Divalis : l'éveil

Chapitre 24 : De mauvais augure

5791 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/09/2023 21:29

Ce n’est pas encore le moment pour Aziel de se reposer. Le divalis bicolore se tourne sur le groupe, inspirant un bon coup pour reprendre de l’entrain, et déclare à voix haute :

 

— Je vais m’occuper de ta patte, Dagan, rentrez     tous, il fait froid.

 

Abysse regarde la montagne, hésitant à suivre Aziel. Aéon la rejoint tout en glissant son museau contre sa joue.

 

— Laisse-les accepter la mort de Sansa, ils nous rejoindront quand ils auront évacué leur peine, dit Aéon d’une voix douce à la bleue.

 

Aziel leur propose d’attendre sur son fauteuil, le temps qu’il change d’apparence et qu’il prenne son matériel médical. Abysse s’est glissée dans le divan où Aéon s’est allongée, intriguée par ce drôle de rocher mou. Elle hume le cuir, puis se baisse dans l’optique de le marquer.

 

— Non ! Pas dans la maison, Abysse, on ne marque pas ce qu’il y a ici, tu peux le faire dehors où il y a de l’herbe.

— Aziel ne marque pas son territoire ?

— Il     vit comme un humain, et ils ne font pas ça, c’est… comme une grande tanière, explique Aéon. T    u ne marques pas là où tu dors, n’est-ce pas ?         

— Non, répond la bleue.

 

Aziel revient vers eux sous son apparence humaine cette fois, ce qui intimide Abysse qui en voit un pour la première fois. Il pose sa trousse sur sa table et regarde Dagan resté au pas de la baie vitrée.

 

— Mets-toi dans le fauteuil, dit sèchement le bicolore en reprenant un langage normal.

Dans le quoi ? demande Dagan.    

— Là-dessus, dit Aziel     en frappant sur le meuble.

 

Dagan s’en approche et se hisse sur cette chose molle qui le surprend. Il laisse Aziel regarder la plaie avec appréhension, tout en jetant un coup d’œil rapide à Aéon. Elle ne lui a rien dit et ne semble pas avoir l’idée de le chasser, ce qui le rassure tout de même.

Aziel se sert d’un bac d’eau chaude et d’un tissu humide pour nettoyer la fracture ouverte du divalis, résultant à un couinement de sa part. Il n’était pas certain, mais il y a bien une déviation de l’os. Il devrait l’emmener au bloc et demander à Ulrick son aide, mais Aziel doit avouer qu’il ne fera que le strict minimum pour lui. Il attrape la patte du rouge et tire d’un coup sec, ce qui lui vaut un cri de douleur !

 

Alors, Aziel, on peut se montrer sadique ?

 

Abysse regarde Aziel, terrorisée, alors qu’Aéon lui donne un coup de museau dans la jambe en le regardant froidement.

 

— Il fallait remettre en place, dit-il.

 

Il sort des seringues et un pot de produit dont il remplit un peu la piqûre, puis regarde Dagan qui recule sa patte. Les mâles s’échangent un regard froid, alors que le rouge tremble, sa souffrance ravivée.

— C’est pour soulager la douleur, dit Aziel.

 

Dagan regarde Abysse et Aéon, puis grimace, se laissant faire bien qu’il ne fasse pas confiance à Aziel. Le divalis humain plante l’aiguille dans sa chair et injecte le produit, puis réitère son geste un peu plus haut pour s’assurer que toute la zone dort bien. Il nettoie la plaie infectée, Dagan serre     les dents par réflexe et par dégoût de sa propre blessure. Il observe le bicolore et les compresses s’empiler.

 

— Normalement, je devrais t’opérer pour réaligner les os, mais pour cela, il faudrait aller en clinique.

C’est quoi ça ?

— Là où je soigne les animaux gravement blessés.

Et donc là où il y a des humains aussi.

— C’est comme tu veux, je peux faire avec ce que j’ai ici, mais ce ne sera jamais aussi bien qu’une plaque ou des vis.

 

Dagan penche la tête, confus, ces termes lui étant inconnus.

 

Fais comme tu le peux, répond simplement le rouge.

 

Aziel attrape plusieurs compresses stériles imbibées de désinfectant qu’il applique sur la blessure. Il saisit une bande de gaze avec laquelle il entoure la patte de Dagan pour maintenir le pansement en place. Enfin, il se sert     d’une cohésive en espérant que cela maintiendra l’os en place, du moins s’il l’a bien réaligné.

 

— Évite de marcher sur ta patte pour le moment.

 

Dagan acquiesce simplement, et le bicolore ramasse ses déchets pour tout aller jeter, puis revient en s’asseyant sur l’accoudoir à côté d’Aéon.

 

Aziel, c’est bien ça ? Merci… pour ma patte, dit Dagan à mi-voix.

— Garde ta salive pour toi, rétorque Aziel.

 

Aéon remonte les yeux vers le mâle, hésitant sur quoi en penser à cause de la discussion de tout à l’heure. Elle se demande si Aziel est en colère contre le rouge ou s’il le considère juste comme un rival. Abysse est blottie contre elle, sa mère d’adoption remarque son malaise vis-à-vis du bicolore, mais elle sait que cela lui passera. Aziel a juste des difficultés pour établir un climat de confiance avec les autres… Enfin, c’est ce qu’il lui semble.

 

De son côté, Vlase n’a pas entendu l’appel d’Abysse, il a toujours ces acouphènes, et heureusement. Buntar a trouvé cela étrange qu’il ne réponde pas ou ne l’appelle pas. Il a flairé et cherché son père jusqu’à tomber sur lui, mais aussi sur Sansa. Vlase remarque son mouvement et se tourne sur lui en lui montrant les crocs, puis se calme à sa vue. Il secoue la tête et se frotte les oreilles de sa patte.

 

Je n’entends rien, Buntar, j’ai passé le mur du son, tu saurais m’aider à retourner chez Aziel ?

 

Le fils aurait envie de savoir pourquoi là-bas, mais il obéit en venant soutenir son père qui se relève difficilement. Ils avancent, Vlase observant son fils qui serre les mâchoires, bien que ses yeux soient humides.

 

Buntar, Sansa ne pouvait pas survivre avec ses blessures, Aziel a fait ce qu’il a pu, il n’y est pour rien. Tu as le droit d’être triste, mais ne lui reproche pas une erreur qu’il n’a pas commise.

 

Le jeune canidé détourne la tête, son père ne peut pas entendre ce qu’il pourrait bien lui répondre de toute manière. Vlase soupire et porte sa tête par-dessus le cou de Buntar et le blottit contre lui. Le renardeau s’assied tout en s’écrasant contre lui, les larmes s’écoulant sans qu’ils ne puissent les retenir. Sa mère, son frère, sa meute et maintenant Sansa ! Le jeune canin n’en peut plus de toutes c    es pertes. Il ne comprend pas pourquoi se sont toujours les lisiis qui ont dû mourir, pourquoi ce n’était pas Dagan ? Il aurait préféré que ça soit lui plutôt que Sansa. Buntar se redresse tout en dévisageant son père, remarquant ses tremblements. Celui-ci ravale un sanglot, par fierté. Son ventre lui fait mal, il se dresse pour venir lécher les larmes qui coulent      le long des joues de son père, avant d’enfouir sa tête contre lui. 

Le hurlement de tristesse qu’ils viennent à pousser résonne dans toute la montagne comme une longue lamentation. Abysse se joint à eux, mais Aéon et Dagan restent silencieux. Aziel caresse la tête d’Aéon qu’il entend renifler.

Abysse est face à la baie vitrée, à les attendre, espérant qu’ils rentrent pour la nuit. La bleue se redresse alors qu’ils sortent du bois pour venir jusqu’au jardin du bicolore. Aziel va leur ouvrir la porte coulissante, Vlase s’allongeant sur place, Buntar, lui, hésite entre aller près de la coïste ou rester près de son père.

 

Ça ne sert à rien de me parler, je n’entends rien, crie celui-ci.

Que s’est-il passé ? demande Abysse.

— Il a passé le mur du son, c’est normal, ça va revenir, répond Aziel.

Comment tu peux en être sûr ? rétorque Buntar.

— Je sais que les lisiis ont ce problème quand ils passent le mur, dit Aziel.

 

Le renard ne rajoute rien et préfère s’allonger près de son père. Aziel, qui est toujours debout à côté d’eux, se penche en glissant ses mains sur l’avant de leur épaule dans un geste bref, puis retourne s’asseoir près d’Aéon.

Si, pour un humain, caresser la tête d’un animal est juste une forme d’affection, pour un cryptide et une bête cela est considéré comme de la dominance, et un individu à caractère fort risque de mal le prendre. Aziel ignore si le lisii pourrait avoir une réaction agressive au fait qu’il le touche. C’est un cryptide, mais aussi un humain.

Quoi qu’il en soit, Vlase a juste penché l’oreille et rien de plus, Buntar, lui, c’est aplati.

Aziel finit par s’allonger derrière Aéon qui en fait un bond à cause de son manque de délicatesse.

 

— Tu es épuisé, tu ne veux pas aller te reposer dans ta chambre ? dit-elle au divalis humain.

— C’est bon, j’ai juste besoin de pioncer un peu, répond-il à moitié endormi.

 

Il ferme les yeux tout en posant le bras sur le dos d’Aéon. Abysse vient alors se coucher entre les jambes d’Aziel qui se tient en position fœtale. Il sursaute, ne s’y attendant pas, mais ne chasse pas la petite pour autant. Bien au contraire, il lui fait une caresse sur son museau, sous l’œil attentif de sa mère d’adoption et sous le regard dépréciatif du mâle rouge couché dans l’autre fauteuil.

Ils se sont tous endormis, sauf Dagan qui ne lâche pas Aéon du regard. Aziel a toujours son bras sur elle, elle ne l’a même repoussé, juste éloigné. Non, lui, elle le laisse faire ! Le rouge gronde intérieurement, mais il a compris qu’il n’y avait rien à faire contre cela, pas pour l’instant, tant qu’il est blessé. Une fois qu’il sera remis, le rouge compte bien s’imposer face au bicolore. Il est peut-être plus grand, mais il est moins trapu que lui. Dagan pense que c’est en     retournant Aziel qu’il redeviendra intéressant aux yeux d’Aéon. Un détail taraude tout de même     le rouge vis-à-vis de la dorée :

 

« Tu crois qu’elle me le pardonnera ? » me questionne-t-il.

« Elle ne te porte pas rancune, mais elle ne sait pas comment réagir avec toi. » lui expliqué-je.

« Comment peux-tu en être sûr ? »

« Je vois et j’entends tout, y compris vos pensées. »

 

Il garde l’habitude de me chercher des yeux, puisqu’il me voyait avant, à présent, il n’entend plus que ma voix.

 

« C’est grâce à l’esprit de ruche ? Tu arrives à t’en servir en la possédant ? »

« Je suis une entité, c’est aussi simple que ça. »

« Pourquoi tu ne me demandes pas pour placer ta mort en moi ? »

« Je serais plus utile à Aéon. »

« En quoi ? »

« Elle est la descendante d’Aelle. »

« Aérin tu veux dire ? »

« Aérin est l’un des réceptacles d’Aelle. »

 

Encore une fois, il me cherche des yeux, même si cela est inutile, puis son regard s’égare sur Aziel qui, cette fois, a     son bras en cloche     par-dessus sa tête.

 

« Ceux de ton espèce se font la cour, mais je ne peux pas t’enseigner quelque chose que je ne comprends pas.     

     C’est rare que tu abordes le comportement des nôtres, du coup, si Aérin et Aéon ont un lien avec Aelle, elle était alpha ?     

     C’est avec elle que tout a commencé, elle était encore jeune lorsque sa mère lui à transférer l’esprit de ruche. Elle était douce, beaucoup trop douce et sans aucune méfiance. Jeed, le mâle qui l’a imprégnée, a eu plus de facilité qu’elle à contrôler l’esprit de ruche et il en est devenu tyrannique. Cet idiot a conduit sa propre espèce au déclin. Alors, Aelle est venue me voir, elle m’offrait la possibilité de placer ma mort en elle si, en échange, je l’aidais à maîtriser l’esprit de ruche et à soumettre Jeed. L’accord      passé et mon engagement respecté, elle a remis de l’ordre parmi ce qu’ils restaient des siens. Comme j’étais lié à elle et que mon pouvoir est plus fort quand je reste au plus près de ma mort, j’ai fini par développer une forme d’attache envers Aelle.     

     C’est pour cela que tu veux placer ta mort en Aéon ?       demande Dagan.

     Aelle a eu une fille par parthénogenèse et comme sa fille à hériter de sa mémoire génétique, l’une après l’autre ont conservé le lien que j’avais avec Aelle et transférer la mort lorsque l’enveloppe vieillissante d’Aelle est devenue trop faible pour rester dans le monde des vivants. Aérin, sa dernière réincarnation, a     cassé     le lien lorsqu’elle a inhibé les gênes de sa fille. Aéon, qui est née d’une reproduction classique, n’a pas hérité de la mémoire génétique d’Aérin.     

     Tu n’as pas pu transférer ta mort d’Aérin à sa fille et puis à Aéon ?     demande Dagan.

     Le transfert se fait via deux êtres conscients, hors Aérin a été tuée, ce qui a aussi provoqué d’une certaine façon ma mort, enfin la perte de mon pouvoir.     

     Pourquoi tu ne l’expliques pas à Aéon ?     

     Elle ne me le demande pas.     

     Attend… C’est parce que je n’ai jamais pensé à te le demander que tu ne m’as jamais raconté ça ?     

     Pourquoi l’aurais-je fait ? »

 

Dagan reste ahuri, trouvant ma pensée idiote, ce n’est pas mon cas, pourquoi parlerais-je d’une chose que l’on ne me demande pas ? Puis il me dit :

 

« Je suis assez vieux pour savoir supporter le contrecoup de l’esprit de ruche.     

     Certes, mais tu n’es pas le seul mâle ni le seul à être assez fort pour le faire. »

 

Sur mes paroles, Dagan vient à en tourner la tête sur Aziel en fronçant les sourcils. Il y a de quoi alimenter sa jalousie, en effet. Aziel est jeune, mais plus résistant qu’Aéon. Toutefois, que ce soit lui ou Dagan, rien n’est dit qu’ils ne se laisseront pas emporter par l’esprit de ruche comme l’a été Jeed.

Quelques heures s’écoulent et sans doute Aziel aurait-il pu passer sa nuit dans le fauteuil si Fafnir ne faisait pas trembler les murs pour réclamer sa bouffe. Tout le monde sursaute, et Aziel soupire bruyamment tout en se frottant le visage,     cherchant après sa motivation pour se redresser. Il passe sa jambe par-dessus Abysse     en prenant garde à ne pas lui donner un coup involontaire. La coïste est justement inquiétée par le bruit :

 

C’était quoi ?    

— Ce sont les drakes d’Aziel, ils ont faim. explique Aéon.

 — Ils sont comme moi ? demande la petite, enthousiaste.

— Beaucoup plus gros que toi, tu les verras demain quand ils sortiront, répond Aziel avant de quitter la demeure.

 

Je n’ai aucun intérêt à me concentrer sur le village, mais j’ai comme l’intuition que ce petit groupe d’humains va avoir son importance d’ici peu de temps : Hector, Mathias et Jillian     fêtent la victoire du premier à coup d’alcool.

Hector pose son verre dans un mouvement si zélé sur la table que le serveur qui passe justement à côté d’eux lui lance un regard noir. Le jeune sourit d’embarras à l’homme, ne s’attendant pas à le faire avec si peu de délicatesse.

 

— Tu ne serais pas un peu bourré, toi ? ricane Mathias.

— Mais nan, j’ai juste pas fait attention, ronchonne le garçon.

— Vous pensez qu’Adrian va encore concourir ? Valkyrie commence à se faire vieille, vous n’avez pas eu l’impression qu’elle avait du mal à tenir ? dit Jillian.

— Pour une drakinne de son âge, c’est incroyable, elle a quoi ? Près de quatre-vingts ans ? J’espère que Danseuse sera en aussi bonne forme que Val, répond Hector.

— Un qui m’a tout de même impressionné, c’est Fafnir, quatre ans qu’il ne court plus et il est arrivé dans les dix premiers, dit Jillian.

— Ouais, si seulement ce n’était pas ce malade qui le pilote, je le féliciterais bien, grogne Hector.

— Tu as vraiment une dent contre lui ! Vous pensez qu’elle est vrai cette histoire de copine ? demande Mathias.

— Déconne pas, quelle fille serait assez stupide pour s’intéresser à lui ? En plus, on ne l’a jamais vu accompagné de quelqu’un d’autre qu’Ulrick, dit Hector, avachi sur la table.

— Mais pourquoi cette journaliste a-t-elle dit ça ? Elle aurait vu quelqu’un chez lui ? Eh ! Et s’il retenait une personne ! ajoute Jillian.

— Et c’est moi qui a trop bu, hein ? réplique Hector, narquois.

— Moi, je ne vois qu’une solution, on monte vérifier chez lui ! intervient Mathias.

— Bien sûr, Matty ! Comme ça, il nous tombe dessus et nous démonte, réplique Hector.

— On prend de quoi se défendre, j’ai deux battes de baseball à la maison et on passe devant pour monter chez lui, avance Mathias.

— Mouais, pas sûr que des battes puissent faire mal à ce malade… J’ai vu une barre à mine en venant ici tout à l’heure, réfléchit Hector.

— Ce n’est pas exagéré ? Je n’ai rien contre le fait de lui en mettre une, mais de là à risquer de le tuer, répond Jillian en levant les bras.

— Il m’a envoyé par deux fois à l’hosto, tu crois que lui se retiendrait de le faire ? C’est un putain de cryptide, il en a rien à battre de nous, s’énerve Hector en frappant son poing sur la table.

— On abandonne l’idée ? demande Mathias.

— Hum… J’avoue que la curiosité d’aller voir si c’est vrai me titille, réplique Hector en se levant.

 

Les deux autres le suivent et, sur le chemin, ils passent chez Mathias     pour récupérer les fameuses battes, puis se rendent vers l’abreuvoir pour tenter d’enlever la barre qui le maintient en attendant qu’il soit redressé. Hector tire dessus et se plante en glissant dans la boue, ce qui fait rire les deux autres sur son état d’ivresse. Après plusieurs tentatives, ils parviennent à extraire l’outil du sol, l’abreuvoir se renversant en partie et mouillant de ce fait     les chaussures et le pantalon des garçons.

 

— Mec ! Mes chaussettes sont trempées, c’est horrible ! dit Jillian, râleur.

— Tu vas avoir les orteils gelés, plaisante Hector et Mathias.

— Vous aussi, les imbéciles !

 

Mathias se tourne alors sur l’eau qui le reflète et s’arrange les cheveux sous le regard perplexe des deux autres.     C    elui-ci, les remarquant, se tourne sur eux :

 

— Quoi ? Elle est peut-être mignonne, plaisante le jeune.

— À compter qu’il y ait vraiment une fille, Math… réplique Jillian.

— Vous êtes juste jaloux parce que je suis irrésistible, dit le garçon en se pavanant.

— Irrésistiblement con, dit Jillian     en lui défaisant complètement les cheveux.

— Bordel, Jillian ! ronchonne Mathias.

— Et c’est moi qui suis bourré… Ça y est, les lopettes, vous vous bougez ? réfute Hector en secouant la tête.

 

Enfin, les voici qui montent le chemin pour se rendre chez Aziel. Si Hector tente de rester discret, ce n’est pas du tout le cas des deux autres qui s’amusent à imiter un combat à l’épée avec leurs battes. Hector s’énerve sur eux pour qu’ils arrêtent leurs bêtises, alors qu’ils se rapprochent de la demeure du bicolore. Bien que l’alcool dans leurs veines fasse passer leur crainte, Hector préfère ne pas se faire remarquer.

 

— On passe discretos dans le jardin pour voir s’il y a     une fille, on regarde si elle a l’air terrifiée et on retourne au village prévenir les autres, chuchote Hector.

— Pourquoi on a pris des armes si c’est pour se tirer comme des voleurs ? demande Jillian.

— C’est au cas où il nous tomberait dessus, tu t’es déjà frotté à lui pourtant, réplique Hector.

— Je me souviens avoir mangé le sol, ça oui, mais c’est surtout toi qui t’acharnais à vouloir lui en foutre une, dit Jillian, narquois.

— Il fait son malin, mais cette fois-ci, nous pouvons frapper aussi fort que lui, rouspète le jeune.

— Stop ! Putain, il est dehors ! dit Mathias, en se cachant derrière le talus.

 

Les deux autres se baissent et observent le bicolore qui bâille à s’en décrocher la mâchoire alors qu’il chipote une bâche sous laquelle se trouve un poêle à bois posé contre le muret extérieur du jardin qui donne sur le chemin.

 

— C’est moi ou il n’a pas l’air bien ? remarque Hector.

— Il tangue, mais avec la course il doit être épuisé, tu es plus entraîné que lui, ajoute Mathias.

 

Un large sourire se dessine alors sur le visage du garçon qui y voit là l’occasion d’en mettre une bonne au divalis. Il s’avance alors vers lui, les deux autres le suivant à pas de loup, mais surtout perplexes quant à l’approche de leur camarade. Aziel est penché sur le poêle, à réfléchir sur sa motivation à le rentrer tout de suite ou attendre le lendemain à cause de sa fatigue.

 

— Eh, connard, tu te ramollis ! s’écrie alors le garçon.

 

 Il donne un coup de barre en plein dans la tempe d’Aziel qui s’est retourné à sa voix, sans avoir le temps de réagir. Celui-ci s’écroule en serrant les dents dans un gémissement étouffé. Hector a lâché la tige de fer à cause de la vibration que l’impact vient de causer. Il secoue ses mains avant de récupérer son arme, puis fait face à Aziel, sûr de lui.

 

— Ben alors, mec, on ne fait plus le fier ?

 

Aziel jure et tente de se relever malgré la douleur. Hector lui assène un coup sur l’épaule qui en     résulte     un crac suivi d’un râle du bicolore. Hector lâche encore une fois la barre,       qu’il s’empresse de     ramasser, même s’il a comme des fourmis dans les bras. Une nouvelle fois, il se tient par-dessus Aziel qui tend son bras vers lui     par défense.

 

— Cette fois, c’est toi qui reste à terre ! Baisse-toi, connard ! hurle Hector.

 

Aziel le regarde avec haine, refusant de se soumettre. Il veut se relever, seulement Hector ne l’entend pas de cette oreille. La barre s’écrase cette fois-ci dans son dos au niveau de ses côtes, arrachant un cri d’agonie au bicolore. Néanmoins, il refuse d’obéir, il n’arrive plus à se lever, alors il se place dos au mur pour faire face à Hector. Son corps tremble et ses pupilles s’affinent d’un coup, son iris se gorge de sang et sa tête bourdonne. Si les camarades d’Hector tentent de le raisonner, aucun des trois n’a conscience du danger qu’ils sont en train d’éveiller. Heureusement pour eux, le premier coup à provoquer une commotion cérébrale, c’est ce qui le retient d’exprimer sa folie.

Les yeux dans les yeux, Hector soulève une nouvelle fois la barre, encore un coup sur la tête et il devrait le tuer ! Il s’approche d’un pas… Le tuer… Il relève alors les yeux vers le muret tout comme les deux autres, tandis que des grondements résonnent soudain. Les trois reculent face aux bêtes qui leur font face.

Aéon, le poil hérissé, saute devant le bicolore, elle est droite, la queue relevée et les oreilles plaquées sur son crâne, à fixer Hector qu’elle menace de ses crocs tout en émettant un feulement mêlé à un grondement sourd. Dagan et Vlase se tiennent de chaque côté d’Aziel avec la même     ferme intention d’user de la force si les humains font les fortes têtes. Abysse et Buntar, eux, sont perchés sur le muret à gronder aussi fort qu’ils le peuvent.

Confus, Aziel tente de se relever, hors l’effort le fait s’écrouler. Il regarde devant lui, même si sa vision est trouble et qu’il ne parvient plus à suivre ce qu’il se passe.

Silva et Fafnir arrivent en renfort, bien que les trois jeunes soient déjà en train de fuir.

Fafnir se rue direct sur Aziel, le humant tout en lui donnant des coups de museau pour le faire réagir. Leur présence, cette fois, fait reculer Vlase et Dagan qui ne les avaient pas encore vus. Aéon constate les dégâts, complètement paniquée.

 

— Aziel, reste éveillé, je ne sais pas ce qu’il faut faire ! dit-elle en le secouant légèrement.

— Amenons-le à l’intérieur, répond Vlase.

 

Vlase saisit Aziel par le haut de son pull et le traîne jusque dans la demeure où Aziel s’adosse contre le canapé en restant au sol. Il n’a pas perdu conscience, mais il est en état de choc et ne bouge presque pas.

 

— Ulrick, l’humain qui l’a élevé saura l’aider. Si vous ne voulez pas le voir, allez dehors en attendant ou dans cette pièce-là, mais je dois le faire venir, dit Aéon en leur montrant la chambre.

 

Buntar et Vlase sortent, il fait noir alors ils ne vont pas très loin. Dagan, lui, est resté à l’intérieur, il s’éloignera quand l’humain sera là, et Abysse, elle, s’en fiche. Aéon attrape le téléphone portable d’Aziel et chipote, ne comprenant pas comment fonctionne un appareil tactile… Elle finit par appuyer sur un bouton qui fait s’afficher l’appel d’urgence dont     le numéro d’Ulrick est rattaché. Heureusement, car Aziel déverrouille l’écran avec son empreinte     digitale, ce que la dorée ignore.

 

— Allô, Aziel ? dit Ulrick, surpris    .

— Ulrick, c’est Aéon, Aziel vient de se faire agresser, il est gravement blessé, je ne sais pas quoi faire pour l’aider, dit-elle en panique.

— Calme toi, ma grande, j’arrive ! Maintiens -le réveiller et qu’il ne bouge pas !

 

Elle l’entend raccrocher, du coup elle se tourne sur le bicolore qui est absent. Abysse lui lèche les doigts pour tenter de le faire réagir. Il saigne à la tête, à l’épaule et dans le dos. Perdue, Aéon s’en approche, elle a lu dans le rapport qu’ils créent une substance qui se mêle à leur salive qui permet la guérison des tissus…

 

— J’ai les os cassés, dit Aziel, qui retrouve un semblant de lucidité.

— J’ai appelé Ulrick, il va arriver, reste éveillé ! demande la femelle.

 

Il tombe en avant, et Aéon le retient pour le faire s’adosser. Elle lui parle, mais le jeune divalis perd peu à peu conscience jusqu’à en fermer les yeux. Paniquée, Aéon écoute les battements de son cœur et secoue Aziel qui ne réagit pas. Abysse recule et part s’allonger près de Dagan qui reste sans voix.

La divalis le mord à l’épaule, celle qui est blessée, mais cela ne lui fait rien. La colère, la tristesse, un sentiment d’impuissance, tout cela se mélange en elle. Sa tête      bourdonne, son corps devient chaud et douloureux, les vertiges la rattrapent, la douleur dans sa tête la fait vaciller et alors qu’elle luttait pour empêcher Aziel de sombrer, la voici qui le fait à son tour.

Dagan et Abysse ne comprennent pas, la bleue se jette sur sa mère d’adoption, mais Dagan reste sur place alors qu’un humain vient à entrer en hâte dans la pièce, ce qui le fige.

Ulrick, d’abord surpris par la présence des créatures, se hâte sur Aéon et Aziel en prenant leurs pouls.

 

— Que s’est-il passé ? demande l’homme     en regardant Abysse sans savoir si elle lui répondra.

 

Il n’entend qu’un couinement, il ne se méfie pas spécialement de la coïste, ils sont réputés pour leur passivité, mais celui qui se cache sous les chaises, il n’en a aucune idée. Il ressemble vaguement à Aéon, si ce n’est sa couleur et le fait qu’il ne possède pas de pelage.

Il pose sa trousse, sort une seringue et injecte de la morphine à Aziel. Il ne sait pas pourquoi la dorée est inconsciente, mais son pouls est normal, contrairement à celui, anormalement lent, du bicolore.

Ulrick dévêt le garçon de son tee-shirt pour vérifier l’état de ses os. Par chance, il n’y a pas de fracture ouverte, mais il n’a pas le choix, il doit emmener Aziel à l’hôpital.

Ulrick regarde alors la créature bleue qui ne se méfie pas de lui et le rouge qui s’est placé à distance, s’apercevant qu’il est aussi blessé.

 

— Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qu’ils ont eu ? demande Ulrick assez sèchement.

 

Dagan détourne la tête, refusant de parler à un humain, Abysse se tourne vers     Ulrick et s’en approche… Il faut bien le lui expliquer !

 

— Les humains, ils ont fait mal à Aziel, Maman, elle est tombée, dormir, répond Abysse.

— Maman ? Comment ça des humains l’ont attaqué ? demande Ulrick en clignant des yeux.

— Oui ! Il a crié, et tout le monde l’avoir protégé, confirme la petite.

 

Petit détail concernant l’aptitude innée des cryptides à pouvoir parler et lire tout langage : plus un individu est jeune, moins il s’exprime ou lit correctement.

Ulrick ne comprend pas tout, il sort son téléphone et appelle une ambulance… Dans le cas d’une fracture, il vaut mieux ne pas bouger le corps. Il prévient Abysse et Dagan, bien qu’ils ne connaissent pas leur nom, d’aller se cacher dans une autre pièce le temps qu’Aziel soit emmené.

Il embarque Aéon, qu’il va déposer dans la salle de bains. Il revient et ouvre aux ambulanciers une fois arrivés. Ulrick monte à l’arrière du véhicule, préférant accompagner les hommes jusqu’à ce que le garçon arrive en salle d’opération.

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