Mortem Regis

Chapitre 12 : Séjour dans une capitale impériale

4792 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/02/2021 14:55

Une douce odeur d'encens à l'aspect légèrement épicé était parvenue aux narines de Seven, le réveillant lentement. L'assassin aux cheveux d'ébène ouvrit doucement les yeux, émergeant peu à peu du sommeil dans lequel il était plongé. Le regard d'abord tourné vers le plafond, il remarqua que celui-ci était peint dans une couleur dorée, et décoré avec plusieurs drapés aux motifs colorés disposés de façon ordonnée, donnant une allure à la fois chaleureuse et majestueuse au lieu.


« Je suis où, là ? » se demanda le jeune homme en balayant rapidement la pièce du regard. Il se trouvait dans une belle chambre immense, bien aménagée, ayant des allures presque royales.


« Tu es enfin réveillé ? » demanda alors une voix masculine que Seven n'avait jamais entendue auparavant. Tournant sa tête vers sa gauche, il remarqua la présence d'un jeune Xenois assis sur un fauteuil installé près du lit sur lequel reposait l'assassin. Cette personne ressemblait étrangement à Shira. Néanmoins, il avait l'air bien plus grand, ses traits semblaient un peu plus matures, et ses cheveux noirs étaient plus longs et partiellement tressés en plusieurs petites nattes lui arrivant au milieu du dos. Cet homme avait beaucoup de prestance et de charisme, en plus d'inspirer confiance à vue d'oeil.


« Qui êtes-vous ? Où sommes-nous ? Et où est Shira ? demanda l'alité en constatant que le prince Xenois n'était pas présent dans cette pièce.

– Je me nomme Ashure, prince héritier de l'empire de Xen. Nous sommes dans une chambre de notre palais impérial à Xenati. Quant à mon jeune frère, il est probablement avec nos parents en ce moment. Mais il va bien, ne t'en fais pas. »


Seven observa alors ledit Ashure. Il s'agissait donc du frère aîné de Shira ? Il était vrai que la ressemblance entre les deux était visible, même si le cadet possédait des traits beaucoup plus juvéniles que l'ainé. Il se demandait quelle était la différence d'âge entre les deux frères.


« Je vois... » se contenta de répondre l'assassin, qui observait les vêtements qu'il portait, et qui n'étaient pas les siens. Il s'agissait d'une tunique simple Xenoise de couleur marron, avec un pantalon assorti. Face à son étonnement, le prince héritier de Xen lui expliqua avec un sourire bienveillant:


« Tes vêtements étaient sales et amochés. J'ai donc demandé à nos serviteurs de te les enlever, et de les laver. Tu étais dans un piteux état, toi aussi, alors nos serviteurs t'ont également lavé, avant de t'enfiler les habits que tu portes à présent.

– Ils m'ont... lavé ? » répéta Seven en écarquillant les yeux de stupéfaction. Face à une telle réaction, Ashure ne put s'empêcher de rigoler légèrement.


« Personne n'a profité de ton sommeil pour te mater, si c'est cela qui t'inquiète ! »


L'alité ne savait pas s'il devait être rassuré par de telles paroles ou non. Mais il oublia rapidement sa gêne en demandant au frère de Shira où se trouvaient ses armes et ses affaires. Ashure lui répondit qu'elles étaient rangées dans une armoire se trouvant à proximité d'eux, et assura que personne n'y avait touché depuis. Intérieurement soulagé, Seven adressa un léger sourire:


« Vous en avez fait trop pour moi, Prince Ashure.

– Tu as sauvé la vie de Shira, et l'as escorté jusqu'ici en bonne santé. C'était la moindre des choses ! Et tu peux m'appeler Ashur. Pas besoin d'être aussi formel avec moi ! »


L'employé du Mortem Regis semblait troublé par la générosité et la gentillesse dont faisait preuve l'aîné de Shira. A croire qu'un tel comportement exemplaire était de famille !


« Très bien, Ashur. » répliqua finalement Seven, avant de sortir du lit. Le prince héritier Xenois lui avait conseillé de ne pas faire trop d'efforts, mais l'assassin assura qu'il allait bien, et qu'il n'y avait plus de quoi s'inquiéter pour lui.


Finalement, les deux jeunes hommes quittèrent la chambre, et traversèrent l'un des nombreux et longs couloirs du palais impérial. Seven, qui suivait Ashur, contempla le lieu à la fois gigantesque, lumineux, et beau à voir. Bien que ce n'était pas la première fois qu'il mettait les pieds dans un palais, il n'avait jamais eu l'occasion d'en visiter un de jour, et sans intention d'assassinat. Il se sentait comme un insecte, tant les murs du monument s'élevaient très haut. Les murs étaient dorés et décorés de grands drapeaux sur lequel figurait l'emblème de Xen. Celui-ci représentait deux croissants bruns sur fond beige de lune agencés l'un dans l'autre, et enfermant en leur sein une petite flamme... ou une petite larme. Seven ne savait pas trop ce que ce symbole représentait réellement, et il ne chercha pas à en savoir plus. Ses yeux s'étaient ensuite posés sur le sol carrelé éclatant, recouvert partiellement d'un tapis de la même couleur que le fond du drapeau Xenois.


« Si jamais tu te sens perdu parmi l'immensité de cette demeure, parla Ashur en souriant, le tirant de ses pensées, n'hésite pas à demander à nos serviteurs ou à nos gardes de te guider.

– D'accord. » répliqua simplement l'autre en le regardant, avant d'observer ce qui se trouvait devant eux. Une immense porte semblant faite d'or massif venait de s'ouvrir sur ordre du prince, et celle-ci débouchait sur ce qui ressemblait à la salle du trône. A l'image de la chambre et des couloirs que Seven avait vu, cette partie du palais était gigantesque, et transpirait la richesse et la majestuosité. Plusieurs larges colonnes étaient symétriquement disposées de part et d'autre de l'allée centrale menant directement jusqu'au trône, lui aussi en or, et décoré de plusieurs joyaux rouges.


Un petit groupe de personne était présent dans cette salle, non loin du siège impérial: Il y avait Shira, avec une canne en main, dont il devait probablement se servir pour marcher correctement suite à l'entorse qu'il s'était faite la veille. Devant lui, se trouvait un homme baraqué d'âge plutôt mûr, aux cheveux mi-longs noirs en bataille, vêtu d'une tenue à la fois élégante et exotique, dont le haut laissait entrevoir son torse saillant. Une femme aux longs cheveux noirs coiffés en une tresse, et dans une belle tenue de danseuse rouge qui mettait sa poitrine généreuse en valeur l'accompagnait. Tous deux étaient Xenois, tout comme Shira et Ashur. Était-ce leurs parents ? Voyant Ashur et Seven avancer en leur direction, le trio s'était tourné vers eux en souriant.


« Seven ! » s'exclama joyeusement Shira, en avançant vivement vers lui, s'aidant de sa canne pour se mouvoir correctement. Le jeune assassin afficha un léger sourire en voyant autant d'enthousiasme chez le jeune prince:


« Je constate que ta cheville va mieux, Shira.

– Ceux qui m'ont soigné m'ont dit que j'ai eu beaucoup de chance, affirma l'adolescent en souriant. Après, ils m'ont conseillé de ne pas trop forcer dessus.

– Voici donc le jeune garçon qui t'as conduit jusqu'ici ? demanda alors la femme, qui s'était approchée de Seven pour le regarder de plus près en souriant. C'est un bien bel homme ! »


Devant un tel compliment, Seven prit un air un peu gêné. Cette gêne s'était accentuée lorsque ses yeux s'étaient posés sur la poitrine de celle qui venait de lui parler. Il rougit légèrement, tout en regardant brusquement ailleurs, ce qui fit sourire la jeune femme. C'est alors que Shira fit les présentations.


« Voici notre mère, l'impératrice Shante. Et lui, continua-t-il en désignant l'homme avec elle, c'est notre père, l'empereur Edeus. »


Seven avait donc vu juste. Ces deux personnes s'avéraient être les parents des deux princes. Histoire de se faire bien voir aux yeux de cette famille impériale, l'assassin s'inclina devant eux, et s'adressa à eux, non sans une certaine hésitation dans la voix:


« Euh... C'est un honneur... de faire votre connaissance... Vos Majestés ? »


Le pauvre jeune homme paraissait nerveux. N'ayant pas l'habitude d'être reçu chez des personnes de sang royal ou impérial, il ne savait pas vraiment comment s'adresser, ou se comporter correctement avec eux. Et cela fit rire gentiment toutes les personnes présentes dans la salle, que ce soit la famille impériale, ou les quelques gardes présents dans la salle.


« Voyons jeune Seven, redresse-toi ! lui ordonna Edeus en croisant les bras, un sourire bienveillant aux lèvres. Ce serait plutôt à nous d'être heureux de rencontrer celui qui a aidé et sauvé notre fils.

– Euh... Votre fils... Je veux dire, le prince Ashira m'a sauvé le premier, vous savez ? répliqua Seven en se redressant, tout en souriant d'embarras. J'avais une dette envers lui... Je voulais simplement la rembourser. »


Les membres de la famille impériale étaient plus que reconnaissants envers l'assassin. Shira l'était également, et se disait qu'il n'aurait peut-être jamais pu revenir chez lui si sa route n'avait pas croisée celle du plus grand. Pour remercier Seven, l'empereur Edeus l'avait invité à séjourner au Palais pendant le temps qu'il voulait. Mais...


« Désolé, mais je... je ne peux pas accepter une telle offre, refusa l'homme à la longue chevelure corbeau. C'est... vraiment généreux de votre part, et j'apprécie une telle proposition, mais j'ai des choses à faire qui ne peuvent pas attendre...

– Tu es vraiment sûr de ne pas vouloir rester ? insista Shante. Shira fêtera son anniversaire dans deux jours ! Ta présence à cet évènement serait plus que la bienvenue. »


Le manieur de dagues hybrides tourna quelques instants sa tête en direction du plus jeune prince. Rester jusqu'au jour des dix-sept ans de Shira ferait probablement plaisir à celui-ci et à sa famille. Mais Seven leur expliqua qu'il ne pouvait pas attendre aussi longtemps avant de partir.


« Reste au moins jusqu'à demain, lui proposa Shira en s'approchant de lui. Ça te permettra de te reposer suffisamment, avant de reprendre ta route. »


L'assassin soupira intérieurement. Décidément, ce nabot était têtu ! Et sa famille semblait l'être tout autant ! Mais d'un autre côté, il était vrai qu'une journée de repos ne lui ferait pas de mal, surtout après l'éprouvant voyage qu'il avait fait le jour précédent. Adressant cette fois-ci un léger sourire sincère à ses hôtes, il répondit:


« Très bien. Je veux bien rester ici aujourd'hui. Mais demain, je serai obligé de m'en aller.

– Si tel est réellement ton souhait, nous ne te retiendrons pas demain. En tout cas, te voir rester ici en ce jour nous fait réellement plaisir. » affirma Edeus qui s'était approché de lui pour poser sa main sur l'épaule de Seven. Celui-ci se sentait tout petit devant l'imposante carrure de l'empereur Xenois. D'ailleurs, malgré ce physique costaud qui pourrait faire penser à une brute, l'assassin était surpris de découvrir un homme bienveillant chez ce souverain. Comment Xen et Vegario pouvaient-ils être en conflit alors que l'empereur Edeus semblait généreux et sympathique, et que le roi Aeren était réputé pour être sage et pacifique ? Comment pouvait-on accuser aussi facilement le père de Shira pour le meurtre du prince Aelan ? Seven ne savait pas comment le boss s'y était pris pour provoquer cela, mais cela faisait de Mortem Regis un véritable manipulateur des esprits des habitants de Kaärann. Et le jeune homme n'aimait pas vraiment cela. Alors que l'empereur s'était reculé de lui, Shira s'était approché un peu plus pour saisir la main de l'assassin, un grand sourire aux lèvres.


« Je vais faire un tour en ville. Ça te dit de venir avec moi ?

– Euh... hésita Seven dans un premier temps, tandis qu'il regardait Edeus, puis Shante, avant de se tourner vers Ashur.

– Une visite guidée à Xenati par le second prince de Xen n'est pas une offre qu'on propose à n'importe qui, sourit le frère aîné de Shira. Et je pense que notre capitale va te plaire.

– Dans ce cas... C'est d'accord. » finit par accepter le concerné, alors que Shira le traînait déjà vers la porte.


« Alors on y va ! Tu vas voir: Xenati est vraiment une superbe cité ! affirma fièrement le jeune prince.

– Hé, doucement quand même ! s'écria Seven, surpris de se faire tirer de la sorte.

– Papa, Maman, Ashur, nous nous reverrons plus tard !

– Amusez-vous bien ! » leur souhaita l'impératrice Shante, amusée par l'attitude joyeuse de son fils, alors que celui-ci venait de quitter la salle du trône avec le plus grand. Edeus sourit en croisant les bras.


« Mon cher fiston a bien changé en quelques semaines.

– L'épopée de Rhaj a dû lui faire beaucoup de bien, supposa Shante. Et puis, c'est la première fois que je le vois se faire un ami. Sa joie est plus que légitime.

– Surtout que Seven m'a l'air d'être quelqu'un de bien, et de fort, bien qu'un peu timide. » confia Ashur. Le couple impérial approuva les dires de leur fils aîné, avant de se séparer pour vaquer à leurs occupations chacun de leur côté.



Au même moment, le roi Othéo parcourait les grandes plaines de Grendia à dos de cheval, en direction de Vegario. Il pouvait voir à l'horizon les arbres de la nation des forêts s'élever. Il avait hâte de retrouver sa fille aînée à Rhéa, et n'hésitait pas à ordonner à son destrier d'accélérer son allure dans le but d'atteindre sa destination au plus vite. Mais quelque chose l'obligea à ralentir la course de sa monture, jusqu'à l'arrêter complètement. Un jeune homme blond aux cheveux courts, probablement âgé d'un peu plus d'une vingtaine d'années et installé sur un cheval noir, se tenait en face du souverain de Vopaqua. Il était accompagné d'une adolescente assise derrière lui, elle aussi blonde, avec de longs cheveux coiffés en une queue de cheval. Quatre soldats portant des armures aux couleurs de la république de Grendia, c'est à dire à dominance verte, étaient avec eux, chacun aux commandes d'un cheval brun.


« Il n'est pas très courant de voir le souverain Vopaquin traverser seul les plaines de notre territoire, parla le jeune homme avec un léger sourire.

– Je ne pensais pas que nos routes se croiseraient aujourd'hui, Monsieur Léonard, répliqua Othéo, avant de regarder la jeune fille derrière lui. Mademoiselle Annette.

– J'en reviens pas qu'il nous ait reconnu, murmura ladite Annette au plus grand.

– Que font les enfants du président de Grendia en dehors de leur Palais, avec aussi peu de soldats à leurs côtés ? leur demanda l'homme aux cheveux bleus, curieux. Depuis les tragédies récentes qu'a connues le continent, il n'est pas prudent de se promener de la sorte.

– C'est une remarque que je pourrais vous retourner, votre Majesté de Vopaqua, affirma Léonard, dont le sourire s'était agrandi en prenant un air légèrement taquin. Quel bon vent vous amène sur nos terres pourtant si paisibles en ce jour ? »


Othéo fronça légèrement les sourcils. Non pas par méfiance, mais par agacement. Le fils aîné du président de Grendia possédait une certaine arrogance qu'il n'appréciait guère. Et sa jeune soeur semblant assez prétentieuse à vue d'oeil. Malgré le respect qu'il avait pour leur père, le président Edgard, le roi Vopaquin avait un peu plus de mal avec les enfants de celui-ci.


« Grendia n'est point ma destination, finit-il par répondre tout de même. Je ne fais que passer, pour me rendre à la nation des forêts.

– Vous y allez seul ? s'étonna Annette en haussant des sourcils. Sans même une escorte ?

– Avec tout le respect que je vous dois, votre Majesté, intervint le frère aîné de celle-ci, qui se retenait de rigoler, soit vous êtes inconscient des dangers rôdant sur ce territoire sylvestre, soit vous êtes complètement stupide.

– Ce n'est pas plus stupide que les enfants d'un chef d'état qui se promènent insoucieusement hors de leur demeure avec juste quelques gardes, alors qu'un roi et un prince des pays voisins se sont faits sauvagement assassinés.

– Surveillez-vous paroles envers Monsieur Léonard ! » vociféra tout à coup l'un des gardes à l'adresse d'Othéo. Mais le fils du président Grendien avait levé la main à son adresse pour lui faire signe de se taire.


« Je ne disais pas cela dans le but de vous offenser, répliqua-t-il ensuite sans perdre son sourire. Les forêt Vegarionnes sont très dangereuses.

– Vous ne m'apprenez rien de ce côté là, l'informa le roi Vopaquin, dont les traits s'étaient légèrement adoucis.

– Ma foi, je pense que vous avez dû bien vous préparer, si votre souhait est vraiment de vous rendre là-bas. Mais si je peux me permettre: Parfois, bien se préparer ne suffit pas. Ce serait bête qu'il vous arrive un malheur, et que personne n'en soit au courant. Votre fille, la princesse Ewena, a eu beaucoup de chance d'atteindre Rhéa sans problème. Mais est-ce que vous aurez la même chance qu'elle ?

– Attendez un peu, l'interrompit Othéo d'un air suspicieux. Comment savez-vous, pour ma fille ? Vous l'avez rencontrée ?

– N'oubliez pas qui est notre père, répondit alors Annette. Ce n'est pas pour rien qu'il est le président du pays qu'on surnomme la Grande nation ! Il se tient informé de ce qui se passe dans les autres contrées de Kaärann. D'ailleurs, il est en contact constant avec le roi Aeren. C'est lui qui nous a informé que votre princesse séjourne en ce moment chez lui. »


Othéo ne répondit pas. Mais il était surpris. Edgard et Aeren en contact constant... Voilà une chose dont il n'était pas du tout au courant. Il ne savait pas si c'était une mauvaise chose, mais cela ne lui plaisait pas vraiment. Après quelques secondes de réflexion, le roi aux cheveux azurs contourna le petit groupe avec son cheval, tout en s'adressant à eux une dernière fois.


« Si je peux me permettre quelques conseils à mon tour: Rentrez chez vous, saluez Monsieur Edgard de ma part, et surtout, mêlez-vous de vos affaires. »


Sur ces mots, il ordonna à sa monture de repartir au galop, et reprit sa route en direction de Vegario, sous les yeux de Léonard et d'Annette.


« Non mais quel snob ! fit Annette.

– Un peu de respect, ma soeur, lui conseilla son aîné. Il n'est peut-être pas l'homme le plus malin ou sympa qui soit, mais il reste tout de même le roi d'une des six nations de Kaärann.

– Dixit celui qui l'a traité de stupide... » murmura la fille, l'air boudeur.



La cité de Xenati resplendissait par sa grandeur et sa beauté. Il y faisait certes chaud, mais l'ombrage offert par les palmiers qu'on pouvait croiser à certains coins de rues, ainsi que la présence de courants d'air et de petits courts d'eau traversant la capitale en long et en large, rafraîchissaient légèrement le lieu. Les nombreuses habitations en pierre et en argile étaient construites de manière ordonnée le long des ruelles, et s'élevaient entre un et trois étages. Néanmoins, le palais impérial, surplombé de son immense dôme était le point culminant de toute la ville.


C'était la première fois de sa vie que Seven visitait cet endroit. Suivant le jeune Shira qui s'était improvisé comme guide touristique spécialement pour lui, l'homme aux longs cheveux d'ébène marchait parmi la foule qui arpentait les rues de la cité soit pour acheter divers articles auprès des marchands, soit simplement pour se promener ou pour passer le temps, chose que le duo faisait également. Ne lâchant pas la main de Seven pour éviter de le perdre parmi la multitude de citadins qu'ils croisaient, le petit prince faisait visiter les différents quartiers que comptait la ville. Celle-ci était immense, et il lui aurait fallu plusieurs jours pour tout faire visiter au plus grand. Mais n'ayant pas autant de temps, Shira avait choisi de faire visiter à Seven ses endroits préférés.


Il avait commencé par une place à l'est du Palais, dans laquelle se trouvait deux grandes fontaines décorées de statues en forme de jeunes femmes tenant des vases. Plusieurs palmiers s'élevaient également dans cet espace, donnant à cet endroit des allures exotiques.


« On appelle cet endroit la place des fontaines jumelles, expliqua Shira en lâchant Seven, et en s'approchant de l'une des deux fontaines à l'aide de sa canne. Il m'arrive de venir ici de temps en temps, surtout le soir quand j'ai envie d'être au calme.

– C'est plutôt agréable, comme cadre. » affirma Seven qui l'avait rejoint pour observer la fontaine de plus près. L'eau de celle-ci était claire comme du verre, et le bruit qu'elle faisait lorsqu'elle s'écoulait doucement avait quelque chose de relaxant. L'assassin aimait beaucoup ce genre d'endroit, et y serait rester volontiers plus longtemps. Mais Shira voulait lui faire visiter d'autres coins de Xenati, et l'invitait à le suivre. Après avoir jeté un dernier coup d'oeil à cette fameuse place des fontaines jumelles, l'assassin suivit le plus jeune, qui avait de nouveau saisit sa main avant de continuer sa visite guidée avec enthousiasme. Un détail frappa alors Seven: Il était en train de traverser la capitale de Xen en compagnie d'un des princes de cet empire, mais personne dans cette ville ne semblait reconnaître ce dernier. A moins que tout le monde ignorait la présence de Shira ?


« Comment ça se fait que personne ne soit étonné de ta présence, ici ? demanda-t-il alors au concerné.

– Mon peuple ne me voit pas souvent physiquement, raconta Shira. La dernière fois où j'ai fait une apparition officielle il y a plusieurs mois, j'avais les cheveux un peu plus courts, et des vêtements faisant plus impériaux. Je pense qu'ils ont retenu cette apparence de ma personne. Après m'être laissé poussé les cheveux, et enfilé des vêtements moins nobles, j'ai été plutôt surpris de voir qu'à part ma famille et nos soldats, aucun habitant à Xenati ne me reconnaissait. Mais dans un sens, je me dis que ce n'est pas plus mal. Au moins, je suis tranquille lorsque je me promène ici. »


Il afficha ensuite un sourire au plus âgé:


« C'est aussi grâce à ça, si j'ai pu voyager incognito à travers le continent.

– Je comprends mieux... »


Seven observait le plus petit sans rien dire de plus. Il ne laissait transparaître aucune émotion en cet instant, mais sentait que le sourire de Shira en cet instant sonnait faux. Il avait l'impression que l'adolescent n'avait pas tout dit à son sujet. Ou plutôt, c'était comme si une telle situation ne lui plaisait pas autant que ce qu'il voulait faire croire. Préférant ne pas se prendre la tête avec cela pour l'instant, les yeux du tueur délaissèrent le prince, et se posèrent sur un étalage qui avait attiré son intention. Il avait alors stoppé sa marche, à l'étonnement du Xenois.


« Seven ? »


Celui-ci avait libéré sa main de celle de Shira, avant de s'approcher du stand. Le marchand qui tenait ce dernier vendait des petites peluches d'animaux. Une peluche en particulier agissait tel un aimant sur l'assassin: celle d'un petit singe aux gros yeux globuleux et qui souriant de façon adorable. Seven avait saisi cette peluche pour la regarder de plus près. Il la trouvait vraiment mignonne, et avait une folle envie de la serrer contre lui. On pouvait remarquer de légères rougeurs sur les joues du jeune homme, tant le jouet semblait lui plaire. Mais ne voulant pas laisser cette petite faiblesse qu'il possédait s'extérioriser, il se contenta d'afficher un air grave malgré ses joues empourprés, et d'observer le marchand. Mais ses yeux s'étaient écarquillés de stupeur en voyant que ce commerçant n'avait rien de Xenois. C'était un homme à la peau pâle, de grande taille, possédant des cheveux courts argentés, et portant une paire de lunette qu'il venait tout juste de réajuster au dessus de son nez, alors qu'il adressait un sourire un tantinet narquois à Seven:


« Cette peluche m'a l'air de vous plaire, jeune homme. » parla-t-il d'une voix grave, que l'assassin connaissait que trop bien.


« Four ?! » pensa-t-il en serrant sa prise sur la peluche qu'il tenait, tant il ne s'attendait pas à une telle rencontre dans cette ville. Qu'est-ce qu'un assassin du Mortem Regis fabriquait parmi les marchands de Xenati ? Alors que le manieur de dagues hybrides le fusillait du regard, visiblement mécontent de revoir celui qui l'avait pris sous aile autrefois dans un lieu pareil, Shira s'était rapproché du stand, en adressant un sourire à l'argenté.


« Bonjour monsieur, le salua-t-il. Combien coûte cette peluche que mon ami tient ? »


Four observa longuement Seven, et jubilait intérieurement de le voir dans un tel état de surprise et d'énervement. Puis il se tourna vers le prince en lui rendant son sourire.


« Celle-ci coûte quinze Gharils, mon garçon.

– Très bien ! fit Shira en tendant la somme exacte au faux marchand, à l'étonnement de son compagnon. Je vous la prends !

– Que... ? Shira ! » l'appela Seven à voix basse. Il n'arrivait pas à croire que Shira venait de dépenser de la monnaie juste pour lui acheter cette peluche. En guise de réponse, le prince lui fit un clin d'oeil:


« Si cette peluche te plaît, pourquoi t'en priver ? »


Les joues du plus grand s'étaient empourprées un peu plus suite à cette remarque, alors que Four venait de saisir les pièces que Shira lui avait tendues.


« Tu es bien généreux avec ton ami, petit, lui parla le quatrième assassin le plus fort du Mortem Regis. Je pense qu'il a beaucoup de chance de t'avoir à ses côtés.

– La réciproque est également vraie, vous savez ? affirma le jeune Xenois, sans perdre son sourire. En tout cas, merci beaucoup pour cette peluche. »


Après avoir saluer l'argenté, Shira fit signe à Seven de reprendre la route avec lui. Mais il voyait que le plus grand ne bougeait pas de là où il était, et qu'il continuait de fixer Four du regard en serrant contre la peluche qu'on venait de lui offrir.


« Qu'est-ce qu'il y a, Seven ? »


Four le fixait également en souriant, ce qui l'agaça au plus au point. Si Shira n'était pas là en cet instant, l'homme à la longue chevelure corbeau se serait probablement jeté sur son collègue pour l'étrangler sur place. Mais il préféra répondre à Shira, tout en adressant un regard méprisant à l'adresse de Four:


« Ce n'est rien. J'ai juste cru que quelqu'un nous épiait.

– Ah bon ? s'étonna Shira.

– Viens, lui proposa Seven qui avait saisit son poignet. Si jamais il y a vraiment quelqu'un qui nous suit et que je mets la main sur lui, je lui ferai sa fête. »


Bien qu'il s'était adressé au prince, cette parole était clairement une menace envoyée à l'adresse de Four, qui se retenait de rigoler en cet instant précis. Alors que Seven entraînait un Shira un peu confus loin de son stand, l'argenté croisa les bras en prenant un air grave:


« Ce n'est pas en agissant de la sorte que tu protégeras qui que ce soit, Seven. » pensa-t-il vis à vis de lui, alors qu'il jetait un coup d'oeil derrière lui. Un Xenois d'âge mature était allongé au sol, inconscient. Il s'agissait du véritable propriétaire de l'étalage dans lequel il se trouvait.


« Désolé de vous avoir assommé de la sorte pour prendre votre place, murmura-t-il en le regardant, mais cet acte était plus que nécessaire. »



Laisser un commentaire ?