Le Massacre d'Aurillac

Chapitre 1 : La grange

Chapitre final

1086 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/05/2018 21:11

 C’était un beau mois de juillet qui commençait. Quelques irremplaçables membres du serveur Norvège avaient décidé de se rencontrer à Aurillac, à l’occasion de l’Aurillac Festival of the Punk à Chien Street Theatre. Autenthic et Baptoche avaient aménagé la grange de leur ferme pour accueillir les internautes. Ils avaient disposé des tables sur lesquelles un pique-nique attendait son heure. Autenthic avait insisté pour trier les M&M’s par couleur dans des bols et en avait dressé les effectifs afin, disait-il, d’illustrer l’une de ses études mathématiques sur le concept de hasard. Une cuve remplie de lait, trait par leur mère, trônait sur une botte de foin. Une louche et des insectes morts surnageaient dans le liquide, qui n’en était plus vraiment puisqu’il avait commencé à fermenter.

 Les premiers à arriver furent Yvel et Pastèque. Yvel avait oublié ses manières et, avant de dire bonjour, il demanda s’il y avait une prise dans cette grange pour charger sa Nintendo 3DS. Baptoche lui indiqua l’emplacement d’un générateur à pétrole qui alimentait la ferme en électricité. Pastèque roulait une cigarette avec de la barbe de maïs qu’elle avait récoltée sur le chemin.

Arrivèrent ensuite Teefreez et Authentisme qui se tenaient la main. Teefreez annonça en entrant : « Salut je crois je suis amoureux. »

 La tête d’Authentisme fit un mouvement étrange sur l’axe de sa nuque, signalant qu’une connexion neuronale s’était effectuée  quelque part dans son cortex cérébral : « Oui mais et que c’est l’amour donc genre les animaux peuvent pas s’être amoureux. »

Autenthic amorça un argument invoquant l’influence du hasard sur les relations amoureuses, mais il fut interrompu par un coup de feu tiré a à l’extérieur. Tous sortirent de la grange pour en connaître l’origine. Ils virent, à quelques mètres de là, deux jeunes hommes en treillis militaires. Le plus jeune avait un fusil sous le bras, il l’avait trouvé contre un grillage de la ferme et avait entrepris d’en lister toutes les propriétés à l’intention de son camarade. Ce deuxième prit un air pensif et conclut que la haute dispersion des plombs et la lenteur du deux coups ne conviendraient pas pour une chasse aux nègres. Autenthic, s’étant approché d’eux, s’exclama : « Oh putin s’est Luntik est Calinou ! :enfer : »

Tous se regroupèrent autour d’eux et l’incident fut vite oublié. Ce qui les tourmentait maintenant était l’absence de Pharmacy. Ils décidèrent cependant de commencer les festivités, assurés que leur vénérable administrateur ne tarderait plus à arriver.  Malgré l’ambiance champêtre du goûter, un certain malaise pesait sur le petit groupe. On entendait par moment un timide « issou » destiné à détendre l’atmosphère, mais le reste de la fête se passa dans le silence.

 Soudainement, un cri perçant se fit entendre d’une manière encore plus foudroyante que le coup de fusil de Luntik : « MORT !!! »

Les comparses sursautèrent, Baptoche fit tomber son verre de lait sur la Nintendo d’Yvel, ce qui provoqua un court-circuit et plongea la grange dans une pénombre quasi-totale ; seule l’entrée de la grange leur offrait une source de lumière. Ils entendirent un cri plus long, suivi de plusieurs plaintes qui semblaient se rapprocher : « Putain de mort ! CREVER !!! »

Deux silhouettes se dessinèrent alors à travers la lumière du porche. Luntik, qui avait commencé ses études d’ingénierie militaire, parvint à réenclencher le générateur à pétrole. L’unique ampoule de la grange s’alluma progressivement et ils reconnurent bientôt leur administrateur Pharmacy. Sur son épaule était appuyée l’e-pop Benjam dont la jambe gauche venait d’être amputée au dessus du genou. Pharmacy expliqua que son train pour Aurillac avait été arrêté lorsque Benjam, ayant appris les résultats de ses examens finaux, avait décidé d’en finir avec la vie et s’était jeté sur les rails. La rame n’avait fait que broyer sa jambe. Pharmacy, reconnaissant là l’acte de son ami, avait aidé les employés du train à dégager les restes de la jambe du malheureux avant d’inviter celui-ci à se joindre à lui pour son excursion à Aurillac.

Quand Pharmacy eut fini de raconter son histoire, Authentisme et Autenthic applaudirent, et Benjam s’évanouit. Ils l’allongèrent sur du foin et vérifièrent son pouls. Calinou suggéra que l’on branche deux électrodes au générateur pour les plaquer sur le torse du blessé. Authentisme, quant à elle, essaya de réveiller leur ami en lui versant des louches de lait sur le visage. Pharmacy comprenait que le forumeur ne se réveillerait pas et il proposa au groupe de passer la nuit dans la grange pour surveiller leur invalide. Ils n’iraient au Festival que le lendemain.

 La nuit tombait. Ils firent un grand feu devant la grange. Teefreez avait amené une enceinte et il jouait l’entièreté de la discographie d’Angèle, tandis qu’Authentisme effectuait une danse indonésienne. Les déplacements d’air causés par les mouvements de ses bourrelets contribuaient à attiser les flammes qui s’élevaient vers les étoiles. Calinou et Luntik s’étaient proposés pour ramener à manger et on entendait au loin des coups de fusil dont on se demandait s’ils étaient destinés aux animaux sauvages ou aux gitans qui occupaient les champs voisins. Yvel avait téléchargé un émulateur de Nintendo DS sur son téléphone et il jouait à Pokémon Noir seul, assis contre une meule de foin. Pastèque roulait une cigarette avec des feuilles de sauge sauvage qui poussait sur le domaine. Pharmacy était resté à l’écart du groupe. Il écoutait les élucubrations comateuses de son ami Benjam qui, même inconscient, parlait de mort et de suicide.

 Ailleurs à Aurillac, les foyers s’éteignaient peu à peu. Les maris alcoolisés quittaient les bars pour retrouver  leurs familles. Les vaches regagnaient leurs étables, sauf Freak et Juude qui se préparaient pour le Festival qui aurait lieu le lendemain…

Laisser un commentaire ?