, et lui fit signe de s’assoir. Le concerné regarda les alentours avec intérêt, comme s’il ne s’y était jamais rendu, et constata l’aspect harmonieux, bien que très légèrement désordonné, de la salle dans laquelle il se trouvait.

Assurément, la luminosité et les tons chaleureux qu’arborait cette petite pièce d’appartement contrastait fortement avec l’obscurité présente dans la ruelle où ils s’étaient rencontrés par hasard. Il attarda quelques instants son regard sur la vieille télévision, comme absorbé par son écran éteint, mais revint rapidement à la réalité et affirma qu’il fallait mettre ce genre de réactions sur le compte du fait qu’il avait encore quelques étourdissements passagers. Il semblait par ailleurs tellement troublé qu’il n’avait même pas remarqué qu’elle s’était absentée quelques secondes, apportant une bouteille d’eau minérale et trois verres qu’elle posa sur la table, commençant déjà de les remplir. Après tout, l’hydratation lui permettrait déjà de se remettre en forme plus rapidement et efficacement que n’importe quel médicament. La remerciant d’un ton légèrement embarrassé, le lycéen se saisit donc de son verre et commença d’en boire une petite gorgée.

Finalement, l’adolescente lui indiqua avec un sourire innocent et rassuré qu’elle devait s’éclipser pour préparer le dîner, que cela lui prendrait environ une demi-heure ; il pouvait bien y avoir droit lui aussi, après tout, ne serait-ce que pour reprendre des forces.

 

La porte claqua. Un reflet éclatant traversa alors aussitôt de long en large les lunettes du petit enfant, demeuré muet jusqu’alors. Ses deux verres devinrent totalement opaques et luminescents, tandis qu’il prenait un air bien trop sérieux pour son âge apparent.

Sans se retourner, restant face au panneau de bois bien fermé, il prononça une simple question d’un ton particulièrement grave et sévère :

 

« Bon. Maintenant, fini de jouer. Qui êtes-vous ? »

 

L’aîné parut comme pris au dépourvu par une telle question, jouant l’innocent qui ne comprenait pas pourquoi elle lui était posée.

 

« Enfin, tu ne me reconnais pas ? Je suis Kudō Shin—

- Vous ne pouvez pas être Kudō Shinichi. Je sais où est Kudō Shinichi. Vous n’êtes pas Kudō Shinichi. C’est impossible. Alors qui êtes-vous ? »

 

Il haussa négligemment les épaules :

 

« Bon, alors je suis Edogawa Conan. »

 

Et il esquissa un large sourire innocent montrant bien ses dents blanches.

 

Un long frisson parcourut l’échine de l’enfant du bas vers le haut. Il se raidit, ne sachant comment réagir.

 

Parce qu’en plus, il connaissait son secret, le bougre. Mais comment l’avait-il découvert ? À quoi jouait-il ?

 

« Ne vous moquez pas de moi, tenta-t-il d’un air aussi impassible que possible. Vous savez bien que c’est impossible. C’est moi, Edogawa Conan.

- Je sais. Mais moi aussi j’ai longtemps été Edogawa Conan. Donc si tu ne veux pas que je sois Kudō Shinichi, alors je suis Edogawa Conan. C’est soit l’un, soit l’autre, alors faut choisir. »

 

Silence.

 

« Tu pourrais faire tous les tests que tu veux, tu arriveras toujours à la même conclusion : tu es moi, je suis toi… Enfin, pas vraiment ; si les théories d’Agasa sont exactes, alors en réalité j’ai cessé d’être toi à partir du moment où je suis arrivé ici, en fait. »

 

Assurément, ce type avait un problème.

 

« Mais quand on y pense, ça ne change rien au fait qu’il n’y a en réalité qu’une seule différence qui nous distingue vraiment : j’ai dix ans de plus que toi. »

 

Conan ne tint plus et éclata finalement en un rire nerveux pesant.

 

« N’importe quoi. Vous dites que vous seriez “moi” dans le futur ? Allons, ça n’a aucun sens.

- Vingt-trois, quarante-deux, douze, trente-et-un, neuf, dix-huit. »

 

Silence.

 

« C’est quoi ça ?

- Le numéro de la loterie qui va sortir dans deux minutes, et que tu vas pouvoir vérifier si tu allumes la télévision. On est jeudi, non ? J’avais prévu d’arriver un jeudi. »

 

Silence.

 

« Aucune chance. Vous connaissez la probabilité pour que—

- Une chance sur plus de six millions d’avoir les six numéros dans le bon ordre. Je sais. »

 

Le plus jeune fronça les sourcils. Les deux Tokyoïtes se regardèrent avec insistance, aucun des deux ne semblant vouloir ciller.

Puis Conan, sans dévier son regard, esquissa une expression renfrognée et se saisit distraitement de la télécommande de la télévision.

 

« Ah. Tu as quand même un doute, constata l’aîné avec amusement.

- Je veux juste prouver que vous avez forcément tort et que cette mascarade est totalement ridicule, se défendit-il. C’est différent. »

 

Il alluma finalement l’écran, qui grésilla quelques dizaines de secondes avant d’afficher un quelconque programme. L'enfant appuya encore sur quelques boutons, puis arriva finalement sur la bonne chaîne. Cela avait déjà commencé, et il put vérifier que trois numéros sur six avaient déjà été révélés.

 

Le vingt-trois.

Le quarante-deux.

Et le douze.

 

« Ha. Je te l’avais dit. »

 

Il ne répondit pas tout de suite, gardant encore son teint blême.

C’était une coïncidence.

Seulement une petite coïncidence, qui arrivait juste au mauvais moment.

Cela ne pouvait être qu’une coïncidence. Forcément. Cela n’avait pas de sens.

 

« Ouais, marmonna-t-il d’un ton aussi assuré que possible, comme pour s’en convaincre lui-même. La probabilité est d’une chance sur trente-neuf. Ça peut encore être un coup de chance. Il reste encore trois numéros.

- Ben attends la suite, alors, si t’es toujours pas convaincu. »

 

Bien que paraissant peu rassuré, il haussa des épaules.

Il avait eu de la chance. Mais il ne pouvait pas avoir tous les chiffres exacts. C’était impossible. À moins qu’il ne se fût arrangé avec les gérants de l’émission, ou qu’il eût truqué la vidéo, c’était impossible.

Oui, c’était cela. À tous les coups, c’était un enregistrement d’un ancien tirage, qu’il se serait arrangé pour transmettre sur la télévision à ce moment.

Même s’il ne voyait pas comment il avait pu faire cela, c’était la seule possibilité.

 

« Le numéro trente-et-un ! » annonça la présentatrice télévisée, tandis que les deux chiffres correspondants s’affichaient à l’écran.

 

L’écolier grinça des dents.

Il ne pouvait pas avoir raison. Il avait un truc, forcément. Il ne pouvait pas être Kudō Shinichi. C’était impossible.

Pourtant, tout ce qu’il pouvait voir à l’écran semblait correct. Il n’y avait rien de bizarre.

Et il était certain qu’il savait qu’il pourrait trop facilement vérifier que le tirage n’avait pas déjà été fait précédemment. Il était trop facile de se procurer les almanachs des anciens tirages de loterie.

 

« Une chance sur six cent dix d’avoir les quatre numéros corrects, annonça le lycéen. Alors, tu jettes l’éponge ?

- Je ne sais pas comment vous faites, mais vous avez un truc. Forcément. »

 

Retentit comme une hilarité à la fois franche et paraissant presque embarrassée.

 

« Le numéro neuf ! »

 

Conan serra le poing.

 

« Allez. Même à mon époque d’origine, je ne vois pas comment j’aurais pu truquer la télévision à distance, alors à la tienne…

- Ce. N’est. Pas. Possible.

- J’avais une chance sur vingt-huit mille deux cent vingt-quatre de tomber sur le bon numéro, cette fois. Tu vas finir par admettre que c’est la seule solution, ou il faut qu’on compare nos empreintes digitales pour que tu comprennes ? »

 

Il lui lança un regard noir lui prouvant que cela ne pouvait être concevable à son avis.

Le lycéen se contenta de boire une autre gorgée d’eau d’un air parfaitement impassible, mais semblant presque amusé face au scepticisme de l’enfant.

Il semblait assister à un spectacle pour le moins divertissant, et paraissait se délecter de l’énervement que le gamin montrait dans son obstination à vouloir refuser d’y croire.

 

« Et… le numéro trente-sept ! »

 

L’aîné s’étouffa. Il reposa en quatrième vitesse son verre, toussa durant quelques secondes, l’air abasourdi, puis s’était aussitôt jeté avec une frénésie indescriptible sur la télévision, la tenant nerveusement.

 

« Comment ça ?! … Mais c-c’est impossible ! Ça devait être le dix-huit, j’en suis pourtant sûr ! Q-Qu’est-ce que ça veut dire ?! »

 

Il paraissait presque terrorisé, à bien y réfléchir.

Conan, cette fois-ci, parut s’amuser à son tour de voir cet adolescent qui se faisait passer pour lui dans une telle déroute ; il remplit son propre verre d’eau et s’installa confortablement dans le canapé, le regardant d’un air cynique.

 

« Oh, dommage. C’est que j’ai vraiment failli vous croire, vous savez. Mais une chance sur plus de six millions, c’était trop, on dirait.

- Apparemment, c’était trop aléatoire pour que ce soit fixe dans le temps… » marmonna-t-il d’un ton songeur.

 

Silence. Il avait relâché l’engin d’un geste maladroit. Il s’était relevé lentement, chancelant, le regard dans le vide. Il semblait presque en transe, comme atteint de vertiges inexplicables.

L’enfant lâcha un simple grognement interrogatif en tournant sa tête vers lui, plus pour témoigner de son existence plutôt que par réelle curiosité.

 

« D’accord. Je vais t’expliquer. » marmonna-t-il d’une voix éteinte.

 

Il inspira fortement, se massa les sinus comme pour reprendre son calme, puis s’agenouilla près de la table basse, face au petit écolier.

 

« Je sais que tu ne veux pas me croire, mais je viens vraiment du futur. Ou plutôt, pour être exact, d’un futur. »

 

Conan bâilla ouvertement, ce qui ôta un froncement de sourcils plutôt marqué de la part du lycéen.

 

« Si tu doutes à cause de la loterie, je pourrai t’apporter toutes les preuves que tu veux dès que j’aurai fini de t’expliquer. Mais là, ça serait un peu difficile de comparer nos empreintes digitales sur le moment, alors je te demanderai juste de m’accorder un tout petit peu de ton attention. S’il te plaît. »

 

L’enfant poussa un soupir semblant véhiculer le message “Si ça vous amuse…”, mais croisa ensuite les bras et lui lança une simple phrase d’un ton totalement blasé :

 

« Je vous écoute.

- Bon. Je n’ai pas tous les détails, mais d’après ce que j’ai compris des explications d’Agasa, en remontant dans le passé, je ne suis pas vraiment allé dans mon propre passé, si tu vois ce que je veux dire. »

 

Un regard neutre semblant simuler l’ignorance tint lieu de réponse.

 

« Le simple fait de remonter dans ma propre ligne de temps serait un paradoxe en lui-même. Donc comment aurais-je pu revenir dix ans dans le passé sans créer de paradoxe, à ton avis ?

- En étant en réalité de cette époque et en se payant ma tête, peut-être ? »

 

Le lycéen enfouit sa tête dans sa main, se massant le crâne et murmurant quelque chose qui ressemblait à un “Ok, on va jamais s’en sortir.” épuisé.

 

« Contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, la dimension temporelle n’est pas totalement unique. En réalité, on peut considérer l’univers comme un immense arbre des probabilités : chaque fois qu’un choix entre plusieurs options est possible, avec une certaine probabilité, alors l’univers se divise à ce moment : dans chacun des univers, le choix aura été effectué différemment, et donc au final, chacune des options existe réellement, en même temps, mais dans différents univers totalement séparés.

- Mouais. C’est possible. »

 

Bon. Il commençait enfin à lui accorder un semblant d’attention, ce n’était déjà pas si mal.

 

« Donc maintenant, tu comprends ce que je voulais dire. En fait, en revenant dans le passé, je ne suis pas revenu dans le passé de mon propre univers – donc de ma propre ligne temporelle –, afin d’éviter de créer une boucle qui aurait engendré pas mal de problèmes, en particulier un paradoxe temporel dû au fait que je devrais dans ce cas m’être souvenu d’une rencontre avec mon propre futur, ce qui n’est pas le cas.

- Donc en fait, vous n’avez aucun souvenir, il y a dix ans, d’avoir vécu cette même scène à travers moi, et de même je ne revivrai pas ça dans dix ans à travers vous. C’est ce que vous voulez dire ?

- C’est exactement ça. C’est pour ça que j’ai dit que nous avons cessé d’être la même personne à partir du moment où j’ai voyagé dans le temps. »

 

Fascinant.

 

« Et le coup de la loterie ?

- Eh bien, j’étais censé arriver dans un univers dont le passé – ou plutôt ici, l’avenir – serait quasiment identique au mien – enfin, avec des variations tellement minimes qu’elles devraient être imperceptibles –, mais vu qu’il s’agissait d’un évènement trop aléatoire et qui ne dépendait pas de ma propre époque… En fait, ce que je veux dire, c’est qu’en arrivant dans cette époque j’ai créé de moi-même un nouvel univers, avec une histoire unique et totalement indépendante des autres.

- Merci de changer totalement mon histoire, alors. Pas comme si j’avais déjà plein de problèmes à gérer. » lança l’écolier d’un ton particulièrement sarcastique.

 

Il marqua une courte pause, qui ne laissa toutefois pas le temps à une moindre objection de se former :

 

« Non, plus sérieusement, je vous ai rien demandé.

- Justement, puisqu’on en est à parler de problèmes à gérer, c’est en fait justement pour ça que je suis ici. »

 

Silence.

 

« Réfléchis. Je suis du futur.

- C’est encore à vérifier.

- Fais au moins semblant de me croire, ne serait-ce que pour cinq secondes ! » s’énerva-t-il d’un ton de plus en plus embarrassé.

 

Conan haussa les épaules d’un air résigné.

 

« Écoute. Ça veut dire que je connais les moindres faits et gestes de l’Organisation pour les dix années à venir. Ça ne t’intéresse pas ?

- Puisque vous êtes censé avoir changé l’histoire en arrivant ici—

- J’ai exprès choisi un univers quasiment identique à celui d’où je proviens pour minimiser les modifications. Ce n’est pas mon arrivée ici qui va tout changer dans leur comportement du jour au lendemain, n’est-ce pas ? »

 

L’écolier hésita rapidement, mais récapitula ce qu’il semblait avoir compris :

 

« Bon. Donc, à supposer que vous êtes vraiment du futur, vous êtes ici pour me donner des informations sur l’Organisation pour m’aider à la démanteler.

- Non. Pour la démanteler seulement. »

 

Silence.

 

« J’ai pas compris.

- Je sais que tu en veux aussi à l’Organisation, mais crois-moi : c’est seulement et uniquement une affaire entre eux et moi. Tu n’as pas à t’en mêler.

- Ouais. Sauf que je suis censé être toi. »

 

Aucun des deux ne parut avoir fait attention au fait que l’enfant avait cessé de le vouvoyer. Finalement, il fallait croire qu’il commençait réellement à prendre cette histoire au sérieux.

 

« J’ai dit que nous étions deux personnes différentes depuis que j’ai voyagé dans le passé. Et j’ai beaucoup plus de raisons de m’attaquer à l’Organisation seul plutôt que de t’impliquer là-dedans. J’ai déjà le plan tout prêt, il me faut juste le finaliser et l’adapter au terrain. Et je suis désolé de te l’apprendre, mais tu n’en fais pas partie.

- C’est gentil de t’inquiéter pour moi, mais c’est mon univers. Et c’est l’Organisation de mon univers. Si j’ai bien saisi, en tout cas.

- J’ai vingt-sept ans, Kudō Shinichi. »

 

Un long silence pesant s’instaura. L’écolier eut soudainement comme un éclair de lucidité, matérialisé par un léger mouvement de recul ainsi que son regard soudainement effrayé qui se perdit dans celui de son interlocuteur. Lorsqu’il parla, il eut une voix complètement entravée par une inexplicable angoisse.

 

« Attends une minute, maintenant que j’y pense…

- Tu as compris. Les effets de l’APTX sont toujours là. Dans mon époque d’origine, il n’y a plus d’antidote. Il ne pourrait plus y en avoir.

- Comment ça ? »

 

Il lui avait posé une question, d’un ton beaucoup plus intéressé que jamais auparavant. Mais cette fois-ci, l’aîné maintenait une expression dure, comme remplie d’une douleur indescriptible, qui laissait comprendre qu’il n’en parlerait pas, et qu’il était inutile de lui demander le moindre éclaircissement là-dessus.

 

« Ne cherche pas, Kudō Shinichi. Cette époque est révolue, et ce n’est pas ce genre de futur qui t’attend. En tout cas, pas si tu me fais confiance et que tu ne me mets pas de bâtons dans les roues.

- Parce que ce serait te mettre des bâtons dans les roues que de t’aider ? »

 

Encore ce regard glacial.

 

« J’ai vécu beaucoup plus de choses que toi, et j’ai pu apprendre beaucoup plus de choses que toi sur l’Organisation, en dix ans. Alors je te demanderai juste de ne pas t’en charger. Je sais que tu veux réellement aider, mais tu ne serais dans cette affaire qu’un fardeau, même si je sais que tu ne voudras pas me croire.

- Tu peux pas te contenter de m’expliquer ? Tu crois vraiment que je ne pourrais pas me sentir un peu impliqué dans cette affaire, moi aussi, depuis le temps ?

- Combien de temps ça va faire, déjà, que tu as avalé l’APTX ?

- Ça va bientôt faire six mois. »

 

L’adolescent ne put retenir une grave hilarité aux tonalités étrangement macabres et sarcastiques, qui résonna pesamment dans toute la pièce.

 

« Six mois. C’est un vingtième de dix ans. Cinq pour cent de dix ans. C’est rien. Absolument rien. Tu auras beau dire ce que tu veux, tu ne connais absolument rien de l’Organisation. Alors sois gentil et reste en-dehors de tout ça. Je me répète, mais j’ai mon plan tout prêt. J’aurai besoin de deux ou trois semaines maximum, et l’Organisation sera totalement anéantie sans même que tu n’aies eu besoin de bouger le petit doigt. »

 

Silence.

 

« Je suis là pour te proposer un marché. Je te débarrasse de l’Organisation, et en attendant je me fais simplement passer pour Kudō Shinichi pendant que tu continues à jouer le simple enfant de primaire que tu es actuellement.

- Je ne vois toujours pas ce que j’y gagne.

- Tu ne vois pas non plus ce que tu n’y perdras pas. » cracha-t-il.

 

Silence.

 

« De toute manière, qu’est-ce que tu comptes faire une fois que cette histoire sera terminée ? Tu prendras éternellement ma place et je devrai rester Conan sans broncher ?

- Ce n’est pas le plus important pour le moment. Tout ce qui compte est de démanteler l’Organisation. Et ça, je le fais seul, que tu le veuilles ou non. »

 

Silence.

 

« M’intéresse pas. Je préfère encore m’en occuper seul. »

 

Silence.

Le lycéen poussa soudainement un soupir, puis se releva lentement et s’approcha de la porte d’entrée, disant que dans ce cas il n’avait plus rien à faire en ces lieux.

Il ouvrit la porte, et resta là, lui tournant le dos.

 

« Oh, j’ai juste oublié de préciser un tout petit détail. Mais ça ne t’intéressera certainement pas, puisque tu préfères que je te laisse plancher encore dix ans.

- Certainement pas le moins du monde, je confirme. »

 

Silence.

 

« Bah, comme tu veux. Je voulais juste te dire que je connais l’identité de celui que tous les membres appellent “Ano Kata”, mais puisque mon offre ne t’intéresse pas… »

 

Il s’était arrêté sur le pas de la porte ouverte, mais commençait déjà de partir pour de bon.

Il ne le voyait pas, mais il savait que l’enfant s’était soudainement immobilisé, totalement paralysé de stupeur.

Il esquissa un léger rictus au coin des lèvres.

 

« T’es pas sérieux.

- Bien sûr que si. Qu’est-ce que tu t’imagines, enfin ? Que j’ai glandé pendant dix ans à ne rien faire ? Je te rappelle que j’ai eu dix ans pour amasser plus d’informations que le FBI et la CIA réunis ne l’ont encore fait jusqu’à maintenant, à ton époque. J’ai eu vingt fois plus de temps que toi pour découvrir absolument tout de l’Organisation, des simples membres en bas de chaîne aux plus hauts placés dans l’administration. Et j’ai pu noter leurs moindres faits et gestes après coup, et ce sans éveiller le moindre soupçon de leur part puisqu’il s’agissait du passé. Mais puisque cette époque ne nous concerne plus, je ne peux plus que te dire que c’est l’avenir que je détiens dans le petit carnet que j’ai pris avec moi. Mais encore une fois, puisque mon marché ne te convient pas… »

 

Il entendit un petit tintement mécanique qui le stoppa dans sa marche.

Il esquissa un fin rictus amusé.

 

« Je n’ai plus entendu ce petit bruit depuis bien longtemps… mais je le reconnaîtrais entre mille. »

 

Silence. Il poussa comme un petit soupir nostalgique.

 

« Ah, cette vieille montre me rappelle des souvenirs…

- Ne changeons pas de sujet. Tu vas rester ici et m’expliquer tout ce que tu sais, bien sagement. »

 

Le lycéen se retourna et considéra l’enfant, qui le pointait avec son petit gadget prêt à être déclenché.

 

« C’est vraiment nécessaire ? demanda-t-il en montrant le viseur relevé. À force de me viser comme ça tout du long, tu vas attraper une crampe, tu sais.

- Arrête de te payer ma tête et explique-moi calmement, en détail, ce que tu veux. »

 

Jeudi 15 mars XXXX

10:53 p.m.

Tōkyō, quartier de Beika

Agence Mōri _

 

Finalement, une intervention plutôt inespérée de Ran avait ruiné tous les plans de Conan sur le moment ; et ce fut par ailleurs in extremis qu’il parvint à cacher sa montre hypodermique. Le repas se déroula de manière plutôt tendue, l’adolescente étant la seule à l’animer par ses tentatives de redonner le sourire à ses deux amis – ou ce qu’elle croyait du moins être ses amis, puisque l’enfant doutait toujours –, ne se rendant pas compte réellement qu’ils paraissaient étrangement en froid – ou n’y prêtant pas attention, cela dépendait du point de vue. Le prétendu futur Kudō Shinichi s’était vu obligé de rester sur les lieux ne serait-ce que pour le repas, et dut inventer mille histoires pour expliquer sa longue absence ; au moins, bien que cette situation fût loin de le ravir, pour le moment ses réactions n’étaient pas trop déplaisantes pour l’écolier. Il désirait secrètement qu’il agît de telle manière face à telle question, et il s’agissait de ce qu’il faisait à la seconde.

Mais il restait un problème. Ce type était, malgré tout, anormal et suspect. Et potentiellement dangereux.

 

Il voulait lui cacher ce qu’il aurait vécu, dans ce futur alternatif qu’il voulait empêcher. Cela devait certainement être quelque chose de particulièrement grave, mais il n’avait absolument aucune idée de ce que cela pouvait être ; et la seule personne éventuellement capable de lui en parler refusait catégoriquement de lui dévoiler le moindre indice à ce propos.

Assurément, ce type pouvait autant l’aider de manière non négligeable, autant être une menace pire encore que n’importe quoi d’autre ; le simple fait qu’il lui cachât le moindre de ses motifs ou tînt à opérer seul était susceptible de le rendre digne d’une intense méfiance de sa part. Après tout, il pouvait toujours n’être qu’un imposteur. Cela n’allait pas être la première fois.

En tous les cas, il devait garder un œil sur lui, coûte que coûte. Il ne pouvait être digne de confiance sous aucun prétexte. Ou alors, il allait réellement devoir s’expliquer.

 

Le repas terminé, le lycéen remercia naturellement Ran pour son excellent repas, et l’aida même à débarrasser. Mais quelque chose que l’enfant craignait finit par arriver : il allait “rentrer à la maison”. Donc il ne pourrait plus rester sous sa surveillance.

 

« Ran-neechan, je peux dormir chez Shinichi-niichan ce soir ? »

 

Étonnée par ce revirement de situation imprévu, l’adolescente ne sut que dire sur le moment. “Shinichi-niichan”, lui, parut à peine surpris, comme s’il s’attendait à une telle réaction ; au grand soulagement de l’enfant, il ne refusa pas cette faveur et affirma qu’il pourrait en effet avoir besoin de l’aide de quelqu’un pour lui venir en aide, au cas où il aurait encore quelques vertiges passagers.

Conan remarqua bien qu’il n’avait accepté que parce qu’il savait qu’il n’en serait que plus suspect s’il refusait. En réalité, il n’avait accepté que parce qu’il voulait lui prouver qu’il était digne de confiance…

Ouais. On verra ça.

 

La jeune Tokyoïte les laissa partir sans broncher ; et pourtant, en refermant la porte, elle ressentit comme un vide en elle.

 

Non. C’était l’agence entière qui était vide.

 

Mais cela ne saurait tarder. Otō-san rentrerait d’ici une heure ou deux, maximum. Il tardait rarement après minuit.

 

Jeudi 15 mars XXXX

11:09 p.m.

Tōkyō, quartier de Beika

Résidence Kudō _

 

« Bon. Je suppose que maintenant, nous ne risquerons plus d’être interrompus.

- Ouais. Donc nous allons enfin pouvoir passer aux explications précises, maintenant ? »

 

Le lycéen se retourna vers lui, haussa les épaules, et s’assit dans un des fauteuils du salon, invitant l’écolier à faire de même.

 

« Que veux-tu savoir ?

- Ce que tu as vécu. Que s’est-il passé pour que tu aies envie de prendre autant de risques ?

- C’est inutile. Ça ne te servira à rien de le savoir, et je te déconseille fortement d’essayer de l’apprendre. De toute manière, je me demande bien où tu pourrais bien l’apprendre, maintenant que cette époque n’est plus pour nous qu’un lointain cauchemar… »

 

Comme il s’y attendait, il refusait obstinément de répondre. Mais il avait bien senti cette dureté dans les tonalités de sa voix. Assurément, il avait vécu quelque chose de très grave. Suffisamment pour qu’il voulût remonter le temps, comme si cela lui permettait de tout effacer pour tout recommencer. De lui-même.

 

« Le plan, alors. C’est quoi ton plan ?

- Je connais la localisation du quartier général principal, et en l’occurrence la situation géographique d’Ano Kata pour le mois à suivre. Voilà mes deux cibles principales.

- Et alors. Que feras-tu ?

- C’est tout ce que tu as besoin de savoir. Le reste, c’est moi qui m’en occupe, je te dis. »

 

Silence.

 

« Pourquoi tu ne veux pas m’en parler ? Tu as peur que je de dise qu’il ne tient pas debout ?

- C’est un plan infaillible. Il n’a pas besoin d’être vérifié par qui que ce soit. »

 

Silence.

 

« Bon. D’accord. Alors tant qu’on y est, si tu veux bien m’en parler, quels seront les prochains agissements de l’Organisation ?

- D’accord. Supposons que je ne sois pas là pour détruire l’Organisation, et que tout se passera comme indiqué dans mes notes sur les dix dernières années. D’ici un peu plus d’un mois, Jodie sera censée t’appeler pour te prévenir qu’un nouvel agent, Bourbon, vient d’entrer dans l’Organisation.

- Je suppose que c’est lui qui t’a posé problème, et que c’est pour ça que tu es remonté jusqu’ici. Pour t’attaquer à l’Organisation avant qu’il n’arrive.

- Il y a de ça, oui. »

 

Silence. Il poussa un soupir tendu, mais confiant malgré tout. Parce qu’il savait que cela n’arriverait pas.

 

« En fait, c’est surtout pour que je puisse à nouveau m’installer ici et agir librement que j’ai choisi cette époque.

- Comment ça ?

- Eisuke vient de partir pour les États-Unis ; c’était hier si je ne me trompe pas dans mes calculs.

- C’est ça. Il a dû partir ce matin, je crois.

- Bien. Un incendie aura alors lieu dans environ deux semaines – il faudra penser à l’empêcher, d’ailleurs –, ce qui fera qu’Okiya Subaru-san, qui habitait dans la maison ciblée, s’installera ici. Vu que ça m’aurait entravé dans mes mouvements et mes plans plus qu’autre chose, c’est la raison pour laquelle cette époque était idéale : en empêchant en premier lieu cet incendie, Okiya Subaru-san n’aura pas besoin de venir ici, et nous n’aurons aucun problème à poursuivre le plan sans encombre. »

 

Conan acquiesça ; apparemment, il s’agissait d’une partie du plan à laquelle il aurait visiblement le droit de contribuer. Toutefois, une question lui vint en tête :

 

« Je ne comprends pas en quoi la présence d’Okiya Subaru-san est gênante. Après tout—

- Je sais tout autant que toi qui il est. Mais il n’est pas nécessaire dans mon plan. Dans mon plan, j’agis seul. C’est tout. »

 

Silence. L’aîné se leva, contemplant les innombrables livres qui les entouraient.

 

« Bon. Alors finalement, tu me crois ?

- Tu te souviens, on a fait un saut rapide chez Agasa Hakase pour lui expliquer la situation.

- Oui. Tu en as profité pour faire quelques tests, c’est ça ?

- Je lui ai confié nos empreintes digitales, il va s’occuper de les comparer. J’ai vérifié, tu ne portes rien qui semble pouvoir altérer ou masquer tes empreintes : ce seront vraiment les tiennes qu’il aura.

- Parfait. »

 

Il semblait satisfait. Donc probablement était-il réellement certain de son coup, et connaissait d’avance le résultat de ce test. Par ailleurs, Conan lui aussi n’avait plus aucun doute désormais concernant son identité.

 

« Bon. Le seul ennemi qui me reste sont donc les probabilités, lança soudainement son futur.

- Tu veux dire, les coups comme pour la loterie ?

- C’est ça. Si le moindre évènement est ne serait-ce qu’un tout petit peu aléatoire, alors il faudra vraiment que je me méfie. C’est tout ce qui reste imprévisible, mais c’est ce qui pourrait totalement contrecarrer tous mes plans, puisque ce n’est pas parce que je les ai vécus de cette manière qu’ils arriveront forcément ainsi… »

 

Il poussa un long soupir.

 

« En fait, il est possible que plus on attend, plus ces évènements aléatoires se multiplieront et augmenteront les chances que l’histoire change radicalement, et réduisent donc mes projets à néant. C’est pour ça que je veux en avoir fini d’ici deux à trois semaines : plus on attend, plus la probabilité d’échec va augmenter. »

 

Il étouffa un petit sourire sarcastique tandis que, rassis de nouveau sur son fauteuil, il dévorait du regard l’immense bibliothèque qui les encadrait.

 

« Je sens que je ne détesterai jamais plus qu’aujourd’hui les évènements aléatoires. Ça restera à jamais la seule chose totalement imprévisible d’ici à ce que mon travail soit terminé. »

 

Complètement absorbé par les ouvrages divers qui les entouraient, il fut toutefois violemment tiré de ses pensées lorsqu’une grande douleur se fit ressentir au niveau de sa joue. Son petit alter-ego, apparemment, s’était amusé à la lui pincer non sans retenue.

 

« Eeeeeeh, mais ça fait mal ! C’était quoi, ça ?!

- Un évènement aléatoire. »

 

Et il esquissa un large sourire innocent montrant bien ses dents blanches.

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