Mortem Regis

Chapitre 13 : La fin d'une solitude ?

4924 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/02/2021 15:35

La nuit venait de tomber sur le continent de Kaärann, et tout était calme et paisible dans la capitale Vegarionne qu'était Rhéa. Rares étaient les citoyens qui se promenaient dans les ruelles de cette ville, pourtant si animée le jour et le soir. Depuis le meurtre de son fils, le roi Aeren avait conseillé aux habitants des villes de son pays de ne pas sortir de chez eux la nuit tombée. De plus, il avait déployé de nombreux gardes à cette heure tardive, afin de renforcer la sécurité des citoyens, mais aussi du Palais. Le souverain ne désirait pas voir un autre membre de sa famille, ou l'un de ses invités se faire tuer de la même façon qu'Aelan. Ce dernier avait d'ailleurs eu droit à de grandes funérailles, et une magnifique sépulture avait été érigée à son honneur dans le cimetière de Rhéa qui se trouvait au nord de la ville. Ewen et Harvay se tenaient debout devant cette pierre tombale faiblement éclairée par plusieurs torches dispersées aux quatre coins de la nécropole. Le duo avait prié ensemble afin que l'âme du jeune prince de Vegario repose en paix.


« Il ne méritait pas de mourir ainsi... murmura le serviteur de la princesse aux cheveux bleus.

– Ceux qui ont commis ces meurtres n'ont aucun coeur, répliqua Ewen, dont une certaine colère était visible dans les yeux. Comment peut-on avoir la volonté d'enfoncer une épée en plein ventre d'un aussi jeune garçon, alors que celui-ci ne faisait que dormir ?

– Au moins, il n'aura pas souffert autant que le roi Moreh... »


Ewen poussa un profond soupir suite à la mention du feu souverain de Redfir. Elle n'arrêtait pas de repenser à la reine Nefer et à la princesse Liz. Elle se demandait comment cette dernière, qui avait été très affectée par la perte de son père, se portait à présent. Mais alors qu'elle était perdue dans ses songes, elle entendit des bruits de pas, et se retourna pour apercevoir la silhouette de l'épouse du roi Vegarion.


« Dame Alfrid, la salua Harvay en s'inclinant devant elle par courtoisie.

– Je ne pensais pas vous voir ici, princesse Ewena. » confia la souveraine en leur adressant un léger sourire, tandis qu'elle avait en main un petit bouquet de fleurs. Ce dernier était sans doute destiné à être déposé sur la tombe de son défunt fils. En voyant cela, Ewen afficha un air attristé.


« Dame Aeris nous a raconté à quel point son frère était une personne généreuse et formidable, raconta Harvay qui s'était redressé, avant de tourner ses yeux vers la tombe. Nous n'avons malheureusement pas eu l'honneur de le rencontrer, mais nous aurions bien voulu. »


Cette remarque fit sourire tendrement Alfrid, qui s'était approchée de la sépulture:


« Vous vous seriez bien entendu avec mon fils. Tout comme vous, il cherchait à faire le bien autour de lui. Il rêvait de voir notre royaume de nouveau réunifié, et aller de l'avant. Malheureusement, les divinités de Kaärann en ont décidé autrement. »


Ewen et Harvay s'étaient échangé un regard suite à cette réplique, alors que la reine s'était accroupie près de la tombe pour déposer son bouquet, et prier intérieurement pendant quelques instants. Voir une telle chose désolait profondément la princesse de Vopaqua. Tout comme la famille royale Firoise, celle de Vegario traversait à présent une période douloureuse après la disparition d'un de leurs membres. Cela donnait une raison supplémentaire à la jeune fille aux cheveux bleus pour retrouver, et mettre hors d'état de nuire les responsables de ces tragédies. A cet instant précis, Ewen repensa à celui qui l'avait attaquée lorsqu'elle séjournait à Kalora, et au mystérieux jeune homme qui lui avait sauvé dans la forêt Aevia. La princesse se demandait toujours si ces deux individus étaient en réalité une seule et même personne. Elle se souvint également que le jeune Xenois, qu'elle et Harvay avaient sauvé, avait appelé cet homme Seven. Est-ce que ce Seven était à l'origine de tous ces meurtres ? Si c'était le cas, est-ce que le jeune garçon qu'ils avaient secouru était toujours en vie après être parti à sa poursuite ?


« Chers divinités, implora-t-elle alors silencieusement. Faites que ce garçon soit sain et sauf. »



Au même instant, au Palais Xenois, Seven avait été invité à dîner avec la famille impériale. D'abord pas très enchanté à cette idée, l'assassin avait fini par accepter. Et c'était sans regret. Cela faisait plusieurs jours que le tueur aux longs cheveux d'ébène n'avait pas mangé un repas aussi copieux. Il y avait de tout : De la viande cuite à point, une multitudes de fruits, de légumes, ainsi que des plats et des desserts typiquement Xenois. Et pour accompagner tout cela, diverses boissons comme de l'eau, du vin ou du jus de fruits étaient proposées. Bien qu'ils n'étaient que cinq à table, l'ambiance y était plutôt joyeuse et bienveillante. Seven, légèrement mal à l'aise au début, avait fini par plus ou moins se détendre, et prenait même parfois part à la conversation. Cette dernière tournait autour de l'épopée de Rhaj vécue par Shira. Le plus jeune prince racontait comme il s'était débrouillé pour sortir de certaines situations périlleuses. La plupart du temps, c'était à l'aide de ses fameux bracelets. Lorsque ces derniers furent mentionnés, Seven demanda à en savoir plus:


« Que sont ces bracelets, exactement ? J'ai déjà vu Shira s'en servir, et je n'avais jamais rien vu de tel auparavant.

– Ce sont les bracelets de Rhaj, répondit Ashur. L'une des six reliques divines de Kaärann.

– Des reliques divines ? » s'étonna Seven. Mais sa stupeur surprit toute la famille impériale.


« Tu n'as jamais entendu parlé des reliques divines ? » le questionna l'impératrice Shante. Mais le jeune homme répondit négativement par un signe de tête. Il se sentait presque gêné, et craignait de passer pour un inculte sur ce coup. Mais l'empereur Edeus prit le soin de lui expliquer:


« Jadis, notre monde, ou tout du moins notre continent, fut crée par six divinités: Nalys, la déesse de l'eau, Rhaj, le dieu du feu, Ekko, la déesse du vent, Feryn, le dieu de la terre, Shakra, la déesse de la vie, et Keres, le dieu de la mort.

– Je connais effectivement cette légende, répliqua Seven.

– De le but de maintenir la paix sur Kaärann au fil des âges, continua Edeus, chacune des divinités a créee une arme possédant des capacités magiques. Les bracelets que porte mon fils est l'une de ces six armes. C'est l'arme divine crée par Rhaj, qui est le dieu qu'on vénère le plus à Xen.

– Ce que mon père a omis de dire, intervint Shira, c'est que manier ces armes n'est pas à la portée de n'importe qui. »


Seven observa le prince en lui demandant ce qu'il entendait par là. Ashur lui répondit alors qu'en plus d'avoir crée ces armes magiques, les divinités avaient également choisi une poignée d'élus destinés à utiliser les capacités de ces reliques.


« Ces personnes choisies sont surnommées les élus bénis par les dieux, compléta le père. Et Shira est l'un d'entre eux. Bien que les bracelets de Rhaj soient une relique divine conservée dans notre famille depuis plusieurs générations, très peu dans notre lignée faisaient partie de ces élus. Dans notre famille actuelle, seul Shira est capable de contrôler leur pouvoir. »


L'assassin, surpris par un tel récit, observa le plus jeune prince Xenois. Il avait du mal à croire que ce nabot possédait un pareil héritage. Mais pourquoi lui plus qu'un autre ? Shira possédait-il une particularité que les autres membres de sa famille n'avaient pas ? On pourrait alors se demander quels étaient les critères de sélection des dieux pour choisir leurs élus. Mais personne autour de la table n'avaient une réponse à cette question particulière.


« Je me demande si le boss est au courant de cette histoire... » se demanda Seven qui n'avait pas détourné les yeux de Shira. Si le chef du Mortem Regis connaissait l'existence des reliques divines et des élus bénis par les dieux, et qu'il apprenait que le petit prince était l'un de ces derniers, Shira risquait de devenir une cible à capturer pour l'organisation. L'assassin espérait que ce ne soit pas le cas, et qu'il ne s'en prendrait pas au jeune garçon. Celui-ci, remarquant que son ami le déshabillait du regard, le fit revenir à lui:


« Seven ? Tout va bien ? »


Celui-ci fut tiré de ses pensées, et observa chacun des membres de la famille impériale Xenoise, avant d'adresser un très léger sourire au second prince:


« Oui. Je suis... juste un peu surpris par une telle histoire. Tu as vraiment de la chance de posséder un tel privilège. Je t'envie presque.

– C'est ce qu'on me dit souvent. Mais je pense que tu n'as rien à m'envier, étant donné ta force et ton talent au combat.

– Il est vrai que Shira nous a vanté tes capacités de combattant, intervint Shante en souriant. Je savais qu'il existait de véritables guerriers à travers le continent, mais c'est bien la première fois que j'en rencontre un aussi jeune ! Et aussi beau de surcroît ! »


Devant un tel compliment de la part de l'impératrice, Seven ne put s'empêcher de rougir légèrement en détournant le regard, ce qui fit rire légèrement Ashur.


« Maman, tu l'embarrasses plus qu'autre chose en lui disant cela.

– Je ne fais que dire ce que je pense, voyons ! affirma la concernée avec un grand sourire.

– J'aurais bien aimé une petite démonstration de combat face à moi, confia Edeus en regardant Seven avec un sourire plein de défi.

– Papa, ne commence pas, s'il te plaît, le freina Shira. Nous sommes à table, et il fait déjà nuit.

– Je ne voulais pas spécialement l'affronter ce soir ! rigola l'empereur. Mais demain, avant son départ, j'aimerais bien le voir à l'oeuvre. Enfin, si ton ami est d'accord bien entendu !

– Euh... hésita l'assassin. Eh bien... Si vous y tenez, je veux bien relever ce défi.

– Ça c'est un homme, un vrai ! Tu me plais bien, mon garçon ! » se réjouit le souverain, heureux que le jeune homme accepte. Alors que Shira s'était tapé la main contre la figure, gêné par l'attitude de son père, Shante, Ashur, ainsi que certains gardes environnants étaient enthousiastes à l'idée de voir un duel opposant l'hôte à l'invité.



Ce fut dans cette ambiance joviale que se termina le dîner. Une heure passa ensuite pendant laquelle Seven prit un bon bain chaud. Les cheveux détachés, il avait profité de ce moment pour s'isoler et se détendre. Il s'était remémoré la journée qu'il venait de vivre, et avait même esquissé un léger sourire. Cette visite guidée à Xenati avec Shira, et ce repas partagé avec la famille impériale Xenoise lui avaient fait beaucoup de bien. Mais lorsque ses pensées s'étaient tournées vers Ewen, ce petit sourire avait laissé place à un air plus grave. Non. Il n'avait pas oublié sa mission de l'assassiner. Mais il n'avait pas spécialement envie de le faire. Pas elle. Levant la tête vers le plafond, il poussa un profond soupir.


« Suis-je devenu aussi méconnaissable à tes yeux, Ewen ? » pensa-t-il, intérieurement frustré, et un peu perdu. Il était conscient qu'en tant qu'assassin, il devait mettre ses émotions et ses sentiments de côté pour mener à bien les missions que le Mortem Regis lui confiait. Mais en cet instant, il avait du mal. Lui qui avait toujours été loyal envers son organisation, voilà qu'aujourd'hui il doutait des motivations de celui-ci. Libérer Kaärann du joug des familles nobles et dirigeantes dans le but d'aboutir à une société libre avec comme seul gouverneur le peuple... Était-ce réellement l'objectif du Mortem Regis ?


« Dans ce cas, pourquoi vouloir aggraver les conflits entre les nations du continent, jusqu'au point de provoquer une guerre ? » se demanda-t-il, alors que son regard s'était posé sur la surface de l'eau dans laquelle il baignait actuellement.


« Tu m'as l'air complètement paumé, Seven. » retentit alors une voix grave que le jeune homme connaissait bien. Sursautant presque, le jeune homme tourna vivement sa tête en direction d'un mur sur lequel était adossé un homme aux cheveux argentés, et tout vêtu de blanc. Il portait également des lunettes.


« Four... » grogna l'assassin aux cheveux d'ébène en fronçant les sourcils. Comment avait-il fait pour arriver jusqu'ici sans se faire repérer par les soldats Xenois ?


« Oui, moi aussi je suis content de te revoir ! affirma le quatrième assassin le plus talentueux du Mortem Regis, en réajustant sa paire de lunette sur son nez.

– Pourquoi tu me suis partout où je vais ? Qu'est-ce que tu me veux ?

– Je garde un oeil sur toi, répondit simplement le plus âgé. Étant donné que tu t'es détourné de la mission que le boss t'avait confiée dans le but d'escorter le prince Ashira jusqu'à sa demeure, je voulais m'assurer que tu ne fasses rien de stupide, comme révéler ce que tu es réellement à ton nouvel ami.

– Shira n'est pas mon ami... » répliqua Seven en détournant le regard. Cette simple phrase étonna Four dans un premier temps, mais l'assassin immaculé finit par afficher un léger sourire.


« Pour une personne que tu ne considères pas comme un ami, je te trouve bien protecteur et serviable avec lui.

– Il m'a sauvé la vie, affirma le plus jeune en regardant Four dans les yeux. J'avais une dette envers lui.

– Et si je te disais que le boss avait ordonné à Nineteen et à Sixty-Nine de le capturer ? »


Les yeux de Seven s'étaient écarquillés de stupéfaction face à cette révélation. Ce qu'il craignait était en train d'arriver. Le boss était probablement au courant pour la faculté de Shira. En voyant son jeune collègue serrer ses poings et ses dents en regardant ailleurs, le sourire de Four s'agrandit:


« Si ce gamin ne représente vraiment rien à tes yeux, ceci ne devrait pas te poser de problème, n'est-ce pas ? »


Le concerné ne répondit pas. Il essayait de ne rien laisser paraître, mais son énervement vis à vis des décisions du boss était visible sur son visage.


« D'abord la princesse héritière de Vopaqua, et maintenant le second prince de Xen, reprit Four devant son silence. Je vais finir par croire que tu t'attaches trop rapidement aux gens de sang royal que tu rencontres.

– Cela n'a rien à voir avec leur sang ou leur statut royal. » contredit Seven d'une petite voix agacée. Four se contenta alors de pointer du doigt le bracelet que l'autre portait à son poignet.


« Quand bien même, ce bracelet semble ne plus te quitter, depuis que ce petit prince te l'a gentiment offert. Je pense que tu t'es pris d'affection pour ce jeune Shira, malgré toi. Le boss ne serait pas content d'apprendre ça. »


Le plus jeune s'était tout à coup mis debout, dévoilant son corps nu, et fusillait le plus grand d'un regard noir, lui faisant clairement comprendre qu'il allait lui faire regretter ces paroles s'il n'arrêtait pas immédiatement. Mais cela n'eut que pour seul effet de faire rire légèrement Four, qui croisa ses bras sur son torse:


« Relaxe, jeune homme ! Je n'ai pas l'intention de révéler ça à notre chef. Seulement, tu ferais mieux de te rappeler qui tu es. La plupart des autres membres de notre organisation se montrent méfiants vis à vis de toi, et craignent que tu ne les trahisses un jour.

– Alors ça, j'en ai rien à foutre. » avait répliqué Seven en détournant son regard à nouveau. Four le regarda silencieusement pendant quelques instants. Celui qu'il avait pris sous son aile autrefois avait changé. D'habitude, Seven n'aurait pas hésité a accomplir ses missions. Mais depuis qu'on lui avait confié la mission de tuer la princesse de Vopaqua, et suite à sa rencontre avec Shira, il doutait de lui-même et du Mortem Regis. Quelque part, l'argenté le comprenait, ayant lui aussi une petite part de méfiance depuis sa discussion avec le boss. Mais il craignait que Seven ne s'attire des ennuis en agissant comme il le faisait. Après avoir poussé un léger soupir, il lui tourna le dos:


« Nineteen s'inquiète pour toi, lui révéla-t-il. Sois moins égoïste, et pense à ceux qui s'inquiètent réellement pour toi. Évite de faire n'importe quoi, Seven. Je dis ça pour ton bien. »


Sur ces mots, le plus âgé quitta la pièce, laissant Seven seul. L'assassin aux cheveux noirs n'avait même pas pris la peine de lui adresser un regard au moment où Four était parti. Mais les mots prononcés par son collègue avaient accentué encore plus les doutes qu'il avait en lui.


Finalement, le jeune homme, après s'être séché et revêtu d'une robe de chambre verte qu'Ashur lui avait prêtée pour l'occasion, quitta son bain, et se dirigea vers la chambre dans laquelle on l'avait installé. En entrant dans la pièce, il vit avait étonnement Shira assis sur le bord du lit, et les yeux rivés sur le ciel étoilé du soir visible par la fenêtre.


« Qu'est-ce que tu fais là ? » lui demanda Seven, en avançant à travers la chambre. Le jeune prince lui adressa un sourire, et répondit:


« Je voulais m'assurer que tu ne manquais de rien. Et je voulais également te souhaiter une bonne nuit.

– Je vois. Je crois que j'ai tout ce qu'il me faut. Tu n'as pas à t'en faire de ce côté là. »


Sur ces mots, l'assassin s'était installé sur le lit, en s'asseyant en tailleur sur celui-ci. Son regard s'était tourné vers la peluche de singe qui reposait sur un oreiller à proximité.


« Je te l'ai amenée ici, expliqua le jeune Xenois, alors que son sourire s'était agrandi. Je me disais que tu en aurais peut-être besoin pour passer une bonne nuit.

– Tu me prends pour un gamin, ou quoi ? le questionna le plus grand en plissant des yeux.

– Pas vraiment. C'est juste que tu sembles tellement heureux lorsque tu serres une peluche contre toi, que je me suis dis que ça t'aiderait à bien dormir. »


Puis le jeune garçon pouffa légèrement, retenant un petit rire. Seven le regarda d'un air blasé.


« Vas-y, moque-toi de moi aussi, tant qu'à faire !

– Désolé, s'excusa Shira sans perdre son sourire. C'est juste que c'est la première fois que je rencontre quelqu'un, et qui plus est un adulte, adorant à ce point les peluches. »


Les joues de Seven s'empourprèrent, alors qu'il avait saisit doucement la peluche, avant de la serrer contre lui, tout en détournant son regard du plus jeune:


« Ca te pose un problème, le fait que j'adore les peluches ?

– Pas du tout ! C'est étonnant venant de ta part, mais c'est ton droit. »


L'assassin, toujours en regardant le point opposé de là où se trouvait Shira, afficha une mine boudeuse. Ce n'était pas la première fois qu'on le taquinait sur le fait qu'il adorait les peluches, voire les choses mignonnes en général. Ce genre de chose était une faiblesse pour lui, et cela le frustrait et décrédibilisait un peu son statut de tueur et ses allures stoïques. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de réagir ainsi dès qu'il apercevait une peluche ou un animal qu'il trouvait adorable.


« N'aie pas honte de ça, Seven. » tenta de le réconforter Shira. Mais sa tentative fut vaine, étant donné que le plus âgé gardait toujours sa moue agacée. Le jeune prince réfléchit alors à une autre façon de redonner le sourire à son invité. Ou du moins de faire disparaître cette vilaine moue qu'il affichait. Il décida alors de parler d'autre chose.


« Tu penses avoir une chance contre mon père, demain ? »


Devant une telle question, Seven oublia son embarras et son agacement, et observa le jeune prince.


« Bien sûr que je le pense, répondit-il. Pourquoi ? Je ne devrais pas ?

– Le soucis, c'est que mon père est réputé pour être le guerrier le plus fort de Xen. Et il n'a jamais perdu un combat. Il a même combattu certains monstres du désert à lui tout seul.

– Tu l'as déjà vu à l'oeuvre ? demanda Seven, intrigué.

– A plusieurs reprises. Il est vraiment très fort. Tu l'es toi aussi, mais je ne sais pas trop si tu peux rivaliser avec lui.

– Eh bah merci du soutien, le nabot ! » rétorqua sarcastiquement l'assassin en affichant de nouveau sa mine boudeuse. Une telle réaction fit rigoler sincèrement Shira:


« Je ne dis pas ça pour te vexer, voyons ! Je veux juste te faire comprendre que mon père est un adversaire de taille. Si tu veux le vaincre, il va falloir ruser. »


Devant un tel conseil, Seven réfléchit un instant. Puis, il s'allongea doucement sur le dos, l'une de ses mains positionnée derrière sa tête, et regarda le prince aux yeux cramoisis.


« Tu n'aurais pas quelques tuyaux à me filer, pour le vaincre ? lui demanda-t-il.

– Tu triches en me demandant une telle chose, répliqua le plus jeune sans perdre son sourire.

– La ruse, c'est plutôt ton truc. Tu te souviens ? Moi j'ai la force, et toi la stratégie. On est censé se compléter.

– Désolé, mais tu vas devoir ruser par toi-même, sur ce coup ! Et puis, je ne vais tout de même pas faire un coup pareil à mon père.

– Tch ! Prince ingrat. »


La réplique et la réaction de Seven firent rigoler de nouveau Shira, qui semblait réellement de bonne humeur en cette soirée. Il lui fallut une dizaine de secondes pour se calmer, au grand dam de Seven, qui se contentait de regarder les drapés colorés accrochés au plafond de la chambre d'un air blasé. Le prince observa ensuite l'assassin quelques instants en souriant et sans rien dire, avant de river ses yeux vers le ciel étoilé.


« Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire personnellement, parla-t-il ensuite, mais merci de m'avoir aidé à revenir ici. Et merci aussi de m'avoir fait passer une si bonne journée. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. »


Les yeux de Seven n'avait pas quitté les drapés. Mais en cet instant précis, il repensa au sourire étrange que Shira avait esquissé alors qu'ils parcouraient l'une des nombreuses ruelles de la capitale quelques heures plus tôt. Ce sourire, que le prince voulait faire passer pour sincère, avait sonné faux aux yeux de l'assassin.


« Ma question va sans doute te paraître soudaine, finit-il par dire en tournant sa tête vers le jeune garçon, mais est-ce que tu as des amis, ici ? Ou même ailleurs ? »


Mais ce fut un silence de la part du prince qui lui répondit. Shira avait baissé la tête, l'air un peu maussade.


« Je m'en suis un peu douté... avoua Seven devant un tel mutisme qui en disait long sur la vérité. Lorsque tu disais que ça ne te dérangeait pas que les habitants de Xenati ne te reconnaissent pas, et que ça te permettait d'être tranquille lorsque tu te promenais, j'ai immédiatement senti que quelque chose ne collait pas avec le sourire que tu arborais à ce moment là. »


Shira regarda quelques instants le plus âgé avec étonnement. Il ne s'attendait pas à ce que Seven lui révèle une telle chose. Il ne pensait même pas qu'il aborderait un tel sujet avec lui. Affichant un sourire amère, il détourna son regard de l'assassin:


« Je ne pensais pas que tu étais capable de deviner les émotions des gens rien qu'en les regardant.

– C'est une habitude que j'ai acquise au fil des années.

– Pour répondre à ta question, enchaîna Shira, il est vrai que je n'ai pas forcément d'ami. Enfin... J'ai des connaissances dispersées un peu partout à travers Kaärann, mais pas d'ami proche. En vérité, c'est toujours compliqué pour un prince d'en avoir un. Mon frère Ashur est dans le même cas que moi. Sauf qu'il est l'héritier du trône, et qu'il a de grandes responsabilités par rapport à cela. Donc, il n'a pas le temps de se préoccuper de cela... contrairement à moi. »


L'assassin réfléchit un instant. Il était vrai que le facteur impérial était à prendre en compte dans ce fait. Mais Shira n'avait pas terminé son explication:


« Et puis, il faut dire aussi que j'ai un peu de mal à en trouver. Généralement ceux qui m'abordent savent que je suis le prince de Xen. Lorsqu'on me reconnaît en tant que tel, j'ai quasiment tout le peuple Xenois à mes pieds. Nombreux sont les hommes qui veulent se lier d'amitié avec moi, et nombreuses sont les femmes qui souhaitent m'épouser. »


En repensant à ce tout dernier détail, le prince ne put s'empêcher d'afficher un air gêné, alors qu'il rougissait légèrement.


« Mais lorsque j'adopte une apparence moins impériale, c'est à peine si les gens s'intéressent à moi. En voyant cela, je me dis que toutes ces personnes ne s'intéressent qu'à mon côté princier, et non à la personne que je suis réellement. Pourtant, j'aurais aimé voir une personne m'apprécier sincèrement, sans tenir compte de mon rang. »


Seven observait le plus jeune avec une certaine compassion dans le regard. Il comprenait ce que Shira ressentait: Une profonde solitude. La situation de l'assassin n'était pas identique à celle du prince, mais lui non plus n'avait pas d'ami proche. Plus maintenant, en tout cas. Et puis Seven ne cherchait pas spécialement à en avoir, contrairement à Shira qui espérait en rencontrer n'en serait-ce qu'un dans sa vie.


« N'idéalise pas l'amitié, lui conseilla-t-il toutefois. Certes, avoir des amis, c'est bien dans l'absolu. Mais lorsque ces amis en qui on place toute notre confiance nous trahissent, ce n'est pas une expérience agréable à vivre. Je parle un peu en connaissance de cause, même si dans mon cas, ce n'était pas vraiment de la trahison. Après... »


Seven bloqua un instant, l'air hésitant. Puis, il changea de position de façon à donner son dos au prince. Il leva ensuite son poing et le secoua pour lui faire remarquer le bracelet qu'il portait au poignet.


« A moins de compter pour du beurre à tes yeux, je suis là, moi. Certes, je ne suis pas spécialement le meilleur ami qu'une personne puisse avoir, mais je t'apprécie tout de même. Et c'était déjà le cas avant que je ne découvre ta véritable identité. »


Face à une telle réplique qui lui faisait chaud au coeur, Shira s'était retourné pour observer Seven avec un tendre sourire aux lèvres. Il était vraiment heureux de savoir que quelqu'un, et qui plus est Seven, l'appréciait réellement sans tenir compte de son statut de prince. C'était bien la première fois qu'une telle chose lui arrivait.


« Tu es vraiment formidable, Seven, le complimenta le prince. Je remercie les dieux de Kaärann d'avoir fait en sorte que nos chemins se soient croisés.

– Tu ne devrais pas. » pensa l'assassin, dont les yeux étaient à présent clos. Il aurait voulu prononcer ces mots à voix haute, mais ne voulait pas faire souffrir Shira. Surtout pas ce soir. Il s'était contenté de sourire légèrement face à la réplique du plus jeune. Celui-ci, toujours en souriant, avait décidé de s'allonger doucement à côté de l'assassin, le dos tourné à ce dernier.


« Ça ne te dérange pas, si je reste un peu ici ? demanda le plus petit des deux.

– On est chez toi, répondit simplement Seven sans bouger. Si tu as envie de rester, fais-toi plaisir. »


Content de voir que Seven ne le rembarrait pas, Shira s'installa un peu plus confortablement dans le lit. Un paisible silence régnait à présent entre les deux jeunes hommes, qui finirent tous deux par s'endormir au bout de plusieurs minutes, l'un à côté de l'autre.



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