Divalis : l'éveil

Chapitre 3 : Les lisii de la taïga.

3809 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/05/2022 22:08

J’ai si froid… Les flammes qui me dévorent ne provoquent aucune chaleur face à ces cris qui me glacent le sang. Meurtrière. Je me redresse en sursaut, perchée sur mes pattes avant, j’observe le décor environnant. Il y a des larges pins qui s’enracinent dans la roche, créant un relief changeant autour de moi et qui offre plusieurs galeries. Celles-ci servent de tanières naturelles à la meute de renards qui me fait face.

 

Je m’aplatis soudain au sol alors que plusieurs canidés s’avancent vers moi. Je reconnais le renard au pelage bleu. Il m’a tirée jusqu’ici ? Abysse est à mes côtés, elle attendait que je revienne à moi. Les femelles de sa meute restent à distance, elles ne semblent pas ravies de me voir, ce que je peux comprendre.

 

–Reste-ici, elles ne te feront rien, mais si tu viens près de la tanière, elles te remettront à ta place.

–Je ne comptais pas le faire. Abysse va hiverner, elle doit faire des réserves. Je me débrouillerais, mais si tu peux veiller sur elle, je te le revaudrai.

–Tu me donnes déjà des ordres ? Prends garde à ta façon d’être avec nous. Je te dois la vie de mes fils, mais tu es ici en tant qu’oméga.

–Oméga ? Dis-je en penchant la tête.

–L'individu le plus bas hiérarchiquement. Enfin, tu as un nom, chérie ?

 

Je place mes oreilles en arrière en entendant sa question, affichant mon malaise et secoue simplement la tête, pour lui répondre.

 

– Tes parents ne t’ont pas nommée ? Je m’appelle Vlase.

–Si, mais j’ai vécu en solitaire durant quatre ans, j’ai fini par l’oublier.

–Mouais. Et tu ne sais pas t’en donner un ?

–À quoi bon le faire ?

–Comme tu veux, mais ne râle pas si nous te donnons un surnom foireux.

 

Je hausse les épaules. Vlase se tourne vers les siens. Un mâle de couleur mauve et aussi grand que lui vient d’arriver. Il s’arrête à ma hauteur et me renifle, ce qui me fait m’aplatir.

 

–Tu nous as ramené quoi, là ? Demande-t-il à Vlase.

–Elle a protégé Buntar et Dogost, je l’ai autorisée à rester le temps qu’elle se remette de ses blessures.

–Pourquoi il y a un bébé coïste ? S’étonne le second mâle en remarquant Abysse.

 

Les femelles râlent derrière eu, du coup les deux font demi-tour pour retourner près d’elles. Je regarde Abysse qui me sourit. Est-ce qu’ils vont vraiment nous accepter et nous aider ? Enfin tant qu’elle va bien, je me moque du reste.

 

Je m’allonge, je n’ai rien à faire de plus. Abysse aimerait bien aller jouer avec les petits de Vlase, mais je ne sais pas comment va réagir la mère, alors je la garde près de moi. Du moins, jusqu’à ce qu’eux-mêmes viennent la rejoindre et l’inviter à jouer avec eux. Je garde un œil sur elle et je me rends compte qu’une renarde en fait pareil. Elle est de couleur verte grisâtre comme l’un des renardeaux. Les femelles sont plus petites que les mâles, mais elles restent plus grandes que moi. Leurs dos arrivent à la moitié du flanc de Vlase, elles ont toutes les yeux oranges et les mâles ont les yeux rouges. Ceux des petits sont entre le rouge et le bleu. Ils n’ont pas les oreilles aussi longues et elles plient sous leurs poids. Ils ont un pelage vert sombre pour l’un et mauve sombre pour l’autre, le marquage noir qu’ils portent est différent d’un individu à l’autre.

 

En soirée, Vlase qui a ramené la carcasse du Lynx, a autorisé Abysse à venir se servir en même temps que les femelles et les petits. A eu sept, je pensais qu’ils n’auraient pas assez, mais je suis étonnée de voir qu’ils n’en ont mangé que la moitié. Abysse est repue, elle dort près de moi. Dans mes pensées, je n’ai pas fait attention à Vlase qui a lâché une pièce de viande juste devant mon nez. Morceau que je regarde tomber, béate et me tourne vers le renard, confuse.

 

–Quoi ? Tu ne vas pas faire la fine bouche.

–Ce n'est que, je ne mange pas de viande.

–Et tes canines te servent à quoi ? Tu n’as absolument pas la morphologie d’un herbivore, un omnivore je peux l’admettre, mais tu as besoin de viande et je comprends pourquoi tu es aussi moche.

–Ça fait plaisir à entendre… Mais je vais me débrouiller seule.

 

Je me tourne dans le sens opposé, même si le canidé reste sur place. Je l’ignore, du moins, jusqu’à ce qu’il se prenne l’idée de léchée mes plaies. Audace qui me fait vivement revenir vers lui.

 

–Si je voulais te tuer, je l’aurais fait depuis longtemps, chérie. Visiblement, tu ne connais pas mon espèce.

–On ne sait pas grand-chose de vous hormis que vous êtes sanguinaires et rapides. Mais visiblement l’une de ces infos est fausse.

 

Il sourit et mon échine en frissonne encore une fois.

 

–Nous sommes rapides oui et nous ne laissons aucune chance à nos proies, mais si tu nous connaissais réellement, tu n’aurais pas eu peur de moi, ricane le renard.

–Et pour quelle raison ?

–En tant que mâles, nous ne tuons pas les femelles, ni les petits, peu importe l'espèce.

–Et le lynx, tu as su en arrivant aussi vite que c’était un mâle ?

–À ces phéromones, oui.

–Mais tu n’as pas été capable de retrouver tes fils ?

–Tu n’as donc pas d’odorat ? Les renardeaux ne dégagent aucune odeur avant leurs cinq mois.

–Je ne le savais pas. J’ai de l’odorat, mais je n’ai jamais appris à lire les odeurs, ni pister.

–Quel genre de solitaire es-tu ? Sérieusement, comment peux-tu encore être en vie ?

–Je me le demande…

 

Il penche alors la tête sur le côté, agitant ses oreilles, face à l’expression que j’affiche.

 

–Même pour un cryptide, le suicide est contre nature.

 

Je dévie les yeux et il recommence à lécher le sang. Je m’éloigne un peu de lui, cette fois-ci.

 

–Nettoie-les, ça va s’infecter. Ce serait idiot de mourir maintenant que tu sembles avoir trouvé une raison de vivre, me dit-il en pointant sa truffe vers Abysse, revenue s’allonger entre mes pattes.

 

Je baisse les oreilles, affichant un air désapprobateur alors qu’il retourne vers les siens. Non, je n’ai pas trouvé une raison de vivre, mais je resterai en vie tant qu’elle aura besoin de moi.

 

Les autres me dévisagent, mais ne râlent pas plus que cela sur ma présence. J’ai du mal à suivre le raisonnement du canidé, mais je n’ai jamais été perspicace. En toute logique, j’aurais dû, au moins un petit peu, me poser plus de questions. Est-ce qu’il me garde en réalité pour l’hiver parce que je suis une proie facile ? Quelque chose dans ce goût-là… Enfin, c’est peut-être trop m’en demander pour l’instant, moi qui commence seulement à voir un peu de lumière depuis l’accident. Je soupire tout en gardant les yeux à la fois sur la meute et sur la coïste entre mes pattes et lève en suite les yeux au ciel en contemplant les nuages grisonnants. Plus les années passent et moins j’ai de volonté pour persévérer dans cette punition que je m’inflige.

 

Quelques jours se sont écoulés depuis notre admission dans la meute. Au début, je n’ai fait que dormir une grosse partie du temps. Mais j’ai également observé les canidés de mon coté.

La meute se compose de Vlase, de son frère Ukus, leurs cinq compagnes et les deux petits. Il y a deux renardes au pelage roux voir brun clair. Tsveta est plus rouge que sa sœur Molnii. Il y a ensuite Luna, la mère des renardeaux, Tucha, sa jumelle et Reki qui est gestante, la cadette. Les jumelles ont une couleur bleutée plus claire que Vlase et la plus jeune, elle tire sur le vert.

 

Au début, je maintenais Abysse près de moi par souci de sécurité. Vlase quant à lui passe son temps à faire la navette de la meute à Abysse et moi. Ukus est distant et ne s'approche pas spécialement. Je pense que c’est Vlase le chef, mais à vrai dire, je n’ai vu aucune réelle dominance entre les mâles, contrairement aux femelles qui ont un semblant de hiérarchie.

Reki ne quitte pas la tanière, c’est elle qui surveille les petits quand la meute s’éloigne. Ce matin, Ukus est resté avec elle. Contre toute attente, Abysse n’est pas chassé par les femelles lorsqu’elle joue avec les renardeaux. Ça me fait peur de la voir aussi près, mais ils sont gentils avec, peut-être parce qu’elle est encore un bébé ? 

 

À rester statique, j’ai l’impression de sentir comme un grincement dès que je remue ma patte. J’ai parfois envie de me lever, mais ce serait idiot de risquer de l’abimer parce que je manque de patience. De toute façon, qu’est-ce que je pourrais faire ? Ce n’est pas comme si je pouvais être utile à quoique ce soit.

Perdue dans mes pensées, un drôle de bruit attire mon attention. Comme je suis affalée sur mon flanc, je me redresse et regarde en direction des tanières. C’est Reki, elle a quitté son trou et elle se dirige vers le cours d’eau en contrebas, mais elle semble avoir du mal à y aller. Perchée sur mes trois pattes, je la rejoins en pressant le pas. Ce qui me vaut un joli sourire, à pleine dent, de sa part. Ce qui, bien sûr, m’immobilise en un instant.

 

–Que fais-tu ? Gronde-t-elle.

–Heu… T’aider.

 

Je me permets d’aller sur la carcasse du lynx, maintenant qu’il n’y a plus rien, je ramasse le haut du crâne sous le regard sceptique de la future mère et je descends jusqu’au ruisseau. Avec ma démarche de canard et mon récipient improvisé, je lui ramène un peu d’eau avec mon peu de prestance. Elle est si ronde qu’avec les longues pattes et son corps svelte, elle ressemble à une poire. Je m’apprête à quitter la renarde pour aller m'allonger au soleil et profiter des dernières chaleurs de la saison.

 

–Eh croquette, pourquoi tu as adopté ce bébé coïste ?

–Croquette ? J’en penche la tête de biais. Enfin, ils peuvent m’appeler comme ils le veulent.

–Désolé, c’est Vlase qui t’a donné ce surnom, il a dit que tu n’en avais pas.

–J’ai trouvé Abysse il y a quelques mois, elle a été abandonnée par les siens. Je suppose que c’est à cause de la couleur de ces yeux.

–Quels parents feraient ça ? Penche-t-elle la tête sur le côté.

–Les coïstes à l’évidence.

–Je n’aurais pas idée de rejeter mes petits même s’ils avaient une oreille de travers ! J’ai tellement hâte de voir leurs petites frimousses, se ravit la future mère.

 

Je lui souris simplement. Moi j’y vois de nouvelles victimes. Je sursaute à l’arrivée discrète d’Ukus. Je ne les entends jamais approcher. Il rejoint sa compagne qu’il salue en collant sa tête contre la sienne. Les autres lui emboîtent le pas. Je m’éloigne un peu pour les laisser passer, Vlase s’immobilisant à ma hauteur.

 

–Tu devrais éviter de bouger.

 

Je baisse mes oreilles et grimace. Je ne suis pas en sucre non plus. Le renard retourne auprès des siens et Abysse en fait de même en revenant entre mes pattes. Je les entends parler, ils surveillent les troupeaux d’herbivores qui composent leur territoire. Ils contrôlent donc la population des individus ? Enfin, c’est grâce à cela qu’ils savent quand ils peuvent se permettre de chasser et quand ils doivent éviter de le faire.

 

La nuit tombée, Abysse s’agglutine contre moi pour se tenir chaud. Le vent qui souffle ne m’aide pas à me réchauffer. Ma patte me fait un mal de chien et j’en ai les dents qui claquent. Les frissons s’intensifient au fur et à mesure que les heures s’écoulent. Cela fait maintenant quelques nuits qu’il m’est impossible de dormir et celle-ci ne va pas faire exception. Pour passer le temps, je joue avec la buée que je crée en expirant. Vlase vient s'asseoir à côté de moi. Il regarde le ciel sombre et couvert.

 

–Il va pleuvoir cette nuit, venez.

–Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

–En quoi ?

–Je ne suis pas à l’aise en groupe, dis-je en baissant la tête.

–Je l’ai remarqué. C’est pour ça que tu ne cherches pas les tiens ?

–Il n’y en a pas d’autre comme moi.

–Tu as parcouru le monde dans son entièreté pour dire cela ?

–Je ne suis pas née cryptide, je le suis devenue.

–On naît cryptide, même si tu es née sous une apparence humaine.

 

Malgré ma réticence, Vlase ne m’a pas laissé le choix que de venir dormir près d’eux. Ça m’effraie, mais je dois avouer que cette nuit a été plus agréables.

 

Le lendemain matin, une brume épaisse s’étend autour de nous. La meute s’éveille peu à peu et, chacun son tour, prend congé. Je me suis mise de côté, préférant ne pas m’habituer à les côtoyer, ce que je fais de toute façon, bien trop vite à mon goût.

Encore une fois, le renard vient à ma rencontre, Abysse, elle est partie jouer avec Buntar et Dogost.

 

–Tu compte encore faire la tête longtemps ? Les renardes t’on acceptées.

–Je suis une solitaire, Vlase, je ne saurai pas m’adapter à une vie en meute, à la cohésion de groupe et des mœurs qui ne me paraissent pas naturelles.

–Ha hein… Tu sais me répéter ça avec plus de conviction ? Vivre en groupe s’apprend comme tout le reste, j’ignore pourquoi tu te tourmentes à ce point, mais quoi que ça puisse être, ce n’est pas la bonne option.

–Qu’est-ce que tu en sais ? Comment peux-tu dire ça sans même me connaître ? Peut-être que je présente une menace pour ta meute ! M'énervé-je.

 

Il penche la tête tout en me regardant de haut puis sourit comme s’il se moquait de moi. Je sais de quoi je parle, je suis la mieux placée pour savoir le danger que je représente. J’ignore quand je me réveillerai, à quel moment je pourrai à nouveau céder à la folie. Je soupire, en baissant ma tête et m’allonge en lui tournant le dos.

 

–Dans ton état, je ne vois pas ce que tu as d’effrayant.

 

Je n’aime pas ça, vraiment pas. Mais, j’ai beau me dire que je ne devrais pas laisser les choses aller aussi loin, ma solitude me pèse de plus en plus. Cela m’énerve ! Parce que je n’arrive pas à tenir mon engagement.

La pluie tombe depuis le matin. Les renards ont ramené tout à tour des lièvres et autres rongeurs pour Luna et Reki. Abysse affronte le froid pour se trouver des proies qu’elle partage avec Buntar et Dogost, elle imite les grands. Elle était encore bien active jusqu'à maintenant, mais le froid mordant commence à avoir raison d’elle. Son activité se restreint de plus en plus.

Le fait d’être regroupés dans la tanière, nous tient chaud. Tout comme la bleue, je dors toujours autant. J’ai franchement du mal à retrouver mon énergie. J’ai l’impression que le fait de rester sur place m’assomme. Ou est-ce que j’aurais accumulé trop de fatigue ? 

Plusieurs jours se sont écoulés, l’hiver s'est bien installé cette fois-ci. Le bois est jonché de feuilles brunes et orange. Et paradoxalement, bien qu'il y ait moins de soleil, il y fait plus clair, grâce aux arbres qui ont perdu leurs feuilles. Je n’aime pas le froid. Peut-être parce que cette saison me rappelle les moments où nous étions avec ma mère et ma sœur devant la cheminée de pierre.

Dans la tanière, il n’y a que Reki aujourd’hui et en faisant le compte, je réalise qu'elle est pleine depuis plus d’un mois maintenant. Donc, la gestation des Lisii est plus longue que celle des canidés ordinaires. Je sais que la reproduction des cryptides est délicate et les naissances moins fréquentes que chez les animaux non cryptide. C’est ainsi que dame Nature a décidé de contrôler notre population.

 

–C’est ta première portée ?

 

Je referme ma gueule, c’est sorti tout seul. Elle s'est retournée assez vivement sur moi mais elle parait juste surprise. Probablement parce que je n’engage aucune conversation d’habitude.

 

–Oui, Buntar et Dogost sont les premiers petits de la meute.

–Vous êtes ensemble depuis peu ?

–Cela fait dix saisons.

–Vous vous êtes rencontrés en même temps ?

–Les femelles et moi venons de la même meute, nous avons toutes le même père, mais avons des mères différentes pour certaines.

–Vlase et Ukus on prit le rôle de votre père ?

–Ah ah, non, nous ne fonctionnons pas comme les loups. Les renardeaux restent cinq à dix ans avec leurs parents. Ceux qui sont nés la même année quittent la meute en même temps, mâles et femelles y compris. Nous devenons alors nomades jusqu’à ce qu’on rencontre une autre meute ou d’autres nomades. Nous avons croisé Vlase et Ukus et mon frère est parti avec leurs sœurs.

 

Leur système leur permet de compter l’un sur l’autre jusqu’à croiser un autre groupe. Les changements évitent la consanguinité et les bagarres inutiles. Contrairement au loup, il n’y a pas une louve dominante qui est la seule à pouvoir se reproduire. 

 

–Ton frère ne te manque pas ?

–Son territoire est frontalier au nôtre, je le croise souvent.

–Vous avez la notion du lien de sang ?

–Nous sommes des cryptides, me répond-elle simplement.

 

De manière générale, chez les animaux, une fois sevrés, les petits n’ont plus conscience de leurs liens de parentés. Père, mère, frères et sœurs sont uniquement des individus de leur espèce. Même s’ils peuvent rester ensemble et ne pas apprécier d’être séparés. C’est plus une question d’affinités et d’habitudes. 

Les cryptides eux, ont un système hiérarchique, de la dominance et des mœurs propres aux individus de leurs espèces, mais également une réflexion dite, humaine. Ils sont bien plus instinctifs comparés aux humains, mais les notions telles que l’empathie, nous différencie des simples animaux. Bien sûr, il peut y avoir des exceptions.

 Pensive, je me rends compte que Reki respire fort. Depuis ce matin et même en me parlant, elle n’a pas arrêté de changer de sens et elle devient de plus en plus nerveuse. Je me redresse dans la hâte, Ah, non ! Elle ne va pas mettre bas à côté de moi. Elle continue de tourner en rond, de se lever, de se coucher. Moi, je recule, m’aplatis et surtout évite de retourner dans la tanière.

En parlant d’instinct, jusque-là, elle ne disait rien. Mais elle vient de me montrer les crocs quand je me suis retournée sur elle. Je sors de la tanière, cherchant après un des lisiis. Mis à part les louveteaux, il n’y a personne.

 

Je reste à l’écart, tout en surveillant les alentours… Encore une fois, mes sens s’alarment. Je perçois un mouvement derrière moi et lui fait aussitôt face, les crocs dévoilés et m’aplatis aussi vite. Ce n’est qu’Ukus, il m’ignore et se hâte à rejoindre sa compagne. Est-ce que je dois le laisser faire ? Il ne va rien tenter ? Pourquoi cela me captive autant ?

Je ne peux pas me fier au fait qu’il ait été câlin avec elle, ils le sont tous les uns envers les autres. Je reste sur mes gardes, surveillant ses faits et gestes… Pourquoi ? Mes muscles tremblent, je suis prête à agir s’il montre le moindre signe d’hostilité. Pourquoi ? Ils ne sont pas mes compagnons, ils ne sont pas ma famille, alors d’où me vient cet instinct de protection ?

Le reste de la meute est arrivé tour à tour. Reki continue de défendre ses futurs petits en tenant les autres à l’écart, sauf Ukus qui est le seul à pouvoir l’approcher. Abysse s’est assise entre mes pattes et nous attendons.

Cela aura pris du temps, mais les petits d’Ukus et Reki sont là. Deux femelles au pelage sombre et en tout point semblables à des renardeaux ordinaires. Ils sont si petits ! La meute hurle de joie, un sentiment étrange me parcourt alors, une sensation de chaleur et de bien-être que je n’avais plus perçue depuis longtemps. Peut-être que cela pourrait le faire. Vivre tranquillement avec eux, agir comme une lisii à mon tour ? Abysse se joint à la meute et crie, elle aussi. Seule ma queue s’agite derrière moi alors que j’échange un regard avec elle. Une nouvelle famille, pour qu’elle puisse s’épanouir.

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