Mortem Regis

Shira courrait à vive allure à travers les nombreux arbres que comptait la forêt Aevia, à la poursuite de celui qu'il pensait être Seven. Il courrait si vite qu'il commençait à semer Ewen et Harvay qui étaient à sa suite. La princesse Vopaquine et son serviteur demandaient à Shira de ralentir sa course. Mais ce dernier, trop occupé à vouloir rattraper la mystérieuse personne qu'il suivait, ne les entendait pas.

« Bon sang... grogna Harvay. Il faut vraiment être inconscient pour s'enfoncer encore plus dans cette forêt dangereuse ! »

Ewen ne répliqua pas. Elle était d'accord avec le blond, mais voulait également connaître l'identité de cet homme qui l'avait sauvée précédemment.

Loin devant eux, Shira avait pris beaucoup d'avance. Néanmoins, il avait l'impression d'avoir perdu de vue celui qu'il poursuivait.

« Seven ! cria-t-il alors, toujours en courant. Seven ! »

Mais tout à coup, alors qu'il s'apprêtait à passer à côté d'un arbre au tronc énorme, une main l'attrapa par le bras, et le tira vers ce dernier, le forçant à se cacher derrière le végétal. L'adolescent faillit crier de surprise sur le coup, mais quelqu'un s'était placé derrière lui, et avait plaqué sa main contre la bouche du Xenois pour le faire taire.

« Shhh... » fit la mystérieuse personne, tandis que Shira n'osait plus bouger ou crier. Le prince à la peau hâlée ne pouvait que regarder ce qui se passait. Ewen et Harvay étaient arrivés non loin du tronc derrière lequel on l'avait caché, mais s'étaient arrêtés.

« Mince ! se plaignit la fille aux cheveux bleus qui regardait partout autour d'elle. Où sont-ils partis ?

– On ferait mieux de rebrousser chemin, lui conseilla Harvay.

– Mais je voulais savoir qui était cette personne qui nous a aidés ! Et puis, le garçon que nous avons sauvé était blessé ! Est-ce prudent de le laisser partir seul comme ça ?

– Certes, ce n'est pas prudent. Mais partir à sa poursuite à l'aveuglette dans une forêt pareille, c'est du suicide. N'oublie pas pourquoi nous sommes venus dans ce royaume, Ewena. Nous devons nous rendre auprès du roi Aeren au plus vite. »

A l'entente du nom Ewena, Shira écarquilla ses yeux de stupéfaction. Ewena, comme la princesse héritière du royaume de Vopaqua ? C'était donc elle qui l'avait sauvé de la bande de chasseurs Vegarions ? Le jeune homme voulut se montrer à elle, mais la personne qui le retenait derrière l'arbre lui fit signe de se taire et de ne pas bouger.

« Tu as raison... finit par répondre la princesse, qui s'était résignée à laisser tomber. J'espère juste que ça ira pour ce jeune garçon.

– Nous ne pouvons que prier les dieux pour lui, affirma Harvay. Allez viens. Retournons auprès de nos chevaux, et remettons nous en route vers Rhéa. »

C'est en soupirant légèrement qu'Ewen fit demi-tour avec son serviteur afin de revenir sur leurs pas jusqu'au lieu où ils avaient combattu les chasseurs. Lorsque ce duo fut suffisamment éloigné, la personne qui retenait Shira plaqua brusquement ce dernier contre le tronc de l'arbre en le tenant par le col de son vêtement, et le regarda avec des yeux furieux. La capuche de cet individu avait été ôtée, et le garçon constata qu'il avait eu raison: la personne qui avait sauvé Ewena n'était autre que Seven. Shira aurait souri devant ces retrouvailles en temps normal. Mais en voyant la tête énervée qu'affichait l'homme aux longs cheveux d'ébènes, le prince de Xen eut un air un peu effrayé.

« Qu'est-ce que tu foutais dans cette forêt tout seul ?! demanda vivement le plus âgé. T'as envie de te faire tuer, ou quoi ?!

– Je... hésita Shira avec un sourire un peu niais qui trahissait un certain embarras. C'est une question que je pourrais te retourner, tu sais ?

– Je ne suis pas d'humeur à plaisanter, votre Altesse impériale de Xen ! »

Seven avait bien appuyé sur ces derniers mots sans lâcher son homologue masculin des yeux. Le plus jeune affichait un air choqué. Il ne se souvenait pas d'avoir révéler qui il était en réalité à qui que ce soit depuis qu'il avait quitté sa nation il y a plusieurs semaines maintenant. Comment Seven avait-il deviné ?

« Bref, fit l'assassin qui avait lâché sa prise, et qui avait croisé ses bras en détournant son regard du plus jeune. Tu aurais pu te rendre directement à Xen depuis Grendia. Cette route était clairement plus sûre pour quelqu'un comme toi. Pourquoi être passé par Vegario, alors que ses forêts habitent des clans et des tribus qui sont pour la plupart dangereux ?

– J'étais au village de Moa, répondit Shira en réajustant le col de son habit. Faire un détour vers le sud de Grendia pour atteindre la frontière Xenoise m'aurait pris plus de temps. Voulant me rendre à Xenati au plus vite, j'ai tenté de prendre un raccourci en passant par ici. »

Devant une telle justification, Seven afficha un air blasé en regardant le plus jeune de nouveau. Ce petit prince était naïf. Intrépide, certes, mais vraiment naïf en plus d'être casse-pieds. A cause de lui, l'assassin qui suivait furtivement Ewen jusque là était obligé d'interrompre temporairement sa mission, afin de mettre Shira en sécurité.

« Je me demande vraiment pourquoi je me soucis autant de ce nabot... » se dit-il. Mais il vit Shira tenir brusquement son épaule ensanglanté tout en faisant une grimace.

« Je n'aurais jamais cru que les tribus Vegarionnes pouvaient se montrer aussi agressives envers de simples voyageurs... » parla le Xenois, alors qu'il rigolait nerveusement. Il se disait qu'il était chanceux sur ce coup. Si personne n'était venu l'aider lorsqu'il affrontait la bande de chasseurs, Shira savait qu'il ne serait probablement plus de ce monde. Seven, lui, soupira profondément, avant d'attraper le plus jeune par le poignet sans lui demander son avis, et d'avancer rapidement à travers les bois en le traînant derrière lui.

« H-Hey, doucement ! » fit le prince qui était surpris par une telle attitude de la part de celui qu'il avait autrefois sauvé à Redfir. Mais l'assassin en vert ne l'écouta pas, et continua de marcher vivement en le tirant derrière lui, une moue agacée aux lèvres. Au passage, il ramassa une fleur aux pétales bleu roi, ainsi qu'une sorte de noix faisant la taille d'un poing fermé quelques instants plus tard. Puis, il s'arrêta de marcher et scruta les environs, s'assurant qu'il n'y avait personne dans les parages, sous le regard interloqué du prince de Xen qui n'avait pas dit un mot depuis.

« Ici, ça devrait le faire... » murmura Seven, alors qu'il jeta Shira au sol, près d'un arbre. Le pauvre garçon, qui ne s'y attendait pas, gémit de douleur en tombant par terre:

« Argh ! Mais c'est quoi ton problème, au juste ? Ce n'est pas nécessaire de me brutaliser ainsi, tu sais ?!

– Contentez-vous de vous assoir convenablement, Altesse. » répliqua Seven avec une certaine ironie dans la voix, tandis qu'il s'était assis au sol en face du plus jeune, et qu'il commençait à arracher un à un les pétales de la fleur bleue qu'il avait cueillie. Sentant clairement une certaine moquerie dans une telle réplique, Shira fit la moue à son tour tout en s'asseyant, adossé contre le tronc de l'arbre. Il regarda ensuite le plus âgé déchirer les pétales, et les broyer dans sa main. Le Xenois aurait bien voulu lui demander ce qu'il fabriquait, mais il était un peu trop remonté par l'attitude de l'homme à la chevelure noire pour le faire. Niveau retrouvailles avec lui, il s'était attendu à tout, sauf à cela.

« Si tu te poses la question, parla Seven en sachant pertinemment que Shira était curieux à ce sujet, il s'agit d'une orchidée Lazuli. Cette plante est assez répandue à Vegario. Elle possède des propriétés curatives. »

Alors qu'il lui avait donné cette explication, il s'était rapproché de Shira. Ensuite, prenant du bout du doigt la mixture qu'il avait obtenue en broyant les pétales de cette fleur, il appliqua celle-ci sur la blessure du prince. Ce dernier grimaça au moment du contact qui était assez douloureux, mais finalement, au fur et à mesure que l'assassin appliquait cette pommade improvisée, la douleur s'apaisait. Puis, le plus grand des deux sortit des bandes de tissus de sa besace accrochée à sa ceinture, et recouvrit l'épaule du Xenois avec. En constatant que l'homme vêtu de vert prenait finalement le temps de le soigner, Shira ravala sa rancune, et s'adressa à lui:

« Tu m'as l'air de t'y connaitre, dans ce domaine.

– Comme n'importe quel Vegarion de Kaärann, je suppose, affirma Seven en croisant les bras.

– Tu es donc originaire de cette nation ?

– Ce pays m'a vu naître et grandir, mais au risque de t'étonner, je ne suis pas un Vegarion pure souche. »

Voilà un fait qui étonna Shira au plus haut point. Les Vegarions étaient connus pour leurs longs cheveux noirs, et leurs yeux de la même couleur. Deux traits que Seven possédait. Ils étaient également connu pour avoir des pouvoirs et des compétences dans le domaine du soin et de la guérison. Ce qui pouvait expliquer les connaissances de Seven concernant les bienfaits des végétaux environnants, même s'il ne semblait pas posséder de pouvoirs magiques en particulier. Et malgré cela, l'assassin affirmait qu'il n'était pas complètement originaire de Vegario. Mais alors qu'il s'apprêtait à demander plus de précisions au sujet de ses origines, le plus âgé venait de percer un trou sur le dessus de la noix avec l'une de ses dagues, avant de tendre l'étrange fruit à Shira:

« Bois ça.

– Hein ? »

Voyant le jeune prince aussi hésitant, l'assassin soupira, avant de le regarder d'un air blasé.

« Le liquide contenu dans les noix siroko aide à la cicatrisation des blessures. » expliqua-t-il, en espérant que cela suffisait pour convaincre Shira de le boire. Et visiblement, cela avait l'air d'être le cas. Le prince de Xen but tout le contenu de la noix d'une traite. Mais il grimaça une nouvelle fois: le goût très amer de cette substance assez visqueuse était horrible, lui donnant presque l'envie de vomir.

« C'est vraiment dégoûtant... se plaignit le prince en posant la noix à côté de lui.

– Les remèdes les plus dégueulasses sont souvent les plus efficaces. » rétorqua Seven en levant les yeux au ciel, un peu exaspéré par la situation. Qu'allait-il faire maintenant ? Il savait qu'Ewen se rendait à Rhéa. Donc il pouvait se rendre directement là-bas sans spécialement la suivre de près. Mais qu'allait-il faire de Shira ? L'abandonner ainsi au milieu de cette forêt, c'était comme le condamner à mourir, car le jeune prince n'y survivrait pas bien longtemps. Il ne pouvait pas non plus se rendre à Rhéa en sa compagnie. Il risquerait d'attirer des soupçons sur lui, voire même de se faire démasquer en optant pour cette option. Il se souvient alors que Shira disait vouloir se rendre à Xenati. Autrement dit, la capitale de l'empire de Xen, là où se trouvait le palais impérial. L'assassin pouvait toujours l'escorter sain et sauf jusque là-bas. Mais cela reviendrait à mettre de côté sa mission, et ce n'était pas un privilège qu'il pouvait se permettre. Encore moins depuis sa dernière confrontation avec le boss du Mortem Regis.

« Dis Seven, l'appela alors Shira. Qu'est-ce que tu es venu faire ici ? Tu vis dans le coin ? »

L'assassin riva de nouveau ses yeux vers le plus jeune, en affichant un air un peu froid. Ce garçon était trop curieux à son sujet. En d'autres circonstances, il lui aurait répondu. Mais il ne pouvait pas se permettre d'en dévoiler trop à son sujet.

« Ta curiosité te perdra un jour, nabot. Tu ferais mieux d'arrêter de me poser des questions de ce genre.

– Étant donné que tu sais qui je suis, et d'où je viens, répliqua le prince en croisant les bras, j'aurais trouvé logique que j'en sache autant sur toi. »

Face à une telle réplique, Seven afficha un sourire légèrement narquois:

« Si je n'avais pas su pour ton statut de prince, est-ce que tu me l'aurais révélé un jour ? »

Shira ne répondit rien, et regarda ailleurs en se grattant nerveusement le bras, un peu gêné. Il était vrai qu'il ne lui aurait probablement rien dit au sujet du sang impérial qui coulait dans ses veines. Du moins, pas aussi rapidement. Il comprit donc pourquoi Seven n'était pas très enclin à répondre à ses interrogations. Toutefois, le Xenois était vraiment intrigué par le plus âgé. Il aurait vraiment voulu en savoir plus sur lui. Le sourire de l'assassin s'était agrandi devant le silence du plus jeune.

« Au moins, tu es un peu moins idiot que ce que l'on pourrait croire. » affirma-t-il alors qu'il s'était relevé, en positionnant les mains sur ses hanches, et en scrutant de nouveau les parages du regard.

« Je ne sais pas comment je dois le prendre... répondit Shira, légèrement vexé.

– Prends-le comme tu veux, nabot. En attendant, lève-toi. On a du chemin.

– On ? » s'étonna Shira, qui s'était remis debout à son tour. Seven tourna sa tête vers lui pour le regarder:

« Tu disais vouloir te rendre à Xenati, non ? C'est pas vraiment la porte à côté, même si ce n'est pas excessivement loin. Mieux vaut qu'on se bouge. Plus vite on quittera cette forêt, mieux ça vaudra.

– Tu... Tu veux m'accompagner jusque là-bas ? demanda Shira d'un air totalement surpris.

– Ça te pose un problème ?

– Je ne pensais pas que tu prendrais un telle décision. Tu n'avais pas quelque chose à faire, par ici ?

– En tant normal, je t'aurais laissé te débrouiller pour continuer ce que j'avais à faire, confia l'assassin. Mais soyons honnêtes: Vu comment tu t'es débrouillé face aux chasseurs tout à l'heure, tu ne tiendrais pas longtemps seul dans ces bois. Et je n'ai pas spécialement envie d'avoir ta mort sur la conscience. »

Shira était étonné par l'attitude du plus grand à son égard. Il n'aurait jamais cru que celui-ci se dévouerait pour l'emmener jusqu'à sa destination sain et sauf. Était-ce la même personne froide et peu aimable qu'il avait connue le premier jour de leur rencontre ? Ou avait-il changé entre-temps ? La prince Xenois afficha un tendre sourire rempli de gratitude:

« C'est vraiment généreux de ta part, Seven. Merci.

– Ça n'a rien de généreux, contredit l'autre en regardant tout à coup ailleurs. Si j'ai décidé de te raccompagner jusqu'à chez toi, c'est seulement parce que j'ai une dette envers toi, et que là est l'occasion de te la rembourser. C'est tout. »

La réaction de cet homme était amusante à voir, selon Shira. Il avait cru voir un soupçon d'embarras dans les yeux de Seven lorsqu'il l'avait remercié pour sa proposition. Il se demandait même si le plus âgé ne rougissait pas légèrement suite à ce remerciement. En pensant à ce cas de figure, le Xenois manqua d'éclater de rire, mais il se retint alors que ses yeux s'étaient posés sur le poignet de l'assassin. Celui où se trouvait accroché le bracelet porte-bonheur qu'il lui avait offert quelques jours auparavant. Voir que Seven avait gardé ce bijou faisait plaisir au prince, qui afficha à présent un très grand sourire.

« Dans ce cas, je te suis ! » répondit-t-il, alors que l'homme aux longs cheveux noirs le regardait d'un air étonné. Pourquoi ce nabot souriait-il comme ça, maintenant ? Il préféra se dire que Shira était content et soulagé de ne pas devoir faire un tel voyage tout seul. Finalement, les deux jeunes hommes se mirent en route vers le sud, en direction de la nation des sables qui était à présent leur destination.

Au Mortem Regis, plusieurs heures s'étaient écoulées. Entre-temps, Four avait demandé à voir le boss, et tous deux s'étaient réunis dans le bureau de ce dernier. Après plusieurs minutes de discussion entre les deux, le chef de l'organisation croisa ses bras et ses jambes, assis sur son siège.

« A Xenati, hein ? parla-t-il alors qu'il souriait derrière son masque. Je n'aurais jamais cru que ce cher Seven prioriserait l'escorte d'un prince insignifiant, plutôt que sa mission.

– Seven a parlé d'un remboursement de dette envers le prince Ashira, expliqua Four. Étant donné que celui-ci lui a sauvé la vie une fois, Seven a voulu lui rendre service en retour. »

Le boss ne put s'empêcher de rigoler devant un tel récit:

« Seven n'en a rien à faire, des remboursement de dette de ce genre. Le Seven que le Mortem Regis a formé se serait contenté d'accomplir la mission qu'on lui a confiée. Mais il faut croire que je me suis trompé. Ou alors... »

Lentement, il se leva de son bureau, et se mit à marcher à pas lents à travers la salle, tout en gardant les bras croisés.

« Boss ? l'appela Four, qui se demandait ce que son supérieur avait en tête.

– Ce prince Xenois est plus embêtant que ce que je pensais. J'ai l'impression que Seven se ramollit de plus en plus à cause de lui. Les laisser passer plus de temps ensemble pourrait définitivement influencer son comportement dans le mauvais sens. Et c'est quelque chose que je ne peux pas permettre.

– Que suggérez-vous ? »

En guise de réponse, le boss se rapprocha de l'argenté, et se positionna juste devant lui.

« Ashira doit mourir. Et le plus tôt sera le mieux. De plus, le fait que le prince Xenois meurt pourrait arranger mes affaires. Cela renforcerait définitivement le conflit qui règne entre Xen et Vegario.

– Je ne sais pas si tuer ce garçon est une bonne idée, à vrai dire. »

Cette réplique de Four surprit grandement le boss. Lui qui était habitué à ce que cet homme tout vêtu de blanc soit souvent d'accord avec ses plans, voilà qu'aujourd'hui il venait de contre-dire ce fait.

« Et pourquoi ce ne serait pas une bonne idée selon toi, Four ?

– J'ai eu vent d'informations intéressantes le concernant. En traversant la nation de Grendia, le prince Ashira a dû, à plusieurs reprises, faire face à de nombreux brigands. Et pour s'en débarrasser, il utilisait une paire de bracelets magiques lui permettant de manipuler du feu à sa guise. »

Le boss demeura silencieux suite à cette révélation. Voilà une chose à laquelle il ne s'attendait absolument pas.

« Ainsi, cet enfant serait un élu béni par les dieux de Kaärann... » murmura-t-il, avant d'éclater de rire, sous l'air de plus en plus étonné de Four qui ne comprenait pas.

« Quel ironie ! Cet avorton que je pensais être une gêne dans mes plans se révèle finalement être un cadeau tombé du ciel !

– Boss, je ne comprends pas...

– Oooh, ne t'en fais pas mon cher et tendre Four ! Tu comprendras bien assez vite ! Va me chercher Nineteen et Sixty-Nine. J'ai une nouvelle mission pour elles.

– ... Entendu. » répondit Four, alors qu'il quitta les appartements du boss, un peu confus.

Au même moment, Nineteen était allongée sur le lit dans sa chambre. Elle observait le plafond d'un air maussade, et ne disait rien. Sixty-Nine était également présente, assise sur une chaise et accoudée sur la table se trouvant devant elle. Elle non plus ne disait rien. C'était un lourd silence qui régnait entre ces deux jeunes filles.

« Qu'est-ce que le boss cherche à faire, exactement ? murmura alors la blonde, tirant la rousse de ses pensées.

– Je pense qu'on le saura en temps voulu, affirma Sixty-Nine en souriant légèrement. Pour l'instant, on doit lui faire confiance, et accomplir les tâches qu'il nous donne. »

La plus grande prit une profonde inspiration, avant d'expirer. Elle pensait faire partir toute l'inquiétude qu'elle avait actuellement en elle. Mais cela ne marchait pas.

« Et si Seven avait raison de douter, et de se montrer aussi méfiant vis à vis des projets de notre chef ? demanda-t-elle ensuite.

– Seven... Seven... Toujours Seven... répéta Sixty-Nine d'un air las. Pour moi, Seven est une cause perdue depuis qu'il a montré son hésitation à tuer la princesse de Vopaqua. S'il doute du boss, tant pis pour lui. Il est le seul architecte de ses problèmes. Si on doit prendre exemple sur quelqu'un, ce n'est pas sur lui. »

Devant une telle parole de la part de son amie qui n'avait pourtant pas l'habitude d'être aussi médisante envers quelqu'un, Nineteen tourna sa tête et la regarda avec un léger sourire:

« Tu dis ça parce que tu n'as jamais apprécié Seven.

– Je dis ça surtout parce que tu t'inquiètes trop pour lui, alors qu'il ne le mérite pas. Depuis qu'on le connait, Seven n'a toujours pensé qu'à lui. Pourquoi se faire autant de sang d'encre pour un homme comme lui ? »

Nineteen ne répondit pas. Peut-être que Sixty-Nine avait raison ? Peut-être qu'elle avait tort ? La blonde ne savait pas trop quoi penser. Depuis qu'elle avait tué le prince Aelan de ses propres mains, elle semblait un peu perdue. Était-ce parce que c'était la première fois qu'elle assassinait quelqu'un de sang royal ? Était-ce parce que le prince en question ressemblait beaucoup à Seven, physiquement parlant ? Sans doute les deux à la fois. La jeune femme se redressa sur le lit pour se retrouver assise, et s'apprêtait à poser une question à l'adolescente. Mais à ce moment précis, on frappa à sa porte.

« Nineteen, tu es là ? retentit la voix de Four derrière celle-ci.

– Four ? s'étonna Sixty-Nine, qui ne s'attendait pas à une telle visite.

– Entre. » lui ordonna Nineteen. La poignée de la porte se tourna, et la porte s'ouvrit, laissant apparaître le quatrième assassin le plus fort du Mortem Regis. Celui-ci s'avança de quelques pas à l'intérieur de la chambre, et remarqua que Sixty-Nine était également présente en ce lieu.

« Cela tombe bien que vous soyez ici toutes les deux, parla Four. Le boss souhaite vous voir immédiatement. »

Les deux jeunes filles s'échangèrent alors un regard, stupéfaites. Qu'est-ce que le boss allait leur demander d'accomplir, maintenant ?