Mortem Regis

Chapitre 17 : Entre mensonges et vérités

5118 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/02/2021 17:12

Une dizaine d'années avant la venue de tous ces événements tragiques à Kaärann, un petit garçon aux cheveux mi-longs noirs et aux yeux de la même couleur était assis dans le coin d'une ruelle de la ville de Minera, au nord-est de Vopaqua. Le regard perdu dans le vide alors qu'aucun passant ne lui accordait la moindre attention, il serrait dans ses bras une petite peluche abîmée qui ressemblait à un koala. L'état de cet enfant était tout simplement misérable: Il portait un vieux pantalon beige couvert de terre et déchiré à certains endroits, ainsi qu'une petite tunique de la même couleur, et tout aussi détériorée. Les cernes qu'on pouvait voir sous ses yeux montraient qu'il était fatigué et très faible, et les quelques bandages qui enveloppaient ses bras prouvaient que ce jeune garçon avait probablement souffert physiquement.


Ewen, tout juste âgée de huit ans à ce moment là, était la seule à s'être arrêtée au milieu de cette ruelle pour observer ce petit garçon. Il était légèrement plus petit qu'elle à vue d'oeil, mais ne semblait pas plus jeune pour autant. La jeune princesse avait accompagné son père qui s'était rendu dans cette ville pour des affaires royaux, et elle avait eu la permission d'aller se promener à travers ce lieu. Préférant qu'on ne le reconnaisse pas à ce moment là, la jeune fille avait revêtu une robe de villageoise blanche et bleu ciel, et d'un petit chapeau de paille posé sur sa longue chevelure bleue foncée tressée en une longue natte qui tombait derrière son dos.


Intriguée, mais surtout inquiète vis à vis du petit garçon en piteux état, la petite princesse s'était approchée doucement de lui. Puis, arrivée près de lui, elle s'était accroupie pour lui parler:


« Tu es tout seul ? »


Le garçon avait sursauté en voyant cette personne, et avait presque eu un mouvement de recul. Il avait également resserré son étreinte sur la peluche qu'il tenait, la peur pouvant facilement se lire sur son visage.


« Ne t'inquiète pas, je ne te ferai aucun mal. » avait assuré la bleue avec un léger sourire, en voyant la panique chez l'autre. Celui-ci n'avait rien dit, et avait détourné son regard d'elle, l'air à la fois désemparé et honteux.


« Tu ne m'as pas l'air d'être quelqu'un d'ici. Tu t'es perdu ? Où sont tes parents ? »


Le petit garçon s'entêtait de ne pas regarder la fille en face de lui. Toutefois, d'une petite voix, il lui avait répondu.


« Morts...

– Pardon ? fit Ewen, qui n'était pas sûre de comprendre.

– Il sont morts... » répéta alors le garçon, alors que des larmes avaient l'air de perler ses yeux. Il s'était empressé de les essuyer d'un revers de la main, tandis qu'Ewen l'avait regardé d'un air attristé. Ce garçon était orphelin, sans défense, et probablement sans refuge. Étant donné son état déplorable, la petite bleue savait qu'il n'allait pas survivre bien longtemps si on le laissait ainsi seul. Après s'être redressée pour se retrouver debout, la princesse avait tendu sa main vers le garçon avec un sourire bienveillant.


« Je pense qu'une bonne douche ne te fera pas de mal. Des vêtements neufs seraient les bienvenus aussi. Je connais une couturière que fait de chouettes vêtements pour les enfants ! »


Le plus petit avait observé la plus grande avec étonnement, la bouche entrouverte de stupéfaction. C'était bien la première fois depuis longtemps que quelqu'un lui adressait la parole, et lui proposait de l'aide. Néanmoins, il ignorait si les intentions d'Ewen étaient bonnes ou non. Voyant qu'il ne bougeait pas, le sourire de la jeune fille s'était agrandi:


« Je sais que tu as peur, mais je t'assure que tu n'as rien à craindre de moi. Je m'appelle Ewen. Et toi ? Comment t'appelles-tu ? »


Bien que méfiant au début, le garçon avait tout de même senti de la sincérité dans le geste et les paroles de la dénommée Ewen. Elle avait l'air d'être gentille, et semblait vraiment vouloir l'aider. Tout en saisissant timidement la main qui lui était tendue, l'enfant avait adressé un petit sourire à la princesse:


« Lao. Je m'appelle Lao. »



Ce souvenir de sa rencontre avec Lao avait brusquement envahi les pensées d'Ewen, alors que celle-ci se trouvait dans la salle du trône Vegarion, en compagnie de son père et d'Harvay. En face d'eux, le souverain de la nation des forêts était assis sur son siège royal, et sa femme et sa fille se tenaient debout à ses côtés. Alors que la princesse Vopaquine était encore perdue dans ses songes, une phrase venant d'Othéo raisonna à son oreille.


« Le prince Ashira de Xen a disparu ?! »


Écarquillant les yeux de stupeur en entendant cela, la bleue tourna sa tête vers son père.


« Quoi ? murmura-t-elle, espérant qu'on lui réponde qu'elle avait mal entendu.

– Après Redfir et Vegario, répondit le roi Aeren d'un air dépité, il semblerait que ce soit au tour de Xen d'être victime de ces désastres. Plusieurs explosions ont touché Xenati de plein fouet cette nuit, et le plus jeune fils d'Edeus a disparu peu après.

– Est-ce que des victimes sont à déplorer ? Est-ce que le prince Ashira est... ? » demanda le roi aux cheveux azurs, qui n'avait même pas osé terminer sa phrase. Il se demandait si ce jeune prince était décédé, tout comme Moreh et Aelan avant lui. Mais la reine Alfrid lui répondit:


« Fort heureusement, il n'y a pas eu de victimes suite aux explosions. En ce qui concerne Ashira, nous ne savons pas s'il est toujours en vie ou non. D'après les informations qui circulent, il aurait juste... disparu. Les soldats Xenois ont fouillé leur palais impérial et la cité de Xenati toute entière, mais ce jeune garçon demeure introuvable.

– Cette information au sujet de sa disparition, intervint Othéo. Qui vous l'a transmise ?

– Le président Edgar, répondit alors Aeren en le regardant. Il a lui-même reçu un message de la part de l'empereur Edeus durant cette nuit, et l'a transmise à tous les souverains de Kaärann. »


Le roi de Vopaqua ne répondit pas. Il ne savait pas quoi penser de cette affaire. En vérité, depuis qu'on avait attenté aux jours de sa fille une seconde fois, il n'était plus capable de réfléchir correctement. De leurs côtés, Ewen et Harvay ne revenaient pas de la disparition du second prince de Xen. Tous deux s'échangèrent un regard, en se demandant si les gens qui avaient enlevé le second prince de Xen étaient de mèche avec l'homme qui avait tenté de tuer Ewen.


« Majesté Aeren, l'interpella Othéo en croisant les bras, et le regard détourné de son interlocuteur. Pardonnez ma question qui va vous paraître brusque, mais... Craignez-vous que l'empereur Edeus vous soupçonne d'avoir enlevé son fils, tout comme vous le soupçonnez d'avoir commandité l'assassinat du vôtre ? »


Le roi Vegarion, ainsi que sa femme et sa fille furent surpris et choqués par une telle question. Il en était de même pour Ewen et Harvay, qui s'étaient tournés vers le roi aux cheveux azurs.


« Papa... » murmura la princesse de Vopaqua, mais son père lui fit signe de se taire, voulant d'abord entendre la réponse de son hôte. Ce dernier serra discrètement son poings, tout en restant silencieux quelques instants. Puis, il observa son épouse et sa fille à tour de rôle, avant de finalement se lever de son trône, et de s'adresser à ses invités:


« Vegario et Xen sont en conflit depuis très longtemps. Et jusqu'à maintenant, l'empereur Edeus et moi-même ne sommes guère en bons termes. Il est vrai que mes premiers soupçons concernant l'assassin d'Aelan ce sont portés sur cet homme. Il est donc plus que probable qu'Edeus m'accuse d'avoir fait enlevé le prince Ashira. Ceci étant dit... »


Il croisa ses bras, le regard perdu à un point quelconque de la salle, et poursuivit:


« Continuer de nous accuser mutuellement de tels crimes ne nous aidera pas à retrouver les véritables responsables de toutes ces tragédies qui frappent Kaäraan. Et je pense qu'Edeus est suffisamment intelligent pour avoir compris ce fait. C'est pourquoi je lui ai adressé une lettre, pour que nous puissions mettre nos différends de côté, et nous allier contre un ennemi commun.

– Vegario... va donc former une alliance avec Xen ? demanda Ewen, qui avait du mal à le croire.

– Il s'agira d'une alliance temporaire, répondit le roi Vegario.

– Père, résonna alors la voix de la princesse Aeris qui s'était levé. Rien ne nous prouve que l'empereur de Xen n'a rien à voir avec le meurtre d'Aelan ! Et puis est-ce vraiment raisonnable de former une alliance avec la nation des sables, alors qu'ils nous ont pris l'île de Xen-Den ? »


Il était étonnant de voir Aeris réagir ainsi avec son père. D'ordinaire calme, douce et discrète, en cet instant, elle semblait légèrement irritée, et en total désaccord avec Aeren.


« Je comprends ton désarroi, Aeris. Mais Aelan n'est pas la seule victime dans cette histoire. N'oublions pas le roi Moreh, le prince Ashira, et la princesse Ewena ici présente qui s'est faite agressée pour la deuxième fois cette nuit en ces lieux. Toutes les nations de Kaärann, et en particulier les familles dirigeantes, semblent être visées par ceux qui s'en sont pris à toutes ces personnes. »


Harvay fronça les sourcils en cet instant précis. Le roi de Vegarion n'avait pas tout à fait raison: Toutes les familles dirigeantes de Kaärann n'étaient pas encore touchées par ces attaques. L'empire de Norte et la république de Grendia étaient pour l'instant épargnés. Othéo s'était également fait la même réflexion, et était même allé plus loin en se disant que quelque chose n'allait pas dans le discours d'Aeren concernant sa future alliance avec Edeus.


« Quand bien même... répliqua Aeris en serrant ses poings de frustration. Nous allier avec ces voleurs de Xenois...

– Aeris, cela suffit. » l'arrêta Alfrid, qui trouvait qu'elle allait trop loin. Le jeune princesse aux longs cheveux noirs de jais se tût donc, et se contenta de se rassoir sur son siège. Toutefois, son désaccord concernant l'alliance Vegario-Xenoise, ainsi que son antagonisme pour le peuple de Xen n'avait pas passé inaperçu aux yeux d'Ewen, de Harvay ou d'Othéo.


« Parfois, il faut savoir mettre sa rancoeur de côté pour aller de l'avant, parla Aeren en regardant sa fille. Faire perdurer un conflit générationnel à cause d'un territoire ne nous aidera pas à retrouver et à punir le véritable assassin d'Aelan.

– Et si l'empereur Edeus est le véritable assassin ? questionna toutefois la jeune fille en détournant le regarde de son géniteur.

– Alors, il sera puni comme tout criminel qui se doit de l'être. »


Face à une telle réponse, Aeris ne parla plus, résignée à accepter les décisions de son père. La reine Alfrid avait choisi de ne pas intervenir plus qu'elle ne l'avait fait. Elle ne s'attendait pas à ce que sa fille réagisse ainsi, mais elle ne pensait pas non plus que son époux avait prévu de forger une alliance avec Xen. Elle était mitigée au sujet d'une telle décision, mais préféra tout de même faire confiance à son mari et roi.


« Quoi qu'il en soit, intervint Othéo, toute aide est la bienvenue, peu importe d'où elle vient. Si la solidarité entre les nations peuvent nous aider à arrêter ceux qui sème le chaos sur notre continent, alors une telle alliance est une bonne chose à mes yeux. Je souhaite toutefois qu'Edeus soit du même avis que vous. »


Aeren afficha un léger sourire, mais ne répondit rien. Quelques temps après, Othéo annonça son départ de Rhéa avec sa fille et son serviteur. Ewen voulait révéler ce qu'elle avait trouvé au sujet des tueurs qui sévissaient contre les familles dirigeantes et autres nobles, mais son père lui avait finalement ordonné de ne rien dire pour le moment. Le roi de Vegario ordonna alors à quelques garde d'escorter ses invités jusqu'aux portes de la capitale. Après avoir salué la famille royale Vegarionne, le souverain Vopaquin, accompagné d'Ewen et Harvay quittèrent le palais, puis la ville de Rhéa, chacun chevauchant un cheval.



Le mauvais temps de la veille avait laissé place à un soleil radieux brillant au milieu d'un ciel partiellement nuageux en ce jour. Marchant parmi les arbres de la forêt Aevia en direction de Grendia, Ewen parla à son père:


« Si on m'avait dit un jour que le roi de Vegario désirerait former une alliance avec l'empereur de Xen, jamais je ne l'aurais cru.

– Et tu aurais eu raison, affirma son géniteur, l'air grave. Parce que cette alliance n'existera jamais.

– Comment ça ? fit la princesse aux cheveux bleus, qui ne comprenaient pas.

– Aeren nous ment, expliqua Othéo. Je pense qu'il nous a raconté tout cela uniquement dans le but de se faire bien voir auprès de nous. La seule vérité que j'ai entendue dans cette salle du trône est sorti de la bouche de la princesse Aeris.

– Je suis de votre avis, votre Majesté, enrichit Harvay, à l'étonnement de la princesse. Je trouve également que quelque chose cloche dans les paroles de ce roi. Vergarions et Xenois se détestent depuis que Xen s'est emparée de l'île de Xen-Den, et Vegario n'a pas abandonné son envie de reprendre ce territoire aux Xenois. Si le roi Aeren propose réellement une alliance avec l'empereur Edeus, ce ne sera pour rien d'autre que de le piéger, et de mettre la main sur Xen-Den.

– Mais... le prince Aelan s'est fait tué récemment ! rappela Ewen.

– Ce qui donne une motivation supplémentaire à Aeren d'agir comme vient de le décrire Harvay, expliqua son père. Malgré toutes ses belles paroles, il est persuadé qu'Edeus est de près ou de loin lié au meurtre de son fils, et cherchera sans doute à le venger par tous les moyens. Si ça se trouve, l'enlèvement du prince Ashira doit bien l'arranger. »


Ewen ne répondit pas. Ce serait vraiment stupide de la part du souverain de la nation des forêts d'agir de la sorte, après tout ce qui s'est passé. Mais Othéo n'avait pas l'air d'avoir du tout confiance en lui, et Harvay semblait également de cet avis. Une question vint alors à l'esprit de la jeune princesse: Et si Mortem Orbis, ou du moins ceux qui se faisaient passer pour les nouvelles sorcières de cette secte n'étaient pas les seuls fautifs de toute cette tragédie ? Et si certains souverains étaient impliqués dans certains meurtres pour des raisons personnelles ? Alors qu'elle réfléchissait à cette possibilité, la voix de son serviteur blond tira Ewen de ses pensées:


« Dis-moi. Ce garçon qui t'a attaquée la nuit dernière. Tu avais l'air de le connaître. Tu l'avais appelé Lao, non ?

– Lao ? » répéta Othéo en haussant les sourcils d'étonnement, avant de se tourner vers sa fille. Il avait l'impression d'avoir déjà entendu ce nom il y a longtemps. La jeune fille détourna son regard des deux hommes, l'air maussade. Ce simple prénom lui rappelait tellement de souvenirs...


« Papa, tu te souviens de ce jeune garçon que j'ai rencontré à Minera lorsque j'étais petite, et qu'on a ramené à Emerald avec nous ?

– Ce même garçon avec qui tu t'es ensuite liée d'amitié ? Quoi, c'est lui qui t'a attaquée cette nuit ?! »


Ewen hocha tristement la tête en guise de réponse. Harvay n'était pas au courant de cette histoire, étant donné qu'il était entré au service de la famille royale Vopaquine quelques années plus tard. Mais Othéo semblait connaître ce Lao dont parlait sa fille.


« Mais... Tu en es sûre ? l'interrogea le souverain aux cheveux azur, qui ne semblait pas vouloir la croire. Le petit Lao qu'on a connu était gentil et adorable ! Et cette homme qu'on a vu hier soir semblait froid et violent ! Et puis, tu ne m'avais pas dit qu'il était mort, tué par des bandits qui vous avaient agressés ?

– C'est ce que j'ai cru... affirma la jeune fille. Mais aussi étrange que cela puisse te paraître, c'était bien lui hier soir. Cela ne fait aucun doute. Mais visiblement, il a beaucoup changé. Et pas en bien... »


La tristesse et l'incompréhension se lisaient facilement sur le visage d'Ewen. Apprendre que son ami de longue date était toujours en vie lui avait fait un grand choc, mais découvrir qu'il était aujourd'hui dans le camp des meurtriers qu'elle cherchait à arrêter lui avait brisé le coeur. Et Harvay, qui n'avait pas lâché sa princesse du regard, l'avait clairement compris.



Pendant ce temps, au quartier général du Mortem Regis, le boss avait accordé quelques heures à Seven, pour lui laisser le temps de prendre une douche, de revêtir des vêtements secs et de se nourrir. Après l'éprouvante soirée qu'il avait passée la veille, il estimait que son employé en avait besoin. Néanmoins, l'assassin aux longs cheveux d'ébène avait une part d'inquiétude au fond de lui. Le boss ne lui avait rien dit au sujet de l'état actuel de Shira. Il savait juste que celui-ci avait été enfermé dans une chambre, mais il ignorait s'il avait été bien traité ou non. Seven s'inquiétait tellement que cela lui avait coupé l'appétit. Il s'était juste contenté de se rafraîchir, et de revêtir une tenue similaire à la tunique verte et au pantalon blanc qu'il avait l'habitude de porter, sauf que son haut n'avait pas de manche, et exposait ses bras et ses épaules légèrement musclés. Il avait également choisi de laisser ses cheveux lâchés. Une fois paré, il s'était rendu au bureau du boss, et celui-ci, comme promis, l'emmena voir Shira.


Après avoir descendu des escaliers menant aux sous-sols du Mortem Regis, et emprunté un assez long couloir éclairé par des torches accrochées à chaque mur de manière symétrique, le chef de l'organisation et son septième assassin le plus fort arrivèrent devant une porte que le plus haut gradé ouvrit. Nineteen et Sixty-Nine étaient présentes dans la pièce, mais un autre assassin se trouvait avec elles. Seven s'était attendu à ce que soit Four, mais le physique de l'homme aux cheveux courts et bruns qui se trouvait là n'avait rien à voir avec l'argenté. Cet individu, qui avait tout au plus vingt ans et qui était légèrement plus grand et plus costaud que Seven, était vêtu d'un pantalon gris déchiré à certains endroits, et d'une longue veste bleue marine à manche courtes qu'il n'attachait jamais, mettant ainsi en valeur son torse bien sculpté.


« Eight ? » s'étonna intérieurement Seven, alors que tout le monde s'était tourné vers lui et vers le boss aussitôt qu'ils avaient franchi le seuil de la porte.


« Sevy ! » s'exclama joyeusement Nineteen en lui attrapant un bras, au grand dam du concerné, qui avait roulé les yeux d'exaspération, avant d'observer la dernière personne présente dans la pièce. Assis sur une chaise les mains ligotées à l'arrière du dossier, les yeux bandés, et étant privé de ses bracelets de Rhaj, Shira, vêtu de sa chemise de nuit, demeurait silencieux. Même si la peur pouvait facilement se lire sur son visage, le jeune prince, qui était conscient et qui semblait en bonne santé, était parvenu à garder son calme, ce qui étonna le boss qui s'était attendu à le voir paniquer.


« Voilà un gamin bien courageux ! N'importe qui à sa place aurait craqué en pleurant ou en criant désespérément qu'on lui vienne en aide. » fit le boss du Mortem Regis, alors qu'il s'était approché du jeune garçon pour lui caresser doucement le visage. Mais au moment du contact, Shira eut un sursaut, et un léger mouvement de recul de la tête.


« Ne me touchez pas... murmura le prince en serrant les dents.

– Courageux, mignon, et possédant un tempérament de tigre malgré lui ! constata le dénommé Eight avec un sourire mauvais. Plus je le regarde, plus ce petit prince me plaît.

– Euh... Au sens propre ou au figuré ? lui demanda Nineteen d'un air un peu blasé.

– Les deux, évidemment ! répondit le brun sans perdre son sourire. Si je le pouvais, je le croquerais !

– Épargne-nous tes allusions obscènes, Eight, lui conseilla le boss en tournant sa tête vers lui. Deux personnes présentes dans cette pièce ne sont encore que des enfants, dont celui que tu désires croquer, justement.

– Désolé, c'était plus fort que moi ! Hé hé ! »


Seven observait celui qui venait de parler d'un regard noir. S'il y avait bien quelqu'un qu'il n'appréciait pas du tout dans cette organisation en plus du boss, c'était bien Eight. Ce pervers avait un penchant pour les jeunes garçons, et Shira l'avait probablement tapé dans l'oeil. En parlant du jeune prince, l'assassin en vert s'était tourné vers lui en serrant ses poings. Il hésitait à lui parler. Néanmoins:


« Bah alors, Seven ! Tu as perdu ta langue, ou quoi ? lui demanda le boss. Je ne t'ai pas emmené jusqu'à lui pour que tu nous joues la carte du silence, tu sais ? »


A l'entente du nom Seven, Shira réagit:


« Seven ? Seven est ici ? Mais qu'est-ce qui se passe, bon sang ?! »


L'homme aux cheveux corbeau haïssait définitivement le boss, qui avait fait exprès de prononcer son nom devant l'adolescent pour le faire réagir de la sorte. Maintenant que Shira savait qu'il était présent dans cette chambre, Seven ne pouvait plus reculer:


« Shira, calme-toi, s'il te plaît.

– Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? lui demanda vivement Shira. Où est-ce qu'on est ? Qui sont ces gens avec toi ? Pourquoi je me retrouve attaché de cette manière ?

 – J'en reviens pas que Seven ait mis sa mission de côté pour ce type... soupira Sixty-Nine.

– Sa... mission ? » s'étonna Shira, alors que Seven avait fusillé la benjamine du Mortem Regis du regard, lui faisant comprendre que si elle en disait plus, il allait lui faire regretter plus tard. La jeune rousse le toisa quelques secondes, avant de finalement reporter son attention sur Shira. Toutefois, elle ne reprit plus la parole. Ce fut le boss qui le fit à sa place:


« La mission de Seven ne te concerne pas, jeune homme. Tu n'as pas à te soucier de cela. Par contre, ta vie dépend un peu de lui. Vois-tu ? Depuis quelques temps, Seven manque de motivation lorsqu'il s'agit d'accomplir une tâche qu'on lui confie.

– Qu'est-ce que vous me chantez... murmura Shira, qui ne comprenait rien à la situation.

– J'ai remarqué que mon cher petit Seven s'est beaucoup attaché à toi. En soi, c'est plutôt mignon, mais en ce qui me concerne, c'est assez compromettant. Voilà pourquoi j'ai décidé de faire de toi sa source de motivation. Maintenant qu'il te sait ici, Seven va pouvoir accomplir sa mission sans inquiétude. Par contre, s'il venait à faire encore un truc de travers, il se pourrait que tu ais affreusement mal à certains endroits. »


Sur ces mots, il se recula du petit prince, et fit un signe de tête à Eight, dont le sourire s'était agrandi. Le brun s'approcha ensuite du prince, et lui asséna un violent coup de poing au visage.


« Qu'est-ce que... ?! »


Seven, qui ne s'était pas attendu à un tel geste, voulu s'avancer vers Eight pour l'écarter du plus jeune, mais Nineteen, qui était toujours accrochée à son bras le retient, et lui fit signe de ne pas intervenir, au risque de s'attirer encore plus les foudres du boss qu'il ne l'avait déjà fait. Shira avait grimacé de douleur suite à ce coup, tandis qu'Eight avait laissé place au boss:


« Voilà ce que tu risques à chaque fois que Seven fera une bêtise, petit.

– Boss, tu vas trop loin ! s'écria l'assassin en vert. Il n'a pas à subir ça !

– Il fallait y réfléchir avant de déconner, mon pote ! lui répondit Eight d'un air moqueur. Ce serait dommage qu'il arrive des emmerdes à ce charmant garçon à cause de toi ! Vraiment dommage d'abîmer un si joli visage.

– Après, rassurez-vous, parla le boss à l'adresse de Seven et de Shira. Je n'ai pas pour autant l'intention de tuer le prince Ashira. Étant un élu béni par les dieux, ce serait du gâchis de lui ôté la vie.

– Un élu béni par les dieux ? » demanda Sixty-Nine, pour qui ce terme était inconnu, tout comme Nineteen et Eight, qui ignoraient également de quoi le boss parlait. En guise de réponse, ce dernier rigola, avant de répondre:


« Je pense que Seven sera capable de vous l'expliquer. Après tout, il est au courant de ça à présent. »


En tant normal, l'homme à la longue chevelure charbon aurait lancé une réplique cinglante à l'adresse du boss, en lui disant de manière vulgaire d'aller se faire voir. Mais en faisant cela, le boss serait capable d'ordonner à Eight de frapper Shira à nouveau. Il se contenta donc de détourner le regard, et de ne rien dire, ce qui inquiéta un peu Nineteen.


« J'ignore qui vous êtes... murmura le prince à la peau hâlée qui se remettait lentement de la frappe qu'il avait reçue. J'ignore ce que Seven fiche avec vous... Je ne sais pas ce que vous me voulez... Et vous pouvez me frapper autant de fois que vous le souhaitez... Mais ne comptez pas sur moi, pour obtenir ce que vous désirez... Quant à toi... »


Il avait tourné sa tête en direction de là où il avait entendu la voix de Eight, avant de continuer:


« Jamais personne ne m'a frappé sans en payer le prix... Prie pour que je ne parvienne pas à m'échapper de cet endroit... »


Malgré sa position plus que désavantageuse, son désir de résister à la torture que lui réservait le boss, et sa menace envers Eight étaient claires. Le chef de l'organisation sourit derrière son masque devant un tel répondant:


« T'as beau être un gamin, tu as beaucoup de cran ! Si tu n'étais pas l'un des princes de Xen, je t'aurais peut-être enrôlé dans mon organisation ! Mais bon... Le sort en a décidé autrement. Toutefois, petit prince, à ta place, je ravalerais ma fierté et ferais profil bas. Tu n'es absolument pas en mesure de nous faire des menaces, ni à moi, ni à aucun membre de mon équipe. Et n'oublie pas que ton état de santé est entre les mains de Seven. Au lieu de jouer les durs pour tenter de nous impressionner, tu ferais mieux de prier pour qu'il ne t'arrive rien. »


Sur ces mots, le boss lui tourna le dos, et avança en direction de la porte en rigolant pour sortir de la pièce. Eight et Sixty-Nine l'avaient suivi. Nineteen voulu également sortir, mais elle vit que Seven était resté planté debout, les yeux rivés sur Shira, et semblant culpabiliser intérieurement.


« On ferait mieux d'y aller. » lui conseilla Nineteen en saisissant la main du plus jeune. Mais celui-ci se libéra d'un geste, et la regarda avec une certaine colère. La blonde fut légèrement effrayée par un tel regard de sa part, mais ne laissa pas tomber, et lui murmura sur un ton ferme:


« Je ne sais pas ce que représente ce gamin pour toi, mais si tu désobéis une fois de plus au boss, il risque de prendre bien pire qu'un simple coup de poing dans la figure ! »


Bien qu'il était énervé par la situation, et par le comportement du boss, le jeune homme réalisa que sa collègue avait raison. C'était déjà de sa faute si Shira était devenu un prisonnier du Mortem Regis. Il n'avait pas envie d'aggraver encore plus le cas du jeune prince. Après avoir accordé un dernier regard à l'adolescent qui avait serré ses dents tout en détournant sa tête de tout le monde, Seven imita tous les autres, et se dirigea vers la porte pour sortir de la pièce à son tour. Mais au moment d'en franchir le cadre...


« Seven... Tu savais que tout cela allait arriver, n'est-ce pas... ? » retentit la faible voix du prince Xenois. L'assassin en vert s'était arrêté, mais ne s'était pas retourné vers lui. Il se contenta juste de prononcer ces mots d'une voix grave:


« Pardonne-moi, Shira. »


L'adolescent ne répliqua pas, et entendit les pas du plus âgé s'éloigner de lui. Puis, le bruit d'une porte se fermant et se verrouillant lui parvint aux oreilles. Bien que privé de sa vue, le jeune prince, en se fiant à son ouïe, compris rapidement qu'il se trouvait de nouveau seul.


Seul...


Il ne fallut pas plus que cette simple pensée pour que des larmes se mettent à couler le long des joues de Shira, malgré le tissu qui couvrait ses yeux. Il ne pleurait pas parce qu'il avait peur, ni parce qu'il se trouvait entre les griffes de personnes lui voulant du mal. Il pleurait parce qu'il se sentait de nouveau seul.


Seul, et trahi par celui qu'il croyait être son ami.



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