Les jardins d'Evanescis

Chapitre 2 : Tombé du ciel

1345 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 19/08/2025 18:46

Chapitre deux :

Tombés du ciel




La transhumance n'avait lieu qu'une fois l'année et Dorid s'y attelait habituellement avec un plaisir non dissimulé.

Mais cette saison, et pour la première fois, sa famille avait dû convaincre le jeune homme de mener paître le troupeau, lui assurant qu'à son retour, Grand 'pa Mo serait toujours présent, toujours vivant.


Le ciel orange se déroulait au-dessus des montagnes aux sommets enneigés qui encerclaient le vallon.

Le chiche troupeau de moosha broutait sans hâte le tapis gras d'herbe bleu. De ci, de là, des touches florales orange et rubis égaillaient le repas des ruminants pourpres.

Appuyé sur un long bâton au bout recourbé, Dorid s'endormait, assis en tailleur sur un tapis de mousse.


Les cloches se mirent à tintinnabuler au cou des Mooshas. Les animaux s'agitaient, se dispersaient, mugissaient.

Un bruit sourd fit sursauter le gardien du troupeau.

Au milieu du ciel clémentine et de ses nuages pistache, chutait une boîte bleue.

Les animaux étaient dispersés, fuyant le danger.

Le vacher ferma les yeux, persuadé ne pas pouvoir éviter le choc qu'allait provoquer le crash de l'objet.


Étrangement, derrière ses paupières closes, il n'entendit qu'un bruit sourd suivit par le grincement d'une porte que l'on ouvre.

Ce fut le "ha!" victorieux qu'il lui fit ouvrir les yeux.

Une boite était plantée dans le sol, légèrement penchée.

Vêtu d'un long manteau mauve, un homme tournait autour de la cabine bleue. Caressant les parois, il semblait l'inspecter, visiblement rassuré.

-Bravo ma Belle, tu as réussi. Sans une égratignure. Je m'en serais voulu.

Une chevelure généreuse en bataille, un menton volontaire, l'individu était sur le point d'embrasser l'objet lorsqu'il fut rejoint par une jeune femme visiblement moins enthousiaste. Celle-ci se mit à chasser l'homme au manteau mauve, le menaçant de son index :

-Hooo, vous! Vous! Vous êtes... ! Vous êtes...!

-Incroyablement fiable ? Efficace ?

Chaque proposition ne faisait qu'attiser la colère de Clara qui frappait désormais le Docteur du plat de la main. La course avait cessé, les deux amis se faisaient face.

-J'aurais pu mourir là-haut!

-Oui, mais... Ha! Vous n'êtes pas morte ! Et nous avons atterri...

Il crut bon de préciser :

-En suivant votre plan! Clara Oswald! Votre plan brillant!

-Mais je ne vous aie jamais demandé de me laisser pendre au-dessus du vide accroché au Tardis!

-Oui, c'était une légère erreur d'appréciation de me part, je l'admets...

La gêne passagère fut balayée par l'excitation :

-Mais regardez autour de nous Clara! Nous y sommes ! Sur le plancher des vaches !

À ces mots, un moosha le poussa mollement en meuglant, l'air de dire "pousse-toi de là, tu es dans mon assiette".


-Ho mon Dieu! Docteur !

La compagne venait de se jeter sur le jeune vacher. Le pauvre Dorid était semi-allongé sur le tapis herbeux, se relevant doucement. Clara aida le jeune homme tout en fusillant le Docteur du regard. Celui-ci, finalement un peu honteux, passa une main dans ses cheveux avant de venir, à son tour, s'assurer que Dorid soit indemne.

Il l'était, par miracle.


Lui et Clara semblaient avoir le même âge, mais Dorid arborait une figure presque juvénile.

Nullement inquiet, le jeune homme, plutôt enthousiaste, demanda sans préambule :

-Vous venez des étoiles ?

Les deux voyageurs échangèrent des regards confus. Que lui répondre ?

Les sécurités orbitales autour de la planète dictaient la plus grande prudence.

Le Seigneur du Temps farfouilla l'intérieur de son long trench zinzolin pour en extirper un portefeuille éliminé, qu'il déploya et présenta d'un geste leste.


Le papier psychique avait la faculté de servir de carte d'identité "passe-partout", montrant uniquement, aux interlocuteurs trop curieux, ce que la situation exigeait.

Dorid y colla le nez, puis lu à voix haute :

-Visiteur des étoiles.

Tel un pantin, le Docteur fit soudainement quelques pas en arrière, les bras au ciel, puis explosa :

-Décidément rien ne fonctionne aujourd'hui !

Puis d'un bond fit de nouveaux face au jeune homme, pour affirmer fièrement, tout en gonfla la poitrine :

-Oui, nous venons... Des étoiles !

Il se voulait théâtral. Ce qui fit sourire Clara.

-Nous sommes désolés d'avoir effrayé votre troupeau, annonça-t-elle avec sincérité.

Mais les mooshas ne semblaient plus avoir d'importance désormais pour Dorid qui demanda:

-Vous venez pour sauver mon grand-père ?


...



Les deux soleils ascendants faisaient scintiller la fine pluie qui douchait la cité d'Evanescis.


La citadelle immaculée était protégée par une interminable et haute enceinte de pierre de calcaire, dont l'unique ouverture était large, ouverte et cadrée de deux gardes de pierre claire: deux colosses en armure sculptés, posant leurs épées sur le torse, accueillaient quiconque traversait le pont-levis, sous lequel la pluie chantait en rencontrant l'eau claire des douves.


Quelques charrettes peu chargées quittaient les champs alentours pour pénétrer la cité. Dorid, Clara et le Docteur, qui venaient de délaisser le troupeau de moosha dans l'un des prés, suivaient désormais, toujours à pied, les marchands qui pénétraient Evanescis.

La longue nuit de marche n'avaient pas épuisé le Docteur. Clara, elle, maudissait son ami de ne pas avoir voulu utiliser le Tardis.

-Une heures ou une nuit de marche? Quelle est la différence ? Avait-il avançait.


Le trio était détrempé. Si cela ne gênait nullement le jeune vacher, Clara, elle, ne se priver pas pour faire connaître le fond de sa pensé :

-La Tardis nous aurait également évité la douche froide...

-Je suis Seigneur du Temps, objecta le Docteur, à présent agacé, pas Seigneur du Temps qu'il Fait.



Les pieds dans la boue, il détailla la grand place d'un regard circulaire.

Quelques étales chichement achalandés proposaient de maigres récoltes à des badaud plus soucieux de faire descendre les prix que par la fraîcheur de ce qu'ils allaient manger.

La place était large, bordée de nombreuses ruelles qui en partaient tels les vaisseaux d'un cœur vieillissant.

Ce lieu ne palpitait que mollement, sans entrain.

Dorid venait de délaisser ses compagnons pour rejoindre un stand proposant quelques produits fromagers. La discussion qu'il avait avec la marchande était vive, tournant indéniablement autour des voyageurs qu'il pointait régulièrement de l'index.

Clara pris délicatement le bras du Docteur afin de le sortir doucement de ses réflexions avant de rejoindre le jeune Dorid.

La pluie avait cessée.


La componction sur le visage du Seigneur du Temps se mua en un sourire sincère tandis qu'ils s'approchaient de l'étale.

Il serra énergiquement la main de la fromagère, une femme d'âge mûre aux cheveux emmêlés et yeux creusés.

-Vous devez être la fière génitrice de ce brave Dorid?

Prise de court, la femme bégaya :

-...oui. Qui êtes-vous ?

D'une vive génuflexion, l'étranger plongea son index dans la boue avant de l'enfourner dans sa bouche en se relevant d'un bond. Avec une grimace de dégoût, tirant la langue, il annonça :

-Hydrocarbure.

Il frappa ensuite l'épaule de Clara comme pour la réprimander :

-Ne me laissez plus jamais faire ça ! Ordonna-t-il a sa compagne dubitative.

Dubitative, la commerçante l'était tout autant. Elle demanda une seconde fois :

-Mais qui êtes-vous ?

Le Docteur claqua plusieurs fois des doigts, comme s'il venait de se rappeler qu'on lui avait déjà posé la question :

-Nous sommes des visiteurs venus des étoiles, commença-t-il de la détermination dans le regard. Et nous venons sauver le grand Pa Mo et découvrir ce qui empoisonne vos récoltes !

Il réajusta sa veste puis demanda presque solennel :

-Conduisez-moi à votre chef !

Il donna ensuite un léger coup de coude à Clara et lui glissa :

-J'ai toujours rêvé de dire ça.

Il ajouta :

-Après réflexion, ce n'est peut-être pas la première fois que je le dis...

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