Inquisition

Chapitre 14 : La morsure du froid

10955 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/09/2025 16:45

Comme promis, l’Inquisitrice revint après seulement trois semaines d’absence dans la région des Tombes Emeraudes. Pendant ce temps, Joséphine lui avait concocté un emploi du temps chargé pour préparer son séjour au Palais d’Halamshiral et sa rencontre avec l’Impératrice d’Orlaïs ; l’Ambassadrice comptait beaucoup sur cet événement pour mettre en valeur l’image de l’Inquisition et créer de nouvelles alliances profitables. Pour se faire, elle avait fait parvenir à Fort Céleste une multitude de portraits des invités au bal des négociations afin que l’Inquisitrice mémorise leurs noms et qu’elle puisse les reconnaître facilement. Elle devait connaître les moindres détails des bisbilles entre les nobles orlésiens et leurs petites histoires personnelles afin de ne pas faire de faux pas diplomatique. Joséphine avait également demandé à Dorian de lui donner des cours de danse de salon car ce dernier connaissait parfaitement les dernières modes en la matière et s’était vanté d’être un danseur hors pair. La Messagère devait aussi consacrer du temps à la confection de sa tenue avec les différentes couturières qui travaillaient dessus. Quand Lédara prit connaissance de son emploi du temps, la Maître-espionne fit dégager quelques heures pour son entraînement au maniement des dagues dont elle se chargerait personnellement car il était hors de question que l’Inquisitrice s’y rende désarmée au vu de la nature initiale de la mission : débusquer l’assassin de l’Impératrice.

A côté de tout cela, Lédara devait suivre les autres affaires de l’Inquisition : Ser Stroud n’avait certes pas encore atteint la région des Portes du Ponant, mais il transmettait via Hawke toutes les activités et mouvements des Gardes des Ombres qu’il pouvait apercevoir ; Lédara suivait également de très près l’affaire des templiers rouges sur laquelle travaillait Cullen, qui sembla tomber dans une impasse.

Le retour de la jeune femme avait été tumultueux, assaillie de choses à faire et d’affaires à trancher, elle n’avait pas eu l’impression d’avoir une seule seconde bien à elle, ni même pour penser en paix.

Un jour, en pleine matinée, les couturières avaient investi encore une fois les appartements de l’Inquisitrice et elles lui faisaient essayer les jupons de sa futur robe de bal. Lédara, vêtue d’un simple corset, était engoncée dans de volumineux tissus retenus par une multitude d’épingles au niveau de sa taille. Alors que les couturières s’affairaient autour d’elle, Joséphine se tenait assise devant le bureau de l’Inquisitrice et l’interrogeait :

-      Parlez-moi du Duc de Ghislain.

-      Aïe ! s’écria Lédara alors qu’une aiguille s’était enfoncée dans sa chair.

-      Pardon, Votre Grâce ! se désola la couturière.

La Marchéenne lui fit un signe de main rassurant, puis poussa un soupir d’exaspération devant son éternelle ignorance de la noblesse orlésienne.

-      Je n’en sais strictement rien, Joséphine, marmonna-t-elle alors.

-      Nous venons d’en parler ! s’agaça l’Ambassadrice.

Lédara se regarda à nouveau dans le grand miroir en pied qui se trouvait à côté de son lit, puis fit quelques mouvements dans la pièce au plus grand désespoir des couturières.

-    C’est trop encombrant, dit l’Inquisitrice. Il faut que je puisse accéder à mes lames qui seront en dessous du jupon.

-    Ce sera prévu, Votre Grâce, intervint la cheffe couturière.

-    Alors, le Duc de Ghislain ? insista Joséphine.

Lédara plongea sa tête entre ses mains. Elle n’en pouvait plus. Elle somma les couturières de lui retirer le jupon avant d’enfiler sa robe du jour, puis quitta en trombe ses appartements. Elle dévala les escaliers et se laissa porter par son besoin de liberté : elle s’arrêta dans une pièce où avait été installée une statue d’Andrasté. Des cierges brûlaient à ses pieds et des bancs avaient été disposés comme dans une Chantrie. Lédara poussa la porte derrière elle et s’avança lentement devant la haute statue. Elle était intimidante, comme toutes les représentations de la prophétesse. La jeune femme s’agenouilla au pied des cierges, ferma les yeux et écouta le crépitement des mèches dans la sérénité tant recherchée. Depuis combien de temps n’avait-elle pas prié ? Ou chanté le Cantique ? Depuis son départ de la Chantrie, sûrement. Mais des prières, elle en avait faits, de manière informelle, par-ci par-là, quand elle en ressentait le besoin, la dernière étant celle avant l’assaut sur la Brèche.

La Messagère d’Andrasté joignit alors ses mains, courba la tête et murmura :

-    Ma chère Andrasté, dans quoi m’as-tu fourrée… ?

-  Le Créateur vous a mise sur un chemin difficile, dit doucement Mère Giselle qui était entrée sans faire de bruit. Je prie pour que votre voyage soit sans danger.

Lédara redressa la tête. La Révérende Mère vint s’asseoir sur un banc et invita l’Inquisitrice à en faire autant.

-  Je me souviens de notre conversation avant la découverte de Fort Céleste, lui lança Lédara, le Créateur n’est pas le seul à m’avoir mise sur ce chemin, n’est-ce pas ?

-  Ni Cassandra, ni Léliana, ni même moi n’aurions pu être Inquisitrices. Nous sommes trop impliquées politiquement, trop liées à la Chantrie et à ses défauts. Mais ce n’est pas moi qui vous ai fait affronter Corypheus. Ce n’est pas moi qui vous ai fait risquer votre vie pour sauver le peuple de Darse. Vous seule pouviez être l’Inquisitrice. Je prie seulement pour que le pouvoir de l’Inquisition soit suffisant.

-  Si le pouvoir de l’Inquisition ne suffit pas, fit remarquer la jeune femme, nous courons tous un grand danger.

-  Cela peut vous paraître éprouvant, répondit Mère Giselle, mais vous avez déjà accompli plus que ce que la plupart des gens auraient pu faire. Le Créateur vous a choisie pour nous libérer de Corypheus. Tout le monde ici a foi en vous et vous soutient. Ne l’oubliez jamais.

Lédara poussa un soupir ; elle ne savait pas si elle avait été choisie, mais cela ne changeait en rien sa situation actuelle.

-  Savez-vous comment tout cela se répercute dans l’esprit des gens ? demanda l’Inquisitrice.

-  Ils ont peur, bien entendu. Beaucoup d’entre eux ont perdu des êtres chers ou leur maison. Je pense que la plupart d’entre eux ne connaîtront pas le repos avant que vous ne terrassiez notre ennemi. Je leur propose toute l’aide que je peux. Le reste est entre les mains de l’Inquisition.

-  Que faites-vous pour aider ces gens ?

-  Mes sœurs et moi faisons de notre mieux pour soigner les blessés, expliqua la Révérende Mère, certains réfugiés apportent de la nourriture, d’autres arrivent les mains vides. Je veille à ce que tout le monde ait de quoi manger. Mais beaucoup d’entre eux ne demandent que le réconfort familier du Cantique de la Lumière. Ce n’est pas bien compliqué d’apporter du réconfort à ceux qui souffrent.

C’est ce que la jeune Marchéenne aurait certainement fait si elle était restée au sein de la Chantrie. Tout aurait été différent, plus simple.

-  Comment vont nos troupes de Fort Céleste ? demanda Lédara.

-  La plupart d’entre eux sont encore sous le choc, avoua la Révérende Mère, assister à la destruction de Darse si peu de temps après le Conclave… Vous en avez sauvé beaucoup, mais des vies ont tout de même été perdues, et le voyage en pleine nature n’a pas facilité le traitement des blessés. Malgré tout, des gens arrivent tous les jours. Certains sont des réfugiés, mais d’autres veulent vous aider. Votre Inquisition s’agrandit. Je prie pour que vous en fassiez bon usage.

-  Est-ce que vous avez des nouvelles des gens d’ailleurs ? s’enquit l’Inquisitrice.

-  Vous avez été d’une grande aide aux réfugiés des Marches Solitaires. Sans vous, beaucoup d’entre eux seraient morts de faim ou de froid. Depuis que la faille a été refermée près de Boscret, les villageois ont commencé à reconstruire leurs maisons… et leurs vies.

Mère Giselle prit quelques secondes pour réfléchir : quelque chose la préoccupait.

-  Des gens disparaissent dans les collines de Sahrnia, dit-elle inquiète, il s’agit peut-être de démons, ou pire. En tout cas, les habitants sont terrifiés. Je ne peux rien vous dire de plus. Cette période est chaotique pour tout le monde à Orlaïs et Férelden.

-  je vous remercie, Mère Giselle, dit Lédara.

L’Inquisitrice savait qu’une Révérende Mère pouvait facilement avoir ce genre d’information, et cela pouvait être très utile de se tenir au fait des impressions du peuple. C’est pour ce dernier que Lédara agissait, après tout. La jeune Marchéenne se leva et prit congé pour retourner bon gré mal gré à ses devoirs. Toutefois, elle se rendit dans la grande salle de Commandement où une pile de paperasse l’attendait au lieu de retourner dans ses appartements, son besoin de solitude et de sérénité persistant.

Alors que Lédara lisait une lettre du marquis Durellion demandant de l’aide pour bâtir un mémorial à Darse, un soldat vint l’interrompre :

-    Inquisitrice, dit le soldat en la saluant, le Commandant requiert votre présence à son bureau dès que vous aurez un moment de libre.

-    Vous a-t-il dit pourquoi ? demanda Lédara en levant les yeux de ses papiers.

-    C’est au sujet des templiers rouges, je crois, répondit le soldat.

-    Bien, je vous remercie, le congédia l’Inquisitrice.

La jeune Marchéenne lança un regard sur les autres lettres encore non lues, puis déposa celle qu’elle tenait à la main sur la large table de bois. Elle sortit de la salle de Commandement pour se diriger vers le bureau de Cullen. Arrivée devant la porte entr’ouverte, elle frappa poliment avant d’entrer. Le Commandant était assis à son bureau, inspectant une liasse de parchemins que Lédara reconnut comme étant ses rapports sur ce qu’elle avait trouvé aux Tombes Emeraudes.

-    Inquisitrice, dit Cullen en se levant de son fauteuil.

-    Que se passe-t-il ? demanda Lédara.

-    J’ai examiné vos rapports et les missives des trafiquants que vous avez interceptés. C’est inquiétant, mais il me manque des informations pour pouvoir avancer…

Il fit nerveusement quelques pas dans la pièce avant de continuer :

-    Vous dites que vous avez entendu une conversation entre l’un des chefs des Hommes Libres de Dalatie et un templier quand vous avez investi la villa Maurel. Pouvez-vous me dire exactement ce qui s’est dit ? Cela pourra peut-être m’aider à démêler cette histoire.

Lédara était restée près du bureau de Cullen et avait pris la liasse de parchemins dans ses mains, relisant ce qu’elle avait écrit. En effet, lorsque l’Inquisitrice et ses compagnons avaient investi l’une des bases de ceux qui se faisaient appeler les « Hommes Libres de Dalatie », à savoir des déserteurs des armées impériales orlésiennes, elle avait trouvé l’un de leurs chefs en tractation avec des templiers rouges.

-    Cela s’est passé très vite, répondit lentement Lédara, et je n’ai perçu que des bribes de conversation. Quelle sorte d’information vous faudrait-il pour faire avancer cette affaire ?

Le Commandant revint à son bureau et d’un geste de la main demanda la liasse de parchemins que tenait la jeune femme. Elle la lui rendit aussitôt et il en sortit trois missives :

-    Voici les trois lettres que vous avez interceptées aux trafiquants : la première n’a pas grande importance, elle nous dit simplement qu’ils ont trouvé un nouveau type de lyrium à revendre. Par contre, celle-ci nous indique que le lyrium rouge ne se trouve pas dans les Tréfonds comme le lyrium normal, et cette lettre-là indique la maladie qui touche tous ceux qui sont exposés à la substance. Et Samson, avec qui les trafiquants traitent, a instamment demandé à acheter les malades. Pourquoi ? Et si le lyrium rouge ne se trouve pas sous terre, où le trouvent-ils ?

-    Il nous faut savoir où sont envoyés les malades achetés par Samson, réfléchit Lédara.

-    C’est une des pistes à explorer, en effet, répondit vivement Cullen, mais les trafiquants que nous avons fait suivre ne nous ont pour l’instant mené à rien.

-    Vous pensez que la conversation que j’ai entendue pourrait nous donner des indices, continua Lédara.

Le Commandant hocha de la tête, affirmatif. La jeune femme s’appuya contre le bureau en croisant les bras, se replongeant dans ses souvenirs. Il fallait qu’elle se remémore le court instant où elle était entrée dans la villa Maurel jusqu’au moment où Séra avait fait tomber un vase, dévoilant ainsi leur présence au groupe d’hommes et de templiers. Elle ferma les yeux pour mieux visualiser la scène.

La Villa Maurel était une magnifique résidence d’une veuve orlésienne du nom d’Elisa Maurel, désertée lors du début de la guerre civile. Les Hommes Libres y avaient alors pris leurs quartiers. Le petit groupe que menait l’Inquisitrice était entré en douce dans la demeure, par l’aile ouest, afin de garantir l’effet de surprise. Discrètement, ils avaient avancé jusqu’aux appartements principaux, évitant soigneusement la cour intérieure, trop exposée. Une fois dans les anciens appartements de dame Maurel, Lédara avait pu entendre des éclats de voix ; elle avait fait signe à ses compagnons de ne faire aucun bruit afin qu’elle puisse percevoir la conversation. Elle avait reconnu des voix d’hommes, ils étaient deux à discuter, mais devaient être plus nombreux dans la pièce. Il était difficile d’entendre quoi que ce soit, mais la jeune femme avait pu distinguer quelques mots.

Pendant que l’Inquisitrice se replongeait dans ses souvenirs, Cullen l’observa en espérant qu’elle puisse apporter un indice clef. Il remarqua que les couturières de Fort Céleste lui avaient confectionné une nouvelle robe dans les tons verts dont le manteau n’était non plus retenu par une large ceinture de soie comme la précédente bleue, mais par un corset décoré de fins laçages. La jeune femme s’était coiffée comme à son habitude d’un chignon tressé. Elle était de plus en plus mise en valeur par ces tenues, mais rien ne pouvait égaler la fois où il s’était retrouvé seule avec elle, tôt le matin, dans la salle de Commandement. Ce jour-là, dénuée de tout artifice, ses cheveux relâchés qui tombaient en cascade dans son dos, ses épaules quasi dénudées, c’était cette beauté naturelle qui av         ait emporté l’ancien templier et dont il aimait à se souvenir. Cullen se détourna vivement lorsqu’il se rendit compte que son esprit s’évadait en terre interdite, et fit mine de chercher un livre dans sa bibliothèque pour ne se retourner que quand il l’entendit sortir de ses pensées :

-    Je crois me souvenir qu’ils parlaient de « Suledin », dit-elle enfin en rouvrant les yeux et se redressant. Je ne sais pas ce que cela signifie.

-    Suledin, Suledin, marmonna Cullen.

Le Commandant sortit alors une carte de sa bibliothèque et la déroula sur le bureau en repoussant les autres parchemins et livres qui l’encombraient. Il parcourut du doigt la carte et s’arrêta sur le nom de « Suledin ».

-    C’est une forteresse de l’Emprise du Lion, indiqua-t-il à l’Inquisitrice, je ne savais pas qu’elle était tombée aux mains des templiers, ou des Hommes Libres. Mais cela expliquerait certains mouvements suspects des templiers rouges dans la région.

-    Je ne vois pas où se trouve l’Emprise du Lion, dit Lédara.

-    C’est de l’autre côté des Dorsales de Givre, en Orlaïs, répondit Cullen, c’est une région très froide située plus au Nord, difficile d’accès surtout en hiver. Je vais y faire envoyer un groupe d’éclaireur pour explorer la région et voir ce qui en est de ce fort Suledin.

Lédara observait la carte quand un nom lui sauta aux yeux. Elle s’approcha et se tint tout à côté du Commandant pour pouvoir mieux lire la carte :

-    Là, Sahrnia, dit-elle en pointant un village du doigt. Mère Giselle m’a dit qu’il y avait des disparitions dans la région. Peut-être est-ce lié à l’achat des malades par Samson. J’irai moi-même inspecter les lieux.

-    Hors de question, rétorqua brusquement le Commandant, pas tant que nous ne savons pas ce qu’il y a là-bas. Un groupe d’éclaireur et de soldats enquêteront sur place.

Lédara vit Cullen préparer ses ordres pour les transmettre à Léliana afin qu’elle détache des agents dans la région repérée. L’Inquisitrice s’éloigna doucement du bureau du Commandant, voyant que celui-ci n’avait plus besoin de son aide, quand il l’arrêta soudain :

-    Un instant, je vous prie.

Cullen s’était soudainement arrêté dans ses tâches, et sa mine s’était assombrie. Lédara le regarda, inquiète.

-    En tant que cheffe de l’Inquisition, vous… commença Cullen embarrassé, il y a quelque chose que je dois vous dire.

-    Vous m’avez l’air plus sombre que d’habitude, dit Lédara concernée.

-    C’est vrai, soupira le Commandant. Les templiers comme moi héritent leurs pouvoirs du lyrium, mais nous en sommes dépendants. Le sevrage peut se révéler très pénible… Cela peut mener à la folie, voire à la mort.

Cullen s’était appuyé sur son bureau, ses yeux rivés sur la paperasse qui l’encombrait, mais son regard était douloureux.

-    Nous avons mis la main sur une source conséquente de lyrium pour nos templiers ici, continua-t-il, mais moi… je n’en prends plus.

-    Vous avez arrêté ? s’exclama Lédara, impressionnée.

-    Quand j’ai rejoint l’Inquisition, précisa Cullen, cela fait plusieurs mois.

-    Puis-je vous demander pourquoi vous le faites ? demanda la jeune femme.

-    Après ce qui s’est passé à Kirkwall, je ne pouvais pas…

Cullen se redressa en posant sa main sur la garde de son épée comme à son habitude, fit face à l’Inquisitrice et la regarda droit dans les yeux.

-    Je ne veux plus être lié à l’Ordre ni à cette existence, dit-il posément, j’accepte la souffrance quelle qu’elle soit. Mais je ne ferai pas courir de risque à l’Inquisition. J’ai demandé à Cassandra de me surveiller. Si je ne peux plus assumer mon rôle de commandant, je serai relevé de mes fonctions.

Lédara soutint le regard de son commandant, saisissant l’importance que pouvait avoir cette action pour lui, même s’il n’avait pas répondu à sa question.

-    Souffrez-vous… ? demanda-t-elle tout de même en cachant son inquiétude.

-    C’est supportable, répondit-il en essayant d’avoir un air rassurant.

Lédara était stupéfaite de cette révélation ; elle n’avait jamais vu le Commandant se plaindre ou montrer le moindre signe de faiblesse. Cette décision qu’il avait prise n’avait pas dû être facile et il devait en ressentir les conséquences au quotidien : elle l’admira.

-    Je respecte votre décision et vous remercie de m’en avoir parlé, dit calmement Lédara.

-    Merci, Inquisitrice, répondit Cullen, la remerciant intérieurement de son attitude calme et compréhensive. Je me disais que vous étiez en droit de savoir. L’armée de l’Inquisition passe toujours en priorité, et s’il devait arriver quoi que ce soit, je m’en remettrai au jugement de Cassandra.

Lédara lui jeta un regard admiratif, puis prit congé. Elle avait une tonne de choses à faire, et Dorian l’avait faite mander pour ses premières leçons de danse. Elle ne pouvait pas le faire attendre plus longtemps.

L’Inquisitrice avait donné rendez-vous à son professeur temporaire dans ses quartiers qui avaient été déserté par la nuée des couturières ; c’était l’endroit le plus calme et à l’abri des regards qu’elle connaissait. Elle l’y attendait en lisant un dernier rapport, quand Dorian arriva dans sa tenue d’apparat tévintide : outre son pantalon et sa chemise de soie beige ornés de boucles en argent, il avait revêtu une large étoffe qu’il avait drapée autour de lui à la façon d’une toge courte, lui donnant un air gracieux et imposant. Deux musiciens l’accompagnaient qui s’installèrent dans un coin de la pièce.

-    Bien, lança Dorian en observant la large chambre de l’Inquisitrice. Nous aurons assez de place pour nous entraîner. Commençons par le commencement, voulez-vous ? une bouteille de vin.

-    Pardon ? dit Lédara perplexe.

-    Oui, vous m’avez l’air contractée, ce n’est pas l’idéal pour danser.

Lédara arrêta soudain de se tortiller les mains et les glissa dans son dos, telle une enfant qu’on prend en faute.

-    Alors, que connaissez-vous ? lui demanda Dorian. En tant que noble, vous devez avoir les bases…

-    Eh bien, j’ai appris la valse, la valse lente, le menuet…

-    C’est tout ? l’interrompit le mage, et je suppose que vous ne connaissez que les versions marchéennes de ces danses… On a du pain sur la planche !

Dorian s’avança vers la jeune femme, glissa sa main gauche dans le creux de ses omoplates et saisit délicatement la main gauche de Lédara dans son autre main, la serrant contre lui. Celle-ci posa intuitivement sa main droite sur son épaule, mais ne put s’empêcher de jeter de petits coups d’œil sur ses pieds.

-    Valsons ! dit magistralement Dorian en faisant un signe de tête aux musiciens, qui entamèrent un air léger.

Lédara n’avait plus dansé depuis ses quatorze ans et fit son possible pour suivre le rythme de son compagnon. A mesure que les musiciens jouaient, les mouvements de base lui revinrent, ce qui ne l’empêchait pas de marcher sur les pieds de son pauvre professeur. Celui-ci restait stoïque et commença à lui donner des conseils sous forme d’ordres. Le premier air fini, Dorian lui servit un verre de vin pour la détendre. Elle n’avait jamais été aussi crispée, même pour un combat rapproché. La jeune femme commença alors à se relâcher doucement, et le mage put ainsi lui réapprendre les bases. Après une petite heure, Lédara maîtrisait enfin à nouveau la valse. Il était temps alors de se lancer dans des danses plus complexes de mode orlésienne.

-    Tenez-vous en face de moi, à un pas, lui indiqua Dorian. Petite révérence. Saisissez la main que je vous tends en miroir, puis faites un chassé sur le côté pour me suivre, voilà. Chassé d’un côté, chassé de l’autre, et vous vous balancez ainsi.

Puis Dorian lui fit faire un demi-tour, se retrouvant derrière sa partenaire et croisant ses bras autour de sa taille, ses mains dans les siennes.

-    Même chose, chassé à droite, chassé à gauche, indiqua-t-il tout en exécutant le mouvement.

A nouveau, le mage la fit tourner, revenant à la position initiale, et enchaîna avec les pas de valse. Les deux compagnons s’entraînèrent à ce nouveau pas, le professeur ajoutant des mouvements, complexifiant l’enchaînement, jusqu’à ce qu’il se rende compte que l’Inquisitrice n’en pouvait plus. Il s’arrêta alors, la saluant d’une petite révérence :

-    C’est moins catastrophique que je ne le croyais, dit-il jovial, nous reprendrons demain, voulez-vous ?

-    D’accord, répondit Lédara.

Ainsi l’entraînement à la danse commença, pour le plus grand plaisir de Joséphine qui s’enquérait régulièrement de ses progrès auprès de Dorian qu’elle avait engagé.

Un matin, Lédara était descendue tôt comme à son habitude dans le grand hall, commençant son tour devenu quotidien : le bureau de Joséphine, la salle de Commandement et retour à ses quartiers. Cependant, ce matin-là, elle ne se dirigea pas vers ses quartiers mais entra dans le petit bureau de Varric. Cela faisait trop longtemps qu’elle n’avait pris le temps de parler avec ses compagnons de route, et cela lui manquait cruellement. Lédara vit le nain à son bureau, penché sur une lettre qu’il rédigeait, à moitié caché derrière de hautes piles de parchemins qui faisaient presque concurrence à celles de l’Inquisitrice.

-  Vous vous battez contre les démons de la paperasse ? plaisanta Lédara, ça c’est un combat perdu d’avance.

-  Vous n’imaginez pas toutes les fois où des bons de chargement ont failli avoir ma peau, répondit Varric en sortant son nez de ses papiers.

Le nain invita l’Inquisitrice à s’asseoir face à lui.

-  Je voulais venir vous voir de toute façon, reprit-il, j’ai jamais officiellement rejoint l’Inquisition, je ne sais pas comment être un bon… disciple. Je suis un homme d’affaires. Je n’ai jamais vraiment suivi une « Elue ».

-  Je n’ai pas besoin d’un disciple, dit simplement Lédara, j’ai besoin d’un ami.

-  Si vous saviez à quel point vous pouvez être intimidante, marmonna-t-il, vous me comprendriez. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous représentez pour les gens. La Messagère d’Andrasté est un symbole qui nous dépasse tous.

-  Et pour vous ? lui lança la jeune femme, qu’est-ce que je représente ?

-  Je ne comprends rien à toutes ces conneries, avoua-t-il avec un petit rire. Est-ce que c’est la fin du monde ? Est-ce qu’Andrasté vous a envoyée ici ? Qu’est-ce que j’en sais ? Vous avez vu la foule après l’attaque de Darse.

-  Quoi que Thédas pense de moi, dit doucement Lédara, je suis comme tout le monde, je n’ai pas changé.

-  Comme tout le monde, quelqu’un de normal, ouais, marmonna Varric. Je devrais peut-être me remettre au boulot, à moins que… ça vous dirait une petite partie de Grâce Perfide ?

-  Ah quand même ! s’exclama Lédara, j’ai failli attendre.

Après cette partie avec Varric où l’Inquisitrice l’avait plumé, Lédara était allée dans le bureau de l’Ambassadrice pour sa leçon quotidienne d’histoire.

Cela faisait plusieurs heures que Joséphine faisait apprendre à l’Inquisitrice les noms de tous les hauts dignitaires d’Orlaïs, et Lédara commençait à ne plus pouvoir supporter ces petites peintures que lui présentait l’Ambassadrice avec l’éternelle question « Et lui, qui est-ce ? ». La pauvre Joséphine connaissait parfaitement la noblesse de beaucoup de pays et maîtrisait sur le bout des doigts la vie de chacun d’entre eux, c’en était impressionnant. Mais l’Inquisitrice avait absolument besoin de faire une pause et de prendre l’air. Elle s’excusa auprès de l’Ambassadrice et lui promit de reprendre ce travail le lendemain. Joséphine fut très compréhensive, même si cela la contrariait de ne pouvoir continuer encore quelques heures.

Lédara quitta aussitôt le bureau de Joséphine et se dirigeait vers la plus proche sortie à l’air libre, quand elle se souvint tout à coup qu’elle n’avait encore jamais visité les jardins intérieurs de Fort Céleste. Elle les avait aperçus depuis l’un des balcons de ses quartiers et se souvenait avoir approuvé un mandat d’aménagement pour ceux-ci. La jeune femme arriva alors sous les arcades d’un patio où l’on pouvait aisément déambuler. Le fond de l’air était frais, mais le soleil réchauffait particulièrement cet endroit enclavé de la forteresse. La terre y était fertile malgré l’altitude et déjà toutes les plantes médicinales importées poussaient dans un arrangement harmonieux. Lédara inspira l’air empli du parfum des grâces cristallines, ces petites fleurs bleues en cloches qui provenaient de Férelden, et elle commença à déambuler sous les larges arcades.

Cet après-midi-là, l’Inquisitrice avait revêtu la tenue bleu ciel que lui avaient confectionnée les couturières à son retour de Boscret ; elle l’appréciait pour sa simplicité qui devenait de plus en plus rare dans les tenues qu’on lui préparait. Pourtant, elle laissait les petites couturières faire, sachant qu’elles se donnaient à cœur-joie d’élaborer ces diverses tenues. La seule robe où Lédara mettait son véto était bien sûr celle du bal qui approchait à grands pas car elle avait certaines exigences pratiques non négligeables.

La jeune femme secoua légèrement la tête, se rendant compte qu’elle n’arrivait pas à se changer les idées et ne cessait de penser soit aux préparatifs du bal, soit aux diverses affaires de l’Inquisition. Elle marcha lentement sur le sol dallé de pierres anciennes, admirant les arbres qui gardaient leur feuillage coloré malgré l’hiver. Au centre des jardins se trouvait un puit où les botanistes pouvaient puiser l’eau d’une source rocheuse pour arroser les plantes qu’ils soignaient avec amour. De petits chemins de terre et de gravier menaient des arcades au puit, et dans un des coins du patio se trouvait un pavillon de pierre sous lequel Lédara aperçut le Commandant qui jouait aux échecs contre Dorian. Elle les observa discrètement un moment, jusqu’à ce qu’elle se décide à aller les saluer.

Quand Cullen s’aperçut de la présence de la jeune femme, il s’arrêta net et se leva rapidement de son siège :

-    Inquisitrice…

-    Alors, vous abandonnez ? lança Dorian au Commandant d’un air amusé.

-    Ne vous dérangez pas pour moi, continuez, je vous en prie, dit alors Lédara.

-    Bien, dit Cullen en se rasseyant, reprenons.

-    Vous verrez lorsque vous perdrez, vous ne serez pas aussi détendu, dit Dorian pour le narguer.

-    Ah oui ? répliqua fièrement le Commandant, échec et mat ! C’est curieux, car je me sens plutôt bien.

Cullen avait déplacé son cavalier sur l’échiquier et s’était enfoncé confortablement dans son siège, vainqueur. Lédara était restée un peu à l’écart et observait amusée la victoire du Commandant. Dorian avait essayé de tricher, mais son adversaire s’en était aperçu et au lieu de s’en offusquer, il l’avait pris à son propre piège. Cullen n’avait pas volé son titre de Commandant, c’était un très bon stratège.

-    Ne vous en vantez pas trop, dit amèrement Dorian, on ne voudra plus jouer contre vous, sinon.

Cullen rit de bon cœur devant le mauvais perdant.

-    Je ferai mieux de me remettre au travail, dit-il en regardant le mage tévintide sortir des jardins. Sauf si vous souhaitez faire une partie ? proposa-t-il soudain à l’Inquisitrice.

-    Préparez le plateau, Commandant ! répondit-elle avec joie.

Lédara vint s’asseoir à la place de Dorian. Cullen réinstallait les pions sur l’échiquier ; c’était la première fois qu’elle le voyait aussi détendu et souriant.

-    Je me souviens, dit-il soudain en finissant de réarranger les pièces, je jouais très souvent avec ma sœur, et elle gagnait tout le temps. Elle arborait d’ailleurs à chaque victoire un sourire narquois, mais qui la rendait si attendrissante.

Cullen lui fit signe de commencer et la jeune femme bougea son premier pion.

-    Vous avez des frères et sœurs ? demanda alors Lédara.

-    Deux sœurs et un frère, répondit-il en jouant à son tour. Avec mon frère, on s’était entraîné des semaines pour battre ma sœur aînée, et quand c’est arrivé, quelle n’avait pas été sa tête !

Le Commandant rit à ce souvenir d’enfance.

-    Puis je suis parti chez les templiers, continua-t-il, et avec l’Enclin et le reste, je n’ai pas donné de nouvelles comme elle l’aurait souhaité. Je ne sais pas si elle joue toujours…

-    Eh bien, fit Lédara en souriant doucement, entraînez-vous pour quand vous la reverrez.

-    Et votre sœur ? demanda alors Cullen.

Le Commandant savait ce qu’il en était pour son frère et faisait ses recherches comme elle le lui avait demandé ; il préférait ne pas aborder ce sujet à l’instant, profitant de ce moment de détente privilégié.

-    Ma sœur est restée à Ostwick auprès de ma mère, répondit Lédara en jouant son tour, nous ne sommes pas très proches, elle a toujours eu une certaine jalousie envers moi… Parce que je suis l’aînée et que j’avais toute l’attention de mon père portée sur mon avenir. Quand j’ai quitté le domaine familial, cela fut un choc pour mes proches, et ma sœur ne l’a pas compris ; par contre, elle se disait que moi loin d’Ostwick, elle pourrait enfin hériter des projets que me vouait mon père…

-    Quels étaient ces projets ? demanda Cullen, curieux.

-    Oh, vous savez, soupira Lédara, mariage arrangé et autres absurdités en ce genre. C’est du passé en ce qui me concerne.

Les deux dirigeants de l’Inquisition jouèrent un moment en silence. Lédara fronçait les sourcils, l’air concentré, cachant sa curiosité envers le passé du Commandant.

-    Puis-je vous demander quelque chose ? dit Lédara en bougeant un pion sur l’échiquier.

-    Allez-y.

-    Il semblerait que vous ayez connu personnellement le chef des templiers rouges.

-    Quand je suis arrivé à Kirkwall, raconta Cullen, Samson et moi avons partagé les mêmes quartiers. Au début, il avait l’air tout à fait respectable. Par la suite, le chevalier-capitaine Mérédith a congédié Samson pour « comportement instable ». Il a fini dans les rues de Kirkwall. Il a commis d’autres crimes encore, mais il a réussi à échapper à la justice de l’Ordre. Aujourd’hui, Samson est le fidèle général de Corypheus.

Le Commandant observait le plateau tout en racontant son histoire, puis déplaça l’une de ses tours.

-    D’après vous, pourquoi Samson s’est rallié à Corypheus ? demanda Lédara, replongeant dans ses réflexions inquisitoriales.

-    Il souffrait d’une dépendance au lyrium : il a dépensé jusqu’à son dernier sou chez les contrebandiers de la région. Peut-être que Corypheus se contentait de flatter son ego, de lui donner une raison d’être et une dose de lyrium. Qui sait ?

-    Devenir général, remarqua la jeune femme, c’est toujours mieux que de vivre dans les caniveaux, vous en conviendrez.

-    Je préférerais mourir plutôt que de m’incliner devant Corypheus, soupira le Commandant, Samson n’a visiblement pas les mêmes principes. Je ne comprends pas comment il a pu devenir aussi puissant… Même avec le lyrium rouge, Samson n’est plus au sommet de sa gloire. Mais, laissons cela, se ravisa-t-il, je vous ai promis un moment de détente, et non une séance du Conseil.

Lédara lui sourit :

-    C’est de ma faute, dit-elle en jouant son cavalier, en voulant en savoir plus sur vous, nous avons dérivé sur une affaire délicate.

-    En savoir plus sur moi ? dit Cullen amusé, qu’aimeriez-vous savoir en particulier ?

-    A vrai dire, je ne sais pas exactement…

La jeune femme fixait l’échiquier du regard et se mit à tortiller nerveusement ses mains sans s’en rendre compte.

-    D’où venez-vous ? demanda-t-elle enfin.

-    J’ai grandi à Férelden, près de Cordoan. On m’a transféré à Kirkwall peu de temps après l’Enclin. C’était la première fois en presque dix ans que je revoyais Darse.

-    Vous n’avez pas mis les pieds à Férelden pendant dix ans, dit Lédara impressionnée, cela ne vous a pas fait bizarre de revenir ?

-    Bizarre ? Non. Ce serait même le contraire. A l’époque, je n’étais pas triste de quitter Férelden. Je n’avais pas l’intention de rentrer. Mais quitter Darse a été plus difficile que ce que j’imaginais… Et pas seulement parce que Corypheus nous y a obligés. J’ai eu l’impression d’abandonner ma maison. Je n’aurais jamais cru retrouver ce sentiment un jour.

-    Vous étiez à Férelden pendant l’Enclin, avez-vous combattu les engeances ?

-    Non, répondit-il plus sombrement, j’étais affecté à la tour du Cercle de Férelden. Et celui-ci avait d’autres problèmes à régler. Je… je suis resté là-bas pendant l’Enclin.

Lédara sentit une pointe de gêne et de douleur à l’évocation de cette période de sa vie. Elle préféra dériver la conversation sur un sujet moins sensible :

-    Comment était la vie à Kirkwall ?

-    Pendant que j’étais là-bas, les Qunari ont occupé la cité, puis ils l’ont attaquée, dit-il d’un ton badin. Le meurtre du vicomte a causé un climat d’agitation politique… les relations entre mages et templiers se sont détériorées, un apostat a fait exploser la Chantrie et le chevalier-capitaine a perdu la raison. A part cela, c’était agréable.

Kirkwall n’était donc pas un sujet moins sensible pour autant. Lédara en prit bonne note.

-    Varric vient de Kirkwall. Vous vous connaissiez, tous les deux ?

-    Je sais qu’il était ami avec Hawke, mais à part cela, pas grand-chose. On a échangé quelques mots depuis que j’ai rejoint l’Inquisition. C’est Varric qui a beaucoup insisté. A ce qu’il paraît, j’ai trop souvent l’air sérieux et je risque d’y laisser ma santé.

-    Il est vrai que ce serait dommage, lança Lédara qui sourit doucement.

Cullen la regarda du coin de l’œil avant de jouer son tour.

-    En effet, dit-il soudainement, et je n’aurais pas toujours une garde-malade auprès de moi…

Lédara le fixa du regard. Se souvenait-il d’elle ?

-    Il m’en faut avoir le cœur net, continua Cullen en la fixant lui aussi. Etait-ce vous, il y a sept ou huit ans, qui avez soigné des templiers lors d’une quarantaine à Kirkwall ?

-    Je… balbutia Lédara, stupéfaite qu’il puisse se souvenir d’une telle chose. Jamais je n’aurais pensé que vous vous souviendriez de moi, vous étiez… enfin, la fièvre vous faisait délirer et je suis partie peu avant que vous ne repreniez vos esprits…

-    Et pourtant je me souviens d’une jeune fille aux cheveux couleur de l’aube qui me veillait, dit-il à la fois le cœur battant et regrettant d’avoir évoqué cet événement.

Lédara détourna son regard du sien, soudain gênée. Elle se triturait les mains de plus belle et ses joues rosirent quand le Commandant parla de ses cheveux. Il avait une si jolie manière de les décrire… La jeune femme prit abruptement un pion qu’elle déplaça sur l’échiquier.

-    C’est à votre tour, dit-elle rapidement.

-    D’ailleurs, insista Cullen sans le vouloir, vous me devez trois souverains et quinze sols…

-    C’est vrai, votre coffret, se désola Lédara, je vous rembourserai…

-    Non, non ! ne vous donnez pas cette peine, s’écria le Commandant, gêné de sa remarque.

-    Si, j’insiste.

Un long silence s’installa. Le Commandant fixa l’échiquier du regard, divisé entre son désir d’en savoir plus et sa volonté de réprimer ses sentiments naissants. Aucun d’eux n’osa prendre la parole pendant quelques minutes, jusqu’à ce que Lédara brise ce silence :

-    Vous avez laissé quelqu’un de proche à Kirkwall ?

-    Non, répondit-il, je ne me suis pas fait beaucoup d’amis là-bas, hélas, et ma famille est à Férelden.

-    Vous n’avez jeté votre dévolu sur personne ? se risqua-t-elle malgré elle.

-    Pas à Kirkwall, répondit-il simplement en évitant le regard de la jeune Marchéenne.

Les deux dirigeants de l’Inquisition continuèrent leur partie d’échec silencieusement, chacun méditant sur les paroles de l’autre.

-    Nous n’avions jamais discuté autant de sujets autres que l’Inquisition, cela fait du bien, dit Cullen en voyant la fin de la partie approcher.

-    Oui, nous devrions passer plus de temps ensemble, répondit Lédara en jouant sa reine.

-    J’en serai ravi, dit-il spontanément en avançant son cavalier.

-    Moi aussi, murmura-t-elle presque en déplaçant sa tour.

Arrivés à la fin de la partie, la victoire du Commandant était plus que flagrante :

-      Et voilà ! encore gagné, dit Cullen.

-      On dirait que la chance vous sourit, répondit-elle, souriante.

-      Oui, on dirait bien…

Méritait-il vraiment cette chance ?

La partie terminée, Lédara rejoignit Dorian dans ses quartiers pour sa leçon de danse, toute pimpante. Le mage commença immédiatement le cours et remarqua l’attitude voluptueuse de la jeune femme :

-    Eh bien eh bien, dit-il le sourire aux lèvres, si vous pouviez danser avec autant de légèreté au bal, vous feriez un malheur !

-    Comment ? dit Lédara distraite, son esprit resté dans les jardins de Fort Céleste.

Dorian l’observa et ne fut pas dupe.

-    Seriez-vous amoureuse ?

-    Pardon ? Non !

Lédara s’arrêta net et lâcha son partenaire de danse, ses joues s’étant enflammées tout à coup. Dorian éclata de rire quand il vit qu’il avait visé juste.

-    Alors comme cela, continua-t-il en la narguant, l’Inquisitrice a jeté son dévolu sur un bienheureux. Voyons qui cela peut être : pas Blackwall, trop solitaire.

-    Arrêtez tout de suite.

-    Cole est trop jeune et trop… non.

-    Dorian... supplia-t-elle.

-    Iron Bull ? Vous êtiez très complices lors de votre séjour dans les Tombes Emeraudes…

-    Nous nous entendons bien, on a le droit d’être amis ! et non, arrêtez, supplia-t-elle encore.

-    Seulement des amis ? renchérit Dorian d’une curiosité malsaine, Séra dit que vous deux… c’était plutôt intense à la taverne avant de partir…

-    Pas du tout, rétorqua Lédara, je l’ai remis à sa place, si vous voulez tout savoir.

-    Donc ce n’est pas lui qui vous met dans cet état… Cullen ?

-    Taisez-vous… supplia-t-elle encore, mais la couleur cramoisie de ses joues la trahit.

-    Ah… notre beau Commandant, jeune templier féreldien bien bâti ! Comment résister, en effet.

Lédara s’était détournée de Dorian et était sortie sur le balcon qui donnait sur les montagnes, tentant de désenflammer ses joues avec la brise glacée de l’hiver. Sa marque avait poussé quelques étincelles, sa maîtrise ayant été mise à l’épreuve. La jeune femme saisit sa main, respirant lentement afin de rétablir sa concentration. Dorian la rejoignit et s’accouda à la balustrade de pierre.

-    Ne vous en faites pas, dit-il de sa voix grave et sérieuse, ce sera notre petit secret.

La jeune femme poussa un profond soupir, retrouvant peu à peu son calme.

-    Je ne sais même pas si c’est vraiment réciproque, lui confia-t-elle soudain. Et avec la vie que je mène, puis-je vraiment me permettre d’être amoureuse ? Je risque à chaque instant de croiser à nouveau la route de Corypheus et d’y rester… Tout le monde a peur de la marque que j’ai dans la main, rare sont les personnes qui osent ne serait-ce que l’effleurer. Et comme dit si bien Varric, je deviens peu à peu une icône comme ces statues d’Andrasté, figées et inaccessibles…

Dorian l’écouta sans l’interrompre, comprenant ce besoin de vider son sac.

-    On ne vit qu’une fois, ma Chère, lui répondit-il simplement.

Le mage lui tendit la main, l’invitant à reprendre la leçon de danse ; Lédara soupira, ne sachant plus ce qu’elle devait penser de tout cela. Elle saisit la main tendue de son ami et termina la leçon, l’esprit encombré de pensées de toute sorte.

A la fin de la séance de danse, l’Inquisitrice décida d’aller rendre une petite visite à Iron Bull à la taverne. Elle souhaitait en savoir plus sur cette histoire avec Séra et surtout qu’il apaise ladite elfe qui semblait véhiculer des rumeurs plus fausses les unes que les autres.

Lédara le trouva à sa table habituelle à l’étage, buvant une bière avec quelques gars de sa troupe de mercenaires. Elle salua la tablée et demanda à voir le capitaine de la Charge seul à seul ; Bull congédia ses compagnons en leur passant deux pièces pour qu’ils se paient une nouvelle tournée, puis le Qunari invita la jeune femme à s’asseoir.

-    Puis-je faire quoi que ce soit pour vous, Chef ? dit-il avenant.

-    Oui, répondit Lédara, j’ai entendu par Dorian que Séra répandrait des rumeurs sur nous parce qu’elle nous aurait vu ici avant notre séjour aux Tombes Emeraudes…

-    Aïe, quel genre de rumeur ? se risqua-t-il à demander.

Lédara le regarda fixement en haussant un sourcil.

-    Vous ne devinez pas ? dit-elle pour toute réponse.

-    Je vois, je vais voir ce que je peux faire. Mais ne vous inquiétez pas, je vous respecte beaucoup, Chef, et en aucun cas je ne pourrais vous nuire.

Le regard de la jeune femme s’adoucit.

-    Je sais, Bull, et sachez que je vous remercie de votre franchise.

-    Et vous de la vôtre, répliqua-t-il gentiment.

-    Comprenez que ce genre de rumeur soit délicate dans ma situation, continua Lédara.

-    Le problème sera réglé, je vous le promets.

-    Merci, Bull.

L’Inquisitrice lui sourit ; elle s’était fait un ami fidèle après leur séjour aux Tombes Emeraudes. Il était devenu une véritable personne de confiance à ses yeux.

Il ne restait plus que trois semaines avant le départ de l’Inquisitrice pour le Palais d’Halamshiral et les entraînements s’enchaînaient et s’intensifiaient : histoire, danse, maniements des dagues, et cela recommençait inlassablement. Ses heures de répit, elle les passait à valider des rapports et diriger des opérations d’exploration et de renseignement. Quand la fatigue l’emportait, elle s’allongeait dans ses quartiers, soit sur son lit, soit sur le divan, et s’assoupissait quelques heures pour ensuite reprendre de plus belle. La jeune Marchéenne avait fini par connaître sur le bout des doigts le nom et la brève histoire de tous les invités importants du bal, connaissait tous les pas de danse à la mode à la cour impériale cet hiver et Léliana elle-même lui avait enseigné des techniques de combat héritées des bardes, ces assassins de l’ombre agissant dans les hautes noblesses orlésiennes. Sa tenue était quasiment prête et elle y avait fait ajouter un fin pantalon de cuir par-dessus lequel elle porterait une ceinture où elle pourrait accéder à deux dagues forgées pour l’occasion : courtes et légèrement courbes, épousant ainsi parfaitement la forme de ses cuisses pour les rendre invisibles sous ses robes. Elle avait également fait faire une semi-armure en cuir qu’elle pouvait facilement enfiler et enlever et qui protégeait son cou jusqu’au bout de ses doigts sur un seul côté.

Une après-midi, l’Inquisitrice avait reçu de la part d’un riche noble orlésien qui habitait les Tombes Emeraudes une série de trébuchets pour la défense de Fort Céleste. C’était un don de valeur car ces engins coûtaient très chers dans leur fabrication et pour l’instant l’Inquisition n’en possédait que très peu. La jeune femme décida alors d’inspecter les environs en se promenant sur les remparts afin de déterminer quelques endroits stratégiques qu’elle pourrait proposer au Commandant. Elle traversait la cour en direction des escaliers qui permettaient d’accéder aux hautes murailles de pierre quand un soldat s’approcha en courant :

-    Inquisitrice, dit-il en la saluant, le Commandant voudrait vous parler.

-    Bien, qu’il me rejoigne sur les remparts ouest, répondit-elle au soldat qui repartit aussitôt après l’avoir saluée une deuxième fois.

Lédara continua sa route et se retrouva face à la grande route principale qui avait été apprêtée pour accéder à Fort Céleste le plus aisément possible. Le pâle soleil d’hiver avait légèrement chauffé les pierres et une légère brise fit virevolter les petits cheveux qu’elle n’avait pu attacher à son chignon ; la jeune femme inspira l’air rafraîchissant et se mit à inspecter les alentours. Les remparts étaient un lieu plutôt isolé, les seuls passages étant ceux des rondes de garde. Lédara venait de voir passer la garde des deux heures qui s’éloignait en direction des remparts est.

-    Inquisitrice, la salua le Commandant en s’approchant.

-    Commandant, dit-elle en se tournant face à lui. Vous vouliez me voir ?

-    J’ai reçu des nouvelles de l’équipe envoyée à Sahrnia, vous aviez raison : un groupe de templiers s’est approprié les mines de la région et des gens semblent y disparaître.

-    Les malades recrutés par Samson ? demanda l’Inquisitrice.

-    C’est fort probable, mais pas que. Des mineurs, des villageois, de plus en plus de gens de tous horizons apparemment.

-    Savons-nous ce qu’ils deviennent ?

-    Non, pas encore, avoua Cullen frustré. Mais nous pourrons organiser une descente dans les mines pour voir ce qui s’y passe.

-    Excellent travail, Commandant, dit-elle en se tournant à nouveau vers l’horizon.

Un court silence s’installa.

-    Puis-je vous demander pourquoi m’avoir fait venir ici, Inquisitrice ? demanda Cullen, intrigué et légèrement distant.

-    Oui ! Vous en serez ravi, répondit Lédara en sortant la lettre du Comte orlésien et la tendant à Cullen. L’Inquisition va recevoir plusieurs trébuchets d’un noble en remerciement pour les déserteurs que nous avons chassé de son domaine aux Tombes Emeraudes. Je suis venue sur les remparts pour voir où nous pourrions les disposer.

Le Commandant lut rapidement la lettre et la rangea aussitôt dans sa ceinture. Il s’approcha des créneaux où s’était appuyée la jeune femme.

-    Deux iront en renfort sur les remparts est et ouest, réfléchit-il.

-    J’avais imaginé quelques-uns sur les tours avancées, là-bas, dit Lédara en pointant le flanc d’une montagne devant elle.

Cullen s’approcha un peu plus de la jeune femme pour visualiser l’endroit qu’elle indiquait.

-    Peut-être un peu plus au nord, répliqua-t-il en réfléchissant.

-    Où cela ? demanda Lédara qui cherchait du regard l’emplacement visé par le Commandant.

Cullen se posta machinalement derrière elle et tendit son bras dans la direction qu’il souhaitait lui montrer. Lédara sentit alors son souffle sur sa nuque et se figea. L’ancien templier se rendit compte trop tard de la portée de son geste et fut lui-même emporté par le doux parfum de la jeune Marchéenne. Le cœur des deux dirigeants s’emballait presque à l’unisson, oubliant tout ce qui les entouraient et ne ressentant plus que la présence l’un de l’autre. Lédara se retourna et s’appuya contre un créneau, sentant ses jambes trembler et n’en voulant rien montrer ; Cullen resta près d’elle, son visage à quelques centimètres du sien, ses yeux rivés sur ses lèvres entrouvertes. Il posa spontanément ses mains sur les hanches de la jeune femme, la plaquant doucement contre la muraille, et approcha ses lèvres des siennes.

-    Commandant ! lança un éclaireur qui avait accouru auprès des deux dirigeants sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Cullen relâcha son étreinte et s’éloigna vivement d’un pas, tandis que Lédara baissa la tête pour cacher sa contenance qui balançait entre le désespoir et l’exaspération. Le Commandant se tourna alors vers l’éclaireur :

-    Quoi ? dit-il d’un ton furieux qu’il ne contrôlait pas.

L’éclaireur le regarda avec stupeur, redoutant les foudres du Commandant de l’Inquisition.

-    Le rapport de sœur Léliana, balbutia-t-il, vous le vouliez dans les plus brefs délais.

Cullen le fixa avec un regard noir à glacer le sang du plus courageux des soldats ; le pauvre éclaireur se rendit compte qu’il avait interrompu quelque chose entre les deux hauts dirigeants et se ravisa :

-    Euh, dans votre bureau, oui ! C’est ça… dit l’éclaireur en s’éloignant à reculons comme s’il faisait face à une bête prête à lui rompre le cou.

Le Commandant et l’Inquisitrice se retrouvèrent à nouveau seuls sur les remparts. Lédara avait réussi à reprendre une attitude calme et posée et dit sur un ton légèrement dépité :

-    Si vous avez besoin de quoi que ce soit…

A ce moment, Cullen s’approcha vivement de la jeune femme, saisit son visage dans ses mains et plaqua ses lèvres contre les siennes dans un baiser passionné. Surprise, Lédara ferma les yeux et se laissa faire, emportée par la fougue du templier, se blottissant même tout contre lui. Puis il se retira quelques instants, lui caressa la lèvre inférieure de son pouce, ses yeux rivés sur ses lèvres et relâcha subitement son étreinte. Il s’éloigna d’un pas et se prit la tête dans l’une de ses mains ; il bégaya des excuses, le souffle court, puis partit à toute allure.

Lédara resta plantée sur les remparts, appuyée contre le créneau, ne pouvant plus bouger. Elle réalisait à peine ce qu’il venait de se passer ; son esprit s’emplit de pensées contradictoires, se demandant ce que signifiait ce baiser, pourquoi s’excusait-il, pourquoi était-il parti si vite. Tout lui tournait dans la tête, mais la sensation de ce baiser resta vive, imprimée dans tout son être. Elle demeura quelques instants contre la muraille, reprenant ses esprits, puis repartit dans le bureau de Joséphine avec qui elle devait travailler.

Deux jours passèrent, et Lédara ne put jamais revoir le Commandant seul à seul. Elle avait la forte impression qu’il l’évitait à nouveau, et même quand ils devaient parler d’affaires concernant l’Inquisition, il faisait en sorte de se trouver en présence d’autres personnes. De son côté, le baiser du Commandant hantait la jeune femme. Elle qui peinait à admettre ce qu’elle ressentait, ce qui s’était passé sur les remparts lui avait ouvert les yeux. Elle était dorénavant certaine qu’elle éprouvait des sentiments pour Cullen. Mais le fait que celui-ci l’évite depuis lors la perturbait d’autant plus. Attendait-il une réaction de sa part ? Il est vrai qu’elle avait paru impassible aux yeux des autres, ne voulant aucunement dévoiler sa vie intime même à ses plus proches compagnons. Cassandra n’avait rien remarqué, et Bull restait en retrait suite à la discussion qu’ils avaient eue tous les deux, respectant son intimité. Même Varric, qui était très perspicace pour deviner les sentiments d’autrui ne se rendit compte de rien. Mais si Cullen attendait vraiment une réaction de sa part, laquelle était-ce ? Et pourquoi l’évitait-il dans ce cas ? La situation restait insoluble pour la jeune femme, ce qui la poussa à coincer le Commandant pour qu’ils puissent enfin parler de ce qu’il s’était passé entre eux.

A la fin d’une réunion du Conseil, alors que les trois conseillers allaient sortir, elle interpella Cullen :

-    Restez, Commandant, nous avons à parler, dit-elle sobrement pour ne pas éveiller les soupçons des deux conseillères.

Pris au piège, Cullen referma la porte pour que leur conversation n’arrive aux oreilles de personne. Lédara avait révisé ce qu’elle allait dire tout le long de la séance, mais quand elle se retrouva seule avec lui, rien ne sortit de sa bouche. Au bout d’un certain temps, Cullen prit la parole :

-    Je crois que nous devrions parler de ce qui s’est passé l’autre jour, dit-il sombrement.

Lédara le regarda et ne put que hocher de la tête en signe d’approbation.

-    Je dois m’excuser pour mon comportement déplacé sur les remparts, reprit-il sur le même ton monocorde, vous avez ma parole que cela n’arrivera plus.

La jeune femme le fixa du regard, ne s’attendant pas à cela. Elle tenta d’articuler quelques mots :

-    Mais… Qu’est-ce que… Pourquoi ? souffla-t-elle.

-    Nous sommes en pleine guerre civile, le monde est en proie au chaos… Vous êtes l’Inquisitrice et je ne dois pas vous détourner de la tâche qui est vôtre. Vous… nous avons tous les deux des postes à hautes responsabilités et je ne pense pas qu’il soit judicieux de… Veuillez me pardonner et oublier ce qu’il s’est passé.

Cullen avait débité son discours un peu confus sans jamais regarder Lédara dans les yeux, puis lorsqu’il eut fini, il la salua et sortit de la Salle du Conseil, la laissant à nouveau seule. La jeune femme n’arrivait pas à croire ce qu’elle venait d’entendre, ce qu’il venait de lui dire. Les larmes lui montèrent aux yeux ; elle se détourna vers les hauts vitraux malgré le fait qu’elle fut seule. Un froid mordant avait saisi son cœur.

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