Un écho du passé

Chapitre 2 : Là où tout commence...

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Dernière mise à jour 10/11/2016 08:31

 

Là où tout commence…
Chapitre premier
 
 
Pour un profiler tous les détails comptent, surtout ceux qui semblent les plus insignifiants.
Elle avait hésité à mettre ses nouveaux escarpins Calvin Klein. Elle les avait achetés en pensant à l’élu de son cœur. Il adorait la voir plus féminine. Oui mais… Mais ses collègues et amis remarqueraient aussitôt le changement, enclenchant immédiatement la touche « recherche approfondie » dans leur cerveau de profiler, et ça, il n’en était pas question ! La seconde raison de son hésitation était plus terre à terre. Elle n’avait aucune envie de danser le boggie à chaque nouveau pas incertain. Comment courir perchée sur des talons pas plus gros qu’un cent ?
 
12 heures
Tout en dévalant les marches qui la séparent des bureaux, JJ se félicite de son choix. Sa tenue est élégante, sobre et tout à fait adaptée à la situation. En ce lieu, elle a un rôle important. Elle regarde le dossier qu’elle tient fermement sous son bras. Il n’est pas bien consistant, mais elle ne doute pas un instant de l’intérêt qu’il suscitera auprès de l’équipe. Oui décidément ses choix sont vraiment bons ! Une légère frappe sur la porte puis elle pénètre dans le bureau de Gideon.
-Gideon, j’ai quelque chose pour vous en Oregon, dans le conté de Baker.
Un simple regard pour toute réponse. Que pourrait-il dire de toute façon ? De quoi s’agit-il ? La question serait stupide dans la mesure où quoiqu’il dise, la belle enchaînera forcement. Gideon n’est pas avare de ses mots, mais il ne les utilise qu’à bon escient. JJ comme tous ses collègues  maîtrise parfaitement Le Gideon, mélange savant d’onomatopées, grognements et froncements de sourcils. Tout se construit dans le regard, le silence et la réflexion, avant d’apparaître sous un déluge de mots minutieusement chorégraphiés. Gideon est un expert dans ce domaine… quoiqu’en ce qui concerne la diarrhée verbale, le docteur Reid le batte haut la main. Ne lui manque que la réflexion introspective pour dépasser son maître. JJ ne doute pas un instant que Spencer sera un jour plus brillant encore que Gideon. Le temps, l’expérience et la maturité sociale et affective achèveront sa formation d’homme et de profiler.
 Elle quitte ses pensées et poursuit sous l’impulsion d’un regard qui se fronce. JJ pose sur le bureau une photo, représentant un petit blondinet d’une dizaine d’année.
- Lanck Mickaël, douze ans, retrouvé assassiné en Idaho, juste à la frontière avec Baker,  il y aura un an dans moins de deux semaines. L’enquête n’a jamais abouti.
JJ dépose une seconde puis une troisième photographie. Les trois enfants auraient pu être frères tant leurs traits sont similaires. Elle désigne successivement les deux nouvelles images.
-Moore Mitchel, douze ans également, affaire non élucidée. La découverte du cadavre remontera à deux ans… je vous le donne en mille… le 12 du mois prochain… dans treize jours précisément !  C’était dans le Wyoming. Celle-ci a été prise dans le Nebraska.  Toujours le même schéma, un enfant de douze ans retrouvé à peine quelques heures après sa mort sur le bord d’une route très fréquentée. C’est Pross Bradley. Son décès  remontera à trois ans le mois prochain... le 12 évidement !  Il y a enfin une chose étrange  sur ce dossier.
JJ s’interrompt une seconde comme pour ménager le suspens. En fait, elle cherche ses mots. Comment formuler tout cela pour attiser la curiosité de Gideon et non sa colère ? Elle sautille d’un pied à l’autre et son regard se fixe difficilement sur son interlocuteur.  Son corps parle pour elle, traduisant son mal être.
-Gideon, j’ai eu le sheriff de Baker-city. Il dit ne pas avoir contacté nos services. Il ignore qui nous a envoyé ce dossier et pourquoi. Pour lui tout cela relève du canular. Avant de vous proposer cette enquête, j’ai pris contact avec les contés où sont supposés avoir eu lieu les trois meurtres. Ces dossiers existent bel et bien. Les autorités locales ont accepté de m’envoyer leurs infos. En revanche…
-En revanche ?
-En revanche, de part leur localisation sur trois états différents,  personne n’avait visiblement fait le lien entre ses trois meurtres… Celui qui nous a fait parvenir ces renseignements est soit un bon profiler qui manque de confiance en lui, soit…
-Soit l’assassin !
 
***
 
Salle de staff
Gideon épingle la dernière photo.
-Nous avons donc trois meurtres non élucidés, à raison d’un par an.  Chacun dans un état différent. Si cette chronologie fait partie du mode opératoire du sujet, il y a fort à parier que l’on découvrira bientôt un nouveau cadavre. Nous n’avons que trois noms mais il y a probablement eu d’autres victimes antérieurement à celles-ci. Il faut faire une recherche élargie à tout le territoire avec comme élément commun la date de découverte des corps et l’âge des enfants. Morgan…
-Je contacte Garcia et la met sur le coup.
-Bien. Nous partons immédiatement pour l’Oregon. Même si les autorités locales nient être à l’origine de la demande, c’est bien du conté de Baker que nous a été envoyé le dossier. De plus si on suit le cheminement du tueur, horizontalement d’Est en Ouest, après le Nebraska, le Wyoming et l’Idaho, c’est logiquement en Oregon qu’aura lieu le prochain meurtre.
Gideon a tout juste terminé sa phrase que la salle se vide de ses occupants. Les membres du bureau sont habitués aux départs précipités. Morgan disparait téléphone collé à l’oreille, Prentiss et Gideon se précipitent hors des locaux sans même se retourner. JJ regroupe les photos et autres éléments laissés en vrac sur la grande table du staff et le docteur Reid réajuste sa besace sur son épaule, vérifiant minutieusement un contenu qu’il connaît par cœur, jusqu’au moindre fragment de papier chiffonné. Bientôt ils survoleront le pays, mettant à profit ce temps pour commencer l’enquête et déposer les fondations du profilage.
 
***
 
Conté de Baker, Oregon, Etats-Unis d’Amérique.
Pour une petite ville bien tranquille, l’atmosphère est lourdement chargée. Durant le transfert entre l’aéroport et le poste de police, la team a croisé pas moins que cinq véhicules  de la police locale dont deux banalisés. Il est si aisé pour des profilers de reconnaitre des fonctionnaires de police, même sans uniforme. Gideon ne tarde pas à découvrir l’origine de l’agitation ambiante. A peine a-t-il fait un pas dans le bureau du sheriff que celui-ci lui saute dessus.
-Comment saviez-vous ?
-De quoi parlez-vous ?
-Un enfant a disparu il y a un peu plus de 24 heures. Son tuteur légal vient tout juste d’en faire le signalement.
-Laissez-moi deviner… Douze ans, blond, sans doute issu d’un milieu social instable ou défavorisé.
-Mais qui êtes-vous exactement?!
Hotchner tend sa main et empoigne fermement celle que lui donne instinctivement le sheriff.
-Nous sommes des profilers, c’est notre métier d’analyser le comportement des criminels mais aussi le profil des victimes. Avez-vous interrogé vos hommes sur le dossier qui nous est parvenu ?
-Oui et jusqu’à cette affaire de disparition, tout le monde se gaussait de vous voir foncer ainsi dans un si piètre canular.
Se rendant compte des mots qui avaient franchi ses lèvres sans passer par la case réflexion, le sheriff se reprend aussitôt. Il est parfois utile de ne pas envenimer les relations entre les différents corps de police. Le sheriff poursuit donc en feignant l’innocence. Qu’il faut être naïf pour penser duper ainsi un profiler…                  
Tout en accompagnant l’équipe dans une petite pièce sans vitres, faisant vraisemblablement office à la fois de salle de réunion et de pièce d’interrogatoire, le sheriff laisse tout de même échapper entre ses dents serrées un vague excusez-moi, comme quoi finalement, il n’est pas si idiot qu’il y paraît.
Sans perdre une seule seconde Gideon dispatche les tâches.
-Morgan, vois ce que Garcia a pu dénicher et où cela nous mène. Reid, toi et JJ, allez voir les parents du gamin qui a disparu. Je veux une victimologie le plus rapidement possible. Nous avons jusqu’au… Gideon regarde le calendrier publicitaire punaisé au mur. Nous avons jusqu’au douze du mois prochain.
Le sheriff l’interrompt, partagé entre la curiosité et la crainte d’une révélation qu’il ne veut pas entendre.
-Pourquoi jusqu’au douze ?
Gideon répond tranquillement au sheriff, sans laisser paraitre son agacement. Pourquoi faut-il inlassablement tout répéter, tout réexpliquer ? En s’immisçant dans leur profilage, la police fait toujours perdre un temps fou. De toute façon, ils leur feront un tableau précis du type dès qu’il sera établi alors pourquoi s’embêter ? Peut-être simplement parce quelque soit ce temps perdu, il n’est rien face à celui gagner lorsqu’on ne met pas volontairement des bâtons dans les roues des enquêteurs. Et Gideon plus que tout autre, sait combien la police locale déteste se sentir spolier d’une affaire…surtout si, comme dans le cas présent, elle n’a demandé l’aide de personne ! Gideon ravale donc son impatience et explique lentement comme le ferait un prof à son élève, comme il le fait toujours à ses agents…
-Tout ces enfants ont été retrouvé un douze juin, déposés bien en évidence juste quelques heures après leur mort.
-Mais juin, c’est demain ! Le sheriff bafouille, regardant l’équipe comme s’il venait de faire une découverte incroyable et en attendait des retombés pour le moins radioactives. La réponse n’est pas celle attendue. D’un geste vigoureux Aaron pousse l’agent vers la sortie, le gratifiant d’une simple mais efficace fin de non-recevoir.
-Inutile donc de perdre du temps. Merci sheriff, nous n’hésiterons pas à vous demander votre aide dès que le profil sera établi.
Le sheriff se retrouve ainsi propulsé dans ses locaux, ce qui est une chance pour lui, car au même moment Morgan pénètre en trombe dans le bureau. Si le sheriff avait hésité un tant soit peu sur le pas de la porte, c’est sur la Lune qu’il aurait été expédié ! Hotchner est stupéfait par cette soudaine et inhabituelle agitation de Derek.
-Que t’arrive-t-il ?
-Garcia a trouvé quelque chose et ce n’est pas joli-joli ! Il y a eu huit autres victimes certaines et deux possibles si on élargit les recherches sans limite d’âge.
-Donc les crimes auraient débuté il y a treize ans.
-En fait non.
Gideon et Hotchner s’assoient, laissant le champ libre à Morgan pour ses explications.
-En fait il y a deux meurtres à un an d’intervalle, une pose l’année suivant puis une reprise, toujours à la même date, avec cette fois-ci un mode opératoire méthodiquement et scrupuleusement respecté. Seules les deux premières victimes diffèrent, ce qui peut se concevoir dans la mesure où notre sujet est sans doute dans l’apprentissage de ce qui sera son schéma directeur par la suite.
Morgan Derek accroche une première photo, floue, à la pixellisation plus que grossière.
-C’était il y a 14 ans. Il avait 7 ans.
Morgan affiche une seconde photo juste à côté.
-La seconde victime avait 13 ans, la même bouille d’ange avec le regard profondément triste. A part la tenue vestimentaire propre à leur âge et leur époque, peu de choses différenciaient ces deux enfants des trois derniers. Ils vivaient tous dans des familles défavorisées ou tout au moins modestes. L’instabilité sociale et/ou affective des enfants pouvait expliquer des enquêtes bâclées, se terminant presque toute au fond d’un tiroir poussiéreux. La première victime a sans doute été le fruit d’une impulsion, non réfléchie. Son décès n’a suivi son enlèvement que de quelques heures. Pour la seconde, le sujet a modifié sa technique, gardant la victime une petite semaine. Pourquoi, ça nous l’ignorons. Il n’y a aucune trace notifiée sur les conclusions d’une éventuelle autopsie. Ces enfants ont été purement et simplement abandonnés, même après leur mort !
Gideon est curieux du cheminement de Morgan.
-Pourquoi avoir intégré ces deux dossiers. Y-a-t-il d’autres  éléments probant ?
-Leur corps ont été retrouvé sur le bas côté d’une route très fréquentée. A part la première, toutes les victimes portaient un pantalon de coton blanc impeccablement propre, prouvant la délicatesse avec laquelle le sujet les avait posées au sol. Enfin ces deux premières victimes portaient les mêmes stigmates caractéristiques sur le dos, la plantes des pieds et la pulpe des doigts. La signature du sujet.
Hotchner punaise à la suite les unes des autres,  les photos que lui tend  Morgan.
-En quoi le mode opératoire a-t-il évolué et s’est-il systématisé ?
- Après cette énigmatique arrêt, les victimes se fondent toutes dans le même tableau. Douze ans, physionomie quasi-identique, environnement social toujours fragile mais jamais sans intérêt intellectuel. Bien qu’étant hypersensibles, un peu en marge de la société, et presque toujours mélancoliques, ces enfants avaient tous une scolarité normale et des amis. Enfin tous ces enfants ont été kidnappés exactement douze jours avant leur décès. Quelque fut l’élément déclencheur il y a 14 ans…
Gideon l’interrompt brutalement et pose ses mots comme une vérité absolue. Encore une spécialité à la Gideon !
-Il y a 15 ans en fait.
-Comment cela ?
-Il tue tout les ans le 12 juin. C’est une date anniversaire. Le premier meurtre symbolise un évènement ayant donc eu lieu un an auparavant, soit il y a 15 ans !
-D’accord. Quelque soit cet évènement,  il y a 15 ans… Morgan accentue ces derniers mots, signifiant par la-même, que la prochaine interruption serait un casus belli, … il y a donc 15 ans, c’est surtout ce qui s’est produit durant cette année intermédiaire qui a modelé notre homme et entrainé cette funèbre fête anniversaire. Que s’est-il passé à ce moment de sa vie? Maladie, enfermement ? Plus j’y réfléchis, plus je suis persuadé que sa proie lui a simplement échappé cette année-là. Une proie qui a façonné l’image des futures victimes. Un but ultime en quelque sorte.
Hotchner et Gideon réagissent simultanément, mais c’est Aaron le plus vif qui gagne cette partie et prend la parole.
-Bien joué Derek ! Demande à Garcia de lancer une recherche sur les tentatives d’enlèvement qui auraient eu lieu aux alentours du premier juin il y a douze ans. Ciblez sur des garçons de douze ans exclusivement.
-C’est déjà en route Hotch.
- C’est étonnant comme le nombre douze revient inlassablement dans ce dossier. Il faudrait mettre Reid sur le coup. Nous avons maintenant de quoi établir un profil du sujet. Est-ce que quelqu’un à des nouvelles de Reid et JJ ?
 
***
Tout en s’éloignant de la maison, ou plutôt du foyer qui fut un temps le  Home Sweet Home  du jeune disparu, JJ ne peut s’empêcher de soupirer. C’est en se relâchant qu’elle prend conscience du sentiment d’oppression qui l’avait envahi. Elle soupire de soulagement. La dernière fois qu’elle était entrée dans un lieu aussi malsain avec Reid… elle en était ressortie seule, apeurée, traumatisée, avec un terrible sentiment de culpabilité. Elle avait été marquée par cet évènement certes, mais elle, au moins, elle en était sortie vivante, en tout cas bien plus que lui. Reid n’évoque jamais ce souvenir commun avec elle et JJ doit bien admettre qu’elle n’en a pas plus envie que lui.
JJ fait quelques pas puis soupire à nouveau. Celui-là, il est pour la tristesse qu’elle ressent face à la déchéance humaine qui ne peut que résulter de ce genre d’établissement. Sale, miteux, ce lieu n’a rien d’une annexe de paradis. Ce serait plutôt une succursale de l’enfer ! Pas étonnant dans ces conditions que le gamin ait enchaîné les fugues. S’il n’avait pas laissé derrière lui ses trésors, petit couteau Suisse à la lame émoussée et médaillon au motif de la Madonne, jamais le directeur, nom pompeux pour désigner celui qui perçoit les aides de l’état et les reverse exclusivement sur ses comptes personnels, jamais la disparition n’aurait été signalée.
Une main se pose délicatement sur l’épaule de JJ. La pression est douce et la voix plus encore.
-Viens JJ, on va faire un tour dans son école. Peut-être que d’autres enfants ont été abordés ou importunés. Le directeur dit qu’il trainait souvent après les cours.
Spencer Reid se fait pensif. Sa voix n’est qu’un murmure, presque pour lui seul.
-J’en aurais fait autant. D’ailleurs, j’en ai fait autant.
-J’aimais bien trainer après l’école moi aussi. On allait en forêt, on cherchait l’aventure. C’était si… ennuyeux d’être dans un petit bled loin de tout. Vegas, ha ça, ce devait être quelque chose, non ?!
Entrainée par la nostalgie et l’innocence heureuse de son enfance, JJ n’a pas su retenir les mots avant de les avoir exprimés tout haut. Reid ne s’épanche pas sur son enfance, mais chacun sait qu’elle était à part, très à part !
-C’était Vegas, une ville de lumière. Tant mieux je n’aime pas le noir. Bon, dépêche-toi sinon on va louper la sortie des classes.
L’attente est effectivement de courte durée et fort heureusement car la pêche est infructueuse. Pas de vieux bonhomme, ni même jeune, suspect au regard lubrique, pas de long imperméable cachant le vice, rien, nada ! Personne n’avait vu ou entendu quoique ce soit d’utile. La vie continuait… la nature humaine a parfois de quoi dégoûter les plus doux et les plus naïfs. Alors que Reid et JJ quittent les locaux scolaires, un appel les oblige à se retourner. D’abord hésitante et curieuse la voix devient rapidement gaie et énergique.
-Spencer Reid ! Le petit Spencer, est-ce bien toi ? Oui bien sûr, je te reconnaîtrais entre mille !
L’homme, à l’allure débonnaire, la cinquantaine bien tassée, donne une franche accolade au docteur Reid. Celui-ci le regarde sans réagir, comme saisit par l’apparition.
-Tu ne me reconnais pas ? Ai-je tant changé ?
Il regarde son ventre, le tape affectueusement puis sourit tout aussi affectueusement.
-Toi, en revanche, tu es toujours le même, quelques décimètres en plus.
En repensant à la remarque  identique formulée par un  camarade de classe, devenu directeur d’une galerie d’art, Spencer se renfrogne. Ses premiers mots sont prononcés sur un ton bougon mais cela ne dure pas.
-Mouai, c’est ce que tout le monde dit ! Je me souviens parfaitement de vous professeur. Que faites-vous ici ? Vous n’enseignez plus aux terminales de Vegas ?
-Vegas et les grandes villes, c’est du passé pour moi. Je suis trop vieux, ça m’épuise rapidement. Je préfère le calme et la quiétude des petites villes. Que veux-tu, je vieillis ! Bon, assez parlé de moi ! Et toi que deviens-tu ?
Sans laisser à Reid le temps de répondre le vieux professeur attrape la main de JJ, y pose un baiser léger et très gentilhomme, puis enchaîne en souriant de plus belle.
-Tu ne me présentes pas madame Reid ?
JJ explose de rire. Reid devient subitement si rouge, si confus et si touchant que jamais l’enfant tapi en lui n’avait été si à fleur de peau.
-Ha non, non, ce n’est pas ma femme, juste une collègue.
Un regard de JJ et Spencer perd tout contrôle, bafouille, enchaîne maladroitement et s’emmêle dans ses explications.
-Enfin, non pas une simple collègue, plutôt une amie, mais heu… pas dans ce sens ! Enfin c'est-à-dire heu…
Les rires communicatifs de JJ et du vieux professeur stoppent rapidement la logorrhée du docteur S relations humaines ! Reid se reprend rapidement et c’est en effectuant une révérence digne d’un preux chevalier qu’il fait les présentations.
-JJ, je te présente le professeur Leland qui enseignait la littérature ancienne aux terminales de Vegas.
-Enchantée ! Je parie que c’était un de tes cours préféré.
Captivant visiblement l’attention de la belle enquêtrice, le professeur Leland poursuit ses explications. Avec douceur, il attrape le bras de JJ, les entraînant avec lui vers le parking de l’école.
-En fait, il s’ennuyait à mourir durant mes cours car il connaissait les auteurs depuis déjà belle lurette et maîtrisait parfaitement la syntaxe et la grammaire du vieille anglais que j’affectionnais tant. C’est pour cela que l’on se retrouvait souvent à la bibliothèque. Nos débats étaient animés et même passionnés… tiens je parie que tu es devenu écrivain ? Je me trompe ?
-Totalement professeur ! Je travaille pour le gouvernement, je suis du bureau fédéral d’investigation.
-Oulala, cela dépasse de loin mes compétences et c’est tant mieux ! Si tu as un moment, cela me ferait plaisir de te retrouver comme à la belle époque. Je suis à la bibliothèque quasiment tous les soirs. Mademoiselle JJ, vous êtes évidement la bienvenue.
-Merci, mais les vieux livres poussiéreux, très peu pour moi. Ce fut un plaisir professeur Leland.
Sur ces derniers mots, le professeur regagne son véhicule et quitte le groupe scolaire. JJ toujours souriante, donne une tape amicale à Spencer, le contaminant également de sa joie de vivre, soudaine mais tellement bienvenue dans ce monde de cruautés.
-Un vieux bonhomme tout droit sorti d’un livre comme il a l’air de les affectionner. Un Dickens peut-être.
-Comme tous les grands érudits je pense.
-Non pas tous. Toi tu serais plutôt sorti d’un Disney. Allez, viens Gemini Cricket, le boss nous attend, on a un rapport à donner.
 
***
 
La nuit tombe sur le conté de Baker. Les rues sont désertes à part quelques chats errants en quête de nourriture. Malgré le mois de mai qui s’achève, la fraîcheur est de mise. Demain sera le premier jour de juin, demain sera le jour où tout commence.
 

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