Le Pouvoir des Arcanes
La nuit était déjà à un stade avancé quand la porte s'ouvrit et qu'un homme entra. L'aubergiste, qui pensait sa journée de travail terminée, ne put s'empêcher de soupirer avant de se diriger vers le nouvel arrivant.
-Bonsoir messire, que puis-je faire pour vous ? demanda-t-il d'un ton accueillant.
L'étranger s'avança suffisamment pour que la lumière du feu l'atteigne. On pouvait apercevoir une cotte de mailles sous le vêtement de cuir qui recouvrait ses épaules. Une épée était fixée au travers de son dos, sa poignée sur l'épaule droite.
-Bonsoir, fit-il, j'aimerais manger quelque chose de chaud, et une chambre s'il vous en reste une.
-Vous avez de la chance, il y a peu de voyageurs ce soir, ils sont tous déjà en direction de la capitale.
L'aubergiste s'empressa d'aller chercher une assiette de ragoût, il l'avait laissé au chaud au-dessus des flammes. Il prit également une chope qu'il remplit de bière avant de finalement tout poser à la table du client.
-Vous venez pour le tournoi ?
-Effectivement, répondit l'homme, c'est la raison de ma venue. Mais cela fait un certain temps que je suis sur les routes et je dois bien vous avouer que je ne suis pas au courant de la plupart des événements récents.
Il en effet courant que les voyageurs questionnent les aubergistes et taverniers au sujet des dernières nouvelles. Leur métier leur permet en effet d'être rapidement au courant de la plupart des événements, les clients de passages étant généralement bavards après quelques verres.
-Le commerce entre les cités fluviales est fructueux, paraît même qu'on y devient riche en un jour là-bas. De nombreux chevaliers et plein de spectateurs vont à la capitale pour le grand tournoi, mais il paraît que maintenant, ils doivent être parrainés par un membre du conseil royal pour y participer.
L'aubergiste s'approcha, comme s'il dévoilait un secret brûlant :
-Il paraît qu'il y a également des problèmes au niveau des frontières avec le royaume de Ragnok, certains disent même qu'il y aura une guerre.
Le chevalier marmonna :
-Une guerre... Ce sont nos alliés depuis presque un siècle, depuis la guerre contre les...
Une lueur passa sur son visage, et il s'empressa de demander :
-Et la frontière Est ? Quelles sont les nouvelles de la forteresse de l'Est ?
L'aubergiste sursauta, le chevalier avait haussé le ton et semblait presque en colère :
-Rien... Rien Messire. Je n'ai aucune nouvelle en provenance de l'Est...
L'homme se leva, tira une pièce d'argent de sa bourse qu'il posa sur la table en payement du repas, qui en valait moitié moins, et courut vers la porte.
Cette dernière se referma sur son passage, mais l'aubergiste avait eu le temps de voir la forte pluie qui tombait.
Pourquoi ce chevalier bravait-il pareille tempête pour des événements qui se déroulaient à plusieurs milles de là ?
L'aubergiste rangeait tranquillement le comptoir et la salle commune quand il entendit un craquement. Les nerfs mis à vif après sa rencontre avec le chevalier, il cria :
-Qui est là ?
Un silence emplit la salle, même le feu semblait stopper ses crépitements. Pendant quelques instants, l'aubergiste crut percevoir une présence, mais en absence de réponse, il conclut que ce n'était qu'un rêve.
Une dague se posa sur sa gorge et il s'arrêta de respirer :
-Qui était cet homme qui est reparti ? demanda une voix calme et malsaine.
L'aubergiste reconnut celle de l'inconnu au visage caché par une cape qui était arrivé plus tôt dans la soirée. Cela ne lui avait pas inspiré confiance, mais après tout, il en voyait presque tous les jours des visiteurs étranges.
-Je repose ma question, et c'est la dernière fois : qui était cet homme ?
-Je n'en sais rien messire, je le jure.
La lame perça la peau et fit jaillir une goutte de sang.
-C'est un chevalier, il vient pour le tournoi du roi... Mais il est parti dès que je lui ai parlé des conflits près de la frontière avec le royaume de Ragnok. C'est tout messire !
-Et n'avait-il pas de signe, quel était son emblème ?
-Une feuille de chêne messire, mais c'est tout ce que j'ai vu !
La lame s'écarta de son cou et il prit une grande inspiration.
-Je te crois...
La lame s'enfonça dans le dos de l'aubergiste sans qu'il ne puisse se défendre, et son corps tomba au sol, inerte.
-Une feuille de chêne... Intéressant.