Recueil de divagations

Chapitre 5 : Chop Suey, première partie

448 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/09/2019 21:25

Dans cet exercice, nous avons travaillé à partir du tableau Chop Suey d’Edward Hopper, célèbre pour la sensation de solitude qui s’en dégage, et réalisé en 1929. Je vous invite à taper “chop suey edward hopper” dans votre moteur de recherche préféré pour visualiser la scène.

Nous avons dû nous mettre dans la tête de l’une des deux femmes et rédiger tout un monologue détaillant ses pensées et impressions : pourquoi est-elle là ? que ressent-elle pour celle qui est en face d’elle ?

Certains textes étaient particulièrement intéressants. Je me souviens par exemple d’un récit mettant la femme de dos face au fantôme de sa mère, tandis qu’un autre montrait une commère ennuyer l’une de ses anciennes connaissances. Pour ma part, j’ai préféré inscrire la scène dans l’époque où elle a été peinte.


Ma pauvre sœur... Elle est là, le dos courbé, la tête basse, les mains jointes, et elle vient de m’annoncer qu’elle est enceinte.

Ça ne me surprend pas. Cela fait longtemps que son mari veut un enfant et elle, en épouse dévouée, a fait son travail conjugal. Tout comme moi.

Nous n’avons jamais voulu d’enfants. Quand nous étions adolescentes, nous jouions avec ceux des voisins et tout le monde nous disait que nous ferions de formidables mères de famille. Peut-être est-ce vrai. J’aime mon fils et je tente de l’élever le mieux possible. Mais je ne l’ai pas désiré. Cela fait-il de moi une mauvaise mère ? Peut-être. Je ne sais pas.

Ce que je sais, c’est que j’ai détesté chaque instant de ma grossesse. J’ai haï ce ventre énorme qui me clouait sans pitié dans le fauteuil.

Ce que je sais, c’est que si j’avais pu avorter, je l’aurais fait.

Et ce que je sais aussi, c’est que ma sœur est comme moi. Elle ne veut pas élever d’enfant.

Alors, je l’aiderai à empêcher l’éclosion de sa fleur, peu importe ce qu’il doit nous en coûter. S’il le faut, je l’emmènerai voir une tricoteuse – l’une de ces femmes qui utilise une aiguille pour percer le col de l’utérus et provoquer une fausse couche.

C’est dangereux, mais elle est prête à prendre le risque.

Et c’est mon devoir de grande sœur de la soutenir. Un jour, peut-être les choses changeront-elles. Pour l’heure, nous sommes en 1929 et l’avortement est illégal.


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