Le Mystère des Lapins-tonnerre

Chapitre 9 : C9 : Run, you clever boy

Chapitre final

3824 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/03/2015 23:38

CHAPITRE IX

Après avoir fait le nécessaire pour que le cargo continue sa route en pilotage automatique, le Docteur avait embarqué les Smith à bord du Tardis et les avait déposés en coup de vent à Cardiff, sans leur promettre de revenir. Il était heureux d'être en compagnie de Clara, dont la gentillesse et la simplicité l'aidaient ici à passer le cap des adieux, toujours un peu difficiles pour lui.Mais qui l'aiderait lorsqu'elle serait la prochaine à descendre ?

Avant de rentrer chez elle à son tour, elle avait tout de même tenu à savoir ce qu'il comptait faire de la Fontaine.

― Je vais faire ce qui était vraiment prévu, répondit-il. Trouver un endroit approprié. Mais en attendant, elle sera stockée dans le Tardis.

― Il y a une pièce pour ça ?

― Je vous montre ?

Elle sautilla après lui tandis qu'il l'emmenait dans une grande salle qu'elle n'avait jamais vue, ce qui n'était pas surprenant vu la taille du vaisseau. Son immensité, ses étagères remplies d'objets hétéroclites ou de caisses, semblèrent pourtant très familières à Clara.

― Vous savez à quoi ça me fait penser ? dit-elle avec un air ravi. On dirait l'endroit où ils enferment l'Arche d'Alliance à la fin de Indiana Jones !

― Je me demande bien qui a pu leur faire cette suggestion, fit le Docteur pince sans rire, en posant la boîte sur une étagère.

― Non ! Vous me faites marcher ?

― Clara, un jour vous réaliserez qu'il y a une profusion de « Smith » et de « Jones » autour de moi, et vous en tirerez des conclusions… Regardez, je la pose ici. Assez loin du reste afin d'éviter d'éventuelles interférences malvenues… Rassurée ?

Il tapota le couvercle d'un air satisfait. Quand il se dirigea vers la sortie, elle se troubla un peu quand elle le vit éteindre les lumières d'un geste machinal totalement identique à celui de Numéro Dix.

.°.

Quand elle fut devant la porte de sa petite maison, elle se sentit soudain intimidée. D'habitude, son Docteur la déposait et partait sans se retourner avec un petit geste de la main. Et elle savait qu'il reviendrait. C'était tacite.

― On dirait que c'est la fin de votre longue journée, ma chère…

― Je crois que je pourrais dormir deux jours ! Mais vous, qu'allez-vous faire maintenant ?

― Ce que je fais toujours, éluda-t-il avec un sourire. Voyager !

― Et… Est-ce que vous vous mettrez encore en colère si je vous demande d'éclaircir un dernier point pour moi ? J'y ai réfléchi et je n'ai pas trouvé... Comment vous avez su que l'interface du Tardis… n'était pas l'interface du Tardis ? Moi quand je la vois, elle prend ma propre apparence donc c'est plutôt facile…

― Il n'y a pas de protocole précis à ce sujet, dit-il en regardant ses chaussures. Elle peut prendre n'importe quelle forme.

― Alors ? Qu'est-ce qui vous a donné un indice ?

Il la regarda brièvement et avoua après une légère hésitation :

― Le Tardis ne m'appelle pas « Docteur »... Et j'en profite pour signaler que c'est le seul à avoir une dérogation !

― Oh mon Dieu, fit elle dans un fou-rire. Donc vous le saviez depuis le début !

― Comment ça depuis le début ? sursauta-t-il avec un froncement de sourcils.

Elle baissa les yeux mais sans cesser de sourire légèrement.

― Dès que vous vous êtes mis à me parler d'elle, je… je pouvais l'apercevoir dans une sorte de transparence, avoua-t-elle.

Il s'appuya contre le mur de la maison près de la porte, un air de profonde préoccupation peinte sur le visage. Payer ses erreurs de cette façon, c'était idiot. Il n'avait aucune envie que Clara lui dissimule des choses ou lui mente…

― Clara, pourquoi me l'avoir caché ?

― Je n'avais pas décidé si je pouvais vous faire confiance, répondit-elle en plantant son regard candide droit dans ses yeux.

― Et… maintenant ? Où en êtes-vous à ce niveau ?

Elle le considéra avec attention. Elle ressentait qu'il était nerveux en dépit d'un calme de façade. Elle se demanda si Numéro Dix avait dit la vérité sur ses sentiments profonds.

― Alors on dirait que c'est vrai. Que vous avez vraiment peur que je vous laisse tomber…

Il secoua la tête avec un pauvre sourire.

― Non, je n'ai pas « peur » de ça.

Les mains sur les hanches, elle continua à le regarder droit dans les yeux avec détermination, jusqu'à ce qu'il baisse le regard.

― OK, qui vous l'a dit ? se rendit-il au bout d'un moment. Qui me connaît assez pour m'avoir fait ce sale tour ? Que j'aille lui passer un savon…

Clara ouvrit la porte de chez elle en souriant et répondit :

― Je vous interdis de lui faire quoi que ce soit ! Au revoir, Docteur !

Elle referma sa porte et il resta là une petite minute, passablement indécis. La porte se rouvrit et la tête de Clara passa dans l'entrebâillement pour ajouter :

― Et n'attendez pas trop avant de revenir me chercher !

Derrière la porte fermée, elle ajouta même :

― J'aurai vos talkies-walkies !

.°.

Un peu rasséréné, il était remonté à pas lents vers le Tardis et puis l'avait simplement placé en orbite lointaine autour de la Terre. Il pourrait toujours revenir la chercher dans une semaine ou deux pour elle et dans dix minutes pour lui...

Ses pas l'avaient conduit dans la bibliothèque du Tardis, pour y rechercher un volume en particulier. Quand il l'eut trouvé, il se laissa tomber dans un fauteuil. La couverture annonçait en gallifréen : « Contes et légendes du temps jadis ». Il feuilleta plusieurs pages, en tentant de retrouver un passage sur lequel il finit par remettre la main. « La fontaine de Myrn'An Ghaar ».Sur toutes les planètes de l'univers, les noms anciens sonnaient terriblement ringards.Sur la page de gauche, une gravure montrait une grande coupe pleine d'eau ruisselante où une toute petite créature blonde aux allures de fée Clochette semblait boire au creux de sa petite main.

Il relut le conte et s'intéressa au commentaire moralisateur qui l'accompagnait. Le texte était destiné à l'édification de la jeunesse gallifréenne. Il expliquait qu'il fallait écouter l'expérience des aînés, réfléchir avant d'agir, insistait sur les terribles conséquences d'actes même bien intentionnés mais accomplis dans l'inconscience et l'immaturité. Il avertissait que le bannissement attendait celui qui ne respectait pas les traditions…An' Ghaar n'était pas de sa famille. Mais il était le héros de son enfance. Il se souvenait combien son jeune esprit avait été fasciné par l'idée qu'il puisse exister des êtres extragallifréens presque semblables aux Seigneurs du Temps sur le plan physique. Chaque enfant qui allait à l'école savait pourtant bien les milliers de races existantes dans l'univers et combien il était rare qu'elles présentent des caractéristiques inclinant à la méprise…

Hélas, le conte de MyrnAn' Ghaar n'avait pas eu sur lui l'effet formateur attendu, l'effet qu'il avait sur tous. Au lieu de cela, il s'était pris à rêver qu'un jour, il pourrait découvrir lui aussi ces êtres, les voir et leur parler car ils étaient mystérieux, beaux et libres…

Le Docteur reposa le volume sur un guéridon. Clara avait raison. C'était pour le moins suspect qu'un objet gallifréen ait recroisé sa route. Cet objet-là. Issu de ce conte-là, avec toute la signification profonde qu'il revêtait pour lui. Qu'est-ce que cela signifiait ? Peut-être n'aurait-il pas dû partir si vite de Cardiff et tenter d'investiguer d'où provenait l'objet plus précisément en sondant la Faille ?

Il se leva pour ranger le volume dans le rayonnage d'où il l'avait pris.En contournant un bureau pour le replacer sur son étagère, il entendit alors un petit bip bip parfaitement inopiné qui attira son attention.

Sur le bureau, il y avait une pochette fermée d'un gros nœud qu'il n'avait pas vue en arrivant. Cherchant d'où provenait le bruit, il ouvrit les tiroirs du bureau et découvrit le vieux téléphone à clapet de Martha qu'elle lui avait donné en lui faisant promettre de le garder et de rester joignable pour elle... Il n'avait aucun souvenir de l'avoir rangé là. Un peu troublé, il regarda l'appareil, comme le symbole de ses pieux mensonges : il ne gardait pas contact avec les anciens compagnons. Pendant un instant, il espéra que son amie voulait peut-être lui dire que Ricky allait bien et qu'il avait survécu…

En l'ouvrant, il vit qu'il avait reçu un petit message, mais pas de Martha.Il ne contenait que quatre mots qui identifièrent immédiatement son expéditrice : « Merci, mon petit cœur ». Il ne put s'empêcher de sourire.Cette diablesse de River ! Sortie par la grande porte, elle réentrait par le moindre petit trou de souris... Comment avait-elle réussi ce tour-là ?

Il posa le téléphone pour défaire le nœud et ouvrir la pochette en papier dont il sortit un livre. « Licence to kiss, une nouvelle aventure de Melody Malone ». L'illustration stylisée de couverture montrait une femme à l'abondante chevelure dorée et bouclée, aux belles lèvres rouges, les yeux cachés par un borsalino baissé et sanglée dans un imperméable étranglant sa taille de guêpe. Sa jambe ouverte gainée de noir laissait entrevoir une arme minuscule coincée dans sa jarretière.Il rit tout seul à cette vision caricaturale, en osant à peine retourner le livre pour voir la quatrième de couverture. Il y avait bien sûr un portrait d'elle, assorti d'une fausse biographie. Il reposa l'ouvrage sur le bureau comme s'il lui brûlait les doigts.

Il savait ce qu'elle essayait de faire, sa petite psychopathe au visage de madone. Ce qu'elle avait toujours voulu faire – désespérément. Attirer son attention. Et faire partie de sa vie.

Ce n'était pas du tout raisonnable.Il savait très bien qu'elle utiliserait la moindre de ses faiblesses affichées contre lui. Il savait qu'elle n'hésiterait pas à exploiter le statut de ses parents auprès de lui… Qu'elle ferait de sa vie un enfer…Oh, pourquoi fallait-il que ça sonne à cette minute comme un jeu merveilleusement dangereux ? Pourquoi vieillir ne lui apportait-il donc pas la paix douce qui semblait faire rayonner Martha et Mickey au soir de leur vie ?Si seulement Clara avait été là, elle aurait pu détourner son attention…

.°.

Empochant néanmoins le téléphone, il quitta la bibliothèque comme un voleur, pour retourner près de la console, attendant peut-être inconsciemment d'être consolé... Là-bas, il regarda le mot « pain » qu'il avait laissé sur l'écran du Tardis et shoota dans l'inutile grille-pain à particules, ce qui le soulagea à peine.

Il se dit qu'il serait judicieux de faire du ménage dans les enregistrements de sauvegarde du Tardis où River devait forcément apparaître. Et qui pourraient bien venir le narguer insidieusement probablement à un moment où il se sentirait trop déprimé, et trop seul pour leur résister. Il les trouva vite. Mais sa main trembla et hésita au moment de les supprimer.

C'est ce qui lui permit de voir quelque chose de tout à fait inattendu qui ne cadrait pas du tout avec ses souvenirs : Clara en compagnie de quelqu'un qu'il connaissait bien ! Pour être précis, Clara dans les bras de quelqu'un qu'il ne s'attendait pas à voir là ! Une version plus jeune de lui-même ! Ses cœurs se mirent à cogner. Il remonta les images d'archives de quelques instants. « Emmenez-moi avec vous ! » le suppliait-elle.

Il ne s'attendait pas à éprouver un tel choc, ni à être si en colère ! Il était prêt à l'idée que Clara puisse le laisser un jour pour épouser quelqu'un et mener la petite vie tranquille des Terriens. Mais l'idée qu'un « autre lui » puisse la lui ravir, à son nez et à sa barbe, lui déplaisait et l'humiliait profondément. Il n'avait rencontré Clara qu'à la toute fin de sa dixième incarnation, et même si ce souvenir était extrêmement ténu, il se rappelait encore un peu ce qu'il avait éprouvé en la voyant pour la première fois avec Numéro Onze…

Il ferma les yeux pour se calmer. Sa nouvelle personnalité n'était pas des plus pondérées… Il chaussa une paire de lunettes rectangulaires qui trainait sur la console et étudia les codes au bas des images d'archives. En prenant le temps de réfléchir au lieu de paniquer, il comprit qu'il n'avait aucun souvenir de cela littéralement parce que ça ne lui était pas arrivé à lui, mais à Clara dans une micro poche de temps alternative.Il visionna l'intégralité.

― Ah le faux-frère ! souffla-t-il atterré. C'est donc toi qui as vendu la mèche à propos de l'Empreinte !...

Il revisionna encore toute la scène.« Laissez-lui encore une toute petite chance ». « Ne le fuyez pas » et aussi ce magnifique « Vous êtes déjà avec moi »…

Non, il fallait admettre que ce n'était pas un faux-frère du tout…

Il éteignit l'écran et vit assez nettement son reflet dedans, ce qui le laissa stupéfait et bouleversé parce qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de le faire en détail aujourd'hui. Oh ce visage !Il savait qu'il avait l'air plus âgé mais pas qu'il allait ressembler à ça ! Il passa les doigts sur les poches qu'il avait sous les yeux, tira un peu sur sa peau et ses cheveux gris-blancs. L'espace d'une cruelle seconde il eut un hoquet de rire en repensant à ce qu'il s'était dit tout à l'heure : sourire comme Jack… Il secoua la tête.A chaque régénération, c'était pareil, il trouvait toujours un truc à critiquer et puis il n'y pensait plus.

Il avait la main sur les commandes de démarrage et elles le démangeaient.Pouvait-il s'offrir une petite visite à lui-même, et programmée de longue date ? Son ancien lui avait été bien plus délicat envers Clara en dix minutes qu'il n'avait su l'être en toute une journée… Lui aussi, méritait pour cela autre une chance. Il agrippa la manivelle de la pompe à voïd et la lança d'un coup.

― Ma belle, dit-il au Tardis, c'est décidé ! On retourne à Pompéi !

...

EPILOGUE

L'endroit était désert. Un coin mort, sur un satellite mort couvert de poussière, où la naine rouge locale projetait à peine assez de lumière pour ne pas songer à un crépuscule quasi permanent.L'homme et ses compagnons attendaient aux coordonnées prévues depuis au moins trois heures. Le grand blond marchait nerveusement de long en large, en faisant claquer les talons de ses bottes et en pianotant de temps en temps sur le grand bracelet de cuir qu'il portait au poignet.

Vu la bande de primates dégénérés qui l'entourait, il n'était pas question de perdre la face. Il avait besoin de l'argent qu'allait lui procurer la vente de l'artéfact que les Smith étaient assez aimables de lui livrer… Il eut un sourire carnassier en pensant à eux. Ces Terriens, c'étaient tout de même de grands crétins…

Sans afficher son soulagement quand son bracelet bipa, il se mit à parader.

― Qu'est-ce que je vous avais dit, les gars ? fit-il en ouvrant les bras en direction du ciel où un petit point se rapprochait. Les voilà ! Ils ont dû être juste retardés par un petit contrôle inopiné sur la route…

Le vaisseau cargo miteux qu'il leur avait trouvé était en vue et les manœuvres d'atterrissage avaient commencé. Les autres piaffaient d'impatience.John arborait à présent un sourire satisfait qu'il voulait rassurant et qu'il eut la présence d'esprit de conserver lorsqu'il remarqua au pré scan qu'il manquait deux hangars et que le vaisseau était salement endommagé. Pourtant, il se posait tout à fait normalement.Le sixième sens à embrouilles de John lui disait que quelque chose sentait mauvais...

― Les gars, commença-t-il, je suis conscient que vous avez subi un gros préjudice en raison du délai de livraison retardé. Alors je vais faire un petit geste commercial : je vous laisse tout le cargo et les passagers. Faites en ce que vous voulez, c'est cadeau !

Ses « associés » émirent un grognement revêche. Leurs yeux malsains s'étaient rétrécis, mais ils se désintéressèrent vite de lui pour se précipiter vers la porte, avides de prendre possession du butin promis.Faisant sauter dans sa paume le joyau qu'il avait reçu en paiement, John recula, recula, recula…

A l'intérieur, un comité d'accueil enragé attendait les évadés à qui il avait promis un vaisseau pour s'enfuir du système où ils avaient été incarcérés.

Le cargo explosa.

Lorsqu'il reprit conscience, un peu plus tard, au milieu des gravats et à moitié suffoqué par une odeur de viande carbonisée, John vérifia qu'il était entier d'abord puis que le cargo… n'était plus bon à rien. Il se releva tant bien que mal en époussetant son uniforme d'opérette. Il s'avança vers le vaisseau fumant pour pénétrer à l'intérieur afin d'essayer de voir s'il ne pouvait pas sauver quelque chose dans ce désastre.

Il ne trouva presque rien à emporter, en tous cas pas assez pour se renflouer dans cette opération totalement foireuse… Mais comme il allait partir pour ne plus se retourner, en méditant sur le fait qu'on ne gagnait pas à tous les coups, il vit alors un message écrit en gros au marqueur au-dessus de la sortie, et il disait :

« J'ai la boîte. Approchez encore une fois de mes amis et vous aurez affaire à moi. Le Docteur ».

John étira ses lèvres en un lent sourire de fauve paresseux. Il en aurait presque ronronné de plaisir. Enfin une bonne nouvelle. La boîte n'était pas perdue.

Il jeta négligemment par terre tout ce qu'il avait ramassé et s'en retourna vers sa navette, en sifflotant une chanson égrillarde d'un ton guilleret.

― Et bien, vous ne pouvez pas savoir comme j'ai hâte ! dit-il en mettant les gaz.

FIN

...

John Hart parviendra-t-il à faire démarrer sa navette endommagée par l'explosion des derniers lapins-tonnerre et à retrouver le Docteur pour lui reprendre la Fontaine qu'il convoitait ? Découvrez la suite épique de cette envoûtante saison alternative dans l'épisode suivant : From Vegas with love.

 

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