Dragon le prix du silence
Voici la fin du deuxième Arc de cette fan fiction !
j'espère qu'elle vous plaira.
Il s'agit de ma première donc n'hésitez pas à commenter, je serai heureux de vous lire.
Bonne lecture
Solin.
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Kjarn mesurait à peine ce qu’il venait de se passer : il avait été emporté par un dragon, un vrai, comme dans les légendes, vers un monde sous l’océan. C’était le genre de chose qu’il ne pourrait raconter à personne, même s’il s’en sortait vivant, tellement la chose lui semblait, même à lui, complètement irréelle.
Il n’était même pas au bout de ses surprises. Le dragon qui l’avait emporté se mit à rugir, et soudain, de partout s’envolèrent des centaines, des milliers de dragons. Il y en avait de toutes sortes : des petits, des gros, de toutes les couleurs, de toutes les tailles. Ils s’étaient envolés en une nuée dense et compacte. Kjarn commençait à se douter que la fin était proche. Tout à coup, la terre se mit à trembler et, là, devant lui et Ysa, une tête gigantesque sortit du plus profond des abysses. Ce dragon était le plus grand de tous, il avait deux énormes cornes. Lorsque ce dernier rugit, tous les dragons se turent en un instant. « Il doit être le roi de ce monde », pensa Kjarn. Ses yeux immenses regardèrent tour à tour Ysa et Kjarn. Cela sembla durer une éternité. Ensuite, il se tourna vers le dragon qui avait amené Kjarn et Ysa dans ce monde. Le dragon, qui avait semblé si impressionnant et puissant à Kjarn, semblait se ratatiner face au regard du mastodonte. Enfin, le grand dragon se tourna une dernière fois vers Kjarn et Ysa et souffla une brise de glace dans leur direction. Ils eurent tous deux un frisson, mais ils se doutaient bien que si cela avait dû être une attaque, ils seraient déjà morts tous les deux. L’énorme dragon disparut comme il était apparu. La cacophonie des dragons reprit de plus belle et une nuée de dragons se mit à voler en cercle autour d’Ysa et Kjarn, qui étaient incapables d’articuler le moindre mot. Ils étaient dos à dos, pris dans un ouragan de dragons qui volaient autour d’eux. Ysa décida de se remettre à genoux et de tendre la main. Ce coup-ci, Kjarn l’imita. Le dragon qui les avait kidnappés se posa devant Ysa et posa son museau sur sa main. Ysa se leva et osa pour la première fois caresser le dragon. Ce dernier sembla apprécier le geste et, comme un petit chiot, se retourna sur le dos dans une posture qui semblait inviter cette dernière à lui caresser le ventre.
Kjarn était stupéfait de ce qu’il venait de voir. Un monstre apocalyptique qui était à deux doigts de ramener une balle si on lui lançait. Il devait définitivement être en train de rêver. Soudain, il sentit une petite morsure à son mollet. Il n’osa pas bouger dans un premier temps, mais très vite, il sentit d’autres morsures. Il sortit de sa posture et vit qu’il était entouré de petits dragons, probablement des enfants. Il avait toujours été nul en chatouilles et autres jeux enfantins. Il essaya péniblement de caresser un des dragons lorsqu’un bébé, plus aventureux, se saisit de sa botte, lui arracha et s’envola avec, sous les rires des autres enfants.
« Hum, très drôle », fit Kjarn.
Ysa n’avait pas perdu grand-chose de la scène.
— Toi qui n’as pas d’enfant, te voilà le grand-père de pas mal de gosses.
— Marre-toi, mais bordel, on est morts et on est en train de rêver, non ?
— Je ne sais pas, mais en tout cas, ils n’ont pas l’air de vouloir nous manger.
— Oui, mais ils n’ont pas l’air de vouloir nous ramener dans notre monde non plus.
Ysa et Kjarn se fabriquèrent une paillasse de fortune avec ce qu’ils trouvèrent sur place. Le dragon qui les avait enlevés s’allongea près d’Ysa et se mit à dormir. Kjarn resta seul à contempler ce qui ressemblait à des étoiles mais qui n’en était pas, et essaya de trouver le sommeil qui l’emmènerait dans un endroit bien moins fantastique que celui dans lequel il était arrivé.
Les jours et les semaines passèrent, et Ysa semblait être parfaitement dans son élément. Le dragon qui l’avait enlevée — elle l’avait nommé Brèche — semblait lui faire entièrement confiance, à tel point qu’il lui avait permis de monter sur son dos pour faire un tour dans les airs. Elle apprenait chaque jour un peu plus sur les dragons et essayait de se rendre utile auprès d’eux : en enlevant les restes de carcasses dans leurs griffes, en leur grattant des zones inatteignables pour eux, et parfois même en n’hésitant pas à rentrer le buste dans leur gueule pour retirer un bout d’os coincé entre deux dents tranchantes comme des rasoirs.
Kjarn, de son côté, observait le va-et-vient des dragons. Il avait repéré leurs nids, leur ballet incessant. Généralement, les dragons partaient en matinée — ou ce qui lui semblait être le matin — pour aller chasser. Ils revenaient pour manger et repartaient le soir. De temps à autre, il y avait des échauffourées entre dragons. On pouvait se disputer un nid, une femelle ou un repas. Le gros dragon qu’ils avaient vu le premier jour était souvent absent, mais lorsqu’une bagarre virait à la guerre de clans, il pouvait se montrer très brutal pour calmer les protagonistes et rappeler au monde que le roi, c’était lui.
Un jour, il demanda à Ysa :
— Quand est-ce qu’ils nous laisseront partir, tu crois ?
— Partir ? Mais pourquoi faire ?
— On a découvert le monde des dragons, gamine. C’est un exploit que personne n’aurait même imaginé réaliser. Mais ce monde n’est pas le nôtre, il faut rentrer chez nous.
— Mon chez-moi a été détruit il y a des années.
— Par ces dragons !
— Tu vois bien qu’ils sont inoffensifs. Ils vivent, ils chassent, mais ils ne sont pas cruels, du moins pas ceux-là. Et ici, je me sens vraiment utile.
— Donc tu veux rester ?
— Oui, je veux rester.
— Bon, très bien, c’est ton droit. Mais est-ce que tu pourrais dire à ton copain de me ramener chez les humains ? Ma place n’est pas ici.
— Je comprends. Et pour une fois, je peux le dire : tu as rempli ta part du marché. Je vais essayer de faire comprendre à Brèche de quoi il s’agit, en espérant qu’il soit d’accord.
— Merci, gamine. Je savais que tu comprendrais.
— Non, je comprends pas, mais un marché est un marché.
Le lendemain, Ysa vint trouver Kjarn.
— J’ai expliqué le problème à Brèche. Il ne comprend pas bien, mais il nous amènera sur Haroldion, là où se trouve ton bateau. Ça te va ?
— Parfait. Quand partons-nous ?
— Maintenant, si tu veux !
— Oui, allez, fonçons.
Ysa nota que Kjarn avait l’air pressé de partir. Il se logea dans les griffes du dragon. Lorsqu’Ysa lui proposa de monter sur son dos, Kjarn répondit :
— Non, sans façon. Je suis un marin, pas un aviateur. Je préfère ne pas varier les expériences.
— Comme tu veux, fit Ysa. Elle se hissa sur le dos de Brèche et lui fit un petit signe pour lui signaler qu’elle était prête. Le dragon acquiesça et s’envola vers le passage entre le monde des dragons et celui des hommes.
Ils volèrent plusieurs heures. Curieusement, le voyage sembla beaucoup moins désagréable à Kjarn. De là où il était, il ne pouvait pas parler à Ysa, et ce n’était pas plus mal. Il était pressé de mettre une grande distance entre cette expérience de dragon et lui.
Ils arrivèrent enfin sur Haroldion. Brèche se posa et desserra délicatement son étreinte sur Kjarn. Ysa bondit en bas de son nouvel ami. Elle s’approcha de Kjarn et lui tendit une besace.
— Tiens, pour le voyage. Je t’ai récolté du poisson frais et des fruits. Avec ça, tu ne tiendras pas longtemps, mais je sais que tu te débrouilles toujours.
— Ça me va droit au cœur, gamine. J’espère que tu seras heureuse, et merci pour tout. Toi qui n’as pas de famille, te voilà devenue la maman des dragons.
— D’ailleurs, à ce propos, fit Ysa, visiblement embarrassée. Je crois qu’il vaudrait mieux que tu gardes le secret.
— Moi, garder le secret ? Et quelles autres options j’ai au juste, hein ? Aller raconter qu’un monde perdu existe sous les mers, où les dragons vivent ? Qu’il n’y en a pas un, mais des milliers ? Oui, c’est sûr, tout le monde va me croire.
— Ahahahah, tu as raison, admit Ysa. Bon voyage de retour, et j’espère que les choses tourneront bien pour toi, Kjarn. Tu es un chic type dans le fond… très, très au fond.
— J’essaie de ne pas trop le montrer. Allez ! Adieu !
Mais au moment où Kjarn tournait les talons, un rugissement terrible se fit entendre au loin. Kjarn se retourna précipitamment et vit des milliers d’ailes dans le ciel. Elles étaient si nombreuses qu’elles obscurcissaient le soleil. Brèche sembla très agité et hurla à son tour. Très vite, des centaines de dragons se posèrent sur l’île et encerclèrent Kjarn, Ysa et Brèche.
— Qu’est-ce qui se passe ? fit Kjarn, paniqué.
— Aucune idée. Peut-être qu’ils ne veulent pas que tu partes.
— Ça m’en a tout l’air !
Les dragons se posèrent en masse sur l’île, dans un silence de mort, comme des vautours attendant le décès prochain d’une bête à l’agonie.
Soudain, l’océan se mit à bouillir et le roi des dragons sortit de l’eau. Il était immense, et même l’ensemble des dragons réunis sur l’île ne lui tenait pas la comparaison en termes de puissance. Tous se firent petits lorsqu’il apparut.
Il s’approcha de Kjarn et Ysa. Au fur et à mesure de son approche, les dragons s’écartaient sur le chemin du colosse. Lorsqu’il arriva à la hauteur des humains, il approcha sa tête gigantesque de Ysa et renifla l’air de ses énormes narines. Puis il s’approcha de Kjarn et fit de même. Mais au moment où il le renifla, il sembla devenir ivre de colère. Il poussa un beuglement terrible, et un dragon entièrement rouge apparut. Sur sa gueule transpirait la colère. Il s’avança vers Kjarn, et de sa gueule se mit à sortir de la fumée, signe qu’il allait le réduire en cendres.
Mais Ysa bondit devant lui en criant :
— Non ! Écartez-vous !
Le dragon eut un mouvement de recul, mais semblait décidé à utiliser son feu. Brèche s’interposa à son tour pour protéger son amie.
Kjarn tremblait. Les choses ne se présentaient pas du tout comme prévu.
— Je ne comprends pas ce qu’ils te veulent, Kjarn. Je ne sais pas pourquoi ils ne veulent pas que tu partes !
Brèche sembla comprendre l’origine du problème. Dans un cri de colère, il repoussa Ysa, qu’il avait pourtant protégée quelques instants auparavant, se dirigea vers Kjarn, le renifla des pieds à la tête. C’est alors qu’avec une précision chirurgicale pour un dragon de cette taille, il s’empara de la besace de Kjarn.
Ysa, médusée, s’approcha de Brèche et entreprit d’ouvrir le sac. Elle en sortit deux œufs de la taille d’un casque de soldat. Elle regarda Kjarn avec un mélange d’incompréhension et de pitié. Celle qui, quelques instants auparavant, faisait ses adieux à un ami, ne ressentait plus envers l’homme que du dégoût. Elle se tourna vers le dragon rouge, s’agenouilla et lui tendit les deux œufs. Le dragon rouge sembla, pendant un instant, hésiter à attaquer, mais il finit par se raviser et récupéra les œufs avant de s’enfuir dans un battement d’ailes.
Les autres dragons restèrent là, silencieux, comme curieux de connaître la suite. Même le roi des dragons semblait en retrait.
— Pourquoi, Kjarn ? Pourquoi avoir volé des œufs de dragons ? Sa voix était teintée d’une colère sourde et froide.
— Quoi ? Pourquoi ? Mais parce que deux dragons qui crachent du feu, avec un peu d’entraînement, et j’aurais eu avec moi des atouts imparables. À moi la richesse, le pouvoir. J’aurais pu devenir roi de Beurk !
— Tu voulais utiliser les dragons pour t’enrichir ? Arracher ces enfants à leur mère, à leur famille… mais pourquoi ?!
— S’il te plaît, Ysa, tu parles comme si c’étaient des humains. Ce sont des monstres qui ont incendié ton village et tué tes parents. Un des leurs te laisse monter sur son dos et ça devient ton meilleur ami ? C’est un cheval avec des ailes, rien de plus.
— …
— On se connaît, Ysa. J’ai mes côtés roublards, mais je n’ai jamais caché qui j’étais. Et toi, tu t’inventes mère des dragons ? Soyons sérieux. Je t’ai amenée là où je devais, j’ai rempli ma part du contrat. Tu as récupéré les œufs. Je n’ai plus rien. Personne ne me croira. J’avoue, c’était con, mais qui ne tente rien n’a rien, pas vrai ? Sans rancune ?
Ysa s’approcha de Kjarn, s’arrêta devant lui et le regarda droit dans les yeux. Il lui apparut comme un vieillard hagard et fatigué. Il était aux abois, comme un animal traqué. Elle finit par lui tendre la main.
— Sans rancune, l’ami !
— Ahaha, merci gamine. Je savais que tu comprendrais, dit-il en lui serrant la main.
Au moment où la main de Kjarn saisit la sienne, Ysa tira sur le bras de Kjarn, sortit une dague de son autre main et la lui planta dans l’abdomen.
Kjarn ne se débattit même pas. Il se contenta de la regarder dans les yeux, s’agrippa un instant à elle avant de s’effondrer sur le sol.
— Ci-gît l’armateur déchu, mort comme il a vécu : imprudemment.
Elle regarda le roi des dragons et le salua. Elle rejoignit ensuite Brèche et, à deux, ils s’envolèrent en direction de l’Eden avec les autres dragons.
— Pourvu que cela s’arrête ici, songea Ysa en regagnant la terre des dragons.