De sang et d'os

Chapitre 1 : Prologue

948 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:55

La nuit était claire. Un fin croissant de lune diffusait une timide clarté sur les cibles alignées le long de l’enceinte du château. Adversaires inoffensifs et immobiles, ils patientaient sagement, attendant que quelqu’un daigne les cribler de projectiles mortels.

Le sifflement caractéristique d’une flèche déchira le silence de la nuit, le trait fila à une vitesse folle droit vers le cœur de l’une des cibles… avant de se briser en deux en heurtant le mur derrière elle. Un grognement de frustration s’éleva alors et la silhouette menue d’une fillette se rapprocha du cadavre de la flèche. Elle avait pourtant cru réussir à la planter en plein centre cette fois mais, tout comme lors de ses trois précédents tirs, elle n’avait même pas réussi à toucher la cible. Pourquoi cela semblait-il si simple lorsque ses frères et son père utilisaient l’arc alors qu’elle-même ne parvenait même pas à toucher son adversaire ?

Alors qu’elle s’apprêtait à tirer une nouvelle fois, une voix s’éleva dans son dos :

« Puis-je savoir ce que tu fais dehors à cette heure, jeune fille ? »

L’enfant sursauta et se retourna vivement. Un homme l’observait, nonchalamment appuyé contre le mur d’enceinte, un sourire goguenard étirant ses lèvres. La fillette sentie le rouge lui monter aux joues et elle tenta maladroitement de dissimuler l’arc qu’elle tenait encore en mains. La nuit était déjà bien avancée et elle savait pertinemment que ne pas être dans son lit à cette heure-là n’était pas acceptable.

« Je… je… je n’arrivais pas à dormir, Père » bégaya-t-elle

Son paternel quitta le mur sur lequel il était adossé et s’approcha d’elle, toujours souriant. Ne sachant comment se tenir, la fillette resta immobile, craignant la réaction de son père. Il pouvait très bien la punir pour s’être ainsi permise de sortir dehors sans son consentement et la consigner dans sa chambre jusqu’à nouvel ordre. Il avait beau sourire, l’enfant savait que personne ne discutait les ordres du seigneur Sun Jian.

« Et pourquoi être sortie dehors alors que tu aurais bien pu rester dans ta chambre ? »

Avec un soupir résigné, elle tendit l’arc qu’elle tenait en main. C’était une arme basique, de simple facture, au bois et à la corde usés, qu’elle avait trouvée dans l’un des râteliers présent sur la place d’armes. Sun Jian lui prit des mains et contempla l’objet.

« Ce n’est pas le meilleur arc du château, et encore moins le meilleur pour apprendre à tirer à l’arc. » jugea-t-il en posant l’arme au sol

Le seigneur s’approcha de sa fille et s’agenouilla devant elle. D’une main, il écarta la mèche brune barrant son visage et ficha ses yeux dans les deux perles d’émeraude de la fillette.

« Ta mère hurlerait si elle te voyait dehors à cette heure. Rentrons. »

Saisissant la main de l’enfant, il la guida vers l’entrée de leur demeure. Se laissant guidée, la fillette garda la tête baissée, cherchant à savoir si son père était actuellement fâché contre elle.  Certes, il n’avait pas élevé la voix et il ne semblait pas vouloir la punir mais elle se savait fautive et ne supportait pas l’idée d’avoir, peut-être, déçu son père.

« Tu ne me grondes pas ? » demanda-t-elle, timidement

Sun Jian se stoppa et regarda sa fille, penaude. Il lui renvoya un sourire rassurant et posa une main sur son épaule.

« Dès l’instant où tu née, Shangxiang, j’ai su que tu ne serais pas une fille comme les autres. Tu n’aimais pas les poupées, ni le tissage ou le chant, tu préférais me voir entraîné tes frères et regarder jouter les soldats. Que tu cherches à apprendre l’art du combat m’effraie mais tu es de mon sang, je sais que je ne pourrais pas te faire changer d’avis… Les Sun sont des guerriers. »

Shangxiang leva deux yeux brillants de joie vers son père. Un sourire illumina son visage tandis que Sun Jian poursuivait :

« Demain, je t’apprendrais à te battre, comme je l’ai appris à tes frères. Que les anciens soutiennent ta pauvre mère lorsque je lui annoncerai la nouvelle mais elle comprendra. Tu seras une combattante, ma fille. »

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