Mortem Regis

Chapitre 14 : Détermination d'un père

5621 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/02/2021 15:45

Le soleil venait à peine de se lever sur Kaärann. Quelques rayons de soleil passant par la fenêtre éclairaient d'une lumière tamisée la chambre du Palais impérial de Xen, dans laquelle dormait Seven. Celui-ci venait tout juste d'ouvrir les yeux. Le regard tourné vers le plafond de la pièce, il était en train de se remémorer les cauchemars qu'il avait fait cette nuit. Le jeune homme n'avait pas vraiment bien dormi à cause de cela. Il était sur le point de changer de position pour se retourner dans le lit, mais il sentit que quelque chose était accroché à sa main. En regardant sa gauche, il remarqua la présence de Shira, qui semblait dormir à poings fermés, le visage tourné vers lui, et tenant la main de l'assassin dans la sienne. Le plus grand fut surpris par ce fait. Avait-il passé toute la nuit ainsi ? Sa main dans celle du jeune prince ? Le tueur ne savait pas comment réagir sur le coup. Un sentiment de surprise mêlé à une certaine gêne l'envahissait en cet instant.


« Je pensais que tu dormirais encore un peu... » murmura le jeune Xenois, à l'étonnement de Seven. Visiblement, le prince s'était réveillé avant lui, et faisait juste semblant de dormir.


« J'aurais bien voulu, justement, répliqua Seven à voix basse. Mais je peux savoir pourquoi on se retrouve comme ça ? »


Le regard de l'assassin s'était tourné vers leurs mains. En remarquant ce détail, Shira afficha un léger sourire, avant de lâcher la main du plus âgé, et de se redresser dans le lit pour se retrouver assis, l'air penseur. Il semblait réfléchir à sa réponse.


« Tu pleurais et tu appelais à l'aide pendant ton sommeil, finit-il par répondre alors que Seven avait pris un air stupéfait. Ça a duré une bonne partie de la nuit. Je ne savais pas quoi faire. Je ne voulais pas te réveiller, mais je ne voulais pas non plus te laisser ainsi. J'ai donc pris ta main en priant le dieu Rhaj pour que ça t'apaise. Et tu as fini par te calmer par la suite. »


L'homme aux longs cheveux noirs avait du mal à y croire. Lui ? Pleurer ? Voilà quelque chose qui ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps. De plus, il n'avait pas l'habitude de pleurer devant quelqu'un, même inconsciemment. Il en avait un peu honte. Il s'était d'ailleurs retourné dans le lit, pour ne pas laisser le plus jeune voir sa gêne.


« Je... hésita-t-il ensuite. Je suis désolé, si je t'ai empêché de dormir...

– Ne t'excuse pas pour ça, ce n'est pas grave, assura Shira avec un sourire bienveillant aux lèvres. Par contre, ce mauvais rêve que tu as fait, il était horrible à ce point ?

– Je ne m'en souviens pas. » répondit Seven en serrant ses dents. En vérité, il s'en rappelait que trop bien. Mais il n'avait ni la force, ni l'envie de raconter quoi que ce soit. De toute manière, il ne le pouvait pas. En révélant son cauchemar, l'assassin risquait de révéler bien plus à son sujet. Et il ne voulait pas prendre un tel risque.


« Vraiment ? demanda tout de même le prince, qui affichait à présent un air un peu inquiet. Tu ne te souviens vraiment de rien au sujet de ce cauchemar ?

– J'ai tendance à rapidement oublier les rêves que je fais. »


Un silence s'ensuivit. Shira ne savait pas quoi répliquer à cela. En vérité, il n'était pas dupe. Il sentait, et savait que Seven lui mentait pour ne rien dire. Le plus grand avait tendance à cacher ses problèmes, plutôt que de se confier. Le jeune prince avait déjà cerné ce trait de personnalité chez lui. Mais d'un autre côté, il était un peu frustré. Il aurait préféré que son homologue masculin lui fasse un peu plus confiance, et qu'il lui laisse le choix de le réconforter. Après, il ne voulait pas non plus le forcer. Si Seven voulait ne rien dire, c'était son droit après tout.


« Je vois, se contenta-t-il de répliquer. Quelque soit le rêve que tu as fait, j'espère que tu ne le referas plus. »


Le prince se leva ensuite du lit.


« Je vais nous chercher un plateau pour le déjeuner. Ça va prendre un peu de temps pour le préparer. D'ici là, essaye de dormir encore un peu, d'accord ? »


Seven se contenta de lever sa main en signe d'acquiescement, ce qui fit sourire Shira, qui se dirigeait vers la porte pour sortir de la chambre, laissant le plus grand seul. Celui-ci poussa un profond soupir tout en fermant les yeux. Il savait qu'il ne réussirait pas à se rendormir, mais profita tout de même de ce temps de repos supplémentaire qu'on venait de lui accorder.

Plusieurs heures s'écoulèrent ensuite. À Rhéa, Ewen et la princesse Aeris étaient assises sous un arbre en fleurs situé dans la cour du palais royal. Une légère et douce brise souffla en ce lieu, emportant au passage plusieurs pétales roses qui se déposèrent ensuite en douceur au sol, non loin des deux jeunes filles.


« J'envie un peu le paysage magnifique de Vegario, confia la princesse Vopaquine à la plus jeune en souriant légèrement.

– Je n'ai jamais eu l'occasion de visiter votre royaume, dame Ewena. Mais mon frère me disait qu'il s'agissait d'un beau pays. Il me décrivait Vopaqua comme étant le paradis de Kaärann.

– C'est un peu exagéré, rigola la bleue. Mon royaume a beau avoir un joli panorama, certains coins là-bas restent tout de même dangereux, notamment le Col de Nara, que je recommande d'éviter.

– Pourquoi ? s'étonna la princesse Vegarionne.

– Parce qu'il y fait très froid, et aussi parce qu'il regorge de monstres pour le moins étranges, mais dangereux et assez vicieux. Je repense à la colonie de Falglass qui nous ont attaqués moi et Harvay, alors qu'on se rendait au village Minera situé au nord-est de la nation.

– Que sont les Falglass ?

– Ce sont des sortes de grands oiseaux tout en glace. Individuellement, ils ne sont pas si impressionnants que ça, et sont même plutôt simples à chasser, mais en groupe, ils deviennent redoutables. Mieux vaut les fuir rapidement, si on n'est pas bien préparé pour les affronter.

– Et qu'avez-vous fait, Harvay et vous ? Vous les aviez affrontés malgré tout ?

– On peut dire cela, oui ! répondit Ewen, dont le sourire s'était agrandi. Après, je ne vais pas vous mentir: cette bataille a été rude, et la basse température ne nous a pas aidés. Mais à force de persévérance, nous sommes parvenus à les abattre. »


La jeune Aeris observait la plus âgée avec admiration. C'était la première fois de sa vie qu'elle rencontrait une princesse aventurière et combattive comme Ewen. La princesse de Vegario aurait adoré pouvoir se défendre comme elle. Si cela avait été le cas, peut-être qu'elle aurait pu protéger son frère Aelan, et empêcher le meurtrier de celui-ci de le tuer. En repensant ainsi à son défunt aîné, Aeris baissa la tête en affichant un air triste, ce qui interpella la plus grande.


« Dame Aeris ? Vous allez bien ?

– Ceux qui m'ont pris mon frère, vous allez les arrêter, n'est-ce pas ? » demanda celle-ci en gardant sa mine maussade. Ewen observait la jeune fille aux longs cheveux noirs avec compassion et sympathie. Bien qu'elle ne réagissait pas aussi violemment que la princesse Liz, Aeris était quand-même profondément touchée par la perte d'Aelan. Encore plus que la reine Alfrid ou le roi Aeren. Pour la rassurer, la princesse Vopaquine posa doucement sa main sur l'épaule de la plus petite, en affichant un air déterminé:


« Sur mon honneur de princesse héritière de Vopaqua, je vous promets de retrouver l'auteur de ce crime, et de le lui faire payer. »


Face à une telle promesse, Aeris afficha un très léger sourire. Voir Ewen aussi investie dans un tel objectif la réconfortait. Mais d'un autre côté, la princesse Vegarionne se demandait si son homologue aux cheveux bleus était réellement capable d'accomplir une telle mission. Retrouver les meurtriers d'Aelan était une chose, les arrêter en était une autre. Réaliser tout cela était impossible pour une princesse juste accompagnée de son garde personnel. Pourtant, Ewen était habitée par une détermination semblant sans faille pour le moment. Aeris était sur le point de lui demander comment elle comptait s'y prendre pour retrouver le meurtrier de son frère. Mais tout à coup, Harvay accourut vers le duo royal. Il s'inclina ensuite de respect devant la plus jeune, avant de s'adresser à la Vopaquine:


« Ewen. Ton père vient tout juste d'arriver au Palais. Il est actuellement à la salle du trône.

– Il est déjà là ? s'étonna la concernée.

– Par contre, il semble un peu mal-en-point... » révéla le jeune blond à la stupéfaction des deux princesses qui se mirent soudainement debout, avant de se diriger rapidement vers la salle du trône. Arrivés là-bas, Ewen demeura stupéfaite en voyant son père blessé à l'épaule, et avec ses vêtements déchirés à certains endroits. Le roi Aeren était en train d'utiliser son pouvoir de guérison pour tenter de soigner la plaie, sous les yeux de son épouse inquiète, et des soldats Vegarions qui se trouvaient dans la salle. Le regard du souverain Vopaquin s'était tourné vers sa fille, qui s'était approchée de lui.


« Papa ! Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ?

– Juste une malheureuse rencontre dans la forêt. Rien de très grave. » affirma Othéo avec un léger sourire qui masquait la grimace de douleur qu'il avait eue quelques instants plus tôt. Malgré l'éprouvant voyage qu'il avait subi pour arriver jusqu'au Palais Vegarion, le roi aux cheveux azurs était heureux de revoir sa fille en bonne santé.


« Vous avez croisé la route d'une tribu ou d'un clan, je suppose ? questionna Aeren, qui continuait à soigner ses blessures.

– On peut dire ça. Il m'ont attaqué par surprise. Mais j'ai pu m'en sortir en vie, et sans trop de blessures. »


Aeris s'était approchée d'Othéo, dans le but d'aider son père à le soigner. A son tour, elle utilisa son pouvoir de soin sur les plaies de leur nouvel invité. Chose qui étonna Othéo, Ewen et Harvay, c'était que la magie dégagée par la princesse aux cheveux noirs semblait plus efficace que celle du roi. En quelques secondes, la plus grande blessure du roi de Vopaqua s'était cicatrisée.


« Je savais que la magie de guérison des Vegarions était efficace, mais là ça dépasse de loin ce que j'ai pu imaginer, admit Othéo, stupéfait.

– Notre fille Aeris ici présente est très douée dans le domaine du soin, expliqua la reine Alfrid. Ses pouvoirs dépassent les nôtres, et probablement celles de tous les Vegarions maîtrisant cet art.

– Impressionnant ! » firent Ewen et Harvay à l'unisson face à une telle prouesse, pendant que la jeune princesse de Vegario s'était inclinée devant Othéo, avant de se placer aux côtés de ses parents. Aeren avait repris place sur son siège royal, et son épouse et sa fille s'étaient placés de part et d'autre de lui, tous trois faisant face au roi et à la princesse de Vopaqua, ainsi qu'à leur serviteur Harvay.


« Je ne m'attendais pas à ce que sa Majesté de Vopaqua rejoigne sa jeune fille ici seul, et en prenant autant de risques, confia Aeren d'un air sérieux. Vous auriez pu vous faire tuer, vous savez ?

– Il est raison papa, approuva Ewen en s'adressant à son géniteur. Qu'est-ce qui t'as pris de venir seul dans ce royaume ? Et pourquoi être venu, d'ailleurs ? »


En guise de réponse, Othéo s'était tourné vers elle, en posant doucement sa main sur l'épaule de son enfant.


« Fiona est tombée malade depuis quelques jours, lui révéla-t-il.

– Je vous demande pardon ? fit Harvay avec surprise à l'entente d'une telle nouvelle.

– Avec tout ce qui se passe à travers Kaärann, et après votre départ du royaume, sa santé déjà fragile s'est détériorée. Elle avait de la fièvre, lorsque je les laissées, elle, Irina et Saya, pour venir ici.

– Tu aurais dû rester avec elle, répliqua Ewen qui était à la fois choquée par l'état de sa jeune soeur, et étonnée que son père ne soit pas resté justement auprès de celle-ci.

– Je suis venu dans le but de te ramener chez nous saine et sauve, fit Othéo. Mais d'un autre côté, j'ai envie d'en apprendre plus sur l'avancement de tes recherches, et comprendre ce qui se passe. Je veux t'aider, Ewena. »


Ewen n'en revenait pas. Elle ne pensait pas que son père aurait fait tout ce voyage pour l'aider à retrouver les assassins de Moreh et d'Aelan. Mais savoir qu'il était prêt à l'épauler lui donnait encore plus de motivation qu'elle n'en avait déjà pour accomplir la mission qu'elle s'était fixé.


« Votre Majesté, fit Harvay en s'approchant d'Othéo. Pour l'heure, je pense qu'il serait judicieux pour vous de vous reposer.

– J'approuve les dires de ce jeune homme, mon cher, fit Aeren. Après votre épuisant voyage, et ces blessures qui vous ont meurtri, vous feriez mieux de vous ménager, ne serait-ce que pendant quelques heures. Nous reparlerons de toute cette histoire lors de votre réveil.

– Je vous remercie pour votre accueil et votre hospitalité, Majesté Aeren. » répondit Othéo avec un léger sourire. Mais au fond de lui, il ne souriait pas. Depuis qu'il avait appris que ce roi et le président de Grendia étaient en contact constant, une part de méfiance vis à vis du souverain Vegarion était née en lui. Le roi Aeren avait beau être une personne respectable, quelque chose chez lui ne plaisait pas vraiment à l'homme aux cheveux azurs.



Au même instant, au palais impérial de Xen, après avoir pris son petit déjeuner en compagnie de l'assassin, Shira avait laissé celui-ci seul, le temps qu'il se prépare. Seven s'était baigné, coiffé, et avait revêtu sa tunique verte à manches courtes, et son pantalon blanc qui avaient été lavés et rafistolés. Il avait également préparé ses affaires pour son départ, et s'était ravitaillé en munitions pour ses dagues hybrides. Il était à présent prêt à quitter cette chambre dans laquelle il avait passé la nuit dernière. Il jeta un dernier coup d'oeil à la pièce spacieuse et bien décorée. Dormir dans un endroit pareil allait lui manquer. Mais l'heure n'était pas à la nostalgie.


Deux gardes impériaux attendaient le jeune homme devant la porte de la chambre, pour l'accompagner jusqu'à la salle du trône. Seven les suivit silencieusement, admirant de nouveau la belle architecture des grands couloirs du palais. Finalement, une fois arrivés dans la grande salle où se trouvait le trône impérial, les deux gardes restèrent debout près de l'entrée, invitant l'assassin aux cheveux ébènes à avancer. Celui-ci s'exécuta donc, se rapprochant doucement du siège souverain. Edeus y était assis, un grand sourire dessiné aux lèvres. Son épouse Shante siégeait à ses côtés. Quant aux deux princes, Ashur et Shira, le premier se tenait debout à la droite du père, et le second à gauche de la mère. Mais en posant son regard sur le second prince, Seven remarqua que celui-ci avait délaissé sa tenue de civil pour porter une tenue impériale composée d'une tunique légère mais élégante de couleur rouge avec des motifs blancs et dorés, et d'un pantalon brun. Il portait également une paire de petites boucles d'oreilles en or, avec des pierres précieuses rouges incrustées dedans. Shira semblait également avoir les cheveux plus courts que la veille. Ces derniers ne descendait pas plus bas que sa nuque, alors qu'ils lui arrivaient jusqu'aux épaules il y a quelques heures à peine. Seven comprenait mieux pourquoi les citoyens de Xenati n'avaient pas reconnu leur prince. Les deux apparences de Shira étaient véritablement opposées. Néanmoins, cette allure royale seyait à merveille au jeune garçon, en plus de lui donner de la prestance et du charisme, à l'image de l'empereur. Voyant la tête presque ahurie de l'assassin face à sa tenue de prince, Shira lui adressa un grand sourire.


« As-tu passé une agréable nuit, jeune homme ? demanda Edeus à Seven.

– Eh bien... Plutôt, oui. Même si elle était un peu agitée à cause... à cause d'un mauvais rêve.

– Un mauvais rêve ? s'étonna Shante.

– Rien de grave, votre Majesté. Ne vous inquiétez pas pour ça... raconta Seven en souriant nerveusement, pas très à l'aise seul face à toute une famille impériale dans une salle comme celle-ci.

– J'espère que tu es tout de même suffisamment en forme pour croiser le fer avec moi, parla l'empereur. Tu n'as pas oublié ma proposition pour une démonstration de combat, n'est-ce pas ?

– Papa, intervint alors Shira, qui jugeait une telle démonstration inutile. Je continue à penser que ce n'est pas...

– Non, je n'ai pas oublié votre proposition, coupa Seven en adressant un sourire rempli de défis à Edeus. D'ailleurs, je suis prêt. »


Alors que Shira regardait Seven avec étonnement, Ashur rigola discrètement, avant de rétorquer à l'adresse de son jeune frère:


« Ton ami n'a pas l'air du même avis que toi, sur ce coup ! »


Edeus, quant à lui, affichait un sourire similaire à celui de l'assassin. Ce jeune homme lui plaisait de plus en plus, et il avait hâte de voir ce qu'il valait au combat. Se levant de son trône, il attrapa une grande et grosse épée en or qui était déposée derrière celui-ci, et s'approcha de son nouvel adversaire, avant de s'immobiliser, laissant une distance de cinq mètres entre lui et le plus jeune. L'assassin n'était impressionné ni par la carrure imposante du souverain, ni par la taille assez démesurée de son épée. Il se disait même qu'il aurait l'avantage de la mobilité, étant donné qu'une telle arme ne pouvait que ralentir celui qui la maniait. C'est donc avec confiance que Seven s'arma de ses deux dagues-pistolets, avant de se mettre en garde, prêt à combattre.


« Pourquoi le choix de ces armes si petites et singulières ? lui demanda Edeus, sans perdre son sourire.

– Pour mieux surprendre mes adversaires, et les mettre à terre en quelques secondes. »


Devant une telle réplique, l'empereur ne put s'empêcher de rire:


« J'apprécie vraiment ton caractère et ta confiance. Je sens que c'est un beau combat qui s'annonce ! Allez ! Montre-moi ce dont tu es capable, Seven ! »


Sur ces mots, Edeus s'était mis à son tour en position d'attaque, sous les yeux de tous les gens présents dans cette salle, qui étaient curieux de savoir comment un tel duel allait se dérouler. Seven le regarda un instant. Il n'aimait pas être celui qui attaquait le premier. Mais il fallait bien que quelqu'un démarre ce combat. Il accourut alors vers l'empereur Xenois, et effectua une succession d'attaques rapides avec ses dagues. L'assassin voulait tout miser sur sa vitesse et son agilité. Malheureusement pour lui, et avec une facilité déconcertante, Edeus parvenait à lever rapidement son épée pour parer certaines frappes, avant de se baisser pour esquiver une autre attaque, et de donner un coup de coude au niveau du ventre du plus jeune. Ce dernier, par réflexe, avait sauté sur le côté pour éviter ce coup, et observa le souverain de Xen d'un air étonné.


« Il arrive à manier une telle arme, et à se déplacer aussi facilement ? se demanda-t-il, alors qu'Edeus s'était remis en position, sans perdre son sourire.

– C'était bien tenté ! affirma-t'il. Nombreux ont déjà tenté de m'avoir de la sorte par le passé ! »


Seven fronça légèrement les sourcils, s'en voulant d'avoir sous-estimé cet homme. Le fait que l'empereur pouvait se mouvoir et se défendre avec une arme pareille rendait ce combat plus compliqué que prévu. Mais ce n'était pas pour déplaire à l'assassin qui aurait été déçu si un tel affrontement se terminait aussi rapidement et facilement. Affichant un sourire en coin, Seven attaqua de nouveau Edeus, essayant de viser divers points de son corps avec ses armes. L'assassin tentait de temps en temps de tromper la vigilance du plus âgé, et avait fini par passer derrière celui-ci pour le piéger. Hélas, le souverain qui s'attendait à une attaque de ce genre, était parvenu à éviter cette frappe au dernier moment, et à riposter avec un coup de pied dans le ventre de Seven. Celui-ci grimaça de douleur en reculant de quelques pas.


« Merde... pensa-t-il, tandis qu'Edeus le regardait d'un air inquiet.

– Désolé pour ce coup. Je ne t'ai pas fait trop mal ?

– ... Vous avez de la force... répondit l'assassin aux cheveux d'ébène. Mais j'ai connu pire... »


Tandis qu'il s'était remis en garde, l'empereur de Xen afficha de nouveau un sourire. Il était surpris par la rapidité et l'endurance dont faisant preuve Seven. La plupart des adversaires qu'il avait affrontés avaient été vaincus, ou avait abandonné après avoir reçu un coup pareil au ventre. Mais cela n'avait pas l'air d'être le cas de cet homme en vert, qui n'avait pas l'intention de laisser tomber aussi facilement.


« Mon petit Shira est tombé sur un combattant coriace ! » se dit-il alors que son sourire s'était élargi. Puis, il fonça à son tour vers l'assassin, pour l'attaquer. Maintenant qu'il avait vu de quoi le plus jeune était capable au niveau offensif, il voulait voir ce qu'il valait lorsqu'il s'agissait de se défendre. Faisant danser sa lame, il effectua une multitude d'attaques à la fois rapides et puissantes sur Seven. Celui-ci avait choisi d'esquiver chacune des frappes pour le moment, tantôt en sautant ou en effectuant des saltos sur les côtés, tantôt en se baissant. Étant donné la différence de taille entre ses dagues et la grande épée d'Edeus, parer de telles attaques serait très risqué. Mais il ne pouvait pas non plus éviter les enchaînements de l'empereur éternellement, étant donné que celui-ci possédait une vitesse de frappe impressionnante, et qu'il allait finir par toucher le plus jeune à un moment ou à un autre. En retrait, l'impératrice et les princes de la nation des sables observaient le duel, tous stupéfaits par le répondant dont faisait preuve leur invité.


« Shira n'exagérait pas, lorsqu'il vantait le talent de Seven au combat, commenta Ashur.

– Il est fort et très courageux en plus d'être adorable et incroyablement beau ! s'extasia Shante. Si je n'étais pas mariée, et si j'avais une vingtaine d'années de moins...

– Tu exagères, maman ! » la coupa son plus grand fils, un sourire un peu gêné aux lèvres. Shira, quant à lui, n'avait même pas réagi aux commentaires de sa mère ou de son frère. Il était pleinement concentré sur le combat qui opposait son père à son ami. D'ordinaire, il aurait encouragé son père. Mais voyant les prouesses dont faisait preuve Seven, il souhaitait le voir gagner ce face à face.


« Papa a clairement l'avantage pour l'instant, pensa-t-il alors qu'il ne lâchait pas l'assassin aux cheveux noirs du regard. Mais Seven a ses chances, surtout avec les armes dont il dispose. Il faudrait juste qu'il pense à... »


Mais un coup de feu éclata, faisant sursauter tout le monde et tirant Shira de ses pensées. Tous les yeux étaient rivés sur les deux combattants, et tous avaient les yeux écarquillés de stupéfaction devant la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Au moment où Edeus allait effectuer une attaque verticale, Seven avait visé son épée avec sa dague hybride, et avait tiré une balle. L'impact du projectile contre la lame avait freiné la frappe de l'empereur, et l'avait obligé à reculer d'un pas. L'assassin avait profité de cet instant de vulnérabilité pour se précipiter vers lui, et l'immobilier en pointant son autre dague à quelques centimètres de la gorge du souverain Xenois, qui ne bougeait plus, et qui déglutissait légèrement.


« Il y a pensé, pensa Shira en souriant face à ce dénouement. Bien joué, Seven ! »


Edeus, constatant qu'il ne pouvait plus riposter, avait baissé son arme, et reculé pour s'éloigner de la petite lame de Seven.


« J'ai gagné, lui sourit celui-ci en baissant sa dague à son tour.

– Ma foi... fit l'empereur qui n'en revenait pas de s'être fait avoir de la sorte. Je ne m'attendais pas à un coup pareil. Ma méconnaissance de tes armes a eu raison de moi cette fois ! En tout cas, tu es un redoutable combattant, c'est indéniable ! »


Sur ces mots, l'empereur de Xen s'était approché de Seven, et lui avait tendu la main en souriant:


« C'était un honneur de t'affronter, Seven. J'espère que nous aurons l'occasion de croiser le fer à nouveau une prochaine fois. »


L'assassin observait cette main tendue d'un air étonné, avant de finalement la serrer, en adressant un léger sourire à Edeus. Il était plutôt content de sa victoire, mais ne prenait pas pour autant la grosse tête. L'homme en face de lui était vraiment très fort, et si ses dagues n'étaient pas hybrides, Seven n'aurait peut-être pas pu gagner face à lui. Shante, Ashur et Shira félicitèrent les deux hommes pour ce beau combat qu'ils avaient livré. Le jeune homme en vert venait, en quelques minutes, de gagner le respect et l'admiration de toute une famille impériale. Il n'aurait jamais cru que ce genre de chose lui arriverait un jour, mais il en était tout de même content, et plutôt fier.


Hélas, il était temps de partir désormais. Ce séjour dans le palais Xenois lui avait fait du bien, mais il avait toujours sa mission à accomplir. A cette pensée, le visage de Seven s'était légèrement assombri. Malheureusement pour lui, les choses étaient faites ainsi, et il n'avait pas le choix. Shira lui proposa de l'accompagner jusqu'aux portes de Xenati, proposition que l'assassin accepta. Après avoir salué et remercié l'empereur et les siens pour l'accueil et l'hébergement, Seven quitta le château en compagnie du second prince. Contrairement à la veille où le duo passait inaperçu en traversant les ruelles de la cité, aujourd'hui, tous les yeux étaient rivés sur Shira. Chaque citoyen croisant sa route s'inclinait de politesse devant lui, alors que le jeune homme, suivi par l'assassin, se dirigeait vers les portes de la ville en arborant une fière allure, et un sourire aussi radieux que le soleil qui trônait au milieu du ciel dégagé.


Toutefois, ce sourire n'était qu'une facette qui cachait en réalité une profonde tristesse. Le jeune prince devait se séparer du seul ami qu'il s'était fait, et il n'en était pas vraiment enchanté. Finalement, après une dizaine de minutes de marche, le duo arriva à l'entrée de la cité. Une charrette attachée derrière un chameau se trouvait là, avec deux soldats Xenois.


« La traversée du désert étant éprouvante la journée, j'ai demandé à deux de mes soldats de te conduire jusqu'à Vegario avec cette charrette, expliqua le prince en se tournant vers le plus âgé.

– C'est sympa, répliqua Seven avec un léger sourire. Merci pour ça, et pour tout le reste.

– C'est plutôt à moi de te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi !

– Il me semble que tu l'as déjà fait, ça. »


Shira adressa un sourire sincère à Seven, en se rendant compte qu'il n'avait pas tort. Il s'approcha ensuite du plus grand, et saisit la main de celui-ci dans les siennes.


« Je sais que je t'ai déjà posé une telle question par le passé, mais est-ce qu'on se reverra un jour ? »


L'assassin prit le temps de réfléchir à sa réponse. D'ordinaire, il aurait voulu répondre négativement à cette question, estimant qu'il était mieux pour les deux de ne plus jamais se revoir. Mais d'un autre côté, en repesant à la conversation qu'ils avaient eue la nuit dernière, Seven se doutait que cette séparation était douloureuse pour Shira, malgré la bonne humeur de ce dernier. Il ne voulait donc pas rendre ce moment plus pénible qu'il ne l'était déjà, d'autant plus qu'au fond de lui, l'assassin aurait choisi de séjourner plus longtemps à Xenati si les circonstances avaient été différentes. C'est alors que l'homme à la longue chevelure corbeau se rendit compte d'une chose:


« La peluche que tu m'as achetée hier... Je l'ai laissée dans la chambre.

– Oh... fit Shira, un peu étonné par ce fait. Tu veux que j'aille la chercher pour toi ?

– Non, répondit Seven en posant sa main libre sur l'épaule du plus petit. Je la récupérerai moi-même, le jour où je reviendrai. D'ici là, je voudrais que tu en prennes soin pour moi. »


Le plus âgé avait affiché un tendre sourire, alors que Shira le regardait silencieusement pendant un instant, avant de hocher la tête en lui rendant ce sourire:


« Compte sur moi ! J'espère que tu reviendras vite ! »


Seven ne savait pas s'il remettrait les pieds à Xenati aussi vite que ce que le jeune prince espérait. Mais il ne pouvait pas nier qu'il désirait réellement revenir dans cette cité pour rendre visite à Shira dans les jours à venir.


Ce fut un peu à contrecœur que l'adolescent relâcha la main de son ami, pour permettre à celui-ci d'avancer en direction de la charrette qui l'attendait. Seven s'apprêtait à monter dans le véhicule, mais Shira l'interpella en s'approchant de lui.


« Sois prudent pendant ton voyage. » lui dit-il. L'assassin s'était retourné vers lui en le regardant, l'air grave.


« Ce serait plutôt à toi et à ta famille de faire attention, Shira. Avec tout ce qui se passe, les familles dirigeantes ne sont plus à l'abri de rien. »


Seven avait raison sur ce point, et Shira le savait. En plus, étant donné que son père était la première personne qu'on accusait pour le meurtre du prince Aelan de Vegario, il n'était pas impossible qu'on attente à ses jours, ou à ceux de son entourage proche. Le jeune prince, conscient du danger, adressa un sourire pour rassurer le plus grand.


« Nous ferons attention, ne t'inquiète pas. »


Voyant que le plus jeune savait à quoi s'attendre avec tous les évènements tragiques récents qu'a connus Kaärann, Seven sourit légèrement. Mais il ne pouvait pas partir totalement tranquille. Pas en sachant qu'on avait envoyé Nineteen et Sixty-Nine pour capturer le jeune prince, ni en sachant que Four se trouvait peut-être encore dans la capitale Xenoise. Alors qu'il était en train de réfléchir sur tous ces faits, Shira s'était approché de lui pour l'enlacer doucement.


« S-Shira ? » fit Seven en sursautant, tant il ne s'attendait pas à un tel geste. Celui-ci demeura dans cette position sans rien dire, profitant de ce dernier instant avec l'assassin avant son départ. Puis, il le lâcha, et se décolla de lui, avant de le regarder en souriant.


« C'est ma façon de dire au revoir à un ami. » se justifia le jeune prince. Le plus grand ne savait ni quoi dire, ni quoi faire en cet instant. Il ne s'attendait pas à une telle étreinte de la part de celui qu'il avait escorté depuis Vegario jusqu'à la capitale de Xen. Et puis, il fallait dire qu'il n'était pas vraiment habitué recevoir une telle marque affection de la part de quelqu'un. Mais en soit, il ne trouvait pas cela désagréable. Après avoir tendrement ébouriffé les cheveux de l'adolescent, Seven monta sur la charrette, en même temps que les deux soldats qui devaient le conduire jusqu'à la nation des forêts. L'un de ces derniers prit ensuite les rennes du chameau qui se mit à marcher, faisant avancer le véhicule dans le désert. L'assassin observa une dernière fois Shira, qui le saluait par un signe de la main, avant de le saluer à son tour en l'imitant. Puis, il observa l'étendu désertique devant lui, l'air grave. L'heure n'était plus à la détente. Il était temps pour le jeune homme de se rendre à Rhéa pour faire ce qu'il avait à faire.

S'il pouvait le faire.




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