FINAL FANTASY VII - L'aube écarlate

Chapitre 3 : Un futur incertain

4732 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/10/2021 13:03

La lumière blanche et aveuglante de la salle opératoire n'était pas sans lui rappeler les nombreuses missions qui avaient mal tourné par le passé, et dans lesquelles, il s'en était parfois miraculeusement sorti. Combien de fois avait-il échappé à la mort, tandis qu'elle lui pendait outrageusement au nez. Il avait cessé de compter il y a bien longtemps. Tseng avait une bonne étoile et elle n'avait jamais failli. Toutefois, cette fois-ci, il ne se considérait pas comme chanceux. Marù n'avait eu nulle intention de le tuer et il le savait bien. Néanmoins...

— Elle t'a quand même sacrément bien amoché ! Qu'est-ce que tu lui as dit pour l'énerver à ce point ?

Se moqua Reno, dont la chevelure ébouriffée venait cacher le faisceau lumineux de la lampe collé au plafond. Le chef des Turks secoua doucement le visage.

— Je ne me suis pas vraiment défendu, il faut dire. Je ne voulais pas risquer de la blesser.

— Tu aurais dû nous laisser venir avec toi !

— Elle me fait confiance, à moi seulement.

— Tout laisse à penser le contraire... Moi je pense plutôt qu'elle est du genre sentimentale et que tu es en vie uniquement grâce à ça !

Il n'irait pas dire le contraire. C'était d'ailleurs une excellente chose. Si Marù combattait en mémoire du bon vieux temps, alors il l'aurait à dose de nostalgie. Là se trouvait sa faiblesse. Il préciserait bien évidemment tout cela dans son rapport une fois remis sur pied. Toutefois, son supérieur ne l'entendait pas de cette oreille. Par impatience très probablement, Reeve Tuesti fit son entrée dans la salle quelques minutes seulement après le réveil du Turks. Reeve était probablement le plus investi de tous dans cette mission. Jadis, il avait travaillé à la ShinRa en étroite collaboration avec le département médical, alors sous les ordres de Marù, afin de rendre la ville de Midgar plus saine. De tous les membres de la WRO, c'était probablement lui, même devant Tseng, qui connaissait le mieux la jeune femme. Enfin... qui elle fut autrefois tout du moins.

Cette première rencontre, ce premier contact entre elle et Tseng avait hanté ses nuits depuis le départ du Turks. Il ne pouvait pas attendre plus longtemps, c'était au-dessus de ses forces. Aussi était-il arrivé en hâte après avoir appris le retour et le réveil du principal intéressé. Reno s'écarta en ricanant discrètement devant l'arrivée hâtive du grand patron, en personne. Bien que Rufus Shinra demeurait leur Président officieux, Reeve occupait une place on ne peut plus significative dans la balance désormais. Rufus lui-même avait confié l'avenir du monde à ses bons soins après tout. Toute l'équipe des Turks, ainsi que bon nombre d'autres ressources, étaient donc généreusement mises à disposition du nouveau leader depuis la création de son nouvel ordre mondial, juste après la chute du Météor. L'influence du Président Shinra restait toutefois palpable. Tseng avait d'ailleurs obtenu le poste de premier enquêteur grâce aux recommandations fortement appuyées de Rufus. Celui-ci se redressa difficilement en entendant Reeve l'appeler. Les drogues de l'anesthésie n'étaient pas encore complètement dissipées et il doutait de pouvoir conter un rapport de mission orale très clair et précis. Heureusement, Reeve n'en attendait pas autant. Le chef de la WRO aida le Turks à se redresser avant de l'incomber de ses premières questions.

— Alors... Vous l'avez vue ? Comment était-elle ? Est-ce qu'elle va bien ?

Contre toute attente, ce fût Reno qui répondit en premier, dans une touche d'humour dont lui seul avait le secret.

— Suffisamment bien pour mettre sa raclée à un Turks vétéran de toute évidence !

Le malaise qui s'ensuivit fut heureusement de courte durée, Tseng enchaîna sans tenir compte de l'intervention de son camarade. Il tenta d'assumer une posture fière et droite, quoique maladroit compte tenu de sa condition.

— Je l'ai trouvé, elle va bien. Néanmoins... Il va être difficile d'établir un contact sain et durable avec elle. Marù est... Plus affectée encore que ce que nous nous imaginions.

Reeve soupira, clairement désolé d'entendre d'aussi tristes nouvelles. Il secoua doucement la tête avant de venir se masser les tempes d'une main légèrement tremblante.

— Comment aurions-nous pu l'imaginer pour commencer... Elle est donc bel et bien en vie. Quel soulagement ! Grâce à elle, il nous est permis d'espérer à nouveau, vous rendez vous compte ?

Tseng demeura impassiblement silencieux, le regard toujours figé sur son interlocuteur. Il cligna lentement des paupières, une seule fois, comme pour laver l'ignorance presque outrageante de Reeve. Avait-il seulement écouté ? Du coin de l'œil, le Turks partagea une seconde de complicité avec son compère avant de tenter sa chance une nouvelle fois avec le vieil homme.

— Reeve, je crois que vous ne m'avez pas bien entendu... Elle est incontrôlable.

— Lui avez-vous seulement donné la raison de votre visite ?

— Je n'ai pas eu le temps d'avoir ce plaisir hélas, j'étais trop occupé à sauver ma peau... Vous conviendrez qu'il est de ces sujets dont il vaut mieux discuter autour d'une table, et non entre deux coups d'épée...

Reeve Tuesti avait toujours été un peu naïf. Très intelligent et visionnaire certes, mais ses rêveries avaient hélas trop souvent emboité le pas sur sa lucidité. Il avait tendance à croire qu'il suffisait simplement de trouver une solution pour résoudre un problème.

— Elle a besoin d'une nouvelle raison d'exister. Je veux dire, une véritable raison. Un espoir auquel s'accrocher. C'est notre rôle de la guider. Son âme est tourmentée mais nous pouvons l'aider !

— Êtes-vous seulement certain de savoir ce dont elle a réellement besoin ? Vous êtes-vous déjà dit qu'elle pourrait très bien ne pas approuver votre petit projet ? D'ailleurs, nous avions été très clairs sur le sujet il me semble. Avant d'en parler à la principale intéressée, vous deviez d'abord soumettre l'idée au conseil. Ont-ils déjà tous voté ?

Le silence en guise de réponse fut lourd de sens. Désabusé, le Turks se leva de son lit d'hôpital en soupirant. Les choses allaient beaucoup trop vite, la situation risquait de leur échapper, une fois de plus. Les leçons tirées du passé semblaient donc déjà si loin. Reeve trouva finalement de quoi se justifier, bien que le ton particulièrement froid qu'il utilisait ne présageait rien de bon.

— Nous n'avons pas encore réussi à réunir tous les membres d'AVALANCHE. Cloud, Tifa et Barret manquent à l'appel. Veld ne se déplacera qu'en présence du Président ShinRa, qui reste muet à tous mes appels. Mais, j'imagine que vous en savez plus que moi à ce sujet.

— N'ayez crainte, nous autres honorerons notre part du contrat quoi qu'il arrive. Réunissez d'abord le conseil, et alors seulement nous jugerons utile de participer aux débats... Qu'en est-il de Vincent Valentine ?

— Il ne quitte plus le laboratoire, comme l'on pouvait s'y attendre.

Tseng jugea le chef de la WRO d'un air peu commode. Un avertissement on ne peut plus clair luisait dans son regard presque menaçant.

— Vous attendrez la réunion du conseil avant de démarrer le moindre test...

Cela sonnait comme un ordre. Reeve, confus, haussa les épaules avant de répondre.

— C'est ce que nous avons toujours convenu de faire.

Le chef de la WRO fronça les sourcils. À quoi donc jouait le Turks en usant ainsi d'un ton aussi méprisant avec lui. Personne dans cet endroit n'était aussi vil que l'avait été jadis la ShinRa. Il était mal placé pour se hisser en donneur de leçons. Que pouvait-il donc bien s'imaginer. Ces Turks, il était si souvent difficile de réussir à les cerner.

— Vous avez besoin de repos, je vais vous laisser récupérer. J'attends votre rapport. Nous le présenterons au conseil le moment venu.

Une sage décision. Tseng hocha la tête, observant son interlocuteur s'en aller en compagnie de sa mauvaise humeur. La confiance était une denrée encore bien rare dans ce groupe, aussi large que varié, rassemblé au siège de la WRO. L'entente entre chacun des petits groupuscules, formant le fameux conseil, se faisait souvent désirer. Toutefois, tous défendaient le même objectif : la préservation et la défense de ce monde, quoi qu'il puisse advenir.

Cette promesse finissait toujours par transcender le plus persistant des désaccords. Alors, la raison l'emportait finalement sur les rancœurs d'autrefois. Une très belle leçon. Toutefois, tous ces efforts seraient-ils suffisants pour assurer l'avenir de ce monde malheureusement porté sur le déclin. Un nouvel ennemi était en effet apparu depuis peu. Ses actions laissaient présager de sombres desseins sur le futur de cette planète, ainsi que les nombreuses vies qu'elle hébergeait. L'espèce humaine devrait une fois de plus faire preuve d'une solidarité sans faille pour venir à bout de la menace qui planait sur elle. Hélas, à l'heure actuelle, personne ne pouvait garantir que cela serait suffisant.



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"Cloud, tu m'entends ? Le quartier ouest est nettoyé, je rejoins Barret sur la place centrale, apparemment les renforts ennemis arrivent en grand nombre. Fais attention à toi !"


C'était sûr désormais, ils ne seraient pas rentrés pour le déjeuner. Cloud raccrocha après que Tifa lui est confirmé l'évacuation des derniers habitants du quartier ouest de Edge. Lui s'occupait toujours de repousser les assauts autour de la bordure Nord. Voilà déjà près de 3h qu'il combattait seul contre cet ennemi inconnu. Au départ, il aurait juré qu'il s'agissait de droïdes. Les assaillants portaient en effet une drôle d'armure grise, clairsemée de liserets aussi bleu que le ciel. Leurs déplacements étaient incroyablement bien coordonnés, tels de vrais robots. La modernité de leur armement elle aussi était déconcertante, Cloud n'avait jamais rien vu de tel. Ils arrivaient toujours plus nombreux, frappant leur adversaire de toute la puissance de feu dont ils disposaient. Ils débarquaient clairement de Midgar... Cloud soupira en songeant à quel genre d'infâmerie pouvait bien encore s'être développée dans les bas-fonds de cette ville maudite.

Les premières attaques avaient été signalées depuis la ville de Kalm, à l'occasion du festival annuel, il y a de ça 1 mois. L'ennemi avait chargé depuis les airs et déversé une pluie de balles sur la population alors sans défense. Beaucoup de ces pauvres gens avaient péri, et la nouvelle de cette tragédie s'était répandue telle une tempête sur le reste du continent. La WRO était hélas arrivée bien après le massacre. Ils avaient toutefois récupéré le témoignage de Vincent Valentine, présent sur les lieux au moment de l'attaque. Ce dernier n'avait pas manqué d'informer et de mettre en garde ses camarades d'AVALANCHE, avant de se joindre à l'enquête officielle de la WRO. Cloud, Tifa et Barret, alors aux abords de Junon au moment des faits, avaient vite entrepris de rejoindre Edge dans l'inquiétude d'une prochaine attaque sur la ville. Voilà près de 2 semaines qu'ils travaillaient avec les autorités locales à l'évacuation de la ville et de ses habitants.

Pour finir, c'est au petit matin du 16ième jour que l'assaut qu'ils avaient tant redouté débuta. Fort heureusement pour eux, la ville était déjà bien vide désormais. Néanmoins, il restait encore beaucoup à faire. Cloud espérait que Tifa puisse rejoindre Barret à temps et sauvegarder la place centrale, un carrefour stratégique. Il ne tarderait pas à se joindre à eux, après être venu à bout de ce flot sans fin d'adversaires.

Il taillada un pont reliant Edge à l'ancienne Midgar, ce qui aurait le mérite de ralentir la progression des véhicules ennemis au sol. Les éboulements qui suivirent donnèrent même la satisfaction d'ensevelir un contingent entier de ces drôles de guerriers. Leur groupe était scindé en plusieurs catégories de combattants. Chacun avait leur spécialité de toute évidence : l'artillerie lourde, bombardant la ville à longue portée, l'infanterie d'assaut, torrentielle et entraînée, enfin, les forces spéciales expertes au corps-à-corps. Avant de venir à bout des armes lourdes, les plus redoutables, il fallait d'abord essuyer les vagues de l'infanterie, ce que Cloud était parvenu à faire, non sans difficultés. Il se débarrassait des derniers guerriers de l'escouade ennemie, lorsque son téléphone se remit à sonner subitement.

— Cloud, c'est bien toi ? Quel miracle de réussir enfin à t'avoir !

— Reeve ? ... Je n'ai pas vraiment le temps là !

S'il avait su, il se serait abstenu de décrocher. En effet, le blond avait bel et bien remarqué les nombreuses tentatives du chef de la WRO à le joindre. Mais Cloud avait mieux à faire que de s'occuper du business des autres à l'heure qu'il est. Il savait que Reeve avait quelque chose à lui demander, et il voulait à tout prix éviter d'avoir à lui répondre. Malheureusement pour lui, le chef de la résistance ne comptait pas lâcher l'affaire aussi facilement.

— Cloud ! J'essaie de te joindre depuis plus de 5 jours, j'ai absolument besoin de te par-

Il fut aussitôt coupé, le ton montant d'un cran dans la voix du guerrier.

— Et quand est-il des renforts que tu nous as promis d'envoyer ? Nous avons émis un signal de détresse il y a plus d'une heure maintenant, ou êtes-vous ? Si tu n'envoie pas tes troupes au plus vite, on va perdre Edge. Évitons une autre tragédie !

La piqûre de rappel était douloureuse, et Reeve eut bien du mal à admettre son manque de réactivité dans le cas de Kalm. La communication fut coupée quelques instants, tandis que Cloud paraît quelques coups avant de filer se mettre à couvert.

— Reeve ?!

Insista-t-il. C'était subitement son tour de mettre la pression au chef de la WRO.

— Je suis là. Des véhicules blindés sont en route pour Edge, ils sont partis il y a 23 minutes de l'avant-poste de Junon, et devraient atteindre Edge dans les 2h. Toutefois, je vais demander à Cid de vous envoyer des renforts par les airs, il pourra être auprès de vous dans l'heure. Mais Cloud, j'aimerais que tu accompagnes Cid à son retour, il faut réunir le conseil au grand complet, de toute urgence.

— On verra... Pour l'heure, j'ai une bataille à remporter, au revoir Reeve.

Sans attendre de réponse, Cloud raccrocha. Il secoua la tête, encore agacé par cet échange qui tombait vraiment au plus mal. Reeve avait toujours un train de retard. Le conseil aurait dû se réunir aussitôt après les évènements de Kalm, ou bien après que les villes clés du continent eurent été hautement sécurisées. Parler du prochain conseil au beau milieu d'un combat, visant à défendre une cité hautement importante, était pour le moins inapproprié. Heureusement, cela lui avait au moins permis d'accélérer l'envoi de renforts. Bientôt, Cid serait là avec un soutien aérien et des troupes supplémentaires pour défendre la ville. Avec un peu de chance, et un bon timing, la résistance serait en mesure de repousser l'assaut et ainsi de sauver Edge. Jusqu'à la prochaine attaque...


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Une odeur étrange et corrosive embaumait l'air du laboratoire numéro DPG-18.56. Des senteurs épicées attaquaient les chairs du scientifique, laissant un arrière-goût âcre et désagréable dans le fond de la gorge. Fort heureusement, l'homme travaillait en combinaison, abordant un large masque à gaz en guise de couvre-chef. Cela ne l'empêchait pas de tousser, preuve qu'il côtoyait la toxicité de ses produits depuis assez longtemps pour que ceux-ci aient commencé à détériorer sa santé de manière significative. En dehors de la toux sèche de l'occupant, les lieux étaient particulièrement silencieux. La mort, au sens propre comme figuré, s'était glissée en personne jusqu'aux confins de ce sous-sol, afin d'y établir son sombre royaume. La lumière elle-même avait grand peine à dissiper la pénombre omniprésente. Cette dernière dissimulait de nombreuses cuves mako incubatrices, lesquelles renfermaient des amas de chairs entremêlés, donnant naissance à des silhouettes difformes et cauchemardesques. Certaines de ces monstrueuses créations frémissaient encore de vie, prises de quelques rares spasmes, échos d'une lutte torturée qui se jouait à l'intérieur d'elles. Toutes souffraient en silence. Mais le scientifique n'avait cure de leurs plaintes discrètes, elles étaient condamnées après tout, et finiraient par s'éteindre bien assez tôt dans ce tombeau morbide. La pièce quant à elle, encore d'un blanc immaculé, était éclairée de quelques pauvres loupiotes vertes, disposées ici et là. La façon parfaitement aléatoire qu'elles avaient de clignoter témoignait d'un manque cruel d'entretien. Elles avaient probablement été reconditionnées des dizaines de fois à la hâte. L'homme pesta tandis que l'une d'entre elles venait d'éteindre sur lui sa lumière pour la 3ème fois. Il frappa d'un coup sec sur le sommet de la coupole, en vain. Dans un soupir débordant de mauvaise humeur, il s'empressa d'attraper un néon rouge qu'il posa sur la table sans trop de soins. Il n'avait pas de temps à perdre avec ces conneries, il devait impérativement terminer son travail avant la fin de la matinée. Celle-ci touchait d'ailleurs à sa fin et ne lui laissait qu'une petite heure avant de conclure son chef-d'œuvre.

Le scientifique respira un grand coup afin d'emplir ses poumons de l'air chaud et recyclé de son casque. Une large vapeur s'échappa de sa bouche, avant de venir se déposer en une buée grasse sur ses lunettes de vision. Il sentait l'épuisement commencer à tirailler chacun de ses muscles et de ses os. Son corps tout entier lui brûlait atrocement. Voilà 7 mois qu'il travaillait d'un rythme effréné sur ce qu'il considérait être comme l'œuvre de toute sa vie. S'il travaillait avant tout pour justifier de sa nécessité auprès de l'armée, l'engouement qu'il éprouvait à l'égard de son projet était en revanche purement personnelle.

Sa carrière avait commencé il y a de ça bien longtemps maintenant, quasiment en même temps que celle du professeur Hojo. Si le succès de ses cuves mako l'avait porté au rang de scientifique éminent de la ShinRa, c'est surtout sur ses travaux secrets et innovants qu'il avait concentré toute son attention. Aujourd'hui plus que jamais, il sentait qu'il touchait au but. Son corps ne pouvait pas flancher maintenant, c'était inconcevable. Déterminé, il mobilisa les dernières forces qui lui restaient pour achever son travail. Juste à temps...

La pénombre de la pièce fut subitement anéantie par la lueur intermittente du gyrophare de l'alarme, celle-ci postée au-dessus de la grande porte blindée de l'entrée. Son bruit, aussi incessant que perçant, fit sursauter le scientifique dans un juron accusateur. Il venait tout juste de déposer le dernier rouage à son édifice.

L'homme plissa les yeux afin de distinguer la silhouette aveuglante qui venait d'entrer. La lumière blanche du couloir avait brûlé ses rétines tandis qu'il venait de passer plusieurs heures dans le noir. Après qu'il se soit de nouveau habitué à son contact, il comprit que son visiteur n'était autre que le chef suprême des armées, venu voir en personne la conclusion de son œuvre. Le guerrier dépassait le scientifique de deux têtes au moins, et le jugeait d'un regard aussi mauvais qu'insensible. Tous deux échangèrent un long silence avant que les yeux froids du tueur se tournent vers l'établi, où reposait l'objet convoité.

— Est-ce prêt ?

Trancha-t-il d'une voix sombre et grave. Le scientifique laissa s'échapper un rire fier et diabolique, couvert d'un voile gras qui témoignait de l'état pitoyable de ses poumons. Il frotta ses mains dans un sens, puis dans l'autre. Un tic particulièrement agaçant qu'il répétait chaque fois qu'une idée malsaine naissait dans les fins-fonds de son esprit tordu. Enfin il se retourna vers le fruit de sa dure labeur. Il saisit l'objet, fin prêt, avant de le présenter à son interlocuteur, fièrement. Le tout tenait dans les deux mains. D'une forme rectangulaire, il était facile à transporter, quoiqu'un peu lourd. Sur chacune des deux extrémités pendait un long câble de bronze, tous deux reliés à l'une des cuves mako de la pièce. Un flux de matières semblait animer l'objet, comme l'aurait fait un cœur recevant l'afflux sanguin des deux artères conditionnées pour l'alimenter. La lumière vive et verte de l'énergie mako faisait briller les yeux clairs du guerrier, qui s'était approché pour voir les détails les plus subtils de la machine.

— Il est fin prêt ! Vous avez devant vous le tout dernier modèle de connecteur neuronal, alimenté à l'énergie Mako. J'ai boosté les capteurs afin de leur octroyer une sensibilité maximale ! Après quelques tests en situation réelle, je devrais être en mesure de pouvoir l'expérimenter directement sur notre sujet privilégié.

— Encore des tests ? Je croyais vous avoir expressément dit de faire au plus vite. Vous avez déjà 1 mois de retard dans vos délais...

— Je le sais bien ! Mais faites donc preuve d'un peu de jugeote ! Je ne vais en aucun cas risquer de perdre la viabilité de notre hôte pour une simple question de temps ! J'ai patienté toute une vie dans l'attente de ce jour précis vous savez. Nous n'en sommes plus à quelques jours prêts. Les conditions doivent être parfaites, et les calculs, optimisés au détail près.

Le guerrier émit un râle rauque alors que le scientifique mettait à l'épreuve le peu de patience déjà épuisée qu'il avait. Il s'approcha encore plus du petit homme, saisissant sa gorge avant de commencer à serrer. De son autre main, il entreprit de défaire une à une les sangles de sécurité du masque à gaz. Étrangement, lui ne craignait nullement les vapeurs toxiques qui stagnaient dans l'air. Il savait que ce n'était pas le cas du scientifique.

— Vous me faites perdre mon temps... J'ai accepté de laisser mon armée sous terre de nombreux mois encore après notre libération, et ce dans l'unique but que vous me fournissiez à temps l'arme que vous avez promis de créer après la mort de mon frère. À présent, mon armée livre bataille en ce moment même à la surface, et je ne suis pas à ses côtés pour la guider. Au lieu de ça, je suis venu écouter les fantaisies d'un vieux fou qui a encore échoué à satisfaire les promesses qu'il s'était engagé à tenir !

Le soldat retira d'un geste violent le masque jusque-là scrupuleusement porté par le scientifique. Aussitôt, le souffle de ce dernier se crispa de douleur, tandis que de longs couteaux invisibles se glissaient pour danser vicieusement à l'intérieur de ses poumons. Ses yeux, subitement gorgés de sang, menaçaient de céder d'un moment à l'autre. Mais c'était plutôt dû à la prise musclée de son bourreau en l'occurrence, qui serrait toujours un peu plus la chair fragile de son cou. Impassible, ce dernier continua ses remontrances sans la moindre inquiétude de voir ce brillant et précieux cerveau rendre son dernier souffle.

— Ma patience est arrivée à terme ! Votre vie n'a aucune valeur à mes yeux, sombre mortel. Vous vivez encore et uniquement pour la qualité de vos talents, si je ne peux en profiter, alors je n'ai aucune raison de vous laisser continuer à respirer l'air dont vous nous avez vous-même privé pendant si longtemps !

Le scientifique gesticulait, saisit de ses premiers spasmes. Son corps luttait pour conserver la vie, animé par les champs électriques de son cerveau, dont les signaux s'alarmaient et se manifestaient en une peur effroyable, qu'on lisait sans mal dans le regard du pauvre malheureux. Il tenta d'ouvrir la bouche afin de plaider sa cause, mais un simple souffle inaudible fut la seule contestation qu'il arriva à formuler. Penchant la tête sournoisement sur le côté, le cruel tortionnaire plissa les yeux un instant, comme pour chercher à comprendre la raison de toute cette agitation chez la proie qu'il était en train de malmener. Finalement, il lâcha sa prise, laissant le corps du scientifique retomber lourdement sur le sol.

La victime se mit aussitôt à tousser, ses poumons se déchirant pour évacuer en une gerbe de sang l'infection qui s'était emparé d'eux. Bien vite, le faible petit humain attrapa son masque pour retrouver la sécurité temporaire de son air recyclé. Il tremblait comme une feuille, et avait bien du mal à renouer les sangles de son heaume. Reprenant difficilement son souffle, il reformula sa plainte maintenant que sa gorge était libre de toute emprise.

— Je n'ai besoin que de quelques jours seulement... Mon œuvre est terminée et parfaitement accomplie, il me faut uniquement vérifier et programmer les séquences de transfert... Nous sommes si prêts du but ! Ne faites pas la bêtise de renoncer maintenant !

Le guerrier observait sa proie de haut, d'une posture droite et immobile. Son regard glacé jugeait le corps chétif et vulnérable qui s'agitait au sol, parlementant pour gagner encore un peu de temps à vivre. Au-dessus d'eux, à quelques kilomètres de là, son armée était en déroute devant l'arrivée inattendue des renforts de la résistance. Il n'avait pas plus de temps à perdre en compagnie de ce lâche incompétent et inutile. Toutefois, peut-être avait-il raison sur un point. Le projet touchait en effet à son terme, et il serait ridicule de réduire à néant des mois d'efforts et de patience une fois si près de la fin. Il se résigna à se ranger finalement du côté du scientifique. S'il échouait, sa mort n'en serait que plus justifiée. Lentement, il tourna le dos à la scène pour faire de nouveau face à la lumière. D'un pas lourd il prit la direction de la sortie, sa large silhouette claire se confondant peu à peu de nouveau avec la blancheur du couloir.

— Vous avez 3 jours. Je vous conseille de réussir... Vous avez épuisé toutes vos secondes chances, professeurs. Si vous échouez cette fois encore, ce sera au prix de votre vie.

Les portes se refermèrent, et la pénombre enveloppa de nouveau avec aisance et rapidité la totalité des lieux. Doucement, le scientifique se remit de son effroyable entrevue. Il lui fallut bien 5 bonnes minutes avant de calmer les tambours infernaux de son cœur, qui le lançait jusqu'à les faire raisonner dans sa tête. Cette dernière bourdonnait encore et il dut se tenir au rebord de la table au moment de se relever, afin d'essuyer les conséquences d'un terrible vertige. Heureusement, la machine n'avait rien. C'était le plus important. Il inspecta soigneusement cette dernière avant de la ranger précieusement dans une large malle de fer. Contre toute attente, une fois la pression retombée, l'homme se remit à rire, avec plus d'intensité encore. Il s'arrêta toutefois devant l'obligation de cracher quelques gerbes de sang supplémentaires. Puis, dans un geste rempli d'amour, il caressa la surface de la malle avec tendresse.

— Oh mon cher Weiss... Je n'échouerai pas, et croyez-moi, j'en fais le serment, lorsque mes efforts seront finalement couronnés de succès, celui-ci causera votre perte... 

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