Monstermen : Les Gardiens des Mondes

Chapitre 10 : L'heure est venue

4378 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 21/11/2021 15:58

Le goût de la défaite dans la bouche ... L'amertume dans l'esprit ... La douleur encore présente dans les blessures... C'est ce qui fut ressentit par Lordran et son groupe. Ils avaient échappé de peu à une mort certaine, et grâce à l'arche dimensionnelle, avaient été transportés loin du lieu de la bataille, vers les terres les plus reculées du nord de la Laponie, où la nature avait encore ses droits et où vivaient encore quelques tribus éparses de monstres ayant échappées à la malédiction. Rassemblé au milieu d'un groupe de rochers au milieu d'une forêt endormie d'arbres ratatinés, le groupe de monstres se remettait lentement de la défaite qu'il venait de subir. Assis sur un rocher, Amon-Râ attendait, impassible comme à son habitude, et Tavros, assis à côté de lui, grommelait, son regard devenu sombre et dégoûté. UR-66, toujours à l’affût, se tenait comme une sentinelle au sommet de l'un des plus gros rochers et regardait les alentours malgré ses blessures mineures. Alcina était également assise, occupée à panser son épaule légèrement blessée, mais ne montrant aucune blessure grave. Elle observa chacun de ses amis sans rien dire, puis tourna son attention vers Lordran, qui s'était un peu isolé du reste du groupe, regardant l'horizon, les bras croisés.

_ On peut dire qu'on s'est pris une putain de rouste! Tavros grogna, passant sa main sur son visage.

Amon le regarda, plus calme et s’exprima à son tour.

_ Nous avons sous-estimer cette menace et en payons maintenant le prix. C'est la leçon dont nous devons nous souvenir... De toute ma longue existence, jamais je n'avais subi de défaite, ni ressenti une telle puissance... Même la mienne n'est rien à côté.

Le minotaure soupira lourdement, mais dut admettre que le pharaon avait raison. Après sa surveillance, UR-66 bondit du rocher et rejoignit ses compagnons.

_ Aucune présence dans les alentours, nous sommes en sécurité, déclara le cyborg.

_ "Ouais, mais pour combien de temps ...

Suite à cette réponse pessimiste de sa part, Tavros semblait avoir perdu son tempérament confiant qu'il avait montré au début du combat. Mais qui pourrait lui en vouloir? Alcina espérait cependant que leurs forces reviendraient, tout comme leur moral. Au fond d'elle, elle ressentait toujours les effets néfastes de l'abîme sur son esprit, et cette présence sombre et écrasante qui avait surgie de la forêt et les avait fait détaler comme des souris affolées fuyant devant un chat. Était-ce là le véritable pouvoir des Anciens des Abysses? Alcina frissonna rien qu'en y repensant. UR-66 alla s'asseoir, mais les autres remarquèrent que ses blessures sous son armure étaient ouvertes encore et qu'il n'avait pas pensé à les panser. Amon arracha une bande de lin d'un de ses bras et se dirigea vers lui. Le minotaure n'avait pas besoin d'être traité, sa peau étant très dure et avait résisté à de nombreux coups.

_ Tu devrais couvrir tes blessures, UR-66.

_ Bah, juste des égratignures, rien de plus. J'ai connu bien pire au cours de toutes mes années de service.

_ Peu importe, laisse moi le faire, insista le pharaon et commença à enrouler la bande autour de l'un des bras du cyborg, qui le laissa faire.

Alcina sourit de voir qu'Amon avait gardé une once d'empathie et d’humanité en lui pour les autres. La jeune comtesse décida de les laisser et alla voir Lordran. Celui-ci ne se retourna pas lorsqu'elle s'approcha de lui et préféra s'arrêter là.

_ Seigneur Lordran? demanda-t-elle timidement.

_ C'étaient mes plus vieux amis ... Pendant toute mon enfance ils m'ont protégé, ils m'ont vu grandir ... Et malgré mes forces, je n'ai rien pu faire pour les protéger à mon tour, souffla t-il dit sans se retourner et d'une voix morose, mentionnant ses animaux gardiens qui avaient choisi de se sacrifier pour lui permettre de fuir.

Alcina le savait. Elle ne les connaissait pas autant que Lordran, mais comprenait ce qu'il ressentait. Personne, pas même un animal, ne méritait de finir ainsi.

_ Je suis vraiment désolé, sincèrement, fut tout ce qu'elle put répondre.

Elle s'avança cependant à ses côtés, et admira quelques instants, avec lui, les aurores boréales dansantes à l'horizon entre les montagnes lointaines. C'était beau de voir une nature encore libre, mais tôt ou tard, elle le savait, cette contrée reculée de tout serait aussi engloutie par l'abîme de mort de Guthul’Araeg que rien ne semblait pouvoir stopper.

_ Lord Lordran, écoutez-moi. Nous ne pouvons pas nous arrêter maintenant. Nous ne pouvons pas laisser cette malédiction s'emparer de mondes, sinon le sacrifice de vos amis n'aura servi à rien ... Puisez la force nécessaire dans votre âme, comme j'ai appris à le faire pendant cette quête ou vous m'avez envoyée. J'aurais pu choisir de renoncer des milliers de fois, de m'abandonner à mon triste sort, mais non. Vous m'avez appris à me relever. Si je n’ai pas abandonner, vous n’en avez donc pas le droit non plus.

Elle s'était tournée vers Lordran et avait dit ce qu'elle pensait, sans retenue. Le seigneur sourit d'abord, puis se tourna vers elle et posa sa main griffue sur son épaule.

_ En effet, dit-il, avant de retourner auprès des autres, laissant Alcina tranquille, mais rassurée de voir qu'en dépit de la douleur et de la tristesse, il ne renoncerait pas au combat, bien au contraire. La vengeance pouvait être une source de motivation, mais ne devait pas non plus devenir un poison.

Alcina se décida à son tour de les rejoindre. UR-66, après avoir reçu des bandages improvisé de la part d'Amon, prit la parole.

_ Tant qu'on y est, ce que j'aimerais savoir aussi, c'est qui était cette espèce d'armure vivante capable d'invoquer la foudre?!

_ Aucune idée, mais une chose est sûre: ce n'est pas un simple fantassin comme ces stupides morts-vivants, déclara Amon sûr de lui. Qui ou quoi que ce soit, il agit comme une sorte de commandant de légion.

Alcina se souvint alors du regard particulier que Lordran avait lancé à l'encontre de ce monstre à l'armure de dragon.

_ Je crois que lord Lordran sait ce que c'est, n'est ce pas?,fit-elle en se tournant vers le principal concerné.

Voyant tous les regards se poser sur lui, le seigneur de Laponie ne chercha même pas à nier l'évidence et passa à table.

_ Je ne connais pas son nom précis, mais je sais ce qu'il est : Un chasseur de dragons.

Tous se montrèrent perplexe devant une telle annonce, ignorant tous de quoi il pouvait s'agir. Lordran se fit un devoir d'éclairer leurs lanternes.

_ Au début des temps, les dragons régnaient sans partage sur les dimensions, dévorant tous les monstres qu'ils pouvaient trouver, jusqu'au jour où certains monstres parvinrent à trouver le moyen de les terrasser... Ils s'injectèrent du sang de dragon, qui se mélangeant à leur sang monstrueux, développa en eux une magie jusqu'à alors inexistante... Imprégnés de cette nouvelle force, ces rares monstres devenus supérieurs combattirent les invincibles dragons, donnant ainsi naissance à l'une des plus anciennes légendes de toute l'histoire du monde des monstres... Les chasseurs de dragons étaient réputés solitaires, insociables, nomades et dépourvus de sentiments... Mais cette puissance avait un prix terrible: au fil des siècles, les chasseurs perdirent la tête et se retrouvèrent consumés par leur propre magie... Le dernier d'entre eux est mort il y a plus de 5000 ans, alors comment est ce que…

_ Guthul’Araeg, intervint Alcina dans la conversation. Il aura probablement trouvé la tombe de l'un d'eux et l'aura ramené d'entre les morts.

_ L'enfoiré, grommela Lordran dans sa barbe, le regard mauvais.

La situation venait à l'instant de devenir plus désespérée que prévu avec un chasseur de dragons mort-vivant à leurs trousses.

_ Qu'est ce qu'on peut faire maintenant? demanda Tavros un peu paumé.

Lordran ne répondit pas tout de suite à ses alliés, mais ils devinèrent, dans son regard, qu'il avait réfléchi et pris une décision.

_ Par chance, cette partie de la Laponie n'a pas encore été touchée, ce qui nous donne encore une chance... Je connais un endroit ou nous pourrons nous réfugier, reprendre nos forces... Et nous préparer à la prochaine bataille... Je vous le dis, sur mon honneur de seigneur de Laponie, que jamais plus nous ne faillirons contre cette abomination!

Alcina, Amon, Tavros et UR-66 se regardèrent les uns les autres, reprenant chacun confiance à l'écoute des paroles sincères et fortes de leur meneur. Alcina fut celle parmi eux qui s'avança vers Lordran.

_ Et nous sommes avec vous, seigneur, maintenant, et à jamais.

Sur ces mots, la jeune femme s'inclina avec respect, à la manière des plus nobles dames. Frappant leurs poings contre leurs poitrines, Amon, Tavros et UR-66 s'inclinèrent à leur tour, prêtant ainsi leur allégeance au seigneur des monstres et se rangeant à ses côtés dans la nouvelle guerre pour la sauvegarde des mondes.

**********

Un an plus tard…

Un an s'était écoulé depuis la première défaite contre l'abîme. Après des jours de recherches, le groupe de Lordran avait finalement trouvé refuge dans les ruines d'une ancienne forteresse de monstres. Selon Lordran, cette forteresse avait été construite à la naissance du grand royaume des monstres il y a de cela des millénaires, par les premiers seigneurs, y compris leur grand seigneur, Targhar le Puissant, qui avait uni les peuples des monstres et ainsi fondé le grand et vaste royaume de la Laponie, nation des monstres dont malheureusement l’Âge d’Or s’était éteint depuis fort longtemps. Avec leurs pouvoirs, leur force, mais surtout leur travail d'équipe, Alcina et le groupe avaient pu réparer la forteresse pour restaurer son ancienne majesté et en faire le siège de leur nouvelle confrérie. Dans les voûtes sous la forteresse, le groupe avait découvert de nombreux trésors accumulés et oubliés au fil des millénaires par tous les seigneurs de Laponie s’étant succéder.

Mais c'est dans la salle principale de la forteresse que le groupe fit la plus grande découverte. Au milieu de la poussière et des toiles d'araignées, ils avaient découvert les cinq Trônes des Monstres, forgés par Targhar et ses seigneurs il y a des milliers d'années, à partir du métal de toutes les armes de leurs ennemis vaincus, et selon les légendes, fondus dans les flammes d'un dragon. Les cinq trônes monstrueux, véritables symboles d'unité, se tenaient toujours là, côte à côte dans une ligne parfaite, au sommet de grandes marches noires et dominaient l'ensemble de la grande salle par leur simple présence. Lordran s'était senti honoré de pouvoir enfin contempler ce lieu dont il avait tant entendu parler et qu'il avait cherché tant de temps. En tant que haut-seigneur actuel de la Laponie, le trône central lui revenait de droit. Et afin de remercier Alcina pour ce qu'elle avait fait pour lui, et de remercier Amon, Tavros et UR-66 pour leur courage face à l’ennemi et leur fidélité rester intacte malgré les moments plutôt difficiles, fit d'eux les nouveaux seigneurs, qui régneraient à ses côtés et assureraient la nouvelle unification de tous les monstres et faire revivre les anciennes alliances. Chaque membre de la confrérie avait obtenu son trône: Lordran au centre, Alcina sur le premier trône à droite et Tavros sur le second à droite, puis Amon sur le premier à gauche et UR-66 sur le second à gauche.

Pendant un an, la confrérie resta à la forteresse, et peu à peu des rumeurs de l'apparition de nouveaux seigneurs à la Forteresse de Targhar naquirent, puis se répandirent, et de plus en plus de monstres en provenance des régions reculées vinrent chercher refuge dans la forêt entourant la forteresse, espérant obtenir la protection des nouveaux seigneurs. Mais d'autres nouvelles plus sombres parvinrent également, depuis les terres du sud. Plusieurs autres terres et villages avaient été ravagés par l'abîme et de nombreux monstres tués et transformés en morts-vivants. Lordran savait que même s'il unifiait tous les monstres en une armée, ce ne serait pas suffisant pour arrêter Guthul’Araeg. Il faudrait beaucoup plus de puissance pour espérer avoir une chance. Lordran savait quoi faire et n'hésita plus. Il était grand temps pour lui de tenir sa promesse envers Alcina ...

Lordran traversa l'un des couloirs de la forteresse, est descendit un escalier en colimaçon menant à l'étage inférieur et arriva près d'une des salles, d'où retentissaient des bruits de lutte. Il ouvrit la porte, pour voir UR-66 et Tavros s'entraînant dur au combat dans une pièce utilisée comme salle d'entraînement. Le minotaure saisit le cyborg, le souleva et le jeta par terre. UR-66 secoua la tête, à moitié sonné, et Tavros tendit la main pour l'aider à se relever.

_ Bon sang, ça fait mal, alors que pourtant je ne suis pas censé ressentir la douleur, s’exclama le cyborg, craquant son dos métallique.

Tavros ricana doucement.

_ Quand je m'entraîne, j'y vais toujours à fond.

Puis, les deux remarquèrent la présence de Lordran.

_ Lord Lordran, salua UR-66 avec respect, Tavros faisant de même avec un signe de tête et Lordran leur rendit leur salut.

_ Je voudrais parler à Alcina. Savez-vous où elle est?

_ Dans la salle des trônes, je pense, réfléchit Tavros.

Le seigneur le remercia puis descendit le couloir jusqu'à la pièce en question, tandis que le minotaure et le cyborg commencèrent un nouveau combat, ou plutôt un nouvel entraînement. En chemin, Lordran remarqua Amon dans une autre pièce, seul, et semblant effectuer une sorte de rituel au milieu de symboles dessinés avec du sable. Le pharaon était plongé dans une sorte de transe et chantait des mots en égyptien ancien, avec des bols remplis d'encens disposés en cercle autour de lui soulevant de fins fils de fumée vers le plafond. Lordran décida de ne pas déranger son ami et poursuivit son chemin.

Alcina se tenait seule au pied des marches, son regard pensif fixé sur les cinq trônes vides et imposants, y compris le sien. Durant cette année tranquille, elle avait pu renforcer ses pouvoirs, ainsi que sa maîtrise de son mental, tout comme sa maniabilité à l'usage de l'épée. Elle avait aussi passé beaucoup de temps dans l'immense bibliothèque de la forteresse, la plupart des grimoires ayant pu résister aux ravages du temps, et tant mieux pour elle. Elle avait beaucoup lu et appris sur le monde des monstres et leur histoire, jusqu'à des temps immémoriaux dont personne ne devrait se souvenir. L'histoire de ce monde, de cette race, était encore plus riche et longue qu'elle n'aurait pu le concevoir, et pas si différente de celle des humains après tout. Les monstres savaient également comment construire des royaumes puissants sous la tutelle de dirigeants forts, mais avaient également dû faire face à de nombreux conflits à travers les âges. Et maintenant, elle était là, une jeune femme autrefois humaine, de naissance noble certes, mais maintenant devenue l'un des seigneurs, ou dans son cas une dame, des trônes de Laponie. Aujourd'hui encore, elle avait du mal à réaliser qu'elle faisait maintenant partie de cette noble et longue lignée de souverains ancestraux d'un autre monde. Par ailleurs, elle serait la première monstre de sexe féminin à obtenir le titre de seigneur des trônes depuis le commencement, en tout cas, selon les connaissances de Lordran. Sa situation aurait pu être pire. Elle possédait maintenant ses propres appartements dignes de son rang, ainsi que son serviteur, Qil, un gobelin des cavernes du sud et seul survivant de sa tribu.

Durant tout ce temps, Alcina s'était également confectionnée de nouvelles robes, de ses propres mains, constituant une nouvelle garde robe, mais ayant choisie de conserver l'apparence des grandes robes nobles de la fin du 18ème siècle. Aujourd'hui, la jeune comtesse portait une élégante et longue robe de tissu violet et rouge sombre, aux fils de perles argentés courant le long du corsage et aux motifs violacés courant le long de la jupe, ainsi qu'un jabot de dentelle gris clair autour de son cou et orné d'une petite boucle de fer représentant une rose noire.

Lordran entra dans la pièce par la porte d'entrée, ses bottes métalliques résonnant légèrement sur le sol en marbre. Alcina l'avait entendu, mais ne se retourna pas, continuant de regarder les trônes. Lordran arriva à côté d'elle et les a également regardés pendant quelques secondes avant de lui parler.

_ Combien de seigneurs se sont assis sur ces trônes? Les ont-ils acquis par la force, la tromperie ou le mérite? Personne ne peut le dire avec précision.

Alcina sourit légèrement.

_ Quand j'étais enfant, je voyais les monstres comme des êtres répugnants, sans âmes et dépourvus d’intelligence, ne vivant que pour tuer et dévorer des gens ... Mais aujourd'hui, je vois à quel point les humains ont tort.

Lordran haussa doucement les épaules.

_ C'est dans la nature des humains de vouloir nier l'évidence, surtout quand elle semble surréaliste.

Elle ne pouvait qu'être d'accord avec lui et sourit au coin de ses lèvres. Lordran se tourna alors vers elle.

_ Écoutez ... Avec ce que vous avez fait pour moi, je ne vous remercierai jamais assez ... Le temps est venu pour moi de tenir ma promesse.

La comtesse sentit son cœur se réchauffer dans sa poitrine, comme si la flamme dans son coeur pouvait à nouveau renifler le peu d'espoir qui la ranimait.

_ J'aurais aimé vous en parler avant, mais l'arrivée soudaine de Guthul’Araeg, ainsi que tous ces événements ... Bref, rassembler des alliés n'était que la première étape. Nous devons maintenant trouver un pouvoir qui pourrait nous aider à vaincre l'abîme, et c'est là que vous jouerez votre rôle principal, Alcina.

_ Que voulez-vous dire? Expliquez moi, s'il vous plaît, dit-elle avec insistance.

_ "Mille ans après avoir tué mon père et être devenu le nouveau grand seigneur, les démons sont revenus, bien plus nombreux, en Laponie pour se venger, mais cette fois, ils s'en prirent également au monde des humains, une proie plus facile pour eux. Dépassés et menacés, les humains et les monstres décidèrent de faire alliance contre cet ennemi commun. J'étais là, le jour où les seigneurs de guerre humains ont conclu le pacte avec notre espèce. Parmi eux, il y avait un homme ... Un guerrier nommé Bjorn, tombé amoureux d'une sorcière de notre monde, une elfe nommée Sylv, et dont les sentiments pour l'humain étaient réciproques. Ensemble, et par le mélange de leurs sangs lors d'un rituel alchimique d'une extrême dangerosité, ils parvinrent à créer l'arme qui nous apporterait la victoire: Brâazael, la flamme du sang unifié... Lors de la dernière bataille contre les démons, Bjorn et Sylv en firent usage... J'étais là lorsqu'ils le firent... La magie dégagée fut telle que l'obscurité de la nuit elle-même fut déchirée... Les démons furent de nouveau défaits, mais le corps mortel de Bjorn ne supporta pas la puissance du sort et y succomba... Sylv, à moitié morte, et folle de chagrin, décida de se laisser mourir auprès de son bien aimée, le rejoignant ainsi dans l'éternité... Nous avions gagné, mais le prix de cette victoire fut terrible…

Alcina écoutait avec une grande fascination, l'iris de ses yeux brillants, comme si cette fameuse flamme de sang brillait dans son regard.

_ Mais quel est le lien avec moi?

_ Vous cherchez désespérément l'homme qui réparera votre cœur et donnera un sens à votre vie ... Des sentiments comme l'amour, la colère ou la détermination peuvent devenir des armes puissantes, et si comme vous, cet homme, où qu'il soit, attend votre venue sans même le savoir, alors ce lien qui se formerait entre vous pourrait devenir si fort qu'il ramènerait la Flamme du Sang Unifié à la vie et vous permettrait de vaincre Guthul’Araeg et son abîme insondable.

Alcina fit un pas en arrière, ayant peur de comprendre de ce que cela impliquait. Son regard devint noir envers Lordran.

_ Je m'en doutais, siffla t-elle entre ses dents. Depuis le début, vous n'aviez qu'une seule intention: m'utiliser afin d'arriver à vos fins.

_ Je n'ai pas été franc avec vous, je le reconnais, mais hélas, c'est le seul moyen que nous ayons, lui répondit Lordran sans savoir quoi dire d'autre.

Alcina se moquait de ses excuses. L'espoir qu'elle ressentait venait de s'amenuire dans son coeur. Selon Lordran, seule la flamme née d'un sang unifié pourrait permettre à l'existence même de perdurer, mais dans ce cas, Alcina pourrait bien perdre celui qu'elle aurait chercher durant tout ce temps, et ceci à jamais... Alcina sentit son coeur battre. Elle s'inquiétait pour un homme qu'elle n'avait même pas encore rencontrer... Mais quel choix avait-elle? Laisser tomber et regarder les mondes sombrer les uns après les autres dans les abysses? Avoir des milliards de morts sur la conscience? Lordran continuait de montrer cet air vraiment désolé envers elle, mais elle n'en avait cure... Pourquoi moi, se dit-elle? Méritait-elle un châtiment aussi cruel pour ce qu'elle avait commis lors de son vivant? Quelle injustice...

_ Vous ... Vous dites que celui que je cherche est dans le monde humain?

Lordran hocha la tête. Alcina lui en voulut encore plus d'avoir caché ce détail s'il le savait depuis le début. Quel enfoiré, pensa t-elle aussi clair que du cristal. Bien que les mots ne sortirent pas, la main d'Alcina vint claquer sèchement la joue de Lordran, qui ne chercha même pas à l'éviter et n'exprima aucune réaction contrarié. De toute l'histoire, Alcina était certainement la première à oser commettre un tel geste envers un seigneur de Laponie.

_ Mais dans ce cas, demanda la jeune comtesse froidement. Si les humains et les monstres ont créé une alliance il y a des millénaires, comment se fait-il que je n'en ai jamais rien vu dans les livres d'histoire?

_ Après la guerre, les humains nous considéraient comme responsables de l'arrivée des démons dans leur monde, et menaçaient de déclencher une nouvelle guerre, contre nous. Afin d'éviter cela, les monstres effacèrent de la mémoire de l'humanité toute entière, les souvenirs liés à ce conflit et de notre existence, mettant ainsi fin à notre alliance, comme si elle n'avait jamais existé.

Alcina comprenait mieux pourquoi maintenant. Bien que sachant ou elle pourrait trouver son élu, elle n'était plus aussi enthousiaste qu'avant. Si l'idée de Lordran était bonne, non seulement l'alliance des monstres et des humains pourrait reprendre vie grâce à cette union, mais aussi leur donner la clé de la victoire contre l'abîme. Mais Alcina ne voulait pas simplement le faire pour avoir un moyen de gagner la guerre. Elle voulait retrouver ce dont elle avait été privée durant tous ces siècles: une chance d'aimer et d'être aimée en échange pour ce qu'elle est. Elle serra le poing, partagée entre ce dilemme des plus odieux, mais au bout de quelques instants, céda.

_ Je suis prête. Mais sachez que je ne le fais pas pour vous, souffla t-elle.

Lordran sourit et voulut apposer sa main sur son épaule pour la remercier, mais elle écarta doucement sa main, lui faisant comprendre qu’il lui faudrait un peu de temps avant de lui pardonner, ce qu’il comprit. Des pas furent entendus entrant dans la pièce, et Alcina aperçut Amon, Tavros et UR-66, debout à quelques mètres de distance et observant sans un mot, mais qui par leurs regards encourageaient la jeune comtesse à faire le premier pas vers son destin. Elle les remercia en silence. Cependant, un détail important la dérangea.

_ Mais ... Il y a des milliards d'êtres humains sur terre? Comment puis-je trouver celui que je recherche?

Lordran savait qu'elle demanderait cela et avait la solution. Avec son doigt griffu, il lui montra son cœur.

_ Faites confiance à cela, Alcina ... Comme vous, cet homme, malgré les souffrances qu'il aura pu endurer dans sa vie, n'a jamais abandonné et lui aussi aura poursuivi sa quête pour trouver ce qu'il cherche vraiment ... Sans même le savoir, vos deux coeurs sont connectés depuis toujours, à travers l'espace et le temps, comme l’a décidé le destin ... Vous le sentirez dès que vous le verrez de vos propres yeux.

Alcina, malgré son amertume envers Lordran, conserverait ce précieux conseil de sa part. L'heure était donc venu. Par la magie et la volonté des seigneurs, un nouveau vortex s’ouvrit dans l’arche érigée dans la salle des trônes, vers le monde humain, s'ouvrit au milieu de la salle, n'attendant plus que son passager. Avant de partir, Alcina jeta un dernier coup d'œil à ses alliés et amis.

_ Une fois que vous l'avez trouvé, Alcina, prévenez-nous, et nous viendrons, lui dit Lordran.

_ Que les dieux soient avec toi, l'encouragea Amon de sa voix ténébreuse.

_ Bonne chance, sourit Tavros en levant le pouce en l'air.

_ Nous sommes avec vous, s'inclina respectueusement UR-66.

Remerciant chacun d'eux pour leurs encouragements, Alcina se retourna et après avoir pris une profonde inspiration, ferma les yeux et se laissa emporter dans le vortex, se refermant derrière elle et l'emmenant vers son destin.

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