Suite de petits écrits

Chapitre 6 : "Capitaine" - Atelier écriture (3)

524 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/01/2021 17:00

Ecrire à partir d’une image donnée au préalable (pour moi : une vague d’océan)

 

Je n’ai pas choisi de naître. Ce sont mes parents qui ont mis les voiles pour moi un froid après-midi de décembre. Ah ! Mettre les voiles ! C’est assez cocasse pour une Océane…

Je ne leur en veux pas d’avoir fait ce choix pour moi. Ce petit bassin de vie est devenu une piscine. Je barbotais dans un monde de règles et de choix pré-faits. Le bateau Famille était un endroit rassurant, un doux cocon où l’on ne sentait pas les vagues.

Deux ans plus tard, nous avons amarré et embarqué un nouveau matelot. Je n’étais plus la plus jeune. Je n’étais plus la petite protégée des capitaines. Et ma piscine est devenue un lac. Le vent frais m’a alors fait poser une question. Pourquoi le nouveau matelot est considéré comme un courageux garçon alors qu’on m’impose d’être douce et dans la retenue ? Lui comme moi ne nous retrouvions pas dans ces définitions impersonnelles. Il fallait qu’il grimpe sur le mat et qu’il expose sa force sur le pont, tandis que je restais dans ma cabine, à apprendre les bonnes mœurs comme ma capitaine les a apprises auparavant.

Et nous avons imposé aux capitaines du Famille de quitter le lac pour naviguer sur le fleuve. Les vagues et le courant secouait le navire. Parfois la voile se gonflait et accélérait notre avancée, à d’autres moments elle était repliée et nous stagnions quelque peu. La vie à bord fut plus rude. Les deux matelots que nous étions rêvions d’être capitaines à notre tour. L’insurrection vrombissait dans les cales. Pourtant quitter le Famille nous faisait peur. Le bateau semblait bien plus confortable et chaleureux à côté des autres qui naviguaient non loin de nous. De plus, on me refusait à leurs bords parce que j’étais une femme, parce que j’étais jeune, parce que j’étais ambitieuse.

Soudain les capitaines du Famille me crièrent : « Nous sommes à l’embouchure de l’océan ! » Je regardai l’autre matelot qui déjà montait à bord de son propre navire : le Famille 2. Il était le capitaine d’un navire encore plus robuste que le nôtre. Je l’admirais. Enfin… Jusqu’à ce que je voie qu’il flottait sans ne jamais oser la grande aventure.

Mon capitaine, cette femme douce, me posa une main derrière le dos : « Ton paquetage est imposant », me dit-elle. Je regardais à mes pieds. Des valises lourdes de sens : Femme, Homosexuelle, Militante. Puis je levai les yeux vers mon navire. Il était bien moins somptueux que celui de l’autre matelot.

« Je suis Océane, dis-je d’une voix décidée, qui d’autre pour dompter l’océan ? » Et ainsi je fis mon tout premier choix. Si seulement je pouvais faire mon tout dernier sans que d’autres me l’imposent.

 

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