Probabilities

Chapitre 7 : Conclusion ~ La loi de Sod

Chapitre final

4732 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:23

Conclusion ~ La loi de Sod

« Murphy était un optimiste. »

 

Jeudi 22 mars XXXX 07:02 a.m. Tōkyō, quartier de Beika Agence Mōri _

 

Un rayon de soleil s’infiltra discrètement à travers les volets à demi fermés et glissa malicieusement sur son visage, remontant lentement jusqu’à ses yeux clos. Il ne résista pas longtemps à cette embuscade sournoise menée contre ses paupières, aussi finirent-elles par frémir. Il gémit muettement avant de remuer dans ses draps, puis d’ouvrir les yeux et de les faire cligner, tentant de sortir de cet état à moitié endormi dans lequel il était encore plongé.

 

Il ressentait quelque chose d’étrange et d’indescriptible, ce matin-là. Il se sentait comme sur un nuage cotonneux, hors de la réalité… C’était comme si c’était un rêve.

 

Un rêve… Oui, il avait l’impression de rêver.

Il n’y avait plus d’Organisation. Mais s’imposait alors une dernière question : et maintenant ? Et il s’agissait d’une question bien difficile.

Certes. Il n’y avait plus d’Organisation. Ran était déjà au courant. L’histoire était terminée. Et pourtant, quelque chose n’allait pas.

 

Il était revenu à l’agence. Il était toujours Edogawa Conan.

 

« Bonjour, Shinichi. Tu as bien dormi ? »

 

Il sursauta soudainement, écarquillant les yeux.

Il n’avait même pas remarqué qu’il était déjà allé se mettre à table pour le petit-déjeuner, et que Ran était juste en face de lui.

Son ton était encore troublé, comme si elle ne se remettait toujours pas de l’idée que l’enfant à qui elle parlait avait en réalité le même âge qu’elle, mais il remarqua bien qu’elle voulait sincèrement être amicale. En tout cas, elle ne semblait plus lui en vouloir réellement.

Et pourtant, il avait gardé un air grave, tête baissée et yeux légèrement plissés.

 

« Et toi ? »

 

Il était difficile de savoir s’il s’était rendu compte lui-même qu’il avait renvoyé la question sans y avoir répondu auparavant. Il semblait tellement dans ses pensées qu’il était difficile de savoir ce qui lui traversait l’esprit sur le moment.

 

« Quelque chose ne va pas, Shinichi ? » demanda-t-elle, soudainement anxieuse.

 

Il releva lentement un regard terne vers ses deux pupilles azur.

 

« Je suis Edogawa Conan. »

 

Cette constatation semblait être faite pour être beaucoup plus explicite que ce qu’elle ne fut en réalité. Son amie, bien que semblant avoir compris où il voulait en venir, lui lança en retour un regard interrogateur et inquiet.

 

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Oui, tu es toujours comme ça, mais maintenant—

- C’est inutile. Pour que je puisse redevenir comme avant, il faudrait qu’Haibara puisse recréer un antidote définitif à partir du poison de départ. »

 

Il marqua un temps de pause qu’elle considéra avec désespoir tandis que son expression se faisait de plus en plus résignée.

 

« Et c’est justement là le problème, Ran. Il ne reste plus rien de l’Organisation. Les seuls endroits où on aurait pu trouver de l’APTX 4869 sont partis en poussières. »

 

Elle eut un mouvement de recul, le regard dans le vide, qui sembla être réalisé au ralenti.

 

« Je suis désolé, Ran. Kudō Shinichi ne tiendra pas sa promesse. Il ne reviendra pas.

- A-Attends, qu’est-ce que tu racontes…? Tu es toujours Shinichi, ce n’est pas parce que tu as rajeuni que—

- Les chutes du Reichenbach. »

 

Silence.

Ran se stoppa d’elle-même, totalement perplexe.

 

« Les chutes du Reichenbach, répéta-t-il gravement. Sherlock Holmes n’aura triomphé du professeur Moriarty qu’en tombant avec lui, les deux ennemis mortels enlacés l’un dans les bras de l’autre, continuant de se battre jusqu’au bout. »

 

Elle tenta d’hocher la tête de droite à gauche, le regard perdu, comme pour se convaincre que ce n’était pas possible.

 

« Ne… Ne dis pas ça, enfin, Shinichi… Ai-chan a déjà réussi à faire un antidote temporaire, non ? Elle pourra peut-être—

- Non. Je deviens de plus en plus immunisé à ses antidotes au fur et à mesure que je les prends, elle le dit elle-même et j’ai pu le constater plus ou moins par l’expérience. Pour qu’ils soient vraiment efficaces de manière définitive, il est possible qu’elle doive changer radicalement la formule qu’elle utilise. Et ça, elle ne pourra jamais le faire si elle n’a rien sur quoi se baser au départ. »

 

Elle baissa tristement le regard.

 

« À moins d’un miracle, il faudra croire que Kudō Shinichi est définitivement mort… à cause de Kudō Shinichi. Ironique, hein ? »

 

Et il avait terminé par un rire nerveux, qui ne retentit qu’à peine dans la salle. Parce que c’était un rire incrédule. Parce que bien que tentant peut-être de réchauffer l’ambiance, cela avait été fait de la manière la plus maladroite possible. Parce qu’il savait bien qu’il n’y avait plus d’espoir, désormais.

Et parce que pourtant, il ne parvenait pas à se remettre de cette effroyable vérité.

 

« En plus, je ne peux même pas rentrer chez moi, maintenant. Avec ce corps, je ne peux pas vivre seul… Et je n’aimerais pas trop que cette affaire s’ébruite.

- Ce n’est pas un problème, tu peux rester ici pour le moment, Shinichi.

- Conan-kun. »

 

Silence. L’adolescente frissonna à un point tel qu’elle fut prise de violents vertiges, ressentant un extrême malaise. Comme si sa tête était compressée de toutes parts par une presse invisible.

L’enfant avait baissé un regard de plus en plus grave, mais s’était mis à sourire tristement.

 

« À partir de maintenant, je suis Edogawa Conan, Ran-neechan. Autant s’y habituer tout de suite. »

 

Il releva soudainement la tête, montrant une expression enfantine et un large sourire qui scindait littéralement son visage en deux.

 

« En tout cas, tu cuisines vraiment bien, Ran-neechan ! C’était vraiment délicieux ! »

 

Il sauta alors de sa chaise et courut dans sa chambre pour préparer ses affaires avec une vivacité d’enfant sans qu’elle ne parvînt à le retenir. Elle constata qu’en effet, il avait terminé son petit-déjeuner, contrairement à elle.

Il jouait vraiment bien la comédie. Elle aurait pu s’y tromper en d’autres circonstances.

Mais elle n’était nullement dupe. Elle savait bien qu’il ne pouvait pas enterrer le passé aussi facilement. Il ne pouvait pas oublier aussi rapidement qui il était réellement.

Elle le connaissait beaucoup trop pour ignorer qu’il essayait de continuer de lui cacher à quel point il regrettait son ancienne vie… elle se surprit même à penser qu’il ne jouait la comédie que pour l’empêcher de le plaindre et de s’inquiéter pour lui.

Non. Il ne voulait pas la rendre triste à cause de lui, alors il préférait continuer de jouer le gamin innocent et enjoué, comme avant… comme lorsqu’il croyait encore qu’une merveilleuse lumière l’attendrait au bout du tunnel.

 

Elle soupira silencieusement, esquissant un très léger sourire triste.

 

Baka.

 

Jeudi 22 mars XXXX 08:23 a.m. Tōkyō, quartier de Beika Entrée de l’école élémentaire Teitan _

 

« Tu n’as pas tes lunettes, Conan-kun ? s’étonna Ayumi en voyant l’écolier arriver.

- Non. Un imbécile s’est amusé à les réduire en miettes, alors je ne risque pas d’en remettre avant un bon moment. »

 

Bien que le harcelant de questions à ce propos, les Detective Boys ne parvinrent pas à lui soutirer la moindre explication supplémentaire. Ce fut finalement Haibara qui parvint à rediriger l’attention des écoliers vers un sujet beaucoup plus banal, permettant au jeune détective de s’extraire du groupe et de regagner un tant soit peu de tranquillité.

 

Peut-être aurait-il mieux fait de rester à l’agence, comme Ran-neechan lui avait proposé avant de partir. “Après tout, tu n’as pas tant que ça besoin d’aller en primaire …”, avait-elle appuyé avec raison.

Mais il fallait bien s’habituer à cette nouvelle vie aussi rapidement que possible. Alors il n’y avait pas de raison qu’il ne vînt pas en cours comme n’importe quel autre écolier de son âge.

 

Parce que désormais, ce serait son âge apparent. Définitivement.

 

« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? »

 

C’était Haibara.

Il haussa les épaules d’un air résigné.

 

« On va en cours. Comme des gamins ordinaires. »

 

Silence.

 

« Hé. Tu me fais la tête ? »

 

Il sourcilla et lui lança un regard interrogateur.

 

« Pourquoi je te ferais la tête ?

- Je ne sais pas. Peut-être que si je t’avais dit tout de suite qu’il faisait partie de l’Organisation, tu aurais compris plus rapidement et tu aurais pu l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. »

 

Elle semblait réellement culpabiliser, comme si d’un certain côté cette complicité qu’elle avait développée avec lui durant cette petite semaine faisait d’elle une autre responsable de leur situation actuelle.

Toutefois, il détourna le regard et baissa la tête, fronçant les sourcils.

 

« Mais non, ça n’a rien à voir avec toi. J’avais déjà compris, de toute manière. C’est juste que j’ai été assez idiot pour m’obstiner à croire que je devais lui faire confiance, parce que c’était moi. »

 

Elle hésita un court instant.

 

« Ce type n’était pas toi, Kudō-kun.

- Rah, je sais, on a arrêté d’être la même personne depuis qu’il a voyagé dans le temps et tout le reste, il m’a largement assez bassiné avec ça.

- Non, je ne parle pas de ça. »

 

Silence.

 

« Il ne s’en serait sûrement jamais rendu compte, ou alors il n’aurait jamais voulu l’admettre, mais… On peut considérer qu’en fait, d’un certain côté, il est devenu comme Ano Kata. Parce qu’il a perdu espoir et s’est laissé submerger par ses émotions qui lui ont inspiré de noirs desseins, il en est arrivé à devenir criminel lui-même. C’est souvent comme ça que les crimes ont lieu, tu sais. »

 

Elle marqua une courte pause, le regardant face à face.

 

« Mais de toute façon, t’es juste un insensible qui ne fait pas attention à ce genre de choses, alors ça ne risque pas de t’arriver, en tout cas plus maintenant.

- Rah mais arrête, t’étais si bien partie…!

- Baka. À quoi tu t’attendais, à une réflexion philosophique peut-être ? Tu ne seras jamais comme lui de toute façon et tu le sais très bien, alors ça ne sert à rien que je te fasse une dissertation là-dessus. »

 

Elle semblait vexée, une fois qu’elle avait détourné son regard.

 

« C’est dommage, quand même. Lui, au moins, avait l’air beaucoup plus mature et semblait avoir bien compris le véritable fonctionnement de l’Organisation… Tu aurais dû en prendre de la graine tant qu’il en était encore temps, Edogawa-kun. »

 

Elle lui tourna alors aussitôt le dos et s’éloigna vers la salle de classe, cartable sur le dos. Il se surprit à esquisser un sourire nerveux, tiquant imperceptiblement.

 

Ohe, ohe…

 

Jeudi 22 mars XXXX 08:29 a.m. Tōkyō, quartier de Beika Lycée Teitan, classe 2 – B _

 

« Comment ça, Shinichi est encore parti ? Et tu l’as laissé faire ?! »

 

Sonoko tombait des nues. Alors que cela faisait des jours entiers que le détective était revenu en cours et qu’il semblait de retour définitivement, voilà qu’il partait encore. Et qu’en plus il laissait Ran dans cet état, totalement perdue, le regard vide, le teint pâle…

 

« Tu devrais vraiment le laisser tomber, Ran. Quel mari digne de ce nom ferait attendre sa fiancée dans la douleur et la souffrance, hein ?

- Sonoko, s’il te plaît… Ne parle pas de ça. »

 

Silence. L’adolescente se tourna vers elle, ayant totalement changé d’expression.

Cette fois-ci, elle sentait qu’il y avait quelque chose de différent. Et qu’il n’était vraiment pas le bon moment pour plaisanter de cette manière.

Elle fronça toutefois les sourcils d’un air sévère.

 

« Il n’empêche qu’il n’a pas à te faire ça, sérieusement. On dirait que tu n’as pas dormi de la nuit tellement tu es pâle !

- Sonoko, ne t’en fais pas pour moi… Tout va bien. Je t’assure. »

 

Elle hocha négativement la tête d’un air lassé et dur.

 

« Bien sûr que ça ne va pas ! Tu ne vois pas qu’il est vraiment irresponsable de t’abandonner comme ça sous prétexte qu’il a une affaire à résoudre ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui te dit qu’il n’est pas en réalité en train de—

- Arrête, Sonoko ! »

 

Silence.

Ran s’était subitement relevée, s’appuyant sur son bureau.

Son regard était tremblant, mais déterminé. Semblaient s’y refléter nombres d’émotions totalement contradictoires, telles que l’énervement, la déroute, la tristesse. Une tristesse démesurément profonde.

 

Son amie demeura interdite, le regard perplexe, n’osant pas réagir.

 

« Ce n’est pas de sa faute… Je sais où il est. Et je sais que la seule chose dont il a vraiment envie, maintenant, c’est de pouvoir être avec nous… »

 

… et pouvoir enfin vivre une vie normale, eut-elle ajouté si elle n’avait pas senti une larme couler le long de sa joue, qu’elle s’empressa aussitôt d’essuyer nerveusement.

 

Son amie la questionna encore longtemps, avant de se rendre enfin compte qu’elle ne faisait qu’aggraver la situation. Alors, sans obtenir la moindre réponse, elle se résigna finalement et se décida de changer habilement de sujet, tentant de ne pas éveiller le moindre soupçon de sa part. L’astuce sembla fonctionner, car quelques minutes plus tard, lorsque le professeur arriva enfin en classe, elle était parvenue à lui redonner un semblant de sourire.

 

Fallait bien lui changer les idées, au moins… Ça ne lui va pas du tout, quand elle pleure.

 

Jeudi 22 mars XXXX 04:48 p.m. Tōkyō, quartier de Beika Résidence Kudō _

 

Une journée ordinaire venait de passer. Il ne l’avait pas vue passer. C’était passé trop vite.

Parce qu’il ne parvenait pas à s’en remettre.

 

Barō. Il voulait s’habituer à être Edogawa Conan pour le restant de ses jours, et voilà qu’il se retrouvait face à la demeure des Kudō et venait d’en ouvrir la porte, se retrouvant dans l’entrée puis dans le grand hall silencieux et vide. Comme s’il faisait vraiment tout pour, finalement, faire remonter tous ces souvenirs qui le hanteraient jusqu’à ce qu’il parvînt à enfin faire le deuil de son passé.

Il soupira longuement. Allez, après tout… Autant faire une dernière fois le tour des lieux. Il en ferait définitivement son deuil ensuite. En tout cas il essaierait.

 

Il arriva rapidement au cœur de la pièce ; levant la tête, il contempla avec un mélange d’émerveillement et de nostalgie tous ces ouvrages que Shinichi-niichan avait lus et relus, encore et encore, sans jamais s’en lasser. Grimpant les escaliers pour rejoindre sa chambre, il revit Shinichi-niichan assis à ce bureau, allongé dans ce lit, s’adonnant à diverses activités… Il lui semblait que ces souvenirs, jusqu’alors si clairs dans sa mémoire, s’estompaient finalement peu à peu, comme si ces souvenirs ne lui appartenaient plus. Comme si cette personne qu’il voyait dans ses pensées était quelqu’un d’autre.

Et ce serait toujours quelqu’un d’autre, désormais. Ce serait Shinichi-niichan, le détective lycéen qui disparut sans laisser de traces et ne reviendrait jamais, ne tenant jamais la promesse qu’il avait faite à Ran-neechan.

 

La chambre de ses parents était de nouveau vide ; elle était parfaitement en ordre, comme si jamais personne ne s’y était installé. Les gadgets qu’il avait trouvés sur le bureau n’y étaient plus, puisqu’il les avait confiés à Hakase. Il en aurait besoin, et c’était pour cela qu’il comptait sur lui pour les réparer rapidement.

Après tout, qu’était Edogawa Conan sans ses gadgets ? Un enfant ordinaire. Et il ne voulait pas être un enfant ordinaire. Quitte à avoir l’apparence d’un enfant de primaire, il ne voulait pas pour autant renoncer à sa capacité à résoudre les affaires. Et s’il voulait continuer de jouer ce rôle, il allait en avoir besoin.

Même si Shinichi-niichan, lui, n’en aurait jamais eu besoin pour être rudement plus efficace que lui…

 

Poussant encore un soupir, il redescendit finalement les escaliers et s’apprêta à repartir. Il jeta un dernier regard au bureau de son père, dans le grand salon central, perdu au milieu de cette masse d’ouvrages… et se stoppa toutefois.

Le tiroir le plus bas, là où il avait trouvé plus de six mois auparavant les lunettes de son père, était tiré. Il ne l’aurait pas remarqué en rentrant, trop perdu dans ses pensées pour s’attarder sur un tel petit détail…

Il s’en approcha pour le refermer, et pourtant il ne le fit pas. En effet, à l’emplacement même où il était tombé par hasard sur cette paire de lunettes qui avaient servi de base à sa couverture, se trouvait cette fois-ci une petite boîte métallique sur laquelle était posé un dernier post-it.

Pris par la curiosité, il ouvrit aussitôt cette boîte plate et rectangulaire et découvrit, enfouies dans de la mousse protectrice noire, deux rangées de pilules bicolores.

 

Incrédule, il en resta tout d’abord comme deux ronds de flan, dévorant du regard ce qu’il crut être un mirage, ou une plaisanterie de mauvais goût. Il rattrapa de justesse la boîte et son contenu lorsqu’il constata que sa surprise allait tout laisser tomber au sol.

Se saisissant d’une des gélules, il l’inspecta sous toutes ses coutures avant de la ranger de nouveau, certain désormais de ce dont il s’agissait. Il ignorait comment son futur avait bien pu s’en procurer exactement, bien qu’ayant différentes hypothèses ; mais il était désormais certain qu’il était réellement celui qui avait trouvé cette boîte pleine d’APTX 4869 et l’avait déposée là.

 

Il remarqua toutefois avec étonnement que le dernier emplacement était vide ; mais il eut beau chercher sur le sol, sous le bureau, aux alentours, il ne retrouva pas celle qui manquait.

Mais après tout, il en compta dix-neuf restantes, ce qui devait être largement suffisant pour laisser Haibara avoir de quoi continuer ses recherches. Il se releva, referma la boîte qu’il rangea précieusement dans la poche intérieure de sa veste, puis se précipita le plus vite possible vers l’agence, trottinant avec une joie extraordinaire.

 

Il en avait oublié au passage le petit mot que l’auteur de ce miracle avait laissé. La petite note acheva son vol léger et maladroit en atterrissant muettement sur le sol.

 

C’est tout ce qui reste de mon époque, désormais. Prends ça comme tu veux : une tentative de me racheter, un juste retour des choses, ce que tu avais à gagner dans ce marché… Même si je sais que ce sera loin d’être suffisant pour me faire pardonner pour ce que j’ai fait, il est normal que je te le donne. C’est tout ce qui reste à ma portée, maintenant…

 

Enfin. Je sais que, quoiqu’il arrive, tu en feras bien meilleur usage que moi.

 

Jeudi 22 mars XXXX 05:42 p.m. Tōkyō, quartier de Beika Agence Mōri _

 

« Ne, Ran. Je t’ai déjà raconté ce qu’il était advenu de Sherlock Holmes après qu’il soit tombé dans les chutes du Reichenbach avec le professeur Moriarty ? »

 

L’adolescente se tourna vers lui, surprise de l’entendre poser une question si incongrue d’un ton aussi passionné alors qu’il venait à peine de rentrer à l’agence.

Mais ce qu’elle remarqua le plus était qu’il avait usé du yobisute, omettant le “Ran-neechan”. Une fois de plus.

Cela voulait donc dire qu’elle pouvait l’appeler par son véritable nom.

 

« Non, Shinichi. Je ne me souviens pas que tu me l’aies raconté. »

 

Il semblait animé par une incompréhensible joie d’enfant, contrastant fortement avec la tristesse infinie qu’il ressentait le matin-même en sachant qu’il serait condamné à rester le petit écolier qu’elle avait sous ses yeux.

Il entra alors un peu, se rapprochant d’elle les mains dans les poches d’un air assuré, sourire confiant sur le visage. Le même sourire qu’il arborait chaque fois qu’il mentionnait les folles aventures et les prouesses incroyables de son modèle fictif.

 

« Les deux étaient censés être tués dans la chute ; mais il était devenu tellement populaire que les lecteurs réclamaient encore et toujours plus d’aventures et de nouvelles. Même si Sir Arthur Conan Doyle avait décidé de faire mourir sur scène son plus grand acteur, son public refusait malgré tout d’y croire… »

 

L’écolier sortit alors sa main droite de sa poche, et lui montra bien visiblement une petite boîte métallique qu’il tenait fièrement comme il aurait brandi un trophée.

 

« … Alors l’auteur a fini par aider son héros à se relever. »

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