Divalis : l'éveil

Chapitre 21 : La course d'écolyns.

3710 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/04/2023 21:19

Le clairon sonne et Fafnir prend une telle impulsion, qu’il manque presque de me laisser sur place ! Si je stresse de reprendre la compétition, lui, il chauffait tout seul dans l’écurie le temps que je le harnache. 

Il a eu beaucoup de pluie ces derniers jours et la terre n’est pas gelée. Il y a de la boue et plusieurs drakes glissent dès le premier tournant. Impossible de me retourner pour voir s’il y a eu des chutes. Les écolyns sont capables de faire des pointes à deux cents kilomètres heures. Il va sans dire que même avec nos combinaisons, une chute peut s’avérer mortelle pour un pilote s’il venait à se faire écraser par un drake. Il faut être vigilant et tempérer nos bêtes lors des courses. Fafnir porte, en plus de la selle, un bridon sur la tête.

La vitesse ne fait pas le tout, l’endurance est importante. Je retiens Fafnir pour canaliser son énergie parce qu’il est du genre à trop donner au début et à vite s’essouffler par la suite. 

Le pilote ne fait pas que s’asseoir et laisser la bête courir. Il doit suivre le mouvement de sa monture, ne pas la gêner, savoir se faire léger. Tenir en suspension nous demande de l'entraînement et une certaine condition physique.

J’avais presque oublié ce sentiment d’exaltation qui envahit tout mon être.

Le parcours nous fait remonter la rivière et les à-coups que Fafnir donne dans l’eau pour garder la cadence mettent à mal mes jambes et mon équilibre. Je fixe le tronc d’arbre sur lequel nous arrivons, Fafnir se rassemble, je me tends dans mes étriers et il s’élance pour sauter par-dessus l’obstacle. Il file comme le vent et talonne le peloton de tête.

Une heure de course, c’est long ! Je ne suis pas spécialement avantagé d’être un cryptide, le fait que je tienne face à la douleur, comparé à un humain, n’avantage en rien Fafnir.

Hector, un coureur qui a remporté six victoires sur douze courses, est en tête du peloton, avec Danseuse, sa drakinne. Victoria qui est devant moi sur son Drake, Tonnerre, a un palmarès équivalent à celui de Hector. Volmyr sur Tock, Dina sur Epsilon et Adrian sur Valkyrie, les suivent de près. Ce sont également de redoutables adversaires, avec bien plus d’expérience que moi.

J’aperçois enfin le stand pour le bilan de santé. J’arrive juste après Dina, on sonne ma venue et l'on me dirige vers l'un des soigneurs bénévoles. Je place Fafnir juste à côté de l’abreuvoir et descends pour reprendre mon souffle et étirer les jambes qui tremblent comme des feuilles malmenées par le vent. La bénévole m’apporte une bouteille d’eau que j’accepte volontiers, tout en retirant mon casque. Ainsi, elle s’attèle au contrôle de Fafnir tandis que j’avale plusieurs rasades d’eau, comme le drake.

Elle prend son rythme cardiaque. Elle est jeune, elle a certainement le même âge qu’Aéon, je dirais. Sans doute une stagiaire qui profite de l’occasion pour se faire la main.

Elle est concentrée… Le rythme cardiaque normal d’un drake est de vingt battements de cœur par minute et sous l’effort, il peut monter à quatre-vingts, Fafnir doit se situer entre trente à trente-cinq pulsations puisqu’il vient de courir.

 

— Heu, je compte plus de quarante battements, dit-elle à voix basse.

 

Il est à trente-deux et je n’ai pas besoin de stéthoscope pour le savoir comme mon ouïe est assez fine pour l’entendre.

 

— Tu n’aurais pas compté l'écho avec ?

— Ah ! oui, désolée, répond-elle.

 

Elle recommence alors en tremblant et sur le point de pleurer, ce qui personnellement, me met un peu mal à l’aise. Elle me dit alors à voix basse :

 

— Il est à trente-quatre battements, c’est bon.

 

J'acquiesce, bien qu'il soit toujours à trente-deux, mais à deux battements près, je ne vais pas lui en faire la remarque. Maintenant, elle doit prendre sa pression artérielle et de nouveau, elle fait ça avec nervosité. Ses mains tremblantes n’arrivent même pas à tenir correctement le bandeau quand elle le passe sur la patte de Fafnir.

 

— N’aie pas peur de serrer pour ne pas fausser l’examen, dis-je tout en lui montrant comment placer le bracelet : c’est la première fois que tu t’occupes d’un drake ?

— Oui, avoue-t-elle en grimaçant

— Je sais que vous avez un temps imposé pour faire le contrôle, reste calme, ne te stresse pas et tout ira bien.

— D’accord… Merci Monsieur Stat, me répond la jeune en souriant.

 

Le coup de vieux que je viens de prendre ! Elle me donne le certificat que je dois apporter au référent pour qu’il le valide. Je vide ma bouteille d’eau et nous voici, Fafnir et moi, repartis pour deux tours de piste…

 

Aziel et Fafnir sont de nouveau en route. Qu’est-ce qu’ils m’ont fait peur sur le départ ! Sur les trois drakes tombés au début, deux ont dû arrêter pour cause de blessure. Si les deux premiers tours étaient mouvementés, la cadence a ralenti pour les deux qui suivent.

D’après le commentateur, Fafnir commencerait à montrer des signes de fatigue. Il n’a pas l’air plus en difficulté que les autres drakes pourtant. Enfin, tant qu’il tient la cadence, je suppose que ça ira.

Concentrée sur la retransmission, je m’emballe toute seule sur le matelas. Parfois, je me tais et regarde vers la fenêtre en tendant l’oreille pour vérifier que je n’ai pas attiré l’attention en étant trop bruyante. Qu'est-ce que cela m’avait manqué !

Au moment du départ, ils y avaient soixante-sept concurrents, ils ne sont plus que trente-neuf en lice. Certains ont abandonné au premier contrôle et il y a les accidents, mais pour l’instant sans blessé grave. Ils reviennent au point de départ et les voici répartis pour le quatrième tour. Il est vrai que Fafnir commence à perdre de la distance… Parmi les pilotes en tête, je reconnais Adrian qui est un ancien, toutefois les noms des jeunes coureurs me sont inconnus.

Aziel suit la pilote Dina et son drake Tonnerre, elle est dans une combinaison blanche et verte, comme sa drake, de couleur verte aux striures blanches. Un peu comme Fafnir qui est juste plus foncé que Tonnerre. Je me demande si le noir de la combi d’Aziel fait référence à Silva et sa mère, qui avait une tenue noire et blanche ?

Ils en sont au deuxième contrôle, c’est incroyable comme ces cinquante minutes se sont vite écoulées. C’est le dernier tour, je suis penchée sur le bord de lit. Aziel et Fafnir sortent des bois pour arriver au fond de la vallée qu’ils remontent à toute allure pour revenir au point de départ et cette fois-ci pour clore la course.

J’entends les voix s’élever dehors pour encourager les coureurs. J’ai les yeux rivés sur l’écran, à me tenir contre l’armature du lit. Fafnir est épuisé, il peine à rattraper les premiers. Mon cœur s’arrête alors que le drake à bout de force vient à s’emmêler les pattes, flancher et glisser dans la boue. Il parvient à se rétablir, continue de courir et passe la ligne d’arrivée ! Oh ouais ! Je crie, tout en faisant un bon de joie qui me vaut un aller simple vers le sol. 

Je reste sur place à regarder le classement qui s’affiche à l’écran… 

Première place : Hector Andrei. Deuxième place : Victoria Bucur. 

Troisième place : Andrian Creu. Quatrième place : Volmyr Erner. 

Cinquième place : Dina Fischer. Sixième place : Edna Hofer. 

Septième place : Lupin Stan. Huitième place : Aziel Stat. 

Neuvième place : Véronica Weber. Dixième place : Rosa Rusu.

Je reviens sur le lit alors que les images défilent sur les pilotes et les journalistes qui s’approchent des gagnants pour les interviewer. Je me demande comment il se sent ? 

 

Nerveux ! Quand Fafnir a glissé, j’ai senti mon cœur s’arrêter de battre ! Je voyais déjà le pire arriver, je ne l’ai pas entendu se plaindre quand j’ai tiré sur les rênes pour l’aider à se reprendre, j’espère ne pas lui avoir fait mal.

Nous avons passé la ligne d’arrivée… Ainsi, nous nous dirigeons vers le paddock d’attente pour le dernier contrôle. Je dois descendre maintenant… Ulrick se précipite vers moi alors que je retrouve le sol. Mes jambes endolories cèdent directement sous mon poids et si je ne finis pas à terre, c’est parce que je me retrouve dans les bras d’Ulrick.

 

— On ne tient plus debout ? Bien joué mon grand, dit-il en me donnant une tape si forte dans le dos, qu’il m’en coupe la respiration.

— Merci, mais c’est lui qui a fait le plus gros.

 

Je me retourne pour caresser le museau de Fafnir. La créature ronfle de satisfaction tandis qu’Ulrick vérifie s’il ne s'est pas blessé, pour me laisser un peu de répit, ou plutôt m’abandonner aux journalistes qui se précipitent vers nous. 

Oh bordel ! Mon cœur se hâte et je sens mes oreilles brûler alors que la journaliste d’hier me demande ce que cela fait d’arriver dans les premiers ? Je tourne la tête vers Ulrick pour l’appeler au secours et celui-ci me répond en levant ses pouces vers moi avec un large sourire… Merci, ça m’aide franchement !

 

— Je suis fier de Fafnir, balbutié-je.

— Vous n’êtes pas déçu qu’il ait trébuché juste avant la fin et fait perdre deux places ?

— Absolument pas ! Il a trop donné pour une reprise, dis-je d’un ton un peu sec.

— Voilà quatre ans que vous n’aviez plus couru, pourquoi ce revirement soudain ?

— L’envie m’est revenue, dis-je en me grattant la tête, mes yeux cherchant toujours l’aide d’Ulrick.

— Serait-ce pour impressionner votre petite copine ? réplique la femme en se dandinant.

 

Je me raidis d’un coup et bégaie, ne parvenant plus à lui répondre. La femme conclue son reportage sur une petite vanne par rapport à ma timidité et s’en va vers les autres candidats arrivés en derniers puisque les trois premiers attirent à eux sols la majorité des journalistes. Ulrick me rejoint avec un sourire benêt en m’attrapant l’épaule pour me faire baisser à sa hauteur, alors que je cherche à vite me dérober de là avant qu’un autre micro ne me tombe sous le nez. 

 

— Qu'est-ce que cette histoire de copine ? demande-t-il d’un œil curieux.

— Rien, je l’ai croisée hier et je ne voulais pas sortir avec elle boire un verre , alors j’ai pris comme excuse le fait d’être en couple. Je ne pensais à personne en particulier, j’ai juste dit ça comme ça, dis-je, presque d’une traite.

— Bien sûr ! Cela n’a rien à voir avec cette petite que tu héberges ? déclare Ulrick tout en me faisant un clin d’œil.

— Ça ne fait que quatre jours que l’on se connaît, il n’y a pas de ça entre nous et fais gaffes à ce que tu déclares, on pourrait nous entendre !

 

En effet, Hector s’était retourné sur nous quand la journaliste a mentionné ma petite copine et je n’ai pas envie que leurs curiosités, les amène à venir voir chez moi.

 

— Ne t’en fais pas et pourquoi pas ? Évidemment, mes yeux d’humain ne peuvent distinguer que la bête, mais toi en tant que cryptide, tu vois la personne qu’elle est. Ce n’est pas impossible qu’elle puisse te plaire et cela ne veut pas dire que tu dois en être fou amoureux, continue Ulrick en venant me tapoter l’épaule.

— Elle n’est pas mon genre.

— C’est pour ça que tu rougis comme une tomate ? dit Ulrick, taquin : en attendant, elle est sans doute la première personne avec qui tu te lies réellement hormis moi, conclue-t-il en se déportant vers les commentateurs qui annoncent les dernières arrivées.

 

Je soupire tout en détournant les yeux et ramène Fafnir après avoir signé les papiers pour clore ma participation. Fafnir peine à marcher, il va bien dormir cette semaine et je sens les courbatures arriver moi aussi.

Je nourris les drakes et rentre chez moi me servir un grand verre d’eau que je bois cul sec et rejoins Aéon dans ma chambre. Celle-ci me fixe en souriant chaleureusement et me félicite. Je détourne les yeux en soufflant du nez et me gratte l’arrière de la tête en la remerciant. Je viens m’asseoir sur le rebord du lit ou elle se glisse contre moi, ce qui me fige sur l’instant, puis lui ébouriffe la crinière… Il faut que je vire ma combinaison !

 

— Ça avait l’air intense ! J’ai eu peur quand j’ai vu Fafnir trébuché, ça va, il n’a rien ?

— Non, il ne s’est pas blessé, mais nous sommes épuisés, je réponds.

 

Je secoue ma combinaison par la fermeture Éclair alors la désagréable sensation de sueur qui dégouline le long de ma colonne, me fait frissonner.

 

— Je vais la retirer avant de fusionner avec, soufflais-je.

— Il te faut aussi un bain, répond-elle en me tirant la langue.

— Dis-le que je pue !

— Je ne l’oserais pas, dit-elle en se dandinant.

— Toi aussi ce ne serait pas de trop, les draps ont besoin d’être changés.

— Je ne dirais pas non à un bon bain bien chaud, répond-elle.

 

Je regarde le bandage, sa cicatrice n’est pas encore assez refermée que pour risquer de la mettre dans l’eau.

 

— Il faut d’abord protéger ta patte, je vais l’emballer dans de la cellophane.

 

Je me lève et pars dans la cuisine, ouvre le premier tiroir juste à côté de l’évier, saisit le tube de cellophane et rebrousse chemin pour retrouver Aéon. Je lui emballe le pansement avec soin, puis l’attrape sans réfléchir, pour l’entraîner dans la salle de bain.

Une pièce avec un carrelage noir, des meubles en bois flotté, de chaque côté d’un grand miroir sous lequel se trouve un évier en pierre noir également. Il y a au fond de la pièce un bassin rectangulaire creusé dans le sol et fait en vieille pierre. Et, pour finir, une simple douche cachée par un mur en pierre qui la sépare du bain et du reste de la pièce.

Aéon s’assied tout en observant autant la pièce que moi.

 

— Je prends rarement des bains, je dois pratiquement vider le boiler pour remplir le bassin.

— Tu veux qu'on le prenne ensemble ? dit-elle en penchant la tête.

— Tu peux te savonner toi-même ?

— Pas vraiment, mais bon, c’est bizarre, quand même.

— Pas plus que de laver un chien… Ou un poney, dis-je en retirant ma veste.

 

Mon tee-shirt est trempé, c’est horrible ! Je ruse pour enlever le pantalon qui me colle à la peau, je me contorsionne pour le glisser le long de mes jambes, si bien, que je finis par m’asseoir sans classe sur le sol pour m’en débarrasser ! Libéré de la combi, j’attrape une serviette que j’enroule autour de ma taille pour me séparer des derniers vêtements. J’attrape sur l’étagère du savon et du shampoing solide fait à partir de lait de drakinne, que je pose à côté de l’évier du bassin. Je me tourne sur le robinet pour faire couler l’eau et la réchauffer et demande à la dorée :

 

— Entre, je vais d’abord te savonner avant de remplir le bac.

 

Elle remonte les yeux sur moi, comme hésitante, puis se glisse dans le bac d’eau qui lui arrive à la moitié du corps. Je m’assois sur le rebord, saisis le pommeau de douche, tandis qu’elle se place dos à moi et je l’arrose gaiement. Ensuite, j’enduis son pelage avec le shampoing dont la mousse prend une teinte terreuse.

Je descends au niveau de son bassin en prenant garde à la cicatrice, m’apercevant qu’elle en porte d’autres que sa fourrure cache. Je capte son regard qu’elle porte vers moi, comme si elle me surveillait. Je la sens se raidir, mais j’ignore si c’est à cause de la douleur de ses plaies ou d’autre chose… Dans ma lancée, je passe sous son poitrail avec le produit et encore une fois, elle me fixe de telle sorte que je suis déjà prêt à éviter une morsure… Elle rentre sa queue sous son ventre et comme elle se contracte, davantage, je me contente de la rincer sans toucher son ventre. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle puisse montrer de la pudeur… Je lave un chien parlant certes, mais un animal.

Enfin, cela fera l’affaire ! Je laisse couler l’eau et entre dans la baignoire, toujours ma serviette sur moi et m’allonge contre le rebord du bain, avant de me jeter sur le côté alors qu’elle s’ébroue vivement, s’apprêtant à sortir.

 

— Tu sors déjà ?

— Je ne vais pas rester avec toi ?

— Pourquoi ?

— C’est bizarre, non ?

— Si tu le dis, dis-je tout en fermant les yeux.

 

Je l’entends se glisser dans l’eau avec une certaine lenteur.

 

— Qu’est-ce que cela fait de reprendre les courses ? demande-t-elle.

— Ça m’avait manqué et à Fafnir aussi, il était plus emballé que moi dans l’écurie.

— Tu vas continuer ?

— Ce serait dommage d’arrêter aussi vite. Il me faut une nouvelle combi, par contre.

— Trop à l’étroit dans celle-ci, dit-elle, en riant.

— Il faudra que j’entraine Fafnir, il a su tenir, mais il est claqué et ça s’est dû à un manque d’endurance. Il ne pourra pas le faire à chaque fois et ce n’est pas bon pour lui non plus.

— Il y a plusieurs courses sur une année, si je me le rappelle, bien ?

— Il y en a trois, une en juin, une en septembre et une en mars.

 

Je glisse pour passer la tête sous l’eau et me mouiller les cheveux, les enduis de shampoing, puis attrape le savon que je glisse dans un gant pour me frotter, ce qui fait pencher sa tête à Aéon.

 

— Tu as une drôle de façon de faire.

— Si je ne mets pas le savon dedans, comment je me lave ?

— Frotte-le sur le gant ?

— Moins chiant ainsi…

 

Elle rit, se plonge sous l’eau et se redresse comme un canard tout en s’ébrouant doucement. J’ai une idée en tête depuis cette nuit. Cependant, j'hésite franchement à la lui proposer, je peux toujours tenter de l’amener sur le sujet :

 

— Si le renard vient à ta rencontre dans les jours prochains, vous allez sans doute rester dans le coin puisque la neige va bientôt commencer à tomber, dis-je sobrement.

— Oui, nous resterons dans le coin.

— Je sais que vous n’aimez pas les humains, mais cela ne me dérangerait pas que vous vous installiez chez moi pour l’hiver.

— Personnellement, cela me ravirait et Abysse aussi, mais Vlase et Dagan, j’en ai un doute.

— Faites comme vous voulez, je ne fais que proposer, dis-je en la regardant dans les yeux.

— J’en discuterai avec Vlase, les autres ne seront pas contre… Si nous profitions de la bonne saison pour voyager et que nous revenions chez toi pour l’hiver. Serait-ce grave que tu t’absentes la moitié de l’année ?

 

Je la regarde alors, surpris. Laisser Ulrick se débrouiller autant de temps ? La maison, ce n’est pas un problème et les drakes m’accompagneraient. Mais Ulrick… Je serre les dents tandis que mon cœur s’emballe à cette idée terrée au fond de moi que je refoule depuis des années. J’ai toujours eu envie de partir, bien que, devrais-je avouer, que cela me fait peur.

 

— Nous ne sommes pas obligés d’aller loin au début et franchement, même si Ulrick devra se passer de toi, je trouve que ton village ne te mérite pas, dit-elle d’un ton plus sec.

 

Je soupire doucement en fermant les yeux tout en posant ma nuque sur le rebord du bain. Peut-être que je n’ai rien à leur rendre mais ce n’est pas pour eux que je suis devenu vétérinaire, c’est pour les drakes. 

Cornelia a plusieurs fois raté les examens pour être diplômée vétérinaire. Elle assiste Ulrick et se débrouille aussi bien que moi sur le terrain. Mais une fois qu’Ulrick prendra sa retraite, elle ne pourra pas reprendre les rênes sans diplôme validé par l'État. 

Dans ce cas, on nous enverrait un vétérinaire qui n’aurait aucun savoir-faire avec les drakes. Ce que les villageois, et je peux les comprendre, n’accepteront pas. C’est bien la première fois qu’une décision me semble si compliquée.

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