Mortem Regis

Chapitre 15 : Mortem Orbis

4550 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/02/2021 14:55

Des soldats Vegarions venaient d'escorter Othéo jusqu'aux appartements du Palais qu'avait fait préparer le roi Aeren pour l'accueillir. Ewen et Harvay l'avaient rejoint quelques instants plus tard. Alors que le souverain Vopaquin venait de s'assoir sur le bord du grand lit situé au fond de la pièce, sa fille s'était approchée de lui pour lui parler d'un ton presque réprimandant:


« Ce n'était vraiment pas prudent de venir jusqu'ici seul, tu sais ? Et dire que tu as insisté pour que j'aille à Redfir avec toute une escorte pour assurer ma sécurité, il y a plusieurs jours, maintenant !

– J'ai privilégié la vitesse à la sécurité pour cette fois, répliqua Othéo en souriant légèrement dans le but de rassurer Ewen. Je voulais atteindre Rhéa au plus vite. Et puis, j'ai quand-même réussi à résister à l'assaut d'une tribu Vegarionne !

– J'admire votre force et votre courage pour entreprendre un tel voyage seul, votre Majesté, intervint Harvay en s'inclinant légèrement par respect. Mais votre fille a raison. C'était très inconscient de votre part d'agir ainsi. D'ailleurs, cela m'étonne beaucoup de vous... enfin, sans vouloir vous offenser.

– Allons allons, vous deux ! Ce qui est fait est fait. L'essentiel, c'est que je sois arrivé à destination en vie, et sans trop de blessures, non ? »


Othéo avait prononcé ces mots alors que son sourire s'était agrandi, à l'étonnement d'Ewen et d'Harvay qui s'étaient échangé un regard déconcerté. Mais le visage du roi de Vopaqua se fit plus sérieux et grave quelques secondes plus tard:


« Il y a plusieurs choses dont il faut qu'on parle, Ewena.

– Je m'en doute bien, papa. Je suppose que tu veux connaître les pistes que j'explore pour retrouver les assassins du roi Moreh et du prince Aelan, n'est-ce pas ?

– Entre autres, oui.

– Entre autres ? » s'étonna Harvay, qui se demandait à quoi d'autre pensait son roi. Le suzerain aux cheveux azur se leva de son lit, et alla vérifier à la porte si personne n'était derrière celle-ci en train d'écouter leur conversation. Puis, il prit soin d'aller fermer les fenêtres ouvertes. Visiblement, il ne voulait que personne n'entende ou ne surprenne leur discussion, ce qui étonna Ewen et Harvay qui ne comprenaient pas vraiment l'attitude du plus âgé sur le coup. Ce dernier était ensuite revenu vers eux en croisant les bras.


« Je ne pense pas que les assassins de Moreh et d'Aelan soient les seuls dangers que courent le continent, finit-il par dire aux jeunes.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? » questionna sa fille. Othéo raconta alors sa rencontre avec les enfants du dirigeant de Grendia, à savoir Léonard et Annette. Par l'intermédiaire de ces deux-là, il avait appris que leur père, Edgard, était en contact constant avec le roi Vegarion, et qu'il avait été informé de la présence d'Ewen à Rhéa grâce à lui.


« Mais... Quel est l'intérêt pour sa Majesté Aeren de divulguer ça au président de Grendia ? demanda la princesse Vopaquine, très étonnée de ce fait.

– C'est exactement ce que je me suis demandé sur le coup. J'ignore pour l'instant si c'est juste pour but informatif, ou s'il y a une arrière pensé derrière cet acte, mais les souverains de Grendia et de Vegario complotent sans doute quelque chose, s'ils sont en contact constant.

– Peut-être qu'ils se sont alliés pour tenter d'arrêter les meurtriers qu'on recherche ? supposa Harvay en croisant les bras, l'air pensif.

– Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir aussi contacté les autres souverains de Kaäraan, et en particulier Dame Nefer ? contredit alors Ewen.

– Il ne faut pas non plus oublier que certaines nations sont en conflit entre elles, intervint son père. Je pense à Vegario et Xen, mais également à Redfir et Norte. Suite à la mort du prince Aelan, pas mal de personnes pensent que l'empereur Xenois serait mêlé à cette histoire. Quant à celle de Moreh, les accusations pointent l'empereur Lawrence de Norte. Personnellement, je ne pense pas qu'Edeus ou Lawrence soient responsables de ces tragédies. Je pense plutôt que les meurtriers ont fait en sorte que ces deux empereurs soient accusés à tort. Et quelque chose me dit qu'Edgard et Aeren ne sont pas étrangers à tout cela. Surtout Edgard. »


Ewen et Harvay s'échangeaient un nouveau regard. Pourquoi le président de Grendia agirait-il de cette manière ? Les accusations d'Othéo envers lui et le roi de Vegario étaient plutôt graves. Honnêtement, ils avaient du mal à croire une telle chose. Mais ce n'était pas pour autant des pistes à écarter pour éclairer cette histoire. Le souverain de Vopaqua demanda alors à sa fille ce qu'elle avait découvert concernant les meurtres en eux-mêmes. La jeune fille aux cheveux bleus observa alors son père, puis Harvay. Elle n'avait pas mis ce dernier au courant de ses trouvailles jusqu'à maintenant. Elle avait préféré attendre le moment opportun pour le faire. Et ce moment se présentait enfin.


« Est-ce que Mortem Orbis vous dit quelque chose ? demanda-t-elle aux hommes, à l'étonnement de ces derniers.

– Mortem Orbis ? répéta Harvay. La secte de sorcières que mentionne l'une des légendes de Kaärann ?

– Elle-même, acquiesça Ewen, l'air sérieux. Je commence à me demander s'il ne s'agit que d'une simple légende.

– Qu'est-ce qui te fait dire cela ? lui demanda Othéo, plutôt sceptique devant une telle hypothèse de la part de sa fille.

– Eh bien, vous ne trouvez pas cela étrange que de nombreuses personnes de sang noble ou royal se fassent tuer récemment, et que leurs assassins ne laissent aucune trace permettant de les retrouver ? J'ai combattu l'un de ces meurtriers, celui qui a tué le roi Moreh. Et j'avais vu cette espèce d'aura pourpre qui entourait son corps. Sa force et sa vitesse semblaient décuplées grâce à elle.

– Tu penses qu'il aurait utilisé une quelconque magie, ou quelque chose du genre ? l'interrogea son serviteur blond.

– J'en suis même certaine. Mais ce n'est pas une magie naturelle comme on retrouve chez les natifs de Vopaqua ou de Vegario. Je n'avais jamais rien vu de tel, auparavant.

– Admettons qu'il y ait vraiment une quelconque magie derrière tout ceci, intervint le roi aux cheveux azurs, toujours aussi perplexe devant ces explications. Pourquoi penses-tu qu'il y aurait un lien particulièrement avec Mortem Orbis ? »


La jeune princesse, voyant que son père n'était pas convaincu, jugea qu'il était bon de rappeler la légende du Mortem Orbis. Il s'agissait d'une secte composée de dix femmes qui désiraient prendre le contrôle de Kaärann en utilisant comme arme la magie renfermée dans les reliques divines, ainsi que diverses techniques de sorcellerie normalement prohibées dans tout le continent. Ce groupe, qui était parvenu à réunir les six reliques divines, s'en était servi pour créer ce qu'on appelle les auras. Ces sources d'énergies magiques étaient si puissantes qu'elles pouvaient rivaliser avec la magie des reliques divines. Dix auras de couleurs différentes et aux attributs différents avaient été créées à ce moment là. Une pour chacune des sorcières du Mortem Orbis.


« Parmi ces auras, continua la princesse aux cheveux bleus, il en existe une de couleur pourpre, et qui confère à son utilisateur une force incommensurable, ainsi qu'une vitesse ahurissante. Deux choses que mon agresseur semblait posséder, en plus de l'aura pourpre en elle-même. Je ne pense pas que tout cela ne soit qu'une simple coïncidence.

– Hum... réfléchit alors son père. Il est vrai que cette histoire d'aura est plutôt étrange. Mais de ce que je me souvienne, Mortem Orbis, selon la légende, aurait existé il y a plusieurs siècles. Ces sorcières sont mortes depuis.

– Les sorcières ont disparu, intervint Harvay, l'air penseur, mais les auras ont sans doute perduré. Des personnes, dont l'assassin du roi Moreh, sont probablement parvenus à mettre la main dessus, et à s'en servir pour continuer ce que les sorcières de cette époque ont commencer. C'est-à-dire tenter de prendre le contrôle du continent.

– Ça expliquerait pourquoi ils se sont mis à assassiner des nobles, puis certains membres des familles dirigeantes. » conclut Ewen en se tournant vers son père, qui avait affiché un air surpris. Le roi Vopaquin ne voulait pas y croire, et avait toujours au fond de lui une part de perplexité devant une telle hypothèse. Mais il était forcé de constater que cette histoire avec le Mortem Orbis faisait sens avec certains faits.


« Ce qui voudrait donc dire que cette secte n'était pas qu'une simple légende, et qu'elle s'est reformée avec des gens qui partagent les mêmes idéaux et objectifs que les sorcières, murmura-t-il en détournant le regard. Si cette piste s'avère juste, alors nous avons à faire à des ennemis vraiment dangereux.

– Selon la légende, les armées des différentes nations étaient parvenus à faire disparaître les sorcières du Mortem Orbis, non ? demanda Harvay.

– Pas sans mort d'hommes, répondit Ewen. De plus, les sorcières n'étaient que dix. Peut-être que nos criminels sont plus nombreux cette fois, et qu'ils se sont préparés à une telle riposte de la part des nations. »


Othéo se contentait d'écouter les deux plus jeunes sans rien dire, semblant réfléchir à quelque chose. Il ignorait si les soupçons de sa fille étaient vrais, même s'ils étaient justifiés. Mais si c'était le cas, le roi de la nation des océans craignait pour l'avenir de Kaärann.


« On devrait en parler aux autres souverains, tu ne crois pas ? demanda tout à coup Ewen, ce qui le tira de ses pensées.

– Pour la sécurité des populations, il faudrait effectivement mettre les familles dirigeantes au courant. Mais avant, je voudrais avoir une discussion avec le roi Aeren à ce sujet. Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir, avant de révéler cette piste que tu proposes.

– Je comprends. » se contenta de répliquer la princesse avec un léger sourire. Elle était soulagée d'avoir pu enfin révéler tout ce qu'elle savait à son père et à Harvay. Mais d'un autre côté, elle avait un mauvais pressentiment. D'une part par rapport aux suspicions de son père vis à vis de certains souverains, et d'autre part car qu'elle avait peur qu'une nouvelle tragédie ne se reproduise au sein des familles dirigeantes.



La vie continuait son cours dans cette nation des forêts. Les heures défilaient à la capitale Vegarionne sans que personne ne s'en rende vraiment compte. Le visage à moitié caché sous une capuche de voyage, Seven venait d'arriver à Rhéa. Il n'avait pas rencontré de problème durant sa traversée du désert de Xen grâce à l'escorte mise en place par Shira, ni pendant son trajet à travers les forêts de Vegario. Néanmoins, la chaleur subie à la nation des sables combinée aux heures de marche et de course qu'il avait endurées pour arriver à destination l'avait épuisé. Il savait qu'Ewen se trouvait à l'intérieur du palais royal, et le moment le plus opportun pour abattre sa cible était au milieu de la nuit. Il avait donc un peu de temps à perdre avant de passer à l'action. Se mêlant aux nombreux villageois qui longeaient les longues allées de la capitale, le jeune assassin avançait en direction du château, tout en admirant l'architecture des habitations, et la beauté de cette ville fleurie. Rhéa était un lieu agréable à regarder et à visiter. Ce n'était pas la première fois que l'homme à la longue chevelure ébène y mettait les pieds. Mais à chaque fois qu'il y venait, il se sentait bien. L'environnement apaisant le relaxait, et le fait de ne croiser ici quasiment que des Vegarions pur souches lui donnait le sentiment de se sentir comme chez lui. Toutefois, et malgré tout, Seven ne s'y sentait pas vraiment à sa place, d'une par parce qu'il n'était pas totalement Vegarion, et d'autre part à cause de son statut d'assassin du Mortem Regis.


« Hé, jeune homme ! Que dirais-tu d'offrir des fleurs pour ta petite amie ? » l'interpella alors une jeune fleuriste Vegarionne souriante devant laquelle il passait. Haussant un sourcil d'un air blasé face à une telle proposition, Seven s'était arrêté pour s'approcher d'elle.


« Je n'ai pas de petite amie... » répliqua le jeune homme dans un murmure. Toutefois, il jeta un coup d'oeil aux fleurs disposées sur l'étalage de la jeune femme. Il connaissait quasiment toutes les espèces présentes. Il y avait des fleurs qu'on trouvait à foison à Vegario, mais certaines semblaient importées des autres nations. Une espèce de fleur en particulier avait attiré l'attention de l'assassin: Elle ressemblait à une grosse marguerite, excepté que ses pétales étaient d'un rouge vermillon. Seven n'avait jamais vu de telles fleurs auparavant. La vendeuse, en constatant qu'il était intrigué par cette espèce en particulier, lui donna quelques explications:


« Elles sont jolies, hein ? Ce sont des lizs. Ces fleurs viennent de Redfir. Elles ont la particularité de pousser non loin du volcan Sena, et de résister à la chaleur. D'ailleurs, la princesse de Redfir a été nommée par rapport à cette fleur, à ce qu'il paraît ! »


Seven afficha un air maussade en repensant à la princesse Liz. Il se rappela qu'elle était présente au moment où le tueur avait assassiné son père devant ses yeux.


« Elles sont belles, en effet, intervint tout à coup une douce voix féminine, différente de celle de la fleuriste. Pouvez-vous m'en faire un bouquet, s'il vous plait ? »


Alors que l'assassin avait tourné sa tête vers celle qui venait de parler, la vendeuse s'était inclinée devant celle-ci avec un léger sourire:


« Avec plaisir, votre Majesté. »


L'homme aux cheveux d'ébène avaient écarquillé ses yeux de stupéfaction en dévisageant celle qui se trouvait en ce moment à côté de lui. Il s'agissait de l'épouse du roi de la nation des forêts. La reine Alfrid. Celle-ci avait tourné les yeux vers Seven, et lui adressa un léger sourire.


« Vous aussi, vous êtes ici pour acheter des fleurs pour l'un de vos proches ? » lui demanda-t-elle. Seven ne savait pas trop comment réagir. Il ne s'attendait pas à rencontrer un membre de la famille royale de Vegario en ce jour. Ce n'était pas spécialement une bonne chose pour lui, mais soit ! Il devait se débrouiller pour ne pas paraître suspect. Il décida alors de jouer au citoyen de Rhéa, tout ce qu'il y avait de plus normal, et de s'incliner devant elle.


« Non, ma reine, répondit-il. Je ne faisais... Je ne faisais que les regarder. »


Devant une telle réponse, le sourire d'Alfrid s'attendrit, et son regard s'était de nouveau tourné sur les lizs que la vendeuse avait pris pour en faire un bouquet.


« Mon fils adorait particulièrement ces fleurs, raconta-t-elle. Il nous en offrait souvent à moi et à ma fille, et disait que ces fleurs dégageaient quelque chose de joyeux et apaisant.

– Mes condoléances pour le prince... votre Majesté. » répliqua Seven, qui s'était lentement redressé, mais qui n'était pas très à l'aise devant la reine Vegarionne. En vérité, n'ayant jamais vu ni connu le prince Aelan, la mort de celui-ci ne l'affectait pas. Mais voir la mère de ce jeune homme aussi peinée par la perte de son fils aîné était désolant. Et malgré la carapace de pierre que l'assassin en vert s'était forgé autour de son coeur, il ne parvenait pas à rester insensible face à une personne qui avait perdu un proche. Il avait lui-même connu cette tragédie à plusieurs reprises tout au long de sa vie.


« Vous lui ressemblez beaucoup, confia alors la reine, tirant Seven de ses pensées. J'ai même cru qu'il s'agissait de lui, au moment où j'ai posé mes yeux sur vous. »


Le jeune homme était plutôt surpris par ce fait. Lui ? Ressemblant au prince Aelan ? Il ne savait pas trop s'il devait prendre cela comme un compliment ou non.


« Voici votre bouquet, votre Majesté ! » fit joyeusement la vendeuse en tendant le bouquet de lizs à la reine, qui la remercia chaleureusement. Alfrid se tourna ensuite vers Seven pour lui parler de nouveau. Mais à sa grande surprise, le jeune homme avait disparu. Il s'était comme volatilisé, ce qui étonna à la fois la reine, et la vendeuse.


En vérité, Seven avait profité de leur moment d'inattention pour s'éloigner de ce petit monde, et se réfugier derrière l'une des nombreuses bâtisses de la ville.


« Bon sang... » pesta-t-il intérieurement en serrant ses dents. En quelques minutes, il venait à la fois de croiser une personne qu'il ne souhait pas voir en ce jour, et de raviver des souvenirs assez douloureux. Cela en faisait trop d'un coup. A croire que le sort s'acharnait contre lui pour rendre encore plus compliquée la tâche qu'il avait à effectuer.


Alors qu'il avait poussé un léger soupir, comme pour évacuer une certaine anxiété qui s'était installée chez lui, une pluie soudaine commença à s'abattre sur la capitale, à la stupéfaction des habitants qui ne s'attendaient visiblement pas à une telle météo en cette journée qui était ensoleillée. Chacun pressait le pas pour se mettre à l'abri sous les habitations, en attendant que cette averse ne cesse. Seven, lui, était resté là où il était, laissant l'eau de la pluie ruisseler sur ses vêtements. Mais il savait que ce changement soudain de temps n'était pas naturel. Sortant de sa cachette improvisée, son regard s'était tourné vers le toit d'une maison haute de deux étages. Au sommet de celle-ci se trouvait la silhouette d'une personne, toute vêtue de noire, et possédant un masque blanc qui recouvrait la totalité de son visage. Cet individu n'était nul autre que le boss du Mortem Regis. Et l'assassin aux cheveux d'ébène savait qu'il ne se trouvait pas en ce lieu par hasard. Le boss voulait sans doute s'assurer personnellement que Seven tue Ewen. Le jeune homme comprit donc qu'il n'avait pas le droit à l'échec, même si sa mission ne l'enchantait pas.


« Pff... Quelle emmerde. » fit l'assassin en toisant le boss du regard, avant de lui tourner le dos, et de reprendre sa route.



Au même moment, au palais impérial de Xen qui resplendissait sous la lumière d'un soleil radieux, Shira se tenait debout près de la fenêtre de la chambre dans laquelle avait séjourné Seven la veille. Tenant contre lui la peluche de singe que l'assassin avait promis de récupérer, le jeune prince observait la cité de Xenati d'un air légèrement attristé. D'habitude, à cette heure-ci, il parcourait les rues de la capitale Xenoise pour se promener. Mais aujourd'hui, il n'en avait pas réellement envie. Depuis le départ de Seven, le second prince de Xen se sentait un peu seul et s'ennuyait. Pourquoi avait-il fallu que le seul ami qu'il se soit fait s'en aille aussi vite qu'il était venu ?


« Je t'ai connu bien plus joyeux, mon chéri. » résonna tout à coup une voix féminine qui tira l'adolescent de ses pensées. Il se retourna pouvoir sa mère, l'impératrice Shante, entrer dans la chambre, et s'avancer vers lui avec un sourire bienveillant aux lèvres.


« Je m'étais aussi attendu à te retrouver dans ta chambre, et non ici, reprit elle.

– Je ne comptais pas m'éterniser dans cette chambre, affirma Shira en rendant le sourire à sa génitrice. Je voulais seulement récupérer cette peluche, et j'en ai profité pour admirer cette angle de vue de notre cité.

– J'ignorais que tu possédais une peluche. Tu n'as pas passé l'âge pour ce genre de jouet ? »


Shira rigola légèrement devant cette question.


« Je ne pense pas qu'il y ait un âge spécifique pour avoir des peluches, maman. Et puis ce n'est pas la mienne, mais celle de Seven. Il avait l'air de fondre devant elle lorsqu'il l'a aperçue sur un étalage. Alors je l'ai lui offerte, en me disant que ça lui ferait plaisir.

– Si c'est la sienne, pourquoi se trouve-t-elle ici ? demanda l'impératrice, de plus en plus étonnée.

– Il l'avait oubliée, mais m'a affirmé avant de quitter Xenati qu'il reviendrait la chercher la prochaine fois qu'il viendrait me rendre visite.

– Je vois. J'ignorais qu'un aussi beau jeune homme adorait à ce point les peluches !

– C'est vrai que c'est plutôt surprenant de sa part sur le coup. Mais chacun ses passions, comme on dit ! »


Shante observait son plus jeune fils sans perdre son sourire. Selon elle, Shira était très doué pour cacher ce qu'il ressentait vraiment derrière son côté jovial et optimiste. Mais le connaissant que trop bien, elle voyait bien que le petit prince n'était pas si enthousiaste qu'il voulait le faire croire.


« Seven te manque, n'est-ce pas ? »


Ne s'étant pas attendu à une telle question de la part de sa mère, Shira demeura silencieux quelques instants. Son sourire se faisait amer tandis qu'il avait détourné son regard de l'impératrice.


« C'est pour cette raison que tu restes dans cette chambre, je me trompe ?

– Euh... Eh bien... Il y a effectivement une part de vérité... avoua le garçon, un peu gêné.

– Cela peut se comprendre ! Après tout, c'est la première fois que je te vois aussi proche de quelqu'un n'appartenant pas à notre famille. Surtout que Seven est plutôt dans le genre exceptionnel ! Je veux dire: il a quand même réussi à donner du fil à retordre à ton père, et à le vaincre lors de leur duel !

– Oui, il est très fort au combat. Je l'ai déjà vu à l'oeuvre à plusieurs reprises. J'avoue avoir une certaine admiration pour lui, de ce côté là. »


Shira croisa ensuite les bras, avant de continuer:


« Après, il n'a pas vraiment un caractère facile, et peut paraître brutal dans ses gestes ou dans ses propos. J'étais même tenté de lui mettre des claques à plusieurs reprises, à vrai dire. Mais lorsqu'on apprend à le connaître, c'est quelqu'un de plutôt sympa, et bien plus compatissant et sensible qu'il ne le laisse paraître. J'aurais tellement voulu qu'il reste ici plus longtemps, et mieux le connaître... »


Shante n'avait pas lâché son fils du regard qui avait perdu son sourire, et le regardait avec une certaine tendresse. Elle le trouvait vraiment adorable en cet instant, et regrettait qu'il ne soit pas plus heureux qu'il devrait l'être.


« Tu t'es rapidement attaché à ton ami, à ce que je vois, parla-t-elle en posant sa main sur la joue de son enfant. Et je vois à quel point il te manque. Mais je ne suis pas sûre qu'il serait ravi d'apprendre que tu tires cette tête d'enterrement pour cette raison. Surtout que le jour de ton anniversaire arrive à grands pas ! Beaucoup de personnes seront présentes au palais pour cette occasion. Une telle idée devrait te redonner le sourire, non ?

– Hum... »


Shira ne répondit pas, au grand désarroi de Shante, qui espérait une autre réaction de sa part.


« Mon chéri, j'essaye de te remonter le moral, tu sais ?

– J'ai remarqué, ne t'inquiète pas ! A vrai dire, je me sens un peu mieux grâce à cette petite discussion, affirma le prince en souriant sincèrement.

– Tu en es sûr ? Tu sais que je n'aime pas te voir triste, Shira.

– Triste est un bien grand mot... Mais tu ne devrais pas t'inquiéter autant pour moi, maman. C'est vrai que l'absence de Seven fait un vide, mais j'ai surtout besoin de temps. Je pense que ce sentiment me passera au fil des jours. »


L'impératrice observa son plus jeune fils quelques instants, pour tenter de repérer un geste qui pourrait trahir la sincérité des paroles de ce dernier. Mais elle constata qu'il n'y en avait aucun, et sentait donc que Shira pensait vraiment ce qu'il disait. Elle lui adressa un léger sourire, avant de le prendre tout à coup dans ses bras, et de le blottir contre elle, n'hésitant pas à enfoncer la tête de l'adolescent dans sa poitrine généreuse.


« Là, je reconnais mon cher petit Ashira !

– Doucement maman, tu m'étouffes... ! » se plaignit le jeune homme, qui tentait de se débattre avoir de sortir sa tête de la poitrine de sa mère, les joues empourprées d'embarras. Celle-ci, en voyant une telle réaction, rigola avant de le lâcher.


« Allez ! Ne reste pas tout seul dans ton coin. Tu devrais aller voir ton frère à la bibliothèque. Je crois qu'il y a des livres qu'il aimerait te montrer.

– D'accord. Je vais le rejoindre dans quelques instants. » promit le jeune prince, tandis que sa mère, après l'avoir salué, avait quitté la chambre. Shira afficha un sourire en la regardant partir. Cette conversation avec Shante lui avait fait du bien. Puis, il observa une dernière fois la capitale de Xen par la fenêtre, avant de finalement quitter la chambre à son tour, toujours en tenant la peluche de Seven dans ses bras.



En dehors de ce palais, Nineteen et Sixty-Nine, vêtues de robes traditionnelles Xenoises jaune pour la première et rose pour la seconde, se tenaient debout dans l'une des ruelles de la ville, et avaient toutes deux les yeux rivés sur la résidence impériale, et plus particulièrement sur une certaine tour de celle-ci.


« La chambre du prince Ashira se trouverait dans cette tour, selon Four, informa la petite rousse à sa complice.

– Ils ont dû renforcer la garde, depuis l'assassinat du roi de Redfir et du prince de Vegario, prévint la blonde. Il va falloir ruser, si on veut chopper ce garçon sans se faire repérer.

– Une fois qu'on aura mis la main sur lui, il nous suffira juste d'utiliser une pierre de téléportation, pour revenir directement à notre quartier général.

– Faisons ça proprement, proposa Nineteen. Le boss compte vraiment sur nous. On n'a pas le droit d'échouer. »


La plus jeune approuva les dires de son amie, et les deux jeunes filles reprirent leur route comme si de rien n'était. Tout comme Seven qui comptait attendre la tombée de la nuit pour attaquer Ewen, le duo féminin allait également attendre le soir pour infiltrer le palais Xenois, et capturer le plus jeune prince de cette nation.



Laisser un commentaire ?