Un écho du passé

Chapitre 14 : Les jeux sont faits...

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Dernière mise à jour 10/11/2016 10:12


Les jeux sont faits…



Chapitre treize



If everyone cared and nobody cried



If everyone loved and nobody lied



If everyone shared and swallowed their pride



We'd see the day when nobody died



 



Nevada, 6 juin… tout début d’après-midi.



Ding dong



La mélodie d’un autre temps vient déranger la sieste de monsieur Dempsey. Qui peut bien venir à cette heure ? Qui est l’intrus irrespectueux qui ignore tout de la sieste postprandiale et du énième épisode des « Feux de l’Amour » ? D’une démarche lente de pachyderme aux portes du fameux cimetière, le vieil homme s’approche de la porte d’entrée. Chacun de ses pas lourd annonce son arrivée et son mécontentement. Un coup d’œil dans le Juda et le voilà renseigné. Peau noire, casquette noire, regard sérieux, presque méchant… Encore cet agent du FBI ! Monsieur Dempsey ne se considère pas comme quelqu’un de particulièrement raciste, mais il n’aime pas trop ces jeunes gens de « couleur » qui chantent le rap, dansent le break, portent des casquettes et accessoirement un flingue sur la hanche. De son temps, les choses n’étaient pas ainsi…



-Un instant ! Je vais chercher la clé.



Sans ajouter le moindre mot, monsieur Dempsey déverrouille deux de ses trois verrous  puis enclenche le dernier rempart contre ce monde extérieur qu’il ne comprend plus. Derrière la porte, l’impatience se fait silencieuse. La police et les agents du gouvernement ont une grande expérience de l’attente. Enfin la porte s’ouvre et l’air, gorgé de soleil du Nevada, emplie l’entrée de monsieur Dempsey. Un air chaud puis suffocant qui s’accompagne d’une boule de feu dévastatrice. 



Derek Morgan a tout juste le temps d’apercevoir le visage contrarié de monsieur Dempsey qu’un souffle le projette contre ce qui semble être une montagne, dure, froide et douloureuse. Une dernière vision, celle des flammes rouges qui enveloppent le monde, le dévorent et le détruisent, puis le noir, absolu, infini et mortel.



Quelque part, sur Terre, deux âmes s’en sont allées. Non loin de là, sous la terre, pas très loin de l’Enfer, un cri les accompagne dans leur sombre destiné. Un petit bout de Spencer vient définitivement de disparaître. Maintenant les choses vont changer ! 



***



La nouvelle met moins de temps à arriver au siège du FBI qu’à parcourir les quelques kilomètres qui séparent la maison en feu de la grande bibliothèque. Emily Prentiss  est loin d’imaginer la tourmente qui vient de dévaster ses coéquipiers.  Discrète, la jeune femme étudie l’ouvrage longuement manipulé par Spencer enfant. Cet exemplaire du Dictionnaire du Diable n’a pas été détérioré mais de nombreux post-it  jalonnent ses pages. A chaque définition importante, un commentaire, écrit d’une main enfantine. Parfois même un petit dessin,  gribouillage pour Emily et le lecteur basique, mais  pièce d’un puzzle pour le professeur Leland et le génie en herbe qui était son élève avant d’être sa victime. Prentiss répertorie chaque petit bout de papier, qu’il s’agisse d’une feuille contenant une définition, comme celle que monsieur Little avait souhaité  attraper, longue poésie définissant la femme comme doté du cœur d’un démon, ou morceau de journal griffonné à la hâte d’un « demander l’avis du professeur ».  Parfois l’annotation n’était pas à destination de Leland mais de Diana Reid, « Qu’en penserai maman ? »,  « Demander à maman si la réalité derrière le sarcasme n’est qu’illusion ou un deuxième degré de lecture et de satyre ». Mais ces liens entre le fils et la mère avaient tous été rayés, rageusement, et sans aucun doute jamais mis en exécution. Quel était l’état de santé de madame Reid cette année-là ?



L’humanité du début du vingtième siècle vu par Ambrose Bierce avait été décortiquée et analysée par deux cerveaux complémentaires. L’un cherchant dans l’analyse de l’autre une justification à sa démence ; l’autre souhaitant simplement retrouver  dans le regard du maître un reflet à son existence et peut-être l’illusion d’être aimé. Quoi de mieux qu’un langage propre au couple et compréhensible qu’à leur seule interprétation ? Quoi de mieux qu’un lien les unifiant et les isolant d’un monde ignorant, voire malsain ? Spencer avait trouvé plus qu’une épaule pour le soutenir. Il avait trouvé quelqu’un réceptif à ses souffrances intellectuelles, à ses interrogations sur un monde fait par des humains pour d’autres humains. Une humanité dont lui, Spencer Reid, douze ans, se sentait exclus, du moins jusqu’à ce qu’il trouve une oreille a priori moins délirante que celle de sa mère. Un adulte tout près à l’écouter et à voir en lui le sauveur. On en revenait toujours aux mêmes réflexions. Qui devait sauver qui ? Leland croyait sauver les enfants d’un monde qui s’était perdu quelque part lors de sa mutation vers la société moderne. Il voulait aussi se secourir, sauver son âme égarée dans un enfer terrestre où ne subsistaient que quelques êtres d’exceptions  dont la pureté et la magnificence n’étaient  révélées qu’à ses yeux avertis.



Emily se  laisse aller sur le dossier peu confortable des bancs de la bibliothèque. Elle se frotte les tempes tout en relâchant les traits crispés de son visage. Elle commence à mieux cerner l’esprit de Leland et cela n’est pas sans lui déclencher de vilaines migraines. Pénétrer l’esprit des assassins n’est jamais sans conséquences.  Or Leland n’est pas un simple meurtrier, il se sent investi d’une demande divine justifiant ses actes. Mais ce constat est simpliste et incomplet. Leland attend davantage… de Dieu mais aussi et surtout de ses victimes ! Il est aisé de sauver un enfant en l’extrayant de ce que l’on ressent comme étant le Mal. Il est plus compliqué de recevoir de sa victime l’absolution. Or le consentement, l’acceptation, est nécessaire pour Leland. Plus encore, il est le fondement même de l’échange affectif et du don que Leland fait à l’enfant.  En torturant ses victimes, Leland cherche sans doute à leur restituer la pureté originelle. Les cris, les pleurs et les supplications sont des représentations du mal et des faiblesses humaines.  Lorsque ceux-ci se tarissent et que ne subsiste plus que  le néant dans le regard vide des enfants, alors ils redeviennent aussi purs qu’un nouvel être à naître, il ne reste plus à Leland qu’à préserver dans la mort cette pureté retrouvée. Emily Prentiss connait l’existence du fils de Leland, mais elle n’imagine pas à quel point ses hypothèses sont proches de la réalité, à quel point le vieux professeur aime se noyer dans les yeux de ses proies pour y retrouver le regard innocent et implorant de son jeune fils né aux portes de la mort. Retrouver cette sensation d’amour incommensurable qui lui avait ouvert les yeux sur la réalité du monde et sur ce qu’était sa destiné. Leland aime plus que tout s’engouffrer dans cette brèche qui relie le monde des vivants à celui des morts, au Paradis auquel il aspire tant. Mais si l’agent Prentiss ne peut que se contenter d’émettre des supputations sur les motivations mystico-psychotiques de Leland, elle ne se leurre absolument pas sur son côté rationnel et méthodique. Faire souffrir un être vivant, vise aussi et surtout à annihiler ses pensées propres, le rendant pour malléable aux desseins qu’il s’est fixés. L’agent Prentiss a maintenant la certitude que Leland souhaite que sa victime soit également son rédempteur. Voilà pourquoi Spencer était toujours la proie idéale, malgré le temps passé, malgré le fait qu’il ne soit plus un enfant… parce qu’il a su conserver une âme et une innocence d’enfant tout en ayant enfin  la force de passer à l’acte et de donner à Leland ce que celui-ci attend avec tant d’ardeur. La mort et par elle le salut de son être. Emily frissonne en pensant aux conséquences terribles de ses déductions. Spencer a déjà donné la mort. Par nécessité, pour se défendre ou sauver des vies. Mais Leland attend davantage de Spencer. Un geste d’amour peut-être…



La vibration du téléphone portable sort brutalement Prentiss de ses réflexions. Sur l’instant, Emily perçoit cet appel comme une main secourable l’extrayant d’une mélasse malsaine où elle s’enlisait mélancoliquement. Malheureusement, le court message en provenance d’Aaron Hotchner la réexpédie de façon fulgurante dans les noirceurs du monde réel. Discrètement, Emily fait défiler l’information.



Prends  contact  Urgent



 Trois mots, succincts, courts, mais qui laissent présager du pire. Prentiss ne prend pas le temps de rendre l’ouvrage. Sans état d’âme, elle glisse le Dictionnaire dans son sac et sort de la bibliothèque. Non loin de là, un banc semble accueillant. Pas d’étudiants avachis en attente d’un hypothétique cours, pas d’oreilles trop curieuses ouvertes sur un monde encore pleins de mystères. A son tour elle s’installe sur les lattes de bois, pose son sac à ses pieds et tout en portant son téléphone à son oreille, elle offre son visage à la douceur du soleil. Avec un petit sourire, Emily réalise que pour tout spectateur elle ressemble à une étudiante en stase, centre d’un univers qui oscille autour du campus et de ses étudiants. Emily fut elle aussi une de ses étoiles filantes, qui transitent un temps dans ce monde parallèle, avant de s’en extraire et de finalement oublier jusqu’à ses codes et doctrines. Précepte numéro un : tout étranger est avant tout un espion adulte qui cherche à nuire aux étudiants. Un petit rire au rythme de la tonalité, puis Emily Prentiss laisse de côté sa nostalgie pour reprendre sa casquette d’adulte et accessoirement d’agent du FBI. C’est évidemment Jennifer Jareau qu’Emily tente de joindre en premier. Hotchner et  Gideon étant en général trop occupés, c’est JJ qui a pris l’habitude de faire le lien entre les différentes équipes. Le « Allo » de l’agent est vacillant, comme si la jeune femme avait du mal à prononcer ce simple mot. Prentiss sait que JJ est personnellement touchée par cette affaire. Déjà, par le passé, Emily avait semblé froide et insensible face à la détresse de la jeune femme. Elle espérait cette fois-ci ne pas commettre la même erreur. Non qu’être détachée puisse en soit être une erreur, ce serait même un avantage dans son métier, mais il faut aussi savoir écouter la détresse des autres sans pour autant sombrer dans l’empathie. Savoir accueillir les témoignages de douleurs des victimes, c’est leur donner confiance et instaurer une relation prompte aux confidences ; mais il faut maîtriser ses émotions et dresser une barrière invisible mais efficace contre les résurgences d’une humanité que le travail a su au mieux calfeutrer profondément, et au pire, détruire irrémédiablement. Prentiss pense à Gideon qui depuis peu paraît avoir bien du mal à associer cette meurtrissure induite par leur activité commune et sa vie, qui chassée par le passé, tente de revenir sur le devant. Une ancienne maitresse, un fils longtemps négligé… Qu’en sera-t-il pour elle quand en se retournant sur sa vie elle découvrira tous ses visages tristes qu’elle a écouté mécaniquement, sans tendresse ni compassion, et tous ses regards joyeux  qu’elle a croisé mais sur lesquels elle n’a pas eu le temps de s’arrêter ? JJ, Morgan et Reid, Gideon et Hotch dans une autre mesure, tous forment une équipe soudée, presque une famille, mais Emily n’a jamais appris le sens du mot famille ! Des parents absents ou protocolaires, même dans leurs mots de tendresse et leur affection politiquement correcte ; une enfance ballotée dans des mondes dorés entourés d’une misère ignorée, cachée derrière de grandes façades où couraient lierres, plantes exotiques et barbelés. D’aussi loin qu’elle se souvienne, Emily n’avait jamais connu les chamailleries entre enfants, les soirées pyjamas où l’on parle garçon en regardant des films d’horreur et en se goinfrant de popcorn au fromage… Elle avait mené sa vie, comme sa carrière, se donnant un but et tous les moyens pour l’atteindre. Elle voulait être agent du FBI, elle voulait être profiler avec les meilleurs, elle voulait être exactement là où elle était en ce moment. Et c’est ici, avec son équipe qu’elle avait découvert les joies de la vie en groupe, des soirées entre amis, des rires et des petites histoires que l’on partage, sans arrière pensée, juste pour le plaisir de parler, de se confier, de donner… tout simplement !



-Que se passe-t-il JJ ? C’est Reid ? Vous avez du nouveau ?



-Non, c’est Derek. Il est au Spring Valley Hospital center. La maison de monsieur Dempsey a explosé. 



***



La lumière avait vacillé avant de reprendre du poil de la bête, plus vigoureuse et agressive que jamais. Spencer  n’avait pas entendu la déflagration mais l’avait perçue dans chacune des fibres musculaires de son corps. Il avait senti venir l’onde comme un tsunami qui se dessine à l’horizon et devient l’instant suivant un mur de béton mortel. La sonnerie de la maison avait enclenché une caméra trop inaccessible pour que Spencer puisse y jeter un regard, mais trop proche pour qu’il puisse s’isoler de la bande sonore, des paroles de monsieur Dempsey, agacé par l’arrivée impromptue des agents du FBI et l’impatience de ceux-ci, silence qui d’un coup s’était mué en cri d’agonie.  Spencer avait cru reconnaître la plainte de son ami. Derek était-il parmi les victimes ? Peut-être était-il mort maintenant ?



Spencer ferme les yeux, se concentre sur sa respiration, régulière, légèrement sifflante. Le souvenir de l’explosion l’extrait sans difficulté de sa propre agonie. Pourtant Spencer veut s’ancrer dans le présent, « cette partie de l’éternité qui sépare les terres de la déception du royaume de l’espoir ». Ambrose ne croyait pas si bien dire. Dorénavant, plus rien ne serait comme avant. Spencer avait voulu jouer avec Leland, pensant que l’issue, quelqu’elle soit, ne pouvait être qu’un pas en avant… et il avait eu raison. Derek connaissait les risques et aurait approuvé les choix de Spencer, logiques. Il fallait donc persévérer sur cette voie, pousser davantage encore le vieil homme à la faute.  Quelle devait être la prochaine étape ?



-Parce que tu crois que je vais te laisser mener le jeu ?



Le projecteur s’éteint, redessinant les contours de la prison, fondations d’une maison devenue tombeau. Spencer découvre son bourreau tranquillement assis face aux moniteurs. Sans doute avait-il toujours été là, témoin de ses cris, de ses larmes. Témoin de sa rage naissante et de sa détermination.



-Qu’avez-vous fait ?



-Tu le sais très bien fils. N’as-tu pas reconnu ton ami ?



-Pourquoi ?



Spencer veut garder un semblant de dignité et de maîtrise de soi, mais sa voix s’étrangle sur cette question inutile. La réponse est évidente et Leland prend un malin plaisir à l’asséner comme un coup de couteau dans une plaie béante.



-Pour te montrer qui est ton Dieu de miséricorde. Pour te prouver qu’Isaac Newton avait raison.



-Action-réaction.  Vous vous targuez de sauver les âmes d’un monde terrestre méprisant et avilissant, mais cela montre plus certainement la défaillance de votre esprit malade. La vengeance est un dessein beaucoup moins noble professeur.



-N’as-tu donc rien compris et rien appris Spencer ?



Tranquillement Leland s’est approché du lit de l’agent Reid. Son regard pénétrant s’est coulé dans celui de son prisonnier et ne le quitte pas un instant, même lorsque d’une main ferme il attrape le poignet de Spencer et exhibe le bandage comme un trophée dont ils partageraient le mérite.



-Regarde Spencer.



D’une voix assurée, quasi-hypnotique, le professeur poursuit son laïus, découvrant maintenant la cuisse blessée de Spencer. D’un doigt il dessine le contour de la plaie comme s’il s’agissait d’un code secret dont le sens n’était révélé qu’à lui.



-Tout est écrit, tu le sais bien pourtant. Regarde Spencer, chacune de tes vaines tentatives pour t’échapper à notre destinée s’est soldée par un rappel à l’ordre, et chaque fois le sang a coulé.



-Tout cela n’est pas de mon fait professeur, mais du votre. C’est vous qui avez choisi cette voix. Vous vous servez de moi comme excuse à vos lamentables représailles. Tout cela est prémédité. Quelque soit mes choix, ceux-ci conduiront toujours aux même résultats… la mort de Dempsey, la destruction d’une maison qui est pour vous le temple de l’adultère…



-…



-Vous n’avez pas installé ces caméras et ses explosifs, juste pour moi…



Le regard de Leland se durcit et quitte Spencer pour se glisser le long des écrans devenus superflus.



-Je comprends…  Vous ne m’avez pas seulement enlevé pour terminer un travail laissé en suspens. Vous voulez détruire tout ce qui nous relie à un monde que vous n’avez pas pu modeler à votre image. Vous voulez le détruire… et que j’en sois le témoin. Professeur, nous serons comme les cœurs arrachés aux démons. Sans nous la Terre criera peut-être sa déchéance d’être devenue l’Enfer, mais nous apporterons notre âme nourrie par une matrice imparfaite et souillée dans ce Paradis auquel vous aspirez tant.



-Je ne l’avais pas imaginé comme cela mais tu as raison Spencer, partiellement du moins. Comme toujours ton regard est lucide et logique. Je veux détruire cet univers qui n’est pas fait pour nous. Je veux l’anéantir et que tu en sois le témoin privilégié. Je veux vivre cela avec toi, comme un cadeau, un don que je te fais. Tu comprends n’est-ce pas ? Je t’aime et je veux partager cela avec toi. Quant aux impuretés qui sont en nous… tu te moques des mots de Bierce, Spencer. C’est un jeu intéressant mais tu te trompes de voie. La rédemption, Spencer, la rédemption…



-Je ne suis qu’un pion dans votre délire.



-Peut-être. Mais dans ce cas, tu es le dernier pion sur l’échiquier de ma vie. Le dernier et le plus important. Tu es mon roi et bientôt je t’abattrais.



Leland regarde une photographie qu’il a sorti de sa veste.



-Pourquoi s’attacher à une terre hostile si rien ne t’y retient. Rien ni… personne ? Mon univers sera le tien et ensemble nous le quitteront. Main dans la main, comme avant. Seuls… ensemble.



-Croyez-vous vraiment qu’en détruisant ceux qui me sont chers, vous ferez de moi votre pantin ? Il ne sera pas si simple professeur de me détruire. Vous m’avez blessé, torturé, vous avez tué mon meilleur ami, mais vous n’avez gagné de ma part que mépris et haine.



-N’est-ce pas déjà les prémices de sentiments forts dont peut s’extraire l’Amour ?



-Je ne vous aimerai jamais Leland. Jamais !



-Je te crois Spencer. Mais tu te trompes. Bientôt tu verras en moi bien plus qu’un bourreau, bien plus qu’un psychopathe de plus dans un monde déjà bien souffreteux.



Leland s’allonge aux côtés de Spencer. Il sent sa proie se contracter et imagine sans peine les idées qui traversent son esprit.



-Tu aimerais sans doute me prendre dans tes bras et m’enlacer… avec énergie. N’est-ce pas ? Et bien vas-y Spencer. Prouve-moi que je suis dans l’erreur et que tu es prêt à te sacrifier pour sauver tes amis. Je serai pleinement heureux de mourir ici, en sachant que tu me rejoindras lorsque ton corps meurtri, affamé et assoiffé, libèrera son dernier souffle, comme mon père jadis.



-Je ne peux pas.



-Tu gardes sans doute l’espoir, mais c’est un leurre. La nature humaine est bien lâche parfois. Ce temps que tu leur donnes pour te retrouver, cette peine que tu es prêt à endurer  par excès de confiance… j’espère que tu as conscience que c’est du temps que tu m’offres à plaisir pour faire de toi un fils à chérir. Tu m’as déjà appelé « papa »et s’était merv…



-Cela ne se reproduira pas professeur. Je ne crains plus la déchéance, ni la mort, la mienne ou celle de mes amis. Vous m’avez appris une chose importante. Peut-être devrais-je vous en être reconnaissant.



-Quoi donc ?



-Il y a une échéance à tout ceci. Quelque soit l’issue, dans six jours tout cela sera terminé et quoi que je décide, vous en serez le seul responsable.



-Oui peut-être, mais la « responsabilité est un fardeau portatif aisément transférable sur les épaules de Dieu, du Destin, de la Fortune, de la chance ou du voisin ». Qui suis-je alors ? Ton Dieu, ton destin ? Qu’importe puisque nous seront enfin heureux… bon, cela suffit Bosco, maintenant le débat est clos.



Leland se redresse brutalement et fixe Spencer sans vraiment le voir. Le professeur Leland n’est plus vraiment là. Spencer sait reconnaître les signes de personnalités multiples, mais il n’en est rien. L’homme qui lui fait face n’est pas l’hôte de multiples individus à l’esprit singulier et indépendant mais d’une personne unique, déséquilibrée et clairement aliénée.



Sans plus de commentaire Leland attrape Spencer Reid par le bras, le redressant brutalement sur le lit. Cette verticalisation violente prend de cours Spencer qui se laisse manipuler sans plus de résistance qu’une poupée de chiffon. Devant le regard surpris, limite ahuri de Spencer, Leland ricane.



-Envolées les belles résolutions ?



Leland se place face à Spencer et présente ses mains ouvertes comme une offrande.



-Choisis !



Dans une main, une petite dague à double bord tranchant, une miséricorde. Dans l’autre la photo que le vieux professeur manipule depuis son apparition et l’explosion de la maison. L’agent Aaron Hotchner y sourit, son nouveau-né dans les bras.



-Je ne suis pas responsable de vos délires et tout agent du FBI connait les risques inhérents au métier.



-Tu as des yeux mais tu ne sais pas voir… Choisis !



Spencer regarde le poignard.



- Je sais ce que tu penses. « Il ne peut pas. Cet enfant est inaccessible ». Peut-être, mais es-tu prêt à prendre ce risque ? Cette petite âme innocente, encore vierge des horreurs de ce monde déchu. Ce serait de la clémence que de l’extraire de cet écrin putride.



-S’il faut choisir entre la vie de Jack et ma propre intégrité, le choix est vite fait. Je choisis l’avenir… pour Jack.



-Décidément Spencer, tu ne sais pas voir. Quel drôle de profiler tu fais. L’avenir est un mot bien vain, quant à l’intégrité…



Leland se remémore le Spencer paniqué à l’arrière de son véhicule. Qu’il avait été doux de l’entendre murmurer le mot « papa ». Lui aussi avait crié ce mot plein de tendresse par le passé. Il l’avait hurlé en espérant entendre une réponse appropriée, comme un écho à son amour. Ce soir Spencer sera Lui et il lui donnera cet amour qui lui avait été refusé.



-Spencer, il est aisé de briser un enfant. Il l’est tout autant pour l’homme qui craint la souffrance ou le châtiment divin.



Leland tend le couteau à un Spencer médusé qui ne sait qu’en faire.



-Prends un peu de ma souffrance et de ma peine. Partage mon fardeau de pêcheur en me permettant de voir par ses yeux, de ressentir par sa douleur. M’a-t-il seulement aimé ? Offre-moi la chance de t’aimer avec son cœur, de m’aimer.



***



Nevada, 7 juin… aux aurores.



Bip Bip Bip



Un peu de rythme, quoique monotone ; des voix qui chuchotent, féminines… serait-ce le paradis ?



Derek tente d’ouvrir les yeux mais ceux-ci restent désespérément clos. Une analyse introspective et méthodique lui apprend, un, qu’il n’est pas mort, deux, que l’infirmière ferait bien de lui son casse-croûte du moment.



-C’est plutôt flatteur si vous les aimez  un peu grillés… vos casse-croûtes.



Un gloussement, ô combien féminin, puis une main ferme sur l’épaule.



-Derek ! Tu nous as fait une sacrée frayeur.



-Hotch, tu es là ? Mais cela fait combien de temps que je suis… je suis où d’ailleurs ?



-Tu es au Spring Valley Hospital center. Hotch nous a rejoints ce matin. Tu n’es là que depuis quelques heures mais… visiblement c’est suffisant pour avoir un véritable fan club. Tu te souviens de ce qui s’est passé ?



-Tu étais à la bibliothèque et moi je suis retourné voir la maison de Leland. Y’avait un flic qui m’accompagnait, il se nomme… heu… je ne sais plus. C’est lui qui a frappé à la porte.



-Pourquoi ? Tu étais en retrait ?



-Oui, on m’a fait signe. Tu sais le junkie… Je suis allé à la pêche aux infos dans toutes les maisons avoisinantes. La police locale a proposé de m’y aider. Ils sont sympa ces types quand on ne marche pas sur leurs plates-bandes. Bref, j ‘ai accepté leur aide. Les gens sont moins suspicieux devant leur police que devant le FBI.



-On sait tout cela Derek. Que s’est-il passé devant la maison de Dempsey ?



-Il est allé chercher ses clés… il est, enfin était, vraiment prudent ce type. Et c’est là que je l’ai vu. Le junkie. Il m’a fait des signes, agitant les bras et sautillant comme s’il avait des charbons ardents dans ses baskets. J’ai voulu le rejoindre puis… plus rien, j’ignore ce qu’il s’est produit ensuite. Je me souviens juste du bruit… et de la chaleur. Ils sont mort n’est-ce pas ?



-Oui, Derek, mais toi mon choux, t’es plus fort que la muerte, tu es invincible ! Y’a qu’à voir tes muscles pour comprendre que Schwarzy n’a qu’à bien se tenir !



-Garcia ?! T’es venue aussi ma puce ?



-Je n’ai pas tes biceps, tes triceps, tes pec… enfin, je ne suis sans doute pas aussi invincible que toi, mais quand il s’agit de venir câliner mon petit sucre d’orge chocolaté, je suis inflexible.



-Elle a réservé le jet pour deux sans me demander mon avis. Et franchement, au vu de la quantité astronomique de bagages, elle aurait pu affréter un 747 !



Si la voix de Garcia est de miel, celle de l’agent Hotchner est tout aussi sérieuse et cassante qu’à l’accoutumée. Pourtant Morgan ne s’y laisse pas prendre. Quand il est question de l’équipe, la solidarité et l’affection prime sur la logistique… et l’affection de Garcia déplacerait des montagnes !



***



 Du sang coule sur ses doigts et des larmes ruissellent sur ses joues. Spencer lâche difficilement le couteau. Ses doigts crispés ne veulent pas quitter le manche de la petite dague. Peut-être devrait-il profiter de la situation et se sauver ? Il serait aisé de se libérer de ses entraves avec cette lame. Peut-être devrait-il tout simplement la planter rageusement, ou avec amour s’il insiste, dans le cœur de ce dément de Leland ?! 



Qu’il en soit ainsi !



 



If everyone cared Nickelback



http://www.youtube.com/watch?v=-IUSZyjiYuY


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