Divalis : l'éveil

Chapitre 23 : Mauvais départ.

4538 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/09/2023 22:32

Kochtcheï

Mon pauvre Dagan est blessé, la petite Abysse hésite entre le désir de retrouver sa mère adoptive et celui de dormir. Buntar et Sansa se partagent la tâche de chasser pour le groupe en attendant le retour du renard adulte. Lui, de son côté, parcourt la montagne à la recherche d’Aéon. Il a suivi la piste de la femelle divalis, qui l’a conduit près du village humain. Par un coup de chance, il a été en mesure d’identifier son odeur au milieu des arbres de l’autre côté de la rivière où elle a dû s’échouer. Cependant, il y a également l’odeur de l’autre divalis, et celle-ci le mène droit sur une maison qu’il considère comme être une tanière humaine. Elle est isolée du reste du village, mais pas encore assez au goût du renard.

Vlase ne connaît pas leurs mœurs, il ignore si les divalis sont territoriaux, mais il suppose que celui-ci doit, en toute logique, vérifier ce qui se balade près de chez lui. Il présume également que ce mâle côtoie les humains et que, dans ce cas, soit il se dissimule parmi eux, soit il est domestiqué. Idée qui ne plaît pas des masses au renard, de ce fait, il met en doute les intentions de cet individu. Ce que le canidé craint, c’est que la dorée puisse être en danger, mais dans l’incapacité d’appeler à l’aide.

Il hurle au quotidien dans l’espoir d’une réponse. Il arpente les mêmes buissons en y laissant son odeur, mais Vlase doit faire face à la réalité. Il doit approcher de cette tanière s’il veut savoir ce qu’il en est d’Aéon. Cela ne lui plaît pas, il a beau faire les cent pas, il doute franchement que la divalis puisse lui répondre, même si elle l’a entendu.

Le renard gronde, recule et tourne les talons, abandonnant tout espoir d’attirer l’attention d’Aéon, au risque d’attirer les humains sur lui et les autres.

 

Mon pauvre Vlase, si seulement tu avais hurlé une dernière fois, ton attente aurait été récompensée !

 

Le renard n’est pas au bout de ses peines, car en plus de devoir abandonner Aéon, il va devoir annoncer à Abysse qu’elle ne reverra plus sa mère adoptive. Il fait demi-tour, son oreille se secouant alors qu’il entend l’aboiement d’un renard ordinaire, ou peut-être bien d’un chevreuil ? Le cri le perturbe, parce que finalement, il semble proche de ces animaux, mais à la fois différent. Il se retourne et pousse un hurlement strident dans les airs, puis attend… La réponse est immédiate, c’est Aéon ! Le renard se sent tout fou et se secoue pour évacuer son stress qui vient de tomber d’un coup, au point que lui-même en aurait les pattes branlantes.

En le voyant, Aéon rassure le cryptide tout en lui expliquant la situation vis-à-vis d’Aziel et des humains présents près de chez lui. Après arrangement, celui-ci fait demi-tour, souriant à l’idée d’annoncer à la bleue que sa mère est saine et sauve. C’est presque avec l’enthousiasme d’un renardeau qu’il court vers les siens. Ceux-ci, ne s’attendant pas à son arrivée, se redressent, espérant que la joie visible de Vlase soit bel et bien la nouvelle qu’ils attendent.

 

— Aéon est vivante et en sécurité avec l’autre divalis, mais ils sont au village humain, annonce Vlase.

— Maman va bien !? Pourquoi on ne va pas la rejoindre ? demande Abysse qui en saute de joie.

— Il y a trop d’humains pour le moment, nous allons patienter quelques jours et nous irons la rejoindre après, explique le renard.

— Est-ce vrai ? Tu as vu les humains ? demande Buntar.

— Oui, et ils sont nombreux. Aéon est blessée, elle ne sait pas très bien marcher, elle va avoir du mal à venir jusqu’ici, il va falloir trouver une tanière plus proche de celle de l’humain. Nous passerons l’hiver ici, le temps qu’elle se rétablisse, réplique Vlase, tout en accordant à Dagan un regard froid.

Dagan se raidit et se fait tout petit…

Eh oui, gamin, tu as bien merdé !

 

— Tu ne te réjouis pas de la savoir sauve ? réplique le canin.

— Bien sûr que si, répond Dagan, d’une voix peu glorieuse.

— Tu n’es pas pressé de voir les dégâts que tu lui as causés ? continue le renard, acerbe.

— Je n’ai pas peur de toi, Vlase, mais d’être chassé, réplique alors Dagan, sèchement.

— Maman ne te chassera pas, intervient Abysse, confuse.

 

Dagan détourne la tête, préférant ne pas relever, et s’allonge tout en leur tournant le dos. Vlase le surveille de près depuis qu’ils l’ont retrouvé et a même dit à Buntar de mordre dans sa patte blessée s’il venait à avoir un mauvais comportement avec eux.

Si Dagan n’est pas pressé de retrouver Aéon de peur des représailles qui volent au-dessus de sa tête, Sansa est, quant à elle, agacée de la savoir sauve. La renarde se faisait un plaisir de la savoir disparue, car ainsi, Aéon n’aurait plus été le centre de l’attention de la meute. Mais, voilà, elle est vivante et si les autres s’agitent à l’idée d’être bientôt réunis, la renarde se couche et s’enroule sur elle-même, boudeuse, parce qu’elle n’a pas envie de bouger d’où ils sont.

Durant le week-end, Vlase n’a pas arrêté de penser à la situation… Si Aéon est entre de bonnes pattes, elle et Abysse pourraient rester avec le divalis et lui pour s’occuper de Buntar et de Sansa jusqu’au retour de la bonne saison.

Un couinement soudain fait sortir le renard bleu de sa rêverie, qui baisse les yeux sur la renarde qui vient de mordre Abysse de frustration. Depuis qu’ils ont appris la nouvelle, elle s’attaque en particulier à la coïste, alors que celle-ci ne lui fait rien. Voilà la troisième fois qu’elle pince Abysse aujourd’hui et, cette fois-ci, elle vient de le faire à sang. Vlase se redresse d’un coup, crocs dévoilés vers Sansa, qui s’aplatit vite en déviant les yeux.

 

— Tu arrêtes de faire ta mauvaise tête et tu me feras le plaisir de te bouger le cul quand Aéon nous appellera ! gronde ce dernier.

 

Elle     ne réagit pas et fait comme s’il était absent. Ils ont attendu une bonne partie de la matinée pour qu’Aéon se décide enfin à les appeler. Vlase s’apprête à répondre, mais Abysse et Buntar veulent la surprendre, alors la petite meute se met en route pour aller retrouver la dorée. Dagan fait comme il le peut, avec un membre cassé dont il ne se plaint pas, pour suivre leur cadence. Sansa traîne volontairement la patte, mais Abysse et Buntar l’ignorent même, ce qui vexe la rousse.

 

— Freine les deux rafales, je ramène la chieuse, réplique Vlase en s’adressant à Dagan.

 

Le renard fait volte-face pour disputer Sansa qui prend la poudre d’escampette. La patience de Vlase commence doucement à être atteinte. Il la rattrape, chose dont aurait dû se douter la petite qui pensait pouvoir le semer plus facilement. Sansa se jette au sol, les quatre pattes en l’air, en signe de soumission, mais surtout de mauvaise volonté, puisqu’elle sait qu’il va la faire retourner près des autres. Vlase, agacé, lui donne un coup de museau avant de la niaquer pour la motiver à se relever, ce qui ne fonctionne pas.

 

— Tu commences à franchement m’énerver, gronde le renard.

— Laisse-moi…

— Je n’ai pas envie de jouer, Sansa. Relève-toi et arrête de faire l’enfant !

— Je reste ici, va rejoindre Aéon…

— Elle nous attend tous, toi y compris, réplique le canin.

— Elle ne m’aime pas, bougonne la renarde.

— Je n’ai pas le temps pour ça, Sansa, on en reparlera quand on la retrouvera, s’irrite le renard, qui essaie, avec bonne foi, de garder son calme.

— Non, tu vas juste t’occuper d’Aéon et nous, nous n’existerons plus, grommelle la rousse.

— Crois ce que tu veux, Sansa, mais on ne t’attendra pas, rétorque le renard.

 

Vlase s’éloigne tout en gardant un œil sur la jeune canidé qui le regarde partir, puis fuit en sens inverse… Il hésite à la pourchasser, elle va retourner à la tanière à coup sûr, il ira la chercher quand ils se seront mis d’accord sur ce qu’ils vont faire. Le lisii s’empresse de retrouver les autres, seul.

 

— Tu n’as pas rattrapé Sansa ? demande Dagan, étonné.

— Elle fait sa tête de mule, elle est retournée à la tanière, réplique le renard, blafard.

— Sansa et ses délires, dit Buntar en secouant la tête.

— Elle pense que seule Aéon compte pour moi, explique le canidé.

— Papa, tu passes ton temps à lui faire des câlins, tu joues et dors qu’avec elle, car elle nous ignore. Sansa exagère toujours, dit Buntar pour rassurer son père.

 

La dorée n’est pas démonstrative, même avec Abysse, elle reste mesurée. Il devrait lui en toucher un mot, peut-être que la petite se sentirait moins délaissée si elle la câlinait un peu plus ?

Le groupe se rapproche de la position d’Aéon et d’Aziel qui eux ne sont toujours pas au courant de leur arrivée. Plus il se rapproche de la vallée où se situe le village et moins le bois est épais. C’est parmi les buissons qu’ils trouvent enfin le duo de divalis.

À leur vue, le renard bleu se rapproche, la tête haute, le poitrail bombé et le pelage ébouriffé, face à ce mâle bicolore qui se montre agressif, au point d’en effrayer celle qu’il protège.

Aéon a été surprise par Aziel, mais une fois qu’elle reconnaît Vlase et les autres, elle se redresse, se plaçant devant le poitrail d’Aziel pour le calmer. Abysse et Buntar restent de ce fait derrière le renard adulte, Dagan préférant rester un peu plus en retrait.

Les mâles se jaugent et Abysse, ne pouvant plus tenir en place, se jette sur sa mère d’adoption, la faisant tomber. Aziel se décale, ne percevant pas la petite comme une menace, mais son regard reste fixé sur celui de Vlase qui en fait de même.

Celui-ci vient sur le bicolore, Dagan et Aéon ne lui montrent aucune dominance, ce qui ne semble pas le cas de ce divalis. Il dévoile les crocs tout en venant placer sa tête au niveau de l’épaule d’Aziel, tête tournée vers la sienne. Aziel est aussi fin, mais plus haut que Vlase. Celui-ci aborde la même attitude que le renard, tout en émettant un son guttural. En une fraction de seconde, les voici dresser sur leurs pattes arrière, leurs crocs claquent dans le vide, tandis que leurs antérieurs se repoussent, l’un, l’autre, avant de se figer. Les deux se tiennent sur leurs membres postérieurs, en tenant leur distance avec une patte avant tendue sur le poitrail de l’autre. Ils se grondent dessus, attendant une soumission qui ne vient d’aucun des deux.

Vlase tente d’attraper Aziel à la gorge, qui se défend en rentrant dans le poitrail du renard, exerçant une pression de son autre patte sur son dos, ce qui renverse le renard à la renverse. Aziel l’attrape à la nuque, Vlase s’allongeant directement sur son flanc, sa queue entre ses pattes, sans le regarder dans les yeux. Aziel libère aussi vite le renard et s’éloigne de lui en s’ébrouant, comme Vlase qui est de nouveau debout.

Buntar, resté près d’Abysse, regarde son père avec étonnement. Pour le jeune renard, le plus vieux était pour lui indétrônable. Cela est courant, qu’ils soient de la même espèce ou non, lorsque deux individus au caractère dominant se font face. Ce genre d’échange arrive facilement, il n’y a pas besoin de blesser l’autre, ce sont juste des démonstrations de force, d’abord l’intimidation par les grognements et les exhibitions de crocs, ensuite, s’imposer à l’autre et le faire céder et quand cela n’est pas suffisant, les deux cherchent à se mettre au sol en s’évitant les blessures inutiles. Le but de ce genre d’interaction n’est pas pour Vlase ou Aziel de faire le malin devant les autres, mais leur façon de montrer leur utilité pour la meute. Le plus fort domine, ce qui veut aussi dire que la sécurité et la protection de la meute lui reviennent. Aziel ne vient pas de détrôner Vlase de son statut de chef, il     vient de prouver qu’il est assez fort pour lui aussi protéger la meute. Les cryptides n’ont pas toujours besoin de parler, et les actes valent parfois plus qu’une parole.

 

— Alors qu’est-ce qui t’empêche de marcher ? demande Vlase à Aéon.

 

Celle-ci prend un instant à réagir avant de lui montrer sa patte arrière droite. Le regard du lisii se porte sur ce qu’il reste de celle-ci, puis se retourne furieux sur Dagan. Ce dernier coule sur son flanc et déglutit sans oser soutenir le regard de Vlase. Abysse et Buntar regardent alors les deux divalis, confus.

 

— Tu as vraiment fait mal à maman ? demande Abysse à Dagan.

— Je me suis blessé quand j’ai été emportée par le courant, Aziel a fait ce qu’il a pu pour me guérir, ment Aéon à la bleue.

 

Vlase la dévisage, comme Dagan qui roule sur son ventre pour la regarder avec étonnement. Celui-ci est surpris qu’elle ne dise pas la vérité sur ce qu’il a fait. Aziel reste observateur, bien qu’il sente le long de sa colonne des picotements qui lui donneraient bien envie d’enfoncer ses crocs dans la nuque de Dagan.

 

— Comment tu as fait pour enlever la patte de maman ? demande Abysse au bicolore.

— Je l’ai coupée, je suis vétérinaire, répond sobrement Aziel.

 

Abysse et Buntar se voûtent, un peu apeurés par son ton.

 

— C’est quoi, vét… aire ? dit la bleue.

— Je soigne les animaux, dit-il, remarquant leur malaise.

— Et comment t’appelles-tu ? continue Abysse.

— Aziel, toi, c’est Abysse, toi, Buntar, et…

 

Il regarde autour d’eux, cherchant après la troisième.

 

— Sansa se cache ? questionne Aziel.

— Elle n’est pas venue ? demande la dorée à Vlase.

— Elle fait sa capricieuse. Il faut se mettre d’accord sur ce que nous allons faire. Tu restes l’hiver avec lui ou tout le monde redevient sauvage ? demande Vlase.

— Justement, Aziel nous propose de venir passer l’hiver chez lui. Tu n’aimes pas les humains, mais sa maison est isolée et ce serait bien pour Abysse de rester au chaud, répond Aéon.

— Sa quoi ? Tant que je suis avec tout le monde, moi, je vous suis, réplique Abysse.

— Comment fais-tu pour vivre parmi les humains ? Tu te transformes comme eux ? demande Buntar, en se baissant, au moment où Aziel se tourne sur lui.

— C’est ça, répond le bicolore, à voix basse, espérant être moins agressif verbalement.

— Buntar, tu en penses quoi ? demande le père au fils.

— Moi ? Je ne sais pas, tu dis que les humains sont dangereux, répond-il.

— Ce n’est pas plus différent que de vivre dans une tanière et de surveiller la proximité d’un prédateur, intervient Aziel.

— C’est mieux pour Abysse, et il est guérisseur, dit Buntar en se tournant sur Dagan. Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée ?

 

Le fils serait-il plus sage que le père ? Dans tous les cas, cela décroche un sourire à Vlase.

 

— Ça ne sert à rien de faire demi-tour pour aller chercher la râleuse. Je ne reviendrais probablement pas pour cette nuit, mais nous serons là demain, en espérant que son caprice soit fini, dit Vlase.

— Tu es sûr ? demande Aéon.

 

Le renard incline la tête… L’idée de côtoyer les humains de si près ne lui plaît pas, mais il a remarqué que la dorée semble être proche du domestiqué. Vlase a laissé le soin à Aéon et Aziel de mettre la meute en sécurité. De ce fait, ce dernier passe en tête pour montrer le chemin tout en s’assurant que les blessés suivent la cadence.

Aziel a les yeux sur la patte amochée de Dagan. Celle-ci est cassée et plus qu’infectée, il va peut-être devoir l’amputer… Œil pour œil, pense ce dernier avec une certaine ironie. Sa concentration revient sur les jeunes qui sont collés à Aéon. Il ralentit la cadence pour se retrouver à la hauteur de Dagan qui dévie aussitôt la tête.

 

— Tu t’es fait ça quand vous vous êtes battu ? dit Aziel, froidement.

— En tombant dans l’eau, répond Dagan.

— Vous vous êtes bien battu ? dit Abysse, en se retournant sur eux.

— Cela peut arriver, Abysse, nous sommes tombés dans l’eau par erreur, répond alors Aéon à la jeune.

 

Aziel déporte les yeux sur la femelle en fronçant les sourcils, Buntar et Abysse se dévisagent alors, incertains de savoir comment prendre cette affaire.

 

— C’est ma faute, Abysse, j’étais en colère et je me suis laissé emporter… Je suis désolé, Aéon, dit le rouge.

 

Aziel tique, c’est bien de s’excuser, mais cela ne serait pas arrivé s’il savait accepter un « non ». Buntar ignore quoi penser de Dagan ni même d’Aziel, il a retourné son père, mais sans le mordre. Il est agressif quand il parle, pourtant il est guérisseur. C’est difficile pour le jeune canidé de faire la part des choses, en plus, pour une fois, même Abysse semble avoir peur.

Ils sont restés à une certaine distance du jardin d’Aziel afin de surveiller le champ et d’attendre que celui-ci soit totalement désert pour aller chez le bicolore. Quand c’est le cas, ils entament les derniers mètres où Aziel, Aéon et Dagan peuvent s’écrouler pour reprendre leur souffle. Abysse observe la maison avec curiosité, Buntar reste en retrait avec Dagan et regarde les alentours de manière alarmée. Aziel se tourne sur eux en ouvrant la gueule dans l’optique de leur dire quelque chose, mais un hurlement strident attire soudain l’attention du groupe.

 

— C’est Sansa ! Elle appelle à l’aide ! crie Buntar.

— Reste ici, ton père va aller la rejoindre, dit Aéon.

— Et s’il a besoin d’aide ? réplique le renard.

— J’y vais, annonce Aziel qui retourne dans la montagne. 

— Elle n’est pas du côté de la tanière, elle a peut-être été poursuivie, remarque Dagan.

 

Aéon le regarde froidement, animée par la frustration de ne plus être en mesure d’agir pour les autres. Elle ne peut que ravaler sa fierté en espérant     qu’il n’arrive rien à la jeune renarde, qui, vexée de ne pas avoir eu ce qu’elle désirait, a voulu jouer les fortes têtes. Non seulement elle a manqué de prudence, mais en plus de cela, elle n’est pas remontée vers la tanière.

Elle n’a pas vu le grizzly approcher, elle n’a pas eu le réflexe d’éviter la patte s’abattant sur elle. Lacérée au flanc, elle s’est simplement traînée sous les racines d’une vieille souche dont elle a parfaitement conscience qu’elles ne la protégeront pas de l’ursidé.

La peur fait qu’elle s’entête à vouloir se cacher sous cet arbre alors que l’ours la tire sans difficulté hors de sa cachette. Elle montre les crocs à l’animal et tente de le mordre. Elle y gagne juste un coup de patte à la tête qui la fait tomber comme un pantin sur le sol.

Il est trop tard pour regretter d’être partie aussi loin, tu aurais dû y penser, petite renarde. Tes yeux fixent les ombres qui se chahutent près de toi, mais tu n’as même plus conscience de ce qu’il se passe.

Arrivé sur les lieux, Vlase s’acharne à énerver l’animal pour qu’il le suive plus loin, mais celui-ci n’est pas aussi stupide qu’il en a l’air. Il reste sur ses positions pour empêcher l’adulte de récupérer son dîner. Le renard refuse de se faire à l’évidence, c’est-à-dire d’abandonner sa nièce aux griffes de l’ours. Il recule et regarde la renarde qui ne bouge plus.

Cette idée que tu as en tête, mon cher Vlase, tu devrais l’oublier, cela ne la sauvera pas.

Ses muscles se tendent alors qu’il s’élance avec puissance sur l’ursidé au maximum de sa vitesse. Cela crée une onde si puissante qu’elle dénude l’écorce des arbres environnants et propulse l’ours avec force dans le décor. Vlase tombe au sol et regarde le corps disloqué et malmené de la bête, avant de porter son attention sur Sansa qui a aussi pris l’impulsion. Il a les tympans qui sifflent à lui en donner le tournis.

Aziel a entendu l’onde de choc et se précipite dans sa direction, luttant contre sa fatigue pour finalement rejoindre les renards et constater les dégâts.

 

— Aide-la si tu es guérisseur ! gronde le renard.

 

Aziel s’approche de Sansa et regarde Vlase avec une expression grave. Il tente un massage cardiaque… Il sait que c’est inutile, pourtant il s’y obstine sous le regard confus de Vlase.

 

— Arrête de jouer avec ! hurle le renard.

— Vlase, je ne peux plus rien, répond Aziel à voix haute et mal à l’aise.

— Tu es guérisseur, fais ton travail !

— Je suis vétérinaire, pas magicien ! Vlase, elle ne se réveillera pas, insiste le bicolore.

 

Vlase secoue la tête, c’est sa faute, à cause de l’onde, parce qu’il l’a laissée partir. Il se traîne sur ses pattes avant pour se laisser tomber sur le corps de la renarde.

 

— Je suis désolé, Sansa, gémit le renard adulte.

 

Mal à l’aise, Aziel préfère s’éloigner du lisii, bien conscient que sa présence ne le réconfortera pas. Il s’éloigne, le cœur lourd et l’estomac fait de plomb, puis repart en direction de sa demeure. C’est sous le regard confus de la meute qu’il peut enfin s’asseoir tandis qu’il cherche ses mots. La divalis observe son congénère, craignant de comprendre ce regard qu’il aborde et déglutit sa question, quittant avec appréhension sa bouche :

 

— Sansa va bien ? demande Abysse qui se glisse près d’eux.

 

Aziel détourne la tête tout en baissant les oreilles tandis qu’il déglutit de malaise. Buntar observe le divalis avec insistance, attendant sa réponse, tandis qu’Aéon commence à redouter ce silence qu’il ne parvient pas à briser. Elle le regarde et écarquille les yeux, Buntar, quant à lui, recule tout en secouant la tête, refusant cette idée qui vient de lui traverser l’esprit.

 

— Elle ne s’en est pas sortie, c’est ça ? dit le renard vert.

— Je suis désolé, elle a perdu trop de sang, explique Aziel.

— C’est ça, dit plutôt que tu t’en foutais de la sauver, elle qui n’est pas de ta race ! gronde le jeune.

— Buntar ! dit Aéon      en se penchant sur lui.

— La ferme, Aéon ! Vous êtes de la même espèce, qu’est-ce que cela peut vous faire à vous, hurle Buntar, en sanglots.

 

Le renard tourne les talons et s’en va dans la montagne… Abysse veut le rattraper, mais elle sait que cela est inutile. Il est plus grand que Sansa, mais avec ce qu’il vient de se passer… Aéon craint de le laisser partir, mais, encore une fois, elle ne peut que serrer les dents face à son inutilité.

 

— Elle est vraiment partie ? demande Abysse, la voix basse.

— Oui, répond Aziel.

— Pourquoi tu ne l’as pas sauvée ?

— Je l’ai dit, je n’ai pas eu le temps, elle était déjà perdue, explique Aziel.

 

Aéon le regarde, il parle bas pour éviter d’être sec avec Abysse, celle-ci baisse la tête. Elle comprend, c’est seulement difficile à accepter, elle ne verra plus jamais Sansa. La coïste vient se glisser contre Aéon, les larmes coulant le long de ses joues, tandis que la dorée la blottit contre elle, tout en regardant l’herbe gelée pour contenir ses propres larmes. Aziel regarde la direction dans laquelle est parti Buntar.    

 

— Prévenez Vlase que son fils s’est isolé dans la montagne, dit Aziel.

 

Abysse se charge de le lui dire. Aziel n’en peut plus, et cette mauvaise nouvelle le vide totalement de son énergie.

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