Mortem Regis

Chapitre 16 : Les assassins à l'oeuvre

5220 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/02/2021 15:04

La pluie continuait de tomber à Vegario, et plus particulièrement à Rhéa, sa capitale. Seven avait décidé de se reposer dans une auberge modeste mais néanmoins agréable, située en périphérie de la ville. Il n'avait pas spécialement envie d'attendre sous la pluie que la nuit tombe pour passer à l'action. A la place, il avait opté pour quelques heures de sommeil dans un lit désuet. Sauf qu'il n'arrivait pas à dormir malgré sa position allongée sur le matelas. Trop de choses se bousculaient dans sa tête pour qu'il puisse dormir paisiblement. Et c'était bien la première fois que cela lui arrivait.


Il n'arrêtait pas de repenser à Ewen. La première tentative d'assassinat de cette dernière à Kalora s'était soldée par un échec. L'homme à la longue chevelure noire avait droit à une seconde chance, mais pas à un second ratage. Surtout que le boss était dans les parages, en train d'observer les faits et gestes de Seven, tout en utilisant son aura climatique pour faire tomber une pluie infinie sur cette ville. D'ailleurs, le fait que son supérieur parvenait à utiliser son aura de jour et aussi longtemps étonnait l'assassin au plus haut point.


« Je ne sais pas ce que cet enfoiré nous cache, mais c'est clairement pas normal... » pensa-t-il en se retournant dans le lit, le regard perdu vers la fenêtre de la petite chambre dans laquelle il séjournait. Allait-il vraiment réussir à tuer la princesse Vopaquine, cette fois ? Est-ce que celle-ci allait finir par le reconnaître ? Est-ce que Seven la tuerait avant qu'elle ne se souvienne enfin de lui ? Face à toutes ces questions sans réponse, le jeune homme soupira. Il se retourna de nouveau, de façon à s'allonger sur le dos et à observer le plafond en bois au dessus de lui. Puis, il leva son bras de manière à observer le bracelet accroché à son poignet. Le bracelet que Shira lui avait offert il y a plusieurs jours maintenant. Seven s'inquiétait également pour le jeune prince, surtout depuis que Four lui avait confié que le boss avait envoyé Nineteen et Sixty-Nine le capturer. Après, l'assassin en vert ignorait quand les deux jeunes filles allaient accomplir leur mission. Il espérait que ses deux collègues échoueraient dans leur tentative.


« J'en reviens pas de souhaiter une chose pareille... »


Pourtant, il espérait vraiment que Shira s'en sorte, et qu'on ne lui fasse pas de mal. Mais alors qu'il était en train d'y penser, et en voyant que sa chambre s'assombrissait petit à petit, il tourna de nouveau sa tête vers la fenêtre. La nuit était sur le point de tomber. L'heure était venue de remplir sa mission. Après être sorti de son lit, le jeune homme aux longs cheveux d'ébène alla se préparer.



De nombreuses étoiles scintillaient déjà dans le ciel obscur du soir, et le soleil imposant et radieux laissait peu à peu place à la lune froide mais non moins majestueuse. À Xenati, et plus précisément dans une salle dans laquelle se trouvait un grand bain thermal, Shira et son frère Ashur se relaxaient en se baignant dans l'eau à la température agréable. Les deux princes discutaient des livres qu'ils avaient lus ensemble à la bibliothèque du palais quelques heures plus tôt. Puis arriva un moment où le sujet de l'anniversaire du plus jeune des frères fut abordé.


« Tu auras dix-sept ans demain, rappela Ashur en souriant tendrement. C'est fou comme les années passent vite ! Tu ne les fais vraiment pas, en plus.

– Dois-je comprendre que j'ai l'air d'un gamin ? demanda Shira en croisant les bras, un peu vexé.

– Prends ça comme un compliment, voyons ! rigola l'aîné. On te rajeunit contrairement à moi ! Je n'ai que trois ans de plus que toi, et en m'en donne beaucoup plus.

– Il est vrai que tu fais plus mature que ton âge. Mais au moins, on te prend au sérieux. Nombreux sont les gens que j'ai rencontrés durant mon épopée de Rhaj, et qui m'ont pris pour un enfant.

– Même Seven ?

– Oui. Même lui. »


Face à une telle réponse, Ashur ne put s'empêcher de rigoler. Il ne le faisait pas pour se moquer de son cadet. Il trouvait juste la réaction de celui-ci marrante. Néanmoins, en voyant que Shira avait détourné son regard de lui, l'air maussade et sans rien dire, le plus grand des deux cessa de rire. Sur le coup, il pensait l'avoir vexé encore plus qu'il ne l'était déjà, et commençait même à culpabiliser pour cela. Mais le prince héritier Xenois comprit rapidement que le plus jeune affichait cette mine peu réjouie après avoir mentionné le nom de Seven.


« Tu aurais voulu qu'il soit présent à la fête de demain, n'est-ce pas ? »


Shira tourna ses yeux vers le plus âgé pendant quelques longues secondes, avant de détourner à nouveau son regard.


« Bien sûr que j'aurais voulu. Pour une fois que je me fais un ami, j'aurais aimé que celui-ci soit présent le jour de la cérémonie de mon passage à l'âge adulte.

– Cela peut se comprendre.

– Malheureusement, on ne peut pas tout avoir dans la vie, fit le second prince en souriant légèrement, mais sans regarder son grand frère. Mais ce qui me réconforte, c'est de savoir qu'il reviendra ici un jour. Il me l'a fait comprendre avant son départ. »


Ashur ne répondit pas, et ne lâcha pas le plus jeune du regard. Shira s'était donc attaché à ce point à Seven ? Malgré le fait que les deux ne se connaissaient que depuis peu ? Le plus grand des princes ne savait pas trop quoi en penser. Il trouvait son cadet un peu naïf, car celui-ci faisait trop rapidement confiance aux gens sans se méfier un minimum. Après, Seven n'avait pas l'air d'un individu malintentionné, du peu qu'il l'avait côtoyé. Mais tout de même ! De là à être aussi attristé de l'absence d'une personne qu'il ne connait que depuis quelques jours, et dont il ne savait quasiment rien...


« Tu dois trouver cela étrange que je réagisse de cette manière pour si peu, pas vrai ? »


La voix de Shira avait tiré le plus grand de ses pensées. Le plus petit prince avait toujours le regard détourné d'Ashur, et avait toujours ce même léger sourire amère aux lèvres.


« Shira...

– A vrai dire, je trouve ça moi-même singulier. La joie de rencontrer quelqu'un hors de ton entourage quotidien qui t'apprécie sans tenir compte de ton statut princier, et la peine de voir cette même personne à laquelle tu t'attaches s'en aller deux jours après... Je n'avais jamais ressenti une chose pareille auparavant. Je ne sais pas vraiment comment réagir par rapport à tout ça, ni quoi penser. C'est vraiment bizarre comme sensation. »


Le prince Ashure afficha un tendre sourire. N'ayant pas eu du tout d'ami contrairement à son jeune frère, il ne pouvait pas ressentir cette sensation dont ce dernier parlait. Toutefois, il était suffisamment empathique pour comprendre l'état d'esprit actuel de Shira. Certes, celui-ci était naïf. Mais il était surtout humain, sensible et a dû se sentir seul pendant toutes ces années malgré son titre de prince. D'un côté, Ashur avait un peu de peine pour son cadet, mais d'un autre, il l'enviait de connaître tous ces sentiments dont parlait Shira.


Tout à coup, sans prévenir, le plus âgé des frères éclaboussa le plus jeune, à la surprise de celui-ci qui avait écarquillé ses yeux d'étonnement.


« Ashur ?

– Tu te prends trop la tête avec cette histoire et tu te poses trop de question, mon grand. Je pense qu'une bonne nuit de sommeil te fera du bien. Et puis, c'est une grande fête qui nous attend tous demain. File te reposer ! Ce serait bête que le prince mis à l'honneur à la fête de son anniversaire nous fasse une tête de mort-vivant attristé toute la journée. »


Le plus petit se contenta de cligner des yeux à plusieurs reprises, toujours surpris. Mais voyant que son grand-frère avait fait et dit cela dans le but de lui remonter le moral, il lui adressa un tendre sourire, avant de l'éclabousser à son tour. S'ensuivit ensuite une bataille d'eau entre les deux princes qui rigolaient et semblaient s'amuser. Mais finalement, après s'être arrêtés, les deux jeunes hommes se décidèrent à sortir de leur bain, avant de se vêtir de leurs pyjamas, et de se séparer pour retourner chacun dans sa chambre respective.



Escorté par un soldat Xenois, Shira, vêtu d'une chemise de nuit rouge foncée, parcourait un long couloir en direction de ses appartements. Plusieurs torches accrochées aux murs étaient allumées, éclairant de façon tamisée les couloirs du palais. Mais tout à coup, alors qu'ils étaient pratiquement arrivés devant la porte de la chambre du prince, certains de ces flambeaux s'éteignirent tous seuls, à l'étonnement du prince et du garde à sa suite. Puis, le bruit d'une énorme explosion se fit entendre dehors.


« Qu'est-ce que... ? » fit Shira, tandis qu'il s'était précipité près d'une fenêtre pour voir et essayer de comprendre ce qui se passait. Son soldat en fit de même, et tous deux virent avec stupéfaction qu'une grande habitation de la capitale venait de prendre feu. Une seconde explosion retentit, et on pouvait voir une seconde maison s'enflammer non loin de la première quelques instants plus tard.


« Quelque chose attaque notre capitale ! s'exclama Shira, les yeux écarquillés de stupeur.

– Votre Altesse ! fit tout à coup le soldat. Mettez-vous à l'abri dans votre chambre ! Je ferai en sorte que vos parents et votre frère vous rejoignent au plus vite ! »


Sur ces mots, le garde dégaina son épée, et s'éloigna du prince, probablement pour aller retrouver les autres membres de la famille impériale Xenoise. Le jeune prince obéit, et entra dans sa chambre, avant d'en verrouiller la porte. La pièce était plongée dans le noir, et la fenêtre ouverte de la pièce laissait passer l'odeur de la fumée qui s'élevait petit à petit. Des hurlements de peur et de panique se faisaient entendre dehors. Les habitants de la cité devaient probablement être affolés à cause de ces explosions soudaines.


Afin d'empêcher l'odeur de la fumée d'envahir davantage sa chambre, Shira ferma sa fenêtre. Puis, avançant dans l'obscurité de la pièce, il s'approcha d'une commode sur laquelle il avait l'habitude de déposer ses bracelets de Rhaj. Il les enfila ensuite à ses poignets, et utilisa leurs pouvoirs pour faire apparaitre quelques petites boules de feu, destinés à allumer les bougies disposées sur plusieurs chandeliers posés aux quatre coins de la pièce. La chambre fut ainsi éclairée. Mais l'adolescent se figea tout à coup sur place. Une jeune femme aux cheveux courts blonds était adossée à l'un des murs de la chambre. Il s'agissait de Nineteen. Ses yeux marrons fixaient le prince, tandis qu'un sourire malveillant s'était dessiné sur ses lèvres.


« Qui... qui es-tu ? Et comment tu as fait pour parvenir jusqu'ici ? demanda Shira en reculant, pas vraiment rassuré par la présence de cette inconnue dans ses appartements.

– Je ne pense pas que ce soit nécessaire que je te donne mon nom, rétorqua la jeune femme. Par contre, tu ferais mieux de me suivre sans discuter si tu tiens à la vie. »


Le prince Xenois ne répondit pas, et fronça les sourcils. Visiblement, cette personne ne lui voulait pas du bien. Mais il n'allait certainement pas céder à sa menace aussi facilement. Les joyaux vermillions de ses bracelets commençaient à luire, mais...


« Ne tente rien de stupide, petit, lui conseilla Nineteen en se décollant de son mur pour avancer vers Shira, qui reculait. Tout ceci n'a rien de personnel. J'obéis juste à des ordres. C'est tout. Chose que Seven a du mal à faire ces derniers temps...

– Pardon ? fit le prince avec beaucoup d'étonnement. Tu connais Seven ? »


Seul un rire moqueur de la part de l'assassine se fit entendre en guise de réponse, tandis qu'elle venait de dégainer son sabre toujours en se rapprochant du prince, réduisant la distance entre les deux. Shira continuait de reculer, mais arriva un moment où il fut bloqué par un mur derrière lui. La situation était critique. L'adolescent ne voulait pas mourir ce soir. Son regard se tourna alors vers son épée qui était posée contre le mur adjacent de celui près duquel il se trouvait en ce moment. Puis, il observa la porte de sa chambre à l'autre bout de la pièce. Il ignorait si la jeune fille en face d'elle était une combattante redoutable. Mais s'il voulait s'en sortir, il devait se défendre, au moins pour atteindre la porte et s'enfuir à toute jambe pour prévenir sa famille et ses soldats.


Le jeune garçon envoya des petites flammes en direction de Nineteen qui, surprise, parvint néanmoins à s'écarter sur le côté pour les éviter. Shira profita de cette diversion pour foncer vers son épée, et l'attraper. Mais il fut surpris par la vitesse de son agresseuse. Celle-ci ne lui avait même pas laisser le temps d'aller plus loin, qu'elle lui avait porté un coup avec son sabre au niveau de son bras. Par réflexe, le petit prince avait levé son arme pour bloquer l'attaque. La blonde le força à maintenir sa parade, et le regarda dans les yeux sans perdre son sourire.


« Des bracelets qui donnent le pouvoir de maîtriser le feu, et une épée... Ça fait beaucoup d'armes pour un garçon réputé pour être pacifique, altruiste et innocent, tu ne trouves pas, prince Ashira ?

– Qu'est-ce que tu me veux, bon sang ?! »


Mais soudain, Shira ressentit un choc violent qui le força à lâcher son épée, et qui le fit tomber à genou au sol. Le sabre de Nineteen venait de s'électrifier, et l'énergie qu'il avait dégagée s'était propagée le long de la lame du prince jusqu'à le toucher de plein fouet. Alors que le prince, haletant, se remettait du choc qu'il avait subi, Nineteen s'était approchée de lui, en le regardant avec un certain mépris dans le regard.


« J'arrive pas à croire que Seven s'est détourné de sa mission à cause de ce mioche... » pensa-t-elle, avant d'assommer Shira en lui assénant un coup derrière la tête avec le pommeau de son épée. Le prince s'effondra alors au sol, inconscient, tandis que l'assassine l'observa quelques instants, avant de tourner sa tête en direction de la fenêtre de la chambre.


« Je suppose que Sixty-Nine en a fini avec sa diversion. Ça ne sert à rien de s'éterniser ici plus longtemps... »


S'accroupissant près du Xenois après avoir rangé son arme, elle sortit de sa besace une pierre de téléportation, et s'en servit pour se téléporter au quartier général du Mortem Regis, en emportant Shira avec elle.



Au même moment, la pluie s'était intensifiée sur Rhéa. Parfois, à intervalles de temps irréguliers, des éclairs apparaissaient et de gros coups de tonnerre s'en suivaient. Les lumières du palais de la nation des forêts étaient majoritairement éteintes, et la famille royale, tout comme leurs invités, avaient regagné leurs appartements respectifs. Des gardes patrouillaient dans les couloirs, ou montaient la garde à des endroit bien précis à l'intérieur comme à l'extérieur du palais. Dans les appartements que la famille royale Vegarionne lui avait alloués, et qui étaient actuellement plongés dans l'obscurité de la nuit, Ewen, qui ne parvenait pas à dormir, était postée sur le balcon les bras croisés, et observait cette météo désastreuse, ses longs cheveux bleus foncés flottant au gré des vents puissants.


« Je ne me souviens pas qu'il pouvait pleuvoir autant à Vegario. Voilà plusieurs heures qu'il pleut sans aucune interruption. »


La jeune princesse se demandait si ce temps était normal.


« J'ai un mauvais pressentiment... J'ai l'impression que quelque chose de terrible va se produire cette nuit. » pensa-t-elle alors qu'elle s'était retournée dans le but de retourner à l'intérieur de sa chambre. Mais la princesse Vopaquine eut un sursaut en s'apercevant qu'une silhouette se tenait debout juste en face d'elle. A cet instant précis, un éclair éblouissant était apparut dans le ciel, illuminant temporairement toute la pièce, et permettait de dévoiler le physique de ce mystérieux individu. Ewen écarquilla ses yeux de stupeur en reconnaissant l'homme qui l'avait attaquée quelques jours plus tôt alors qu'elle se trouvait à la capitale de Redfir. Cette personne n'était nulle autre que Seven, et celui-ci avait la princesse en ligne de mire avec l'une de ses armes, obligeant la jeune fille à ne plus bouger.


« Encore toi ?! » s'écria la bleue, qui n'en revenait pas de faire face une nouvelle fois à celui qui avait déjà tenté de la tuer. Seven ne répondit rien, et se contentait de regarder Ewen dans les yeux. Son visage ne laissait transparaitre aucune émotion. Mais au fond de lui, l'assassin était nerveux. Tout ce qu'il devait faire maintenant, c'était d'appuyer sur la gâchette de sa dague-hybride, et tuer ainsi sa cible d'une balle au milieu du crâne. Mais avant...


« Tu ne te souviens toujours pas de moi, n'est-ce pas ? lui demanda l'homme à la tunique verte.

– Je me souviens surtout que tu as tenté de m'assassiner à Kalora, et que tu es celui qui a tué le roi Moreh bien avant cela. » répliqua la princesse en fronçant les sourcils. Seven demeura silencieux devant une telle réponse. Ce n'était pas celle qu'il espérait de la part de cette fille. Constatant qu'elle ne se souvenait vraiment pas de lui, il se décida à lui donner un indice:


« Cherche dans ton enfance, Ewen. Un petit garçon aux cheveux courts noirs comme les miens, ça ne te dit vraiment rien ? »


La concerné était étonnée par l'attitude de ce tueur à son égard. Elle commençait à se demander s'il cherchait réellement à la tuer, comme il voulait le faire croire. S'il désirait réellement assassiner la princesse de Vopaqua, il l'aurait déjà fait lorsqu'ils étaient à la capitale Firoise. Mais à la place, il cherchait vivement à raviver certains souvenirs d'Ewen. Celle-ci se mit alors à réfléchir. Un petit garçon aux cheveux courts noirs comme les siens... Il était vrai qu'une telle description lui rappelait quelque chose. Elle avait effectivement rencontré et côtoyé un garçon avec ce physique lorsqu'elle était enfant. D'ailleurs, elle se souvenait qu'elle s'entendait plutôt bien avec lui. Mais alors... Cet homme qui se tenait devant elle...


« Non... C'est impossible... » murmura-t-elle, alors qu'elle s'était rapprochée de quelques pas pour en être sûre. Mais Seven pointa son autre dague vers Ewen, lui faisant signe de ne pas s'approcher davantage. La princesse resta alors là où elle était, mais ses yeux étaient écarquillés de stupéfaction.


« Lao... ? fit-elle ensuite. C'est toi ? »


L'assassin aux cheveux d'ébène ne répliqua pas. Mais un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Lao... Cela faisait des années qu'on ne l'avait pas appelé par son véritable nom. C'était un sentiment étrange qui le traversait en cet instant. Surtout qu'Ewen venait enfin de le reconnaître. Le jeune homme était sur le point de lui répondre, lorsqu'il sentit soudain un courant d'air foncer à vive allure derrière lui. Se retournant, il para in extremis un coup d'épée qui lui était destiné.


« Hé merde ! » pensa l'assassin, alors qu'il tentait de dévisager la personne qui l'avait attaqué. Ewen, elle, avait reconnu son sauveur.


« Harvay ! » s'exclama-t-elle. Celui-ci regardait l'assassin avec rage en tentant de briser la garde de ce dernier.


« Le roi Moreh ne t'a pas suffi ?! Tu veux aussi tuer Ewen ?! » cria le blond, en poussant Seven, de façon à le faire reculer. Puis, il fonça de nouveau vers lui pour le prendre d'assaut en effectuant plusieurs coups d'épée. Ceux-ci sont tantôt bloqués, tantôt esquivés par l'homme à la chevelure corbeau qui serrait les dents de frustration. Il n'en revenait pas de s'être fait repéré de la sorte par quelqu'un, alors qu'il était à deux doigt d'accomplir enfin la mission qu'on lui avait confié.


« Harvay, attends ! » l'appela alors la princesse aux cheveux bleus. Mais son serviteur ne l'écoutait pas. Harvay était habité par une colère intense envers celui qu'il était en train d'affronter. Il s'en fichait que cet homme en face de lui était jeune. Il s'en fichait de qui il pouvait être, et des raisons qui le poussaient à assassiner des souverains. Il voulait lui faire payer pour le meurtre de Moreh, et pour la double tentative d'assassinat d'Ewen.


« Je vais te faire regretter d'être venu ici, sale vermine ! » pesta le blond à l'adresse de l'assassin, alors qu'il venait de lui donner un coup de pied au ventre pour le faire reculer, et profiter de cette déstabilisation pour le frapper à nouveau avec sa lame. Mais Seven avait pointé l'une de ses dagues vers lui, et un coup de feu retentit. La balle avait frôlé l'épaule du serviteur de la princesse Vopaquine, déchirant son vêtement à ce niveau, et entaillant sa peau. Harvay grimaça sous la douleur, alors qu'Ewen s'était précipité vers lui.


« Harvay, tu vas bien ?

– C'est juste une égratignure, ne t'en fais pas, rassura le plus âgé. Ce n'est pas ça qui va me mettre à terre. »


Mais alors qu'il s'apprêtait à attaquer de nouveau Seven, il remarqua tout comme Ewen qu'une aura pourpre venait d'entourer le corps de l'assassin.


« Cette aura... murmura Ewen. C'est la même que celle de la dernière fois. Bon sang Lao ! Mais qu'est-ce que tu es devenu ? »


Harvay observa sa princesse d'un air étonné. Lao ? Ewen connaissait donc ce type ? Seven, toujours entouré de son aura, baissa ses armes, et détourna son regard des deux autres.


« Si je suis devenu ainsi, Ewen, c'est à cause de toi.

– Quoi ? » fit celle-ci, qui ne comprenait pas. Mais des bruits de pas provenant du couloir se firent entendre, et la porte de la grande chambre fut ouverte, laissant apparaître la famille royale Vegarionne, ainsi qu'Othéo. Ils étaient accompagnés de plusieurs soldats, et ses derniers s'étaient déployés de façon à encercler Seven.


« Que signifie tout ceci ?! » s'exclama le roi Aeren, pendant que son épouse Alfrid et sa fille Aeris s'étaient précipités vers Ewen et Harvay pour s'assurer qu'ils allaient bien. Aeris utilisa même ses pouvoirs pour guérir l'entaille que Seven avait fait au blond. Othéo, lui, s'était armé de son épée en rejoignant les soldats, et pointait celle-ci vers l'assassin.


« Aurais-tu l'obligeance de nous révéler qui tu es, jeune homme ? » demanda-t-il à ce dernier sur un ton ferme et menaçant. Mais en guise de réponse, Seven baissa la tête d'un air maussade. Cette mission se soldait encore par un fiasco total. Il en était sûr, désormais: Jamais il ne pourrait tuer Ewen. D'ailleurs... Pourquoi devait-il la tuer, déjà ? Juste parce que le boss la soupçonnait d'enquêter sur leur organisation ? Ou y avait-il une autre raison cachée derrière ? Ce n'était pas le moment d'y réfléchir. Il devait s'en aller à présent. Se servant de sa vitesse supersonique, il disparut tout à coup du champ de vision de toute le monde.


« Qu'est-ce que.. ?! » fit la reine Alfrid. Mais ni elle, ni aucune autre personne présente la chambre ne s'était attendu à ce qui arriva ensuite. Les soldats, ainsi qu'Othéo qui avaient encerclé Seven avaient tous littéralement volé jusqu'à percuter violemment l'un des murs de la chambre, écrasant parfois quelques meubles au passage.


« Papa ! » hurla Ewen avec horreur face à un tel spectacle. Heureusement, ni le souverain aux cheveux azurs, ni les soldats Vegarions n'étaient blessés. Ils étaient juste sonnés, mais ils allaient bien. Néanmoins, l'assassin aux cheveux d'ébène semblait avoir définitivement disparu de la pièce. Il avait probablement dû s'enfuir en sautant du balcon. Le roi Aeren était abasourdi par ce qu'il venait de se passer dans son château. Qui était cet homme ? Et que faisait-il dans la chambre d'Ewen ? C'était des questions qu'il se posait, alors qu'il observait ses soldats et Othéo se relever petit à petit. Il alla d'ailleurs aider ce dernier à se relever.


« Vous allez bien ? lui demanda-t-il.

– Ça ira, merci, assura le souverain de la nation des océans. Et j'irai mieux quand cet homme sera mis hors d'état de nuire. »


Aeren ordonna alors à ses soldats de se déployer dans toute la capitale pour retrouver cet individu. Ewen, de son côté, avait le regard perdu. Elle n'en revenait pas. Celui qui avait tenté de la tuer à deux reprises se révélait finalement être un ami de longue date.


« Et dire que je te croyais mort depuis tout ce temps, Lao... pensa-t-elle, en regardant tristement en direction de la fenêtre. Que t'est-il arrivé, pendant toutes ces années où nous avons été séparés ? »



Seven s'était enfuit en direction de la jungle Naaken, au sud-est de Rhéa. La pluie tombait toujours, et quelques bruits de tonnerre se faisaient encore entendre. Adossé contre le tronc d'un grand arbre alors que son aura surhumaine avait disparu, le jeune assassin se laissa glisser jusqu'à se retrouver assis au sol, le regard perdu. Il était soulagé de voir qu'Ewen se souvenait enfin de lui. Mais étant donné qu'il ne l'avait pas tuée, le jeune homme était à présent dans de beaux draps. Le boss n'allait certainement pas lui pardonner une seconde fois.


« Tu es vraiment pathétique, mon cher Seven. » résonna la voix de son supérieur, alors que sa silhouette s'approchait à pas lents du tueur, entourée de son aura climatique blanche. L'homme aux cheveux noirs ne le regarda même pas. Il avait l'air résigné, prêt à recevoir la correction de sa vie de la part du chef du Mortem Regis.


« Dire que tu étais l'un des membres les plus loyaux et doués du Mortem Regis, là tu me déçois beaucoup. Tout cela pour une princesse sans intérêt, et pour un gamin pitoyable.

– Va te faire foutre... » murmura son employé en le regardant avec des yeux furieux. Le boss demeura silencieux quelques instants, avant d'éclater brusquement de rire. Son aura s'éteignait petit à petit, et la pluie qui s'était abattue sur une partie de Vegario avait cessé. Le boss était pris d'une hilarité assez déconcertante qui étonna Seven sur le coup. L'assassin n'avait pourtant rien dit ou fait de marrant !


« Ah Seven... pouffa le boss qui essayait de se calmer. Tu es vraiment fascinant ! Même quand la situation n'est pas en ta faveur, tu restes égal à toi-même sans te soucier des conséquences de tes actes ! »


Le concerné observait son supérieur d'un air à la fois blasé et énervé. Il aurait tellement voulu lui faire avaler son rire à coups de poing !


« Au moins, tu auras réussi à me mettre de bonne humeur, reprit le chef de l'organisation après s'être définitivement calmé. Rien que pour cela, je vais t'épargner la punition que je t'avais réservée, au cas où tu échouerais une nouvelle fois ta mission !

– Tu te fous de moi ?

– Mais pas du tout, voyons ! Vraiment, je suis d'humeur plutôt joyeuse ! D'autant plus que tes deux collègues ont réussi leur mission avec brio de leur côté !

– Quoi ? »


Le boss s'approcha, et s'accroupit devant Seven, avant de lui répondre sur un ton enjoué:


« Pendant que tu étais occupé à faire les beaux yeux à la princesse Ewena au lieu de la tuer, j'ai envoyé Nineteen et Sixty-Nine à Xen, pour capturer ton nouveau petit protégé. Tu sais, le petit prince qui t'a généreusement offert le bracelet que tu portes ? Figure-toi que contrairement à toi, elles ont réussi à l'attraper, et à le ramener chez nous. »


Merde ! C'était le mot qui venait à l'esprit de l'assassin en vert, qui avait serré ses dents de rage. Décidément, le sort était contre lui en ce moment. Lui qui espérait que Shira aurait été en sécurité dans son palais à Xenati...


« Mais, ne t'inquiète pas pour ce petit ! Nous ne lui ferons pas de mal. Du moins, pour le moment ! Enfin, tout dépendra de toi.

– Comment ça, tout dépendra de moi ? »


Le boss se releva, puis tourna le dos à Seven, avant de s'éloigner de quelques pas.


« Ma phrase parle d'elle-même, mon cher. La vie de ce gamin qui tu t'efforces tant à protéger dépendra de tes décisions. Après, étant donné qu'il est un élu béni des dieux, et qu'il est capable de manier les reliques divines, le tuer serait un immense gâchis. Ceci étant dit, rien ne m'empêche de le torturer un peu.

– Espèce de...

– Je t'autorise à venir le voir, si tu veux, le coupa le boss. Le pauvre doit être très apeuré à l'heure qu'il est. Peut-être que te savoir non loin de lui l'aiderait à se détendre un peu ? »


L'assassin aux cheveux d'ébène s'était relevé, et observait son supérieur d'un regard noir. Ce salopard qui lui servait de boss n'avait décidément aucune limite. Qu'il s'en prenne aux souverains des six nations de Kaärann dans le but de donner le contrôle du continent au peuple, Seven pouvait le tolérer. Qu'il le fasse dans le but de provoquer une guerre générale, c'était limite. Mais qu'il veuille torturer un garçon innocent comme Shira juste pour faire chanter l'assassin... Il y avait clairement quelque chose qui n'allait pas dans cette histoire. Qu'est-ce que le boss cherchait à faire ? Quel était son véritable but ? Il fallait que Seven trouve la réponse à cette dernière question. À contrecœur, il s'adressa à son chef:


« C'est d'accord. Emmène-moi jusqu'à lui. »


En voyant que le jeune assassin avait accepté sa proposition aussi facilement, le boss afficha un grand sourire sournois derrière son masque.




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