Douceurs de Décembre

Chapitre 2 : Susato-san

867 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/01/2023 22:26

Susato-san,

Si j’ignore à quel point les flots des mers et la puissance des vents impacteront la réception de cette lettre, j’ose espérer qu’elle vous trouvera heureuse et en bonne santé.

Même si vous avez quitté l’Angleterre il y a un mois seulement, votre absence sait retentir dans le grenier de notre ami M. Sholmes. Les échos du silence se heurtent face aux murs de bois sombre. Lorsque le jour se lève, je me surprends bien souvent à contempler les poussières flottant dans les rayons de lumière s’invitant dans la pièce. Elles achèvent leur chemin sur votre service à thé, que je nettoie régulièrement. Une fois revenue, vous le retrouverez comme vous l’avez quitté. Une fois de retour, vous pourrez à nouveau nous servir votre thé, et déguster ceux préparés par Iris.

Je souhaite sincèrement que vous recevrez cette lettre avant le dernier jour de l’année, car si je ne peux être à vos côtés pour le oshōgatsu, j’apprécierais que vous en profitiez pleinement, aux côtés de votre père. Ainsi, je vous transmets à travers cette lettre tous mes souhaits de bonheur et d’épanouissement à défaut de pouvoir vous dire de vive voix yoi o-toshi o. Vous connaissant, Miss Susato, je ne doute pas qu’en même temps que voyage ma lettre, vous m’avez certainement transmis une de vos traditionnelles nengajō. Avez-vous, avec votre père, décoré votre porte, l’avez-vous garnie d’un kadomatsu ? Cette composition florale de pin et de bambou, habituelle chez nous et absente des rues de Londres, me provoque des élans de nostalgie.

Ici, quand s’égraineront les derniers jours du mois de décembre, M. Sholmes et Iris ont prévu que nous sortions tous les trois. Pas de grandes festivités, non, pas de choses imprudentes ou d’enquêtes dangereuses. Je sens à distance votre regard désapprobateur se fixer sur moi, vos poings posés sur vos hanches ! Je peux vous l’assurer, Susato-san, nous comptons seulement faire une promenade nocturne, et retrouver quelques londoniens pour le décompte des dernières secondes. Wagahai restera à la chaleur du salon, et quand nous le rejoindrons, il sera certainement assoupi sereinement.

Toutefois, bien que les réjouissances s’annoncent agréables, je ne parviens pas à chasser la pointe d’amertume qui perturbe mes pensées. Ne vous méprenez pas, ne jetez donc pas sur moi ce regard de pitié et d’interrogation qui est le vôtre ! Vous savoir heureuse auprès de votre père et de vos amis m’enchante, mais l’idée charmante de partager un tel moment ensemble s’invite dans mon cœur. Nous partagerions, avec M. Sholmes et Iris, un succulent repas, après la dégustation de votre thé accompagné, si votre humeur vous l’indique, des doux chocolats qui s’y marient si bien.

Loin de moi l’idée de vous faire culpabiliser, Susato-san. J’essaie, aussi adroitement que possible, de vous transmettre la hâte que je me fais de votre retour. Bien que je tente de ne pas y songer excessivement, les pensées affluent quant au fait de vous revoir, et j’ignore pour quelle raison étrange, mais elles me font constamment sourire. Pourtant, j’en ai conscience, le risque est grand que vous m’éjectiez au sol, à peine votre regard aura-t-il croisé le mien. Je peine toujours à croire qu’il s’agit d’un réflexe que vous ne maîtrisez point, et que cela n’est pas une ruse de votre part pour avoir le plaisir de me voir confus chaque fois. Toutefois, je m’y accommode et j’en viendrais presque vous à le réclamer. J’ai écrit presque !

Susato-san, le savez-vous ? Possiblement, d’une part, connaissant l’étendue de votre culture générale, mais je me permets de douter, comme vous n’avez pas passé de réveillon à Londres. Ici, en Angleterre, il est traditionnel de chanter un air qui s’appelle Old since long. Il me rappelle les temps passés à vos côtés. Peut-être aurons-nous une fois l’occasion de la fredonner, tous les quatre.

Happy new year à vous, Susato-san,

                                                                                                                                              Naruhodō Ryūnosuke

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