Divalis : l'éveil

Chapitre 25 : Aéon montre les crocs.

4429 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/10/2023 23:25

Aziel fut transporté à l’hôpital, ce qui fit bien sûr du bruit au village. En réalisant ses radios, les médecins s’étaient rendu compte que celui-ci n’a absolument pas l’ossature d’un être humain. Son crâne est plus épais, et ses os sont spongieux comme ceux des oiseaux. Il n’y avait plus de doutes permis sur le fait qu’il est un cryptide, et c’est justement ce que redoutait Ulrick. Bien sûr, l’information n’avait pas tardé à fuiter de l’hôpital.

Ulrick avait motivé les médecins pour qu’ils opèrent Aziel en restant avec eux pour s’assurer qu’ils ne fassent pas n’importe quoi avec son protégé. Après quoi, le bicolore a été conduit dans une chambre qu’il devra quitter dès le lendemain matin.

Aziel est sous sédatif, il ne se réveillera pas maintenant, et Ulrick aimerait mieux comprendre ce qu’il s’est passé. Décidé, l’homme remonte jusque chez son pupille pour y retrouver la créature que ce dernier héberge depuis une bonne semaine à présent ainsi que sa meute. Il entre dans la maison, retrouvant Aéon rétablie. Celle-ci se redresse d’un coup, demandant à Ulrick :

 

— Aziel va s’en sortir ?

— Il a plusieurs os cassés et une commotion cérébrale. Sa vie n’est pas en danger. Aéon, que s’est-il passé ? demande l’homme.

— Aziel était sorti nourrir Fafnir et Silva, on a entendu des cris. En sortant, nous avons remarqué trois jeunes humains qui s’en prenaient à Aziel, explique la dorée.

— Ils sont venus ainsi, chez lui ?

— Oui, Aziel m’a juste escortée dans la montagne pour retrouver les autres, ensuite nous sommes revenus ici, il a dormi une bonne partie de la journée, il était épuisé. J’ignore ce qu’ils voulaient à Aziel, mais ils sont partis en voyant Fafnir et Silva arriver.

— Ils vous ont donc vus ?

— Oui, répond Aéon en grimaçant.

— Je vois… J’ai bien peur que cela ne tourne mal, déclare l’homme, agacé.

— Pourquoi ? Ce sont les humains qui ont attaqué Aziel ! dit Abysse, énervée.

— Ils vont voir qu’il n’est pas humain ? demande Aéon à Ulrick avec appréhension.

— Les radios l’ont confirmé, et les infirmiers ont déjà vendu l’information, ça va vite faire le tour du village.

— Bien sûr… C’est un cryptide, les lois ne s’appliquent pas pour lui, rétorque Aéon sur un ton dédaigneux.

— Ma défense ne l’aidera pas cette fois, j’en ai bien peur, répond Ulrick en soupirant.

— Alors, j’irai moi ! affirme-t-elle.

— Aéon, tu vas te faire chasser toi aussi et si les gamins vous ont vus, vous êtes tous en danger, explique l’homme.

— Ils étaient ivres, ce sera leurs paroles contre la mienne, dit la dorée, bien décidée à rester sur son idée.

— Aéon, ils n’écouteront pas un cryptide.

— Sauf s’ils ignorent que j’en suis une, il me suffit de changer d’apparence, conclut la dorée.

 

Ulrick écarquille les yeux tout en la dévisageant, puis il se tourne vers les chambres.

 

— Aziel n’a sans doute pas jeté les vêtements de Camélia, je vais voir.

 

Ulrick se rend dans la chambre des parents du blessé pour aller lui prendre un tee-shirt, un pull, un jeans et des sous-vêtements, en espérant que cela lui aille. L’homme les lui donne et la laisse gérer le reste, attendant dans le salon tandis que la dorée s’enferme dans la salle de bains. Elle s’assoit sur le carrelage noir qu’elle regarde avec insistance, réfléchissant à comment changer d’apparence, puisqu’elle est toujours restée sous sa forme animale depuis le jour de sa transformation, contrairement à Aziel qui, lui, permute souvent. La jeune vient à soupirer alors qu’elle ignore même si elle pourrait en être capable, perdant toute sa volonté à défendre le bicolore.

 

— C’est en toi, mais je peux t’y aider.

 Je n’ai pas besoin de ton aide.

 C’est toi qui vois.

 

Elle préfère jouer les entêtées, bien que je sache qu’elle hésite franchement à me demander comment faire.

 

 Tu dois accepter celle que tu as refoulée ces dernières années.

 Tu ne m’aides pas, Kochtcheï.

 C’est plutôt simple, Aéon. Tu veux l’aider, n’est-ce pas ?

 Oui.

 Vraiment ?

 Oui ! s’énerve-t-elle.

 Même si cela implique de retrouver ton ancienne apparence ? Qu’il voit ce à quoi tu ressembles ? Qu’il te considère responsable de ce qui pourrait arriver ?

 Pourquoi tu me dis ça ! gronde-t-elle en me cherchant des yeux.

 Parce que c’est ce à quoi tu penses.

 La ferme ! Je n’ai pas besoin de toi… dit la femelle en se vautrant sur le sol.

 Pour l’aider, tu dois redevenir Eena.

 Ne m’appelle pas ainsi ! crache la divalis qui secoue sa tête, comme si elle venait de prendre un coup.

 C’est d’elle que tu as besoin, Aéon.

 J’ignore comment faire, avoue-t-elle.

 Rappelle-toi de ce corps, de tes jambes, de tes bras, de la sensation de marcher debout, celle de ta peau et de tes vêtements. T’en souviens-tu ?

 Pas vraiment, répond la divalis qui se redresse tout en soupirant.

 Alors, concentre-toi, rappelle-le-toi, imagine-toi te lever et bouger sans cette queue, sans ces oreilles. Rappelle-toi d’Eena et mets Aéon de côté.

 

Cela l’agace quand je l’appelle ainsi, mais je le sens, cela s’éveille en elle. Elle serre les crocs alors que son corps devient brûlant, qu’elle a l’impression que ses os s’étirent et se craquent douloureusement. Sa peau se tend et se déchire tandis que son pelage se fane, ne laissant qu’une chevelure mi-longue, hirsute et dorée apparente. Ses veines sont devenues noires, elle grogne de douleur alors que sa colonne se modifie, que son museau s’atrophie, que ses pattes deviennent jambes et bras. Sa queue se raccourcit jusqu’à disparaître. Les seules traces qui la dénoncent d’être vraiment humaine sont ses ongles qui forment des griffes et ses canines plus longues que celles des humains.

Aéon tombe à genoux, souffrante et épuisée, doucement, elle s’assoit sur ses mollets tout en regardant ses mains et son ventre rose. Elle se tourne vers l’armoire et se lève tout en se tenant au meuble pour ne pas tomber. Son visage apparaît dans le miroir, elle a, à présent, les traits d’une adolescente de petite taille, maigre, avec peu de forme et couverte de cicatrices.

Elle regarde les vêtements au sol, se rassoit avec lassitude et les enfilent, le pull en laine gris et blanc est un peu grand, et le jeans va lui tomber sur les genoux si elle ne met pas de ceinture… Elle regarde la porte et pince ses lèvres tout en se demandant si elle va parvenir à aller jusqu’à elle en sautillant sur un pied. Elle tente et, heureusement pour elle, arrive jusqu’à la porte en bois où elle se rattrape. Ulrick et Abysse, de l’autre côté, sursautent en entendant le bruit sourd.

 

— Tu as réussi ? demande Ulrick à voix haute.

— Oui, c’est difficile de marcher, répond Aéon.

— Puis-je entrer ?

— Oui, je suis habillée.

 

Ulrick la rejoint, tout de même surpris de la voir à présent sous cette apparence de jeune fille visiblement trop mince à son goût. Il l’aide à se rétablir et la fait revenir dans le salon pour qu’elle s’assoie. Abysse, qui n’a pas quitté sa place, penche alors la tête tout en dévisageant Aéon, sceptique.

 

 Maman ?

— Qu’y a-t-il, Abysse ? demande Aéon.

 Oh ! Tu es comme Aziel, en plus petite, dit la bleu, amusée.

— Ça ne t’ennuie pas que j’ai cette apparence ?

 Absolument pas !

 

Aéon sourit à la coïste, Dagan, lui, tique en détournant les yeux de la divalis. Ulrick s’est assis sur la table basse pour reprendre leur conversation.

 

— Ça va aller pour demain ? Je t’apporterai des béquilles et une veste aussi, explique l’homme.

— Je n’ai pas le choix, il sort à quelle heure ?

— Vers huit heures du matin, je viendrais te chercher un peu avant, soit prête, avertit l’homme.

 

Aéon acquiesce et celui-ci quitte la demeure de son protégé, actuellement occupée par des créatures étrangères, pour retourner chez lui.

Aéon est restée allongée dans le divan pour la nuit. Se retrouver de nouveau dans ce corps la perturbe tout de même. Sa perception des choses est différente, les couleurs lui paraissent plus ternes, les odeurs moins fortes, les phéromones discrètes. Son angle de vue et son centre de gravité ont également changé, et elle se sent fatiguée et nauséeuse.

Abysse vient s’asseoir contre elle tandis que Buntar et Vlase entre dans la demeure maintenant que l’humain est parti. Le renard reste sur le pas de la porte, et Buntar approche, la tête penchée sur le côté.

 

— Mon apparence te perturbe ? demande Aéon au jeune renard.

 T’es un peu moche comme ça.

— C’est gentil, Buntar, ricane la jeune.

 C’est trop bizarre le corps d’un humain avec vos pattes trop longues. Votre grosse tête ne vous ne fait pas tomber en avant ? demande le renard avec sérieux.

— Non, répond Aéon en riant.

 T’es pas gentil avec maman, elle a changé de forme pour aider Aziel, elle va devoir aller devant les humains demain, réplique Abysse sur un ton boudeur en regardant Buntar.

 

Elle regarde Vlase allongé contre la baie vitrée. Elle se lève alors tout en sautillant sur sa jambe, ce qui attire l’attention du canin. Celui-ci la regarde perplexe jusqu’à ce qu’elle l’atteigne et se laisse tomber sur lui dans un soupir de fatigue.

 

 T’as vraiment une sale gueule comme ça.

— Tu copies ton fils ?

 Je ne fais que dire ce qui est.

— C’est gentil, répète-t-elle.

 

Elle s’allonge contre lui, l’air passant sous le carreau de la baie lui donnant des frissons.

 

— Vlase… Comptes-tu t’en aller ?

 Pourquoi souhaiterais-tu que je reste ? questionne le canin, ironique.

— Je pensais que l’on formait un clan, peu importe qui vient… Aziel a des facilités à côtoyer les humains, il peut facilement trouver d’autres lisiis.

 Sa vie en tant qu’humain ne peut pas se mélanger à une vie à la sauvage, Aéon. Si tu te sens bien avec lui, reste ici avec Abysse, répond le renard.

— Tu veux séparer Abysse et Buntar ?

 Dire au revoir à nos sœurs fait partie de nos mœurs, il s’en remettra.

— Peut-être, mais pas moi, je refuse que l’on se sépare, je réfléchis à un moyen de tous cohabiter. Aziel sait que j’aimerais chercher les autres divalis, je suis certaine qu’il a envie de venir avec nous, mais qu’il est difficile pour lui de quitter son village. Il aura l’hiver pour y réfléchir, et ce ne serait pas plus mal que l’on voyage durant la bonne saison et que l’on revienne ici, quand il fera froid, parlemente la jeune.

 Tu ne penses pas que notre présence apporte des soucis à Aziel ? Regarde déjà pour ce soir, les problèmes que cela a créés.

— C’était un hasard que ces garçons montent jusqu’ici, répond Aéon en baissant la tête.

 Sans doute, mais le hasard fait qu’à présent, ils savent qu’il y a des cryptides chez lui.

— J’arrangerai les choses…

 

Vlase penche la tête tandis qu’Aéon vient à trembler tout en se frottant les bras à cause du froid. Le renard qui a toujours les yeux sur elle s’agglutine un peu plus contre elle.

 

 Pas pratique vos corps sans pelage, réplique le canin.

 

Aéon lui répond en oscillant la tête, elle se redresse et, avec l’aide de Vlase, s’allonge dans le fauteuil. Les canidés montent à leur tour, parvenant malgré leur taille à se serrer l’un contre l’autre pour dormir. Enfin, de son côté, Aéon surveille, l’horloge présente près de la porte d’entrée, la venue d’Ulrick. Elle se lève et rejoint la salle de bains, imitant le bicolore en se brossant les cheveux et les dents. Cela terminé, elle sautille pour revenir dans le salon où elle aperçoit Vlase qui hume l’air de la maison.

 

 Il ne marque pas sa tanière ?

— Non, les divalis ne le font pas, surtout dans une maison, dit-elle.

 Une maison ? réplique le canin.

— La tanière d’Aziel s’appelle une maison, les humains ne les marquent pas, ils ne sentent pas les odeurs comme nous, donc imitons certaines de leur manie, explique Aéon.

 Tu ne sens plus les odeurs alors ? demande Abysse.

— Pas autant que sous ma forme animale.

 L’humain d’hier va venir te chercher si j’ai bien compris, demande Vlase.

— Oui, il va m’emmener au village.

 Et si c’était pour te capturer ? dit le renard, méfiant.

— Ulrick ne le ferait pas, répond doucement Aéon.

 Tu ne les côtoies pas depuis longtemps, Aéon, je n’aurais pas confiance, rétorque le canidé.

 

Ils se tournent vers la porte d’entrée où Ulrick fait son apparition. Abysse saute du fauteuil, sautillant jusqu’au vieil homme qui la regarde, plutôt surpris par son attitude.

 

— Humain, dit-elle, ravie.

— Tu n’as pas l’air méfiante toi, répond Ulrick en se baissant sur elle pour la caresser.

— Abysse est encore jeune et insouciante, Aziel va bientôt sortir ? demande la dorée.

— Oui, je t’ai apporté une grosse veste, je me suis dit que tu aurais froid sans ton pelage, et j’ai aussi des béquilles.

 

Il les lui tend alors qu’elle vient de se lever, gardant une main sur le divan pour appui. Elle attrape les aides en bois qu’elle place sous ses bras pour y trouver son équilibre.

 

— Ça va aller, il faut un peu de temps pour s’y habituer, dit l’homme.

— Je vais m’y faire.

— Je vais nourrir les drakes, Fafnir va venir avec nous pour prendre Aziel. Grisfer ne saurait plus porter tout le monde.

 

Aéon acquiesce et le suit jusqu’à l’écurie. De son côté, Aziel s’est réveillé en pleine nuit et n’a pas su retrouver le sommeil après. Il n’est absolument pas à l’aise et, surtout, il sait que cela va mal se passer d’ici quelques heures. Comment va-t-il justifier la présence des cryptides ? Pourquoi ont-ils pris un tel risque ? Il aurait dû se plier directement, Hector ne lui aurait pas donné d’autres coups et il n’aurait pas incité la meute à réagir. Il s’attendait plutôt à une intervention des drakes, mais pas de tous. Il suppose que les villageois vont tout donner pour le faire partir, voire pire, le tuer. Le jeune soupire tout en regardant le plafond livide de la pièce où il se trouve. Les heures sont longues, et la morphine ne fait plus effet. Il a l’épaule droite cassée ainsi que quelques côtes, et cela lui fait un mal de chien ! Le faux humain rage intérieurement en pensant au fait qu’il ne sera plus en mesure de travailler non plus. Aziel soupire, à quoi bon penser à cela alors qu’il vit probablement ses dernières heures ? Il espère tout de même qu’Hector ne mentionnera pas les autres, bien qu’il doute sur ce point. Aziel est certain que c’est à cause de cette remarque de la journaliste, il savait que leur curiosité les ferait venir. Aziel serre sa veste de colère, se concentrant sur le plafond tout en essuyant les larmes qui s’échappent de ses yeux, pris par la peur de se faire tuer.

Après une attente infernale, l’infirmier entre dans sa chambre et le somme de quitter les lieux. Aziel se redresse et remercie tout de même l’homme pour les soins. Le bicolore se dirige vers la sortie du bâtiment en serrant les dents pour supporter la douleur qui le prend. Il peut déjà voir les personnes rassemblées devant la porte alors que deux infirmiers le suivent. Ils lui ouvrent, et Aziel sort, seul, face aux humains.

 

— Vous confirmez bien qu’il est un cryptide ? crie une personne dans la foule.

— C’en est un, affirme les infirmiers derrière Aziel.

 

Le jeune se tourne sur eux, le regard noir, bien qu’il sache ne pas arranger son cas en faisant cela. Il serre les dents et jure intérieurement. Il se fait alors huer et insulter tandis que les villageois réclament son départ. Il se tend à l’idée de traverser le village. Hector et Mathias sont parmi le public et alimentent la colère des gens, en mentant sur le fait qu’ils se sont défendus d’Aziel et des cryptides qu’il cache. Aucune excuse valable ne vient en tête du jeune divalis, les humains ne le croiront pas.

Les infirmiers s’attendaient à ce qu’Ulrick l’assiste, alors ils le font sortir plus tôt que prévu. Le divalis peut le sentir, ils vont l’agresser et, dans son état, il ne peut même pas compter sur sa forme animale pour fuir. Il s’apprête à riposter, si les humains le voient comme une menace, alors Aziel leur montrera à quel point il en est une !

 

— Il n’a rien fait et il n’y a absolument pas de cryptides chez lui !

 

Les gens s’écartent au passage d’une adolescente à la chevelure dorée qui se traîne sur ses béquilles pour se frayer un chemin jusqu’au bicolore, suivie d’Ulrick. Aziel les dévisage, il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que cette fille est Aéon. Celle-ci se place devant lui, Ulrick, quant à lui, fait reculer les infirmiers pour qu’il lâche le garçon.

 

— T’es qui, toi ? lance Hector.

— Tu sais parfaitement qui je suis, je suis intervenue hier pendant que vous brutalisiez Aziel ! réplique sèchement Aéon.

— Tu es donc un des cryptides qui nous a attaqués, rétorque le jeune.

— Tu dis ça pour déculpabiliser d’avoir voulu frapper une infirme ? répond-elle en montrant sa jambe abîmée.

— Je ne t’ai rien fait ! Je ne frappe pas les filles ! s’énerve Hector.

— Donc tu affirmes, cette fois, avoir vu une fille, réplique Aéon.

— Pardon ? Non, il y avait que des cryptides !

— Silva et Fafnir, et heureusement, parce qu’ils vous ont fait fuir !

— Ils sont arrivés après, il y en avait d’autres !

— La seule autre personne qui était là, c’était moi. Vous étiez aussi prêts à me frapper sous prétexte que je suis aussi une cryptide pour avoir pris la défense d’Aziel ! rétorque Aéon.

— Arrête de mentir, bordel ! s’énerve Hector.

— Je ne mens pas, peut-être crois-tu réellement avoir vu des cryptides vu ton état d’ivresse d’hier !

Le public écoute sans vraiment se mêler de la dispute des deux jeunes. Plusieurs d’entre eux discutent sur ce qui est dit, notamment cette histoire d’ivresse, puisque certaines personnes ici présentes peuvent l’affirmer.

 

— Il est confirmé qu’Aziel est un cryptide, reprend Hector.

— Et alors ? Sois-en heureux ! Tu te rends compte que si ce n’était pas le cas, tu l’aurais tué ? Tu y as pensé à ça ? Tu aurais la mort d’une personne sur la conscience !

 

Hector se raidit à cette réalité, mais Aziel est bien un cryptide, donc ce n’est pas grave… Enfin, et s’il en avait été autrement ? S’il l’avait tué ? pense le garçon. Il secoue sa tête alors qu’Ulrick passe devant Aziel et Aéon.

 

— La petite a raison, les origines d’Aziel ne devraient pas influencer notre jugement, pourquoi êtes-vous allés chez lui à la base ?

— On… Je… C’est à cause de la journaliste ! On n’y croyait pas à cette histoire de copine, on voulait juste aller voir. Pourquoi on ne te voit jamais dans le village ?

— Peut-être parce qu’Aziel avait peur que vous ne vous en preniez à moi, dit Aéon avec la même hargne.

— Depuis quand vis-tu avec lui ? D’où viens-tu et qui es-tu ? demande l’un des villageois.

— Je m’appelle Eena Niemi, je suis bourlingueuse, je voyage un peu partout et, cette année, j’ai choisi le mont Rodna. Je me suis fait attaquer par une meute de loups. Si je respire encore aujourd’hui, c’est grâce à Aziel.

— Cela veut dire qu’il t’a amputée, tu ne serais pas plutôt devenue sa prisonnière ? réplique Hector.

 

De nouveau, le village s’emballe, prétextant à présent le fait qu’elle soit terrifiée par le divalis. Aziel, silencieux depuis le début, reste passif, il regarde Aéon et les autres, ne sachant pas quoi dire, quoi faire et, doit-il l’avouer, il n’a jamais su se défendre. Avoir une autre personne qui le fasse avec autant d’acharnement qu’Ulrick a pu le faire le laisse dans la confusion.

 

— Vous avez à ce point un problème avec les cryptides ? Ai-je vraiment l’air d’avoir peur ? Je suis au courant des rumeurs qui pèsent sur lui, je sais qu’il n’a pas un caractère facile, mais avec un peu de jugeote et de compassion, vous vous apercevrez qu’à sa place, tout le monde aurait envie de péter un plomb ! Vous passez votre temps à le rabaisser, à l’insulter ! S’il devient fou, comme vous le dites, ne voyez-vous donc pas que c’est à cause de votre comportement ? Vous le poussez à l’isolement ! Qui aime ça ? Cryptide ou non, il vit dans ce village tout autant que vous et de la même façon que vous ! Réfléchissez un peu à ce que vous voulez, s’il part, qui le remplacera comme vétérinaire ? Ulrick pourra-t-il gérer à lui seul toutes les bêtes du village ?

 

— Sa fille va le remplacer, intervient une femme.

— Certes, et qui l’aidera, elle ? Vous êtes au courant qu’il travaille sur des prothèses pour rendre la mobilité à vos drakes ? Qu’ils tentent de trouver un moyen de leur éviter l’euthanasie ? Enfin, si la vie de vos bêtes vous importe plus que le gain, rétorque Aéon avec la même hargne depuis le début.

— Ne nous insulte pas non plus, si on les euthanasie quand il se fracture une patte, c’est justement parce que les drakes se laissent mourir une fois qu’ils ne savent plus se déplacer, répond une autre personne.

— Les drakes sont intelligents, ils ne se laisseront pas dépérir s’ils ont l’espoir de pouvoir s’en sortir avec une prothèse. En revanche, si vous souhaitez tant qu’Aziel parte, c’est parfait, je ne dirais pas non à sa compagnie quand je reprendrai la route, réplique la dorée.

— Laisse-le passer, Hector, tu as presque failli le tuer, vous êtes quittes, non ? réplique sèchement Ulrick.

— Ouais… On est quittes, répond le jeune en s’écartant, Mathias l’imitant.

 

Ulrick s’avance, et Aéon se tourne sur Aziel en lui souriant. Le garçon, toujours en état de choc, prend quelques secondes pour réagir et la suivre à son rythme. Elle peine avec ses béquilles. Les gens s’écartent, discutant entre eux, puis une bonne partie de la foule s’éloigne pour retourner à leur occupation. Hector regarde le trio, puis baisse la tête en soupirant.

 

— Eh, Math, hier tu saurais dire si tu as vraiment vu des cryptides ?

— Je me demande… Nous étions bien éméchés, répond le jeune.

— Je suis sûr qu’ils y en avaient. Je n’ai pas souvenir d’en avoir vu un blessé, ou alors, je n’ai pas pris attention à la fille, dit ce dernier.

— On s’est tout de même perdus dans les bois en voulant revenir chez nous et nous nous sommes endormis dans des buissons, peut-être que l’on s’en est persuadés quand on a su que l’on avait gravement blessé Aziel. Jillian n’a même pas voulu lui faire face, répond Mathias.

 

Heureusement que ces trois humains étaient ivres ce soir-là et qu’ils peinent à se souvenir de ce qu’il s’est réellement passé. Peut-être qu’Aziel aura un peu la paix pour les jours à venir.

 


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