Les jardins d'Evanescis

Chapitre 1 : Chute libre

1412 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/08/2025 17:04

Chapitre Un :

Chute libre



Cinglant sur les rayons flavescents des étoiles, fendant les nuages d'astéroïdes, le Tardis traversait l'espace à une allure déraisonnable.

La luminescence des corps stellaires se reflétant sur ses vitres éclairées, la boîte bleue était telle un galet bondissant à la surface d'un lac d'encre infini tacheté de mille couleurs.


Le Tardis était léger, comme le cœur du Docteur s'en revenant de son propre passé.

Accompagné de son amie Clara, il venait de vivre à nouveau l'un des jours les plus douloureux de son existence : afin de stopper la folie destructrice de son peuple, le Docteur avait condamné les Seigneurs du Temps au néant.

C'était du moins le souvenir qui lui était resté.

Il n'en était rien. Vivre ce jour sous un angle nouveau lui avait appris deux choses : Les siens avaient survécu, à l'abri, à l'écart de l'univers. Il n'avait pas anéanti Seigneurs du Temps.

Ainsi avait-il le cœur apaisé.


Et le Tardis dansait.


L'apparence faussement étroite du vaisseau dissimulait une démesure difficilement concevable. Derrière ses portes se trouvaient le centre névralgique du Tardis.


Tournoyant autour du poste de pilotage Clara s'amusait follement. Pivotant les molettes, pressant boutons et interrupteurs, levant les manettes.

-Allez Docteur, implora la brune pétillante. Vous mourrez d'ennui! Vous en mourrez d'envie !


La vaste salle circulaire baignée d'une lumière bleue électrique était entourée d'une coursive délimitée par une rambarde métallique. Le long manteau prune du Docteur y avait été jeté, non loin des quelques marches sur lesquelles il était assis.

Dans ses lunettes se reflétait les schémas et les lignes du Code de la route Spatial a l'intention des Voyageurs Interstellaire.


L'index levé, le nez dans l'ouvrage, il s'opposa a la demande :

-Clara, non. Je vous laisserai les commandes du voyage temporel lorsque vous maîtriserez le voyage spatial.

Elle laissa tomber ses bras ballants sur sa taille fine, tapant de la bottine sur le plancher métallique, affichant une grimace faussement boudeuse.

-S'il vous plaît Docteur. Nous pourrions, je ne sais pas ... aller faire du cheval avec John Wayne.

D'une main, le professeur d'un jour fit claquer son volume en le refermant. Il protesta, pour la forme :

-John Wayne est un vieux ronchon. Il a été vieux très jeune qui plus est.

Il se releva en abandonnant le Code de la Route dans l'escalier, puis il réajusta son veston de velours zinzolin avant d'avouer, agacé, dans un râle :

-C'est bouquin est soporifique.

Il nuança cependant d'une question :

-Mais quel genre de moniteur serai-je si je me laissais attendrir par votre joli minois ?

Le minois en question se fit radieux. Avec un large sourire, elle répondit :

-Le meilleur ?

Le regard fuyant, un rictus satisfait, le Docteur replia ses lunettes qu'il glissa dans la poche de sa chemise. Il n'avait jamais su résister à un compliment. Pas venant de Clara en tout cas. Il joua avec son nœud papillon.

-Je suis toujours le meilleur.

-Et puis vous ne pouvez pas nier que j'ai fait des progrès.

Le Seigneur du Temps protesta :

-Vous avez failli coincer le Tardis en orbite autour de la troisième lune !

L'un des écrans se mit à clignoter. Le son d'une sirène se fit entendre à l'extérieur.

Après avoir jeté un regard noir à sa compagne de voyage, le Docteur se dirigea vers les doubles portes du Tardis pour les ouvrir en grand.


Voletant à quelques mètres dans le vide de l'espace, un petit vaisseau monoplace était chevauché par un Judoon.

Le motard spatial était vêtu d'une épaisse combinaison grise et portait un imposant casque. Le Docteur connaissait bien les Judoons, il savait que le casque dissimulait un faciès semblable aux rhinocéros terriens. L'agent poussa un interrupteur au centre du large guidon de son véhicule, faisant taire la sirène et coupant les gyrophares de son destrier d'albâtre.

-Sho Ko Mo Po! Intima le Judoon.

Sur le pas du Tardis, le Docteur objecta :

-Nous n'allions pas si vite, Monsieur l'agent.

Le Judoon était l'un des rares langages que le Tardis rechignait à traduire.

-Lo Mo To Ko Sho Mo!

-Pour notre défense, c'est une toute petite lune, elle ne figurait sur aucune de nos cartes...

Le motard spatial s'emporta :

-Po To So Shoo Mu Kah Sho Po.

De sa main gantée, il indiqua une planète rose en contrebas.

-Bo Mo To Sho!

Le Docteur masqua difficilement son intérêt :

-Ce monde est "interdit", mais qu'entendez-vous par interdit ?

Le galimatias de l'agent se fit plus ferme, puis d'un geste de la main, il congédia l'appréhendé.

Le Docteur salua le Judoon qui s'éloignait avant de refermer les portes.

D'un pas décidé, il se dirigea vers la console et se mit à pianoter, silencieux.

Clara affichait un rictus honteux :

-Je suis désolé Docteur, plaida-t-elle en se triturant les doigts. Je vous promets que cette lune à surgi de nulle part.


Plus qui quiconque, Clara connaissait le Docteur. La jeune femme avait littéralement plongé dans la ligne de vie du Seigneur du Temps. Elle avait rencontré et sauvé chacune des incarnations de cet homme aux multiples visages, s'était aventuré dans les recoins les plus secrets de sa psyché. Tout ne lui avait pas été dévoilé, mais Clara pouvait se targuer d'être l'une des rares personnes à connaître intimement le Docteur.

En contrepartie, bien qu'il lui confierait sa vie, Clara restait toujours une énigme du destin aux yeux du Docteur. Peut-être était-ce pourquoi il l'aimait tant.

Le regardant lancer diverses analyses spatial, Clara, plus pour la rhétorique, demanda :

-La leçon de conduite est terminée ?

Le regard en dessous, un soupçon d'amusement dans la voix, il confirma :

-Oubliez la troisième lune...

Soudain jovial, il sautilla jusqu'aux portes, qu'il ouvrit à nouveau.


Prenant appui sur le montant, il observa la planète, les bras croisés. Il ajouta :

-Ce qui nous intéresse est ici !

Clara posa sa tête sur l'épaule de son ami.

Sous les rayons d'une étoile bleue tournoyait lentement une planète incarnat. Impatient, le Docteur exposa :

-Nous avons ici une planète interdite. Des patrouilles Judoons sillonnent le secteur afin d'éviter à quiconque de s'en approcher "pour leur propre sécurité". C'est du moins ce que le motard a tenté de m'expliquer.

Il indiqua ensuite deux points, au-dessus et au-dessous de la sphère marbrée.

-La Proclamation de l'Ombre a également fait installer deux générateurs de champs de force dressant ainsi une barrière empêchant l'atterrissage d'éventuels vaisseaux.

Clara résuma :

-Et vous avez une soudaine envie de descendre visiter ce monde.

-Nous pourrions monter à bord de l'un de ces générateurs et le court-circuiter.


De l'index Clara indiqua de petites traînées lumineuses dans l'atmosphère en dessous.

-Nous pourrions jouer les étoiles filantes. Le champ de force ne semble pas les stopper.

Les yeux du Seigneur du Temps s'écarquillèrent. Il saisit le visage de sa protégée à deux mains, déposa un baiser sur son front.

-Mais oui ! Vous êtes brillante Clara Oswald !

D'un bond, il était de retour au poste de commande, couvrant d'éloges son amie :

-Vous êtes plus que brillante. Vous êtes indispensable !

Tournant frénétiquement une molette, le Docteur ne contrôlait plus son débit de parole :

-Coupons les moteurs, ne gardons que les protections, laissons nous happer par la gravité et laissons nous chuter, merveilleuse et intelligente Clara!

Il coucha un dernier levier, plongeant le Tardis dans l'obscurité.

-Clara, Clara, Clara, que deviendrai-je sans vous ?

Il se tourna vers les portes, toujours ouverte du Tardis. Son amie n'y était plus.

-Clara?

Fouillant les lieux du regard, ses appels se firent plus inquiet :

-Clara?!

-Docteur!!!

-Clara?!

-Docteur !!!

Tournant sur lui-même, l'excentrique voyageur n'arrivait pas à trouver l'origine des appels.

-Je vous entends, mais je ne vous vois pas.

-Je suis dehors!!

Au pas de course, il rejoignit l'entrée du Tardis pour se pencher au dehors. Le vaisseau était maintenant en chute libre dans l'atmosphère de la planète.


C'est en voyant Clara malmenée par les bourrasques à l'extérieur, fermement accrochée à la poignée du Tardis, que Le Docteur regretta de ne pas avoir fermé les portes et vérifié l'emplacement de son amie, avant de provoquer la chute de son vaisseau.

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