Cœur sur Papier

Chapitre 1 : À Annette

876 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/03/2022 23:33

Annette,

Au revoir.

Ce sont ces mots-là que j’aurais tant désiré pouvoir t’adresser. J’aurais désiré pouvoir te prendre dans mes bras une dernière fois. Te gronder parce que tu écoutais encore et toujours ta musique trop fort au volant. J’aurais tant donné pour pouvoir, rien qu’une dernière fois, te raconter l’histoire de ces deux poissons qui faisaient des bulles dans cet étang, tu te souviens, dans le petit jardin de Papi et Mamie, oui eux, le rouge et le blanc, elle te faisait beaucoup rire et alors, aux creux de tes joues je pouvais apercevoir de petites fossettes se dessiner aux côtés de ton grand sourire, dévoilant tes jolies dents.

Il y a tant d’autres choses que j’aurais aimé pourvoir te dire. Mais finalement, ce que je voulais vraiment te dire, c’était un dernier au revoir. Un adieu que je t’aurais exprimé de vive voix, pour que tu ne ressentes jamais la sensation que je t’ai abandonnée.

Si tu étais là, sûrement raillerais-tu, arborant cet air espiègle qui te seyait si bien, que je suis si dramatique que tous les théâtres de la région me recherchent à l’heure actuelle. Si tu savais, ma belle, comme je pense à toi chaque jour. Comme j’aurais aimé me réveiller plus tôt de mon profond sommeil. Pourquoi a-t-il fallu que tu t’endormes à jamais, quand je ne m’étais pas encore réveillée ?

Je me pose des questions. Je m’en pose tant, tu le sais. Pourquoi me reprochais-tu de m’en poser autant ? Oh, voilà que je recommence. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Si j’avais pu éviter cette voiture. Si seulement j’avais été plus réactive. Le coma, dont j’ai été une hôte malgré mon désir pendant tout ce temps, ne m’aurait jamais attrapée, de ses mains voleuses qui te ferment les yeux et l’esprit.

« Avec des si, on pourrait refaire le monde ! » Ça, c’était Mamie qui le disait. Et si jamais je pouvais refaire mon monde avec des si, j’en aurais enfilé des milliards pour me hisser plus vite hors de ce sommeil qui a duré bien trop de temps.

Tu me manques, Annette, mais ce n’est pas ta faute. J’ai demandé à plusieurs de tes amis en quoi consistait ton quotidien, avant que tu partes. Ils m’ont répondu que, bien que tu sois passée me rendre visite très souvent dans ce vaste hôpital, tu parvenais à garder accroché aux lèvres ce si beau sourire qui éclairait nos vies. Était-il sincère ? Je l’espère. On m’a aussi dit que tu avais continué le hockey. Je suis si fière de toi, on voyait que tu aimais profondément ce que tu faisais. Et tu étais douée pour ça.

Je me demande à quel point tu as eu mal. À quel point tu as pu te sentir seule, dans quels moments la solitude t’a-t-elle envahie ? Enfermée toi aussi, différemment, mais sans pouvoir non plus t’échapper.

Je me souviens, tu sais. Je ne sais pas si mes souvenirs sont justes, puisque certains pourraient dire que je n’étais pas là à ce moment précis, pas vraiment là. Mais le souffle de ton soupir, oui tu soupirais beaucoup Annette, et quand on te demandait pourquoi, tu l’ignorais, tu répondais en haussant les épaules que si ça te venait, tu le faisais, oui le souffle de ton soupir qui atterrissait sur ma main nue quand tu veillais sur moi à l’hôpital, c’est comme si je pouvais encore le sentir de temps à autre, comme si tu continuais de veiller sur moi, pour que je ne me sente pas seule.

Tu es la meilleure petite sœur que j’aurais pu avoir.

Je t’aime si fort.

Au revoir, Annette.

                                                                                                                                                                                                      Danica 

Laisser un commentaire ?