Monstermen : Les Gardiens des Mondes

Chapitre 12 : La Voix des Abysses

2905 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 24/11/2021 13:41

Lordran était assis sur son lit dans sa chambre dans l'une des tours de la grande forteresse. Pensif, le seigneur des monstres semblait attendre le retour d'Alcina ou du moins de ses nouvelles en ce qui concerne la recherche de son élu. Amon et Tavros étaient revenus de leur patrouille il y a quelques heures, et ce qu'ils avaient raconté n'était pas vraiment rassurant : selon eux, des morts-vivants avaient été repérés près de la frontière, de même que plusieurs autres villages avaient été attaqués et décimés. L'influence du chaos se répandait beaucoup plus vite qu'il ne le pensait, ce qui n'était pas bon. Son regard rouge tomba sur les flammes palpitantes des bougies posées sur le chandelier du bureau qui lui faisait face. Puis il tourna son regard vers la cheminée, en particulier le grand tableau qui pendait au-dessus, représentant une magnifique femme elfe... Sa mère, Illyel... Il l'avait peint lui-même à ses heures perdues, la représentant telle qu'il l'avait vue lors de certains de ses rêves... Les yeux vides du tableau donnaient l'impression de le regarder. Lordran contempla ensuite ses mains tremblantes et serra les dents. Un profond sentiment de colère l'envahissait. Il se sentait tellement impuissant, même s'il avait réussi deux fois à vaincre les démons. Cependant, les Anciens des Abysses seraient un défi beaucoup plus difficile à relever, mais il ne pensait pas que ce serait autant.

Ses sens de monstre se mirent tout à coup en alerte. Levant brusquement la tête, Lordran bondit de son lit en grognant de colère et prit sa hache à la main. La fenêtre fut tout à coup brutalement ouverte par une rafale de vent glacial qui fit irruption dans la chambre. Devant ses yeux, Lordran pouvait voir une ombre grandissante ramper sur les murs, le plafond et le sol, et venir engloutir les flammes des bougies pour les éteindre complètement, plongeant la pièce dans une quasi-obscurité. D'abord surpris, Lordran se rendit vite compte que ce n'était pas l'obscurité qu'il pouvait créer avec son pouvoir. Non, c'était une magie plus sombre que la sienne, à en juger par l'aura de mort qui venait d'envahir l'endroit. L'ombre couvrait la quasi-totalité des murs et du sol de la pièce, se déplaçant autour de Lordran, qui grogna à nouveau, prêt à l'affrontement. Deux petites sphères blanches apparurent dans l'immensité ombragée, fixant le seigneur monstrueux. Une voix reconnaissable, résonna dans l'esprit de Lordran, qui montra un instant une once d'inquiétude dans ses yeux en même temps que de la rage.

_ Je ne pensais pas que vous viendriez ici en personne ..... Guthul' Araeg, grogna le seigneur de Laponie avec un mépris sans bornes.

La voix sinistre et écrasante résonna à nouveau tandis que les deux yeux blancs faisaient lentement le tour de la pièce dans l'obscurité.

_ En réalité, je ne suis pas vraiment là, mais ma voix agit comme un parasite.... Dès l'instant ou vos oreilles la perçoive, elle s'accroche à votre esprit et ne le lâche plus. Alors, peu importe ou tu te trouve dans cet univers, je pourrais toujours vous atteindre.

_ Vous perdez votre temps, vous ne pourrez jamais nous faire plier devant vous, riposta Lordran en devant lutter en permanence contre les assauts psychiques provoqués par la voix de l'entité qui l'assaillait sans relâche.

_ Oh, mais c'est déjà le cas. La moitié de la Laponie est déjà tombée dans mon abîme, et très bientôt, j'aurais gagné assez de puissance pour envahir les autres mondes... Comme le monde des humains, par exemple.

_ Quoi? haleta Lordran.

_ J'ai des oreilles partout, répondit Guthul'Araeg. Croyez-vous vraiment que raviver l'alliance des monstres et des humains, ainsi que la Flamme du Sang Unifié, pourrait suffire à me vaincre ? Vous êtes tellement naïf !

_ Vous vous surestimez, intervint Lordran avec fermeté. Ce pouvoir a déjà été capable de vaincre les démons, et je suis certain qu'il pourra vaincre une créature obscure comme vous!

L'Ancien des Abysses, ou sa projection obscure, éclata de rire à cette phrase, ce qui agaça encore plus Lordran.

_ Les démons ? Mon père a créé ces marionnettes, tout comme il vous a créer vous, les monstres ... Mais si seulement vous saviez à quel point il fut déçu de ses jouets.

Cette révélation fut un véritable choc pour Lordran, qui sentit aussi la rage monter en lui, serrant sa main sur son arme et commençant lentement à transformer sa cape en ailes démoniaques se déployer derrière son dos. Ses yeux rouges ont commencé à briller. La pièce se mit à trembler, comme si un tremblement de terre débutait.

_ Alors... Vous êtes responsable de la mort de mes vieux amis, de la venue des démons en Laponie ? Ces guerres, tous ces morts... Tout est de votre faute!

_ On dirait bien que j'ai touché un point sensible, se moqua cruellement Guthul'Araeg.

Pour Lordran, c'était trop. Rugissant de rage, il laissa exploser sa fureur, provoquant une puissante vague de choc et de flammes qui se développa autour de lui, ravageant la pièce et faisant craquer les murs. Le lit fut soulevé et jeté contre l'un des murs, tout comme le bureau fut brisé en deux comme une brindille. Une fois le calme revenu, et respirant bruyamment, Lordran regarda pour voir sa chambre en ruines, mais aucune trace de l'ombre. Soudain, la voix de Guthul'Araeg résonna à nouveau dans sa tête.

_ Gardez vos forces pour notre prochaine véritable rencontre, Lordran. Vous en aurez besoin, bien que... Ce ne soit là que peine perdue. Vous êtes tous déjà morts, même sans le savoir.

La voix disparut complètement, juste au moment où l'aura de la mort s'était évaporée dans l'air. La porte de la chambre s'ouvrit brusquement. Amon et Tavros avaient accourus juste après avoir entendu le rugissement de fureur de Lordran. Ils virent alors leur ami, l'air perdu, debout au milieu d'une pièce dévastée.

_ Putain de merde, qu'est-ce qui se passe ici ? On a senti toute la forteresse trembler ! commenta Tavros.

_ Seigneur Lordran, vous allez bien ? demanda Amon en s'avançant vers son ami et en posant sa main sur l'épaule.

Lordran donna l'impression de revenir à la réalité et reprit son calme.

_ Je ... je pense que oui.

_ Que s'est-il passé ?

_ C'est Guthul'Araeg... Il était ici, ou plutôt, une extention de lui, je ne saurais le dire avec précision ... Sa puissance est bien plus grande que je ne le pensais.

Amon et Tavros échangèrent le même regard surpris et inquiet. Lordran regarda dans quel état il avait mis la pièce, et vit le portrait qu'il avait fait de sa mère, à terre et à moitié pulvérisé par le pouvoir qu'il avait déchaîné. Lordran se blâma intérieurement de s'être laissé si aisément submergé par la haine. C'est ce que Guthul'Araeg recherchait sûrement, et il avait réussi son coup. Il frappa son poing contre l'un des murs.

_ Raah, et merde! grogna-t-il de frustration.

_ Lordran, calme-toi. Ne laisse pas ce bâtard de Guthul'Araeg gagner comme ça. Tu ne fais que lui donner satisfaction, rien de plus. Il n'en vaut pas la peine.

Le minotaure avait raison. Lordran réussit à maîtriser ses émotions et parvint à vider son esprit. Afin de mieux se contrôler, il décida de se concentrer sur autre chose qui était d'autant plus important.

_ Avez-vous eu des nouvelles d'Alcina?

_ Nous allions justement venir vous voir pour ça, annonça Amon. UR-66 vient de nous contacter. Apparemment, Lady Alcina a réussi à trouver ce qu'elle cherche, et elle nous attend dans le monde des humains.

Lordran sourit à cette nouvelle et se sentit plus confiant maintenant. L'espoir était alors encore permis. Ramassant sa hache, il se tourna vers ses deux camarades.

_ Dans ce cas, il n'y a plus de temps à perdre.


**********


Pour sa deuxième nuit dans la ville humaine nommée Chartres, Alcina n'était pas retournée dans l'ancien bâtiment abandonné, trop éloigné du quartier résidentiel d'Isaac. Afin de rester proche du jeune homme, elle avait trouvée refuge dans le bosquet d'un petit parc à proximité, qui était fermé au public la nuit, mais pour elle, aucune barrière ne pouvait suffire à la bloquer. Adossée à un arbre et bien cachée derrière des buissons, la jeune comtesse tentait de dormir pour reprendre des forces mais n'y parvenait pas. Il faut dire qu'un tronc d'arbre n'était pas le meilleur oreiller, mais surtout, elle n'arrêtait pas de penser à Isaac, et à ce qu'il pouvait représenter pour elle. Elle repensa à tout ce qu'elle avait traversée depuis le début ... Sa mort et sa résurrection... Sa rencontre avec Lordran, puis ses autres amis surnaturels... La première bataille contre l'Ancien des Abysses ... Et enfin , Elle était là.

Maintenant qu'elle était au bout, elle avait trouvé un moyen de se faire connaître d'Isaac, mais elle craignait d'échouer si près du but, mais était bien décidée à l'essayer. Elle soupira. Parfois, elle aimerait être comme UR-66, qui s'était installé dans l'une des branches de l'arbre plus en hauteur et semblait dormir, ou être en mode veille comme il l'avait dit avec ses propres mots. Alcina sourit en le voyant, puis elle ferma les yeux, essayant de trouver un peu de sommeil réparateur.

Alcina était perdue, effrayée, alors qu'elle courait aussi vite qu'elle le pouvait au milieu d'un vaste espace de ténèbres sans fond. Derrière elle, une horde de morts-vivants la poursuivait, grognant et vomissant un liquide noir collant, et la rattrapant de plus en plus. Alcina se sentit ralentie par une force écrasante invisible qui affaiblit peu à peu ses forces. Sa terreur grandit quand tout à coup l'obscurité et les zombies disparurent en quelques secondes, s'effritant comme des feuilles mortes, mais laissant à la place un paysage de désolation. Alcina se tenait maintenant sur un sol couvert de cendres et de poussière, sous un ciel sombre et une lune rouge. Elle haleta d'horreur. Tout autour d'elle se dressaient les ruines d'une ville, qu'elle reconnut en voyant la grande cathédrale en ruines et à moitié ensevelie sous les cendres. Partout, des cadavres d'humains étaient éparpillés, mais un à un, ils étaient secoués par de violentes convulsions et commençaient à émettre des grognements monstrueux, un liquide noir coulant par la bouche, les oreilles et les yeux. Alcina voulait s'enfuir, mais se retournant, se figea d'horreur et tomba à genoux dans les cendres, les mains sur la bouche. Lordran, Amon, Tavros et UR-66... Tous étaient là, sans vie, leurs corps couverts de blessures sanglantes. Puis, alors qu'elle sentait les larmes lui monter aux yeux, Alcina entendit une voix familière résonner, lui déchirer les tympans et une présence macabre tournoyer lentement autour d'elle.

_ Je ressens ta détresse, jeune fille ... Lordran l'avait ressentie aussi, et il l'a utilisé pour te manipuler et servir ses propres intérêts.

_ Je sais qui vous êtes maintenant ... Votre tromperie ne fonctionnera pas! gémit Alcina, serrant les dents en tentant de lutter contre la voix de l'entité.

_ Nul besoin de tromperie, ajouta l'Ancien. Je ne fais qu'énumérer un fait. Les monstres sont comme les démons : la confiance et la compassion sont des choses qu'ils ne connaissent pas.

_ Lordran n'est pas comme ça, il me l'a prouvé ! dit Alcina.

_ Vraiment? Et que t'as t-il promis? Hmm ? Retrouver l'amour que tu n'as jamais connu, avec ce jeune étranger qui serait miraculeusement celui qui te permettrait de raviver la Flamme du Sang Unifié ? Tu es une imbécile si tu penses que cela peut marcher !

_ Vous ne pouvez pas nous arrêter... Nous nous battrons jusqu'au bout ! soufflait Alcina qui refusait d'écouter les mots de l'entité.

_ Comme c'est touchant, et consternant aussi, siffla l'entité. Je sais ce que tu as souffert, jeune Alcina. Quand ton cœur fut brisé, et que même la mort fut incapable de te libérer de cette souffrance, au point même de te ramener...

_ Laissez-moi tranquille! dit Alcina de sa voix tremblante, essayant de rester courageuse et de retenir ses larmes.

L'aura maléfique était plus proche, elle pouvait presque sentir quelque chose d'invisible lui effleurer le dos et la faire frissonner d'angoisse. La voix de l'Ancien devint plus forte et plus menaçante.

_ Votre entêtement vous amènera à votre perte ... Vous mourrez ici...

_ Non, gémit Alcina en essayant de résister le plus possible.

Sa tête commençait à lui faire terriblement mal. Elle tenait son crâne entre ses mains, serrait les dents et luttait pour ne pas succomber.

_ Et toutes vos souffrances auront été vaines! rugit la voix de Guthul'Araeg.

_ LA FERME !! Alcina hurla de toutes ses forces.

_ Lady Alcina ? Hé, Alcina ! Réveillez-vous.

La jeune comtesse se sentit doucement secouée par une main sur son épaule, et alors qu'elle ouvrait ses yeux encore endormis, elle vit UR-66 agenouillé devant elle. Quand elle s'éveilla, elle eu l'impression qu'un léger mal de tête disparaissait. Elle se frotta les yeux et se leva. Il faisait encore nuit, mais l'aube était proche, le parc n'ouvrirait pas avant plusieurs heures.

_ Est-ce que ça va ? ajouta le cyborg. Pendant que j'essayais de te réveiller, tu gémissais dans ton sommeil, comme si tu faisais un cauchemar.

_ Je vais bien, dit la comtesse pour essayer de le rassurer, et aussi se rassurer elle-même.

Mais au fond d'elle, elle savait que ce n'était pas un cauchemar, et c'était ce qui lui faisait peur. UR-66 fit semblant de la croire, voyant qu'elle était pensive, mais se tourna vers d'autres arrivants qui s'avançaient. Alcia sourit en voyant Lordran, Amon et Tavros devant elle. Elle s'inclina pour les remercier, comme la noble jeune femme qu'elle était encore, à l'intérieur.

_ Merci d'être venu m'aider, sincèrement, dit-elle.

_ C'est le moins que nous puissions faire. Vous nous avez aidés, et c'est à nous de rendre la pareille, affirma Tavros.

Alcina gloussa doucement, mais a rapidement vue que Lordran regardait ailleurs, comme si quelque chose le dérangeait.

_ Lordran, qu'avez-vous ? 

_ Disons que... Guthul'Araeg, ou plutôt son esprit, est venu vers moi, et a essayé de me pousser à bout. Et le pire c'est qu'il a failli y parvenir. Son pouvoir s'accentue à un rythme inquiétant.

Alcina avait le cœur qui bat, puis repensa à son cauchemar, ou à cette vision qu'elle ne savait pas comment décrire. Elle ne voulait pas le cacher à ses alliés et décida de le leur dire.

_ Guthul'Araeg est aussi venu me voir, dans une sorte de cauchemar atroce. J'ai réussi à lui résister, mais c'est comme s'il essayait de me faire douter de tout, y compris de moi-même.

Les autres furent circonspects, mais ce fut Lordran qui fut le plus préoccupé par la révélation de la vampire.

_ S'il parvient même à nous atteindre dans le monde des humains, c'est parce que sa force augmente encore. Votre élu, Alcina, est notre dernière chance.

_ Au fait, vous avez dit l'avoir trouvé? demanda alors Amon en lançant le sujet sur la table.

Alcina hocha la tête et pensant à Isaac, sentit son cœur battre dans sa poitrine.

_ Il s'appelle Isaac. Je l'ai observé hier. Comme moi, il a perdu ses parents et comme moi autrefois, il est perdu et semble chercher qui il est vraiment. J'ai lu dans son esprit et j'ai pu voir que c'est un jeune homme juste, tolérant et fidèle, et malgré ses souffrances, il ne veut pas abandonner. C'est celui que je cherchais, je n'en doute pas.

Elle parlait avec son cœur, les autres pouvaient clairement le sentir.

_ Bien, mais la question est : comment allons-nous le convaincre de nous rejoindre ? Je ne suis pas sûr que sonner à sa porte et lui dire "Salut, comment ça va?" soit suffisant, demanda à son tour UR-66.

Alcina avait peut-être un moyen, et même si cela mettait quelque peu la sécurité d'Isaac en danger, elle savait qu'il n'y avait pas d'autre moyen d'en être sûr.

_ Je crains que pour cela nous ne devions le tester et voir s'il est vraiment digne d'être celui qui combattra avec nous. Il devra être mis à l'épreuve, comme vous l'avez fait pour moi, Lordran.

Le seigneur des monstres sourit un peu de voir qu'elle n'était plus trop rancunière d'avoir été testée. Au contraire, cela lui avait permis de découvrir qui elle est. Il s'avança.

_ Vous pouvez compter sur notre aide pour cela, Alcina. Mais d'abord, vous devez savoir où est ce jeune homme, non ?

_ En effet. Je sais où il sera ce soir. Nous attendrons qu'il rentre chez lui, puis nous pourrons commencer la première épreuve.

Et sur ces mots, le groupe de monstres disparut alors que le soleil se levait derrière les bâtiments et que le gardien du parc patrouillait une dernière fois, ignorant qu'il y avait eu la présence illégale de visiteurs cette nuit.


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