Divalis : l'éveil

Chapitre 22 : Je suis l'alpha.

2347 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/09/2023 22:24

Aéon

Le bain s’est terminé dans un silence presque gênant. Je ne sais pas pourquoi je lui ai proposé de venir avec nous. Je suis peut-être gênante avec mes questions. Il n’a pas envie d’être isolé, mais peut-être pas au point de se décider à quitter Écolyn.

Après le bain, j’ai été me mettre dans la douche pour enlever le surplus d’eau de mon pelage, tandis qu’Aziel a profité de l’occasion pour s’enrouler dans une serviette puis a épongé sa longue chevelure. Je n’ai pas l’impression de le sentir gêné par ma présence, que ce soit maintenant ou dans le bain.

Certes, il est de ma race, mais est-ce normal que je ressente comme une attirance alors qu’il n’a pas son apparence de divalis ou moi ma forme humaine ? Je crois comprendre de quoi il s’agit, bien que cela soit une première pour moi. Contrairement à Dagan et Vlase qui sont plus vieux, lui avoisine mon âge.

Aziel s’agenouille pour retirer la Cellophane de ma patte. Il s’avance ensuite vers son armoire, celle qui est la plus proche du sol, et en sort un sèche-cheveux qui est presque aussi grand qu’un aspirateur. 

Il branche l’appareil et le met en marche pour ensuite diriger l’air sur moi. Je le regarde, surprise de voir à quel point c’est puissant.

— Tu m’excuseras, mais je n’ai pas envie que le matelas pue le chien mouillé, hurle-t-il pour couvrir le vacarme.

— Je n’ai rien dit, et ton truc va me faire décoller !

— C’est un appareil de toilettage pour chien. Je sors parfois sous forme animale quand il pleut, j’avais besoin d’un truc puissant. Lorsque je l’utiliserai sur moi, tu pourras dire que je suis une peluche !

— J’ai hâte de voir ça, dis-je, taquine.

— Quand j’aurai fini, je te mettrai un petit nœud dans la crinière, répond-il, plaisantin.

— Tu peux essayer, mais retourne chercher ta muselière avant, rétorqué-je en claquant des dents.

— Essaie seulement, dit-il en serrant les doigts autour de ma mâchoire.

Je cherche à me défendre, mais je perds l’équilibre et je tombe sur lui. Aziel lâche le tuyau du pulseur en essayant de se rattraper et de me retenir. Alors que je le vois à quatre pattes pour rattraper le tuyau, je cède à l’envie de le mordre à l’épaule, par jeu. Il sursaute et se retourne vers moi, surpris, et je rétablis aussitôt les distances, me rendant compte que je viens de faire quelque chose de déplacé.

Aziel a rattrapé le tuyau et poursuit son travail…

— Tu fais peur quand tu fais semblant de mordre. J’ai le cuir plus épais qu’un humain, mais attention, dit-il en appuyant sur le haut de ma tête.

— Pardon, je ne fais jamais ce genre de chose, même avec Abysse. C’était idiot, dis-je, honteuse.

— Si tu as envie d’être taquine, ça ne me dérange pas et ne te retiens pas de l’être quand tu retrouveras Abysse, répond-il simplement.

Je le regarde, gênée, alors qu’il me sourit brièvement, puis me balance l’air en pleine tête. Je ferme les yeux tandis qu’il dirige le souffle de la machine vers mon poitrail et mes pattes avant. Il me regarde avec un air narquois et il bâille si fort que j’entends sa mâchoire craquer.

— La course m’a tué, dit-il, plaintif.

— Tu vas bien dormir cette nuit.

Il éteint l’appareil, range le tout et enfile son pyjama, pendant que je me couche dans son lit avec un pelage duveteux et léger, digne d’un caniche. Je m’allonge sur le matelas, et il vient éteindre la lumière avant de se coucher. Il y a encore du bruit à l’extérieur, mais j’espère qu’il parviendra quand même à se reposer.

Je me mets sur le côté, et il vient se mettre contre moi, ce qui me fait sursauter. Peut-être que je ressemble à une peluche, mais il ne faut pas pousser non plus ! Je décide de ne pas y prêter plus d’attention et, malgré mon mal de tête, je finis par trouver le sommeil.

Le lendemain matin, les premiers rayons du soleil me tirent de mes songes. Je sors peu à peu de ma léthargie, me redresse et constate qu’Aziel n’a pas bougé d’un muscle. Son rythme cardiaque est lent, il ne va pas se réveiller tout de suite. Il a l’air tranquille, et je le trouverais séduisant si sa bouche n’était pas grande ouverte avec un filet de bave qui en coule.

Je me lève doucement pour aller aux toilettes, puisque je ne peux pas sortir avec les humains qui se baladent partout.

Je reviens auprès d’Aziel, qui est à présent sur le dos et en étoile au milieu du lit. Je ris : ses cheveux, c’est vraiment du n’importe quoi, là ! Je me rallonge et continue à faire la sieste.

En fin de matinée, un peu avant l’heure de midi, Fafnir nous réveille comme à son habitude en faisant trembler les murs de la maison. Aziel s’étire en gémissant, puis se laisse aller, vidé de toute énergie.

— Toujours en forme quand il s’agit de son estomac, dit le bicolore, en soupirant.

— Ça va, il a été sympa d’attendre plus longtemps que d’habitude. Pas trop courbaturé ?

— Je ne sens plus mes bras ou peut-être devrais-je dire que je les sens de trop.

— Repose-toi, je vais essayer de les nourrir, dis-je en me redressant pour quitter le lit.

— C’est gentil, mais j’ai dit que je m’occuperais de toi après la course et je te rappelle que tu es censée être au repos.

— Oui, mais repose-toi quand même.

— Ne t’en fais pas et si ta meute et toi, vous ne vous éloignez pas de la montagne, je te trouverai tout de même une prothèse.

Si nous restions ici avec lui, nous n’aurions pas à avoir peur du froid et Aziel aurait le temps de s’intégrer à son aise au clan.

Aziel sort du lit, s’habille et se rend à l’écurie pour nourrir les animaux, pendant que je me rends dans le jardin de mon côté. J’émets un aboiement et attends une réponse qui ne se fait pas. Après une minute, je réitère mon appel pour le même résultat. Ils chassent peut-être ? Je me retourne sur Aziel en l’entendant approcher, surpris de le voir sous sa forme de divalis.

— Fais tout de même attention à ne pas trop puiser dans ton énergie.

— Ça va, j’ai de l’entraînement derrière moi.

Je baisse les yeux et m’approche de lui pour m’allonger à ses côtés, sans pour autant le coller.

— Fais quand même attention, notre corps est traître.

— Je le sais, je n’ai pas dit que j’allais traverser la montagne en courant.

— Laisse-moi au moins me débrouiller, dis-je, en me redressant.

Il se redresse et me soutient pour que je marche. Avant de traverser le chemin, il vérifie s’il n’y a personne. La voie étant libre, nous nous précipitons, du moins comme je le peux sous le couvert des arbres. Il m’emmène jusqu’au saule pleureur en me guidant et en me soutenant par endroits, tout en restant attentif à notre environnement. Ce fut difficile, mais nous voilà près de l’arbre ! Il s’effondre au pied de l’arbre, et je m’allonge à côté de lui en posant ma tête sur ses épaules.

— J’apprécie tes efforts, mais tu n’es pas obligé de te dépêcher autant, à moins que ma présence te soit insupportable, dis-je en plaisantant.

— Tu prends trop de place dans mon lit, je ne peux pas dormir, dit-il en souriant.

Aziel est encore un peu brusque dans ses paroles, mais il est plus souriant qu’au début. Il tourne la tête dans ma direction pour me dire :

— Tu veux encore te reposer où l’on continue jusqu’au bosquet ?

— Ça devrait aller, et toi, ça va ?

Il acquiesce d’un mouvement de tête, il reprend sa place pour me soutenir, et nous nous remettons en route. Je parviens à poursuivre, mais je me fatigue plus rapidement. Je dois m’arrêter pour me reposer et c’est Aziel qui s’allonge à mes côtés en scrutant les alentours. En le voyant lever la tête pour humer l’air, une question me vient alors à l’esprit :

— Tiens, tu sais pister ? dis-je, en penchant la tête.

— Oui, répond-il, son attention revenant sur moi.

— Comment tu as appris ?

— En cherchant des plantes médicinales.

— Pour t’entraîner ?

— J’ai bien les récolter, ce n’était pas spécialement pour m’entraîner, même si cela m’a été utile.

— Apprendre à les reconnaître pourrait nous être utile ? demandé-je, curieuse.

— Si tu sais comment t’en servir, oui.

— Tu saurais m’apprendre ?

— Bien sûr.

Cela semble lui faire plaisir… J’observe le ciel à travers les branches nues du saule et les feuilles mortes qui jonchent le sol nous offrent un matelas moelleux.

— Je me demande s’ils ont retrouvé Dagan… dis-je à mi-voix.

— Et si c’est le cas, que vas-tu faire ?

— Je pense qu’il mérite une autre chance. Il n’est pas le seul à avoir cédé à la folie et, comparé à ce que j’ai fait, ses actes ne sont pas si graves.

Aziel me regarde, puis il rit avec une expression douce que je ne lui avais encore vue. Plus je le côtoie, plus je me sens en sécurité, comme je le suis avec Vlase.

— En y réfléchissant, l’esprit de ruche devrait être source d’apaisement pour les nôtres plutôt qu’une convoitise.

— C’est-à-dire ?

— Dagan n’en retient que le contrôle et la soumission. Pour moi, si je devais apprendre à le contrôler, ce serait uniquement pour vous aider avec la folie.

— Je me demandais quand tu en parlerais, dit le bicolore en me regardant.

— Tu le savais ?

— Tu corresponds à la description du recueil, je m’en suis douté.

— Tu m’as aidée… à cause de ça ?

Cette prise de conscience ravive cette crainte que j’avais pourtant refoulée. Son instinct l’a-t-il poussé à agir de cette manière parce qu’il sait que je suis alpha et pas imprégnée ? Il me dévisage, puis son expression s’adoucit.

— Je t’ai aidée comme je l’aurais fait pour n’importe qui d’autre. Mon comportement n’a rien à voir avec ton statut. Je le fais parce que c’est dans mes principes et je t’apprécie parce que tu es quelqu’un de bien.

— Tu ne devrais pas avoir confiance en moi…, dis-je en baissant la tête.

— Alors, il en est de même pour moi et les autres divalis. Es-tu certaine de vouloir les trouver ?

— Quelque chose au fond de moi me dit de les chercher, mais… j’ai peur qu’en les rassemblant cela crée de la discorde, si tous courent après l’esprit de ruche.

— Dagan est peut-être le seul à penser de la sorte. Personnellement, tu ne m’intéresses pas.

C’est ce qu’il affirme, mais comment puis-je en avoir la certitude ? Si cette information est exacte, un mâle ne peut pas imprégner une femelle de force. Ainsi, cela pourrait entraîner une incapacité pour la femelle de s’imprégner à l’avenir, ne se faisant qu’au premier accouplement… Mais je ne me souviens pas qu’il mentionne le fait que l’esprit de ruche ne puisse pas être transmis. Aziel me fixe toujours, et s’il n’est pas sûr de cette information, cela signifie qu’il réfléchit à deux fois avant de faire quoi que ce soit. Cela m’agace, car j’avais envie de lui faire confiance, mais maintenant, je réalise qu’il est possible que son comportement soit calculé. Le mâle s’agite alors et me dit :

— Je n’ai pas d’intérêt pour ton statut d’alpha. Je ne parlais pas de toi en tant que tel. Enfin, tu as compris, dit le bicolore, embarrassé.

Je détourne les yeux, craignant ses paroles. S’il comprend qu’il n’aura rien de moi, pourrait-il devenir agressif ? Je ressens son regard sur moi, il doit deviner que je suis nerveuse. Je ne sais pas quoi en penser. Serait-il plus prudent de partir et de le laisser là une fois que j’aurais retrouvé Vlase ? J’essaie de me calmer, mais mon corps trahit mes pensées. Je tremble, même si je m’efforce de ne rien laisser paraître, je refuse qu’il sache que je le soupçonne. Cela risquerait de provoquer son agressivité.

Je le sens bouger, mais je n’ai pas le temps d’anticiper qu’il se retrouve au-dessus de moi. Le bruit qu’il produit est si fort que je suis paralysée sur place… Prise de panique, il me faut quelques secondes pour m’apercevoir que ce n’est pas moi qu’il menace.


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