Kaléidoscope en noir et blanc

Chapitre 2 : Jimmy

897 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:15

Pour sûr, ce n’est pas Mary Pickford…

En effet, la nouvelle servante embauchée par Mrs Hughes n’avait rien des beautés à la mode. Et d’ailleurs, sans être franchement vieille, elle n’était pas non plus une jouvencelle pour autant. Elle n’avait rien d’une petite jeune fille comme Ivy, ni rien de ce à quoi Jimmy s’attendait lorsqu’il avait entendu dire que Mrs Hughes examinait des candidatures pour remplacer l’éphémère Edna.

Ceci dit, pour avoir vécu la guerre de l’intérieur, il fallait forcément avoir quelques années de plus qu’Ivy.

À y bien penser, c’était assez bizarre. Que les hommes aillent faire la guerre, soit. Mais que des femmes y partent aussi, cela dépassait l’entendement de James Kent.

Et qu’elles en reviennent défigurées lui semblait une aberration.

Bon, à proprement parler, cette Mrs Dillon n’était pas vraiment défigurée ; le prétendre serait excessif. Mais il était indéniable que les cicatrices ornant le côté de son visage se voyaient suffisamment pour ne pas passer inaperçues. Voilà donc ce qu’on récoltait à vouloir aider les blessés ? Au fond de lui Jimmy trouvait tout de même cela injuste, même si avant cela le visage n’avait sûrement déjà rien eu de renversant.

Lorsqu’il avait entendu parler du recrutement d’une nouvelle servante, il avait imaginé du sang neuf, de l’entrain, un joli petit minois, ou au moins une jeune fille pétillante avide de nouveautés et d’amusements, de fête foraine, de thés dansants et de sorties au cinéma.

Au lieu de cela ils avaient récolté une veuve de guerre trentenaire qui n’en finissait pas de traîner son deuil et sa face de carême comme on traîne derrière soit les lambeaux d’un vêtement déchiqueté qu’on ne se résout pas à ôter.

Un peu comme Lady Mary récemment, mais pour celle-ci c’était encore tout frais, quelques mois à peine, alors que feu Mr Dillon devait avoir passé l’arme à gauche depuis quoi… au moins quatre ou cinq ans !

Et qu’est-ce qu’elle lit, encore ? Ne lui arrive-t-il donc jamais de discuter à la place, pour de vrai, de tout ou de rien ?

Un mot par-ci par-là, une ou deux phrases à table ou pendant le service, voilà à peu près tout des échanges qu’il avait eus avec elle depuis son arrivée.

Enfin non. Il était injuste. Elle avait un peu parlé ; disons que lorsqu’on l’avait interrogé sur la guerre ou sur ses expériences passées elle avait répondu. Mais le peu qu’elle avait dit sur la guerre avait plutôt jeté un froid (Eh bien ? Vous me posez la question, je vous réponds ! leur avait-elle simplement rétorqué lorsqu’elle réalisa l’effet qu’avaient eu ses mots sur la tablée), et le peu d’entrain qu’elle avait à entrer dans les détails de sa vie personnelle passée réfrénait les velléités de conversation de qui que ce soit. Tout juste avait-elle parlé de son parcours et de ses places précédentes auprès de différents employeurs.

Je me demande à quoi elle ressemble quand elle rit ? Si toutefois il lui arrive de rire… Est-ce qu’elle parait plus jeune, alors ? Et qu’est-ce qui pourrait la dérider ?

C’était un challenge. Et dernièrement, Jimmy se lassait un peu de jouer avec les nerfs d’Alfred en flirtant avec Ivy. Il lui fallait trouver un autre défi. Et celui-ci lui paraissait particulièrement indiqué, car apparemment difficile. Un peu comme l’idée de faire rire monsieur Carson lui-même, sans toutefois risquer sa place pour autant. Mais ça le distrairait. Et qui sait ? en plus de lui être compté comme une bonne action, peut-être cela lui rapporterait-il une nouvelle amie ?

Il jeta un regard en direction de la servante ; celle-ci était plongée dans sa lecture, tête penchée, sourcils froncés.

Mouais. Faire rire les portraits des ancêtres Grantham accrochés un peu partout dans le château serait finalement peut-être moins difficile.

 

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