FINAL FANTASY VII - L'aube écarlate

Chapitre 4 : Pour le meilleur et pour le pire

5989 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/10/2021 13:45

Les trois hommes fixaient en silence les indicateurs lumineux qui défilaient au-dessus de leur tête. Loin d’être un spectacle passionnant, ni même intéressant, il n’y avait que ça à faire pour occuper l’ennui et l’impatience imposés par la paresse de l’ascenseur. Il y eut bien un petit rebondissement, lorsque les portes s’ouvrirent pour laisser accueillir le visage charmant d’une jolie jeune femme, mais celle-ci prit peur en découvrant le drôle de trio qui la dévisageait aussitôt. Elle se ravisa et emprunta plutôt l’escalier de service. Veld ne put retenir un petit sourire amusé, tandis que leur balade immobile reprenait sa “folle” course.

— Il semblerait que nous n’ayons point l’air sympathique...

S’amusa le vieux Turks, tandis que Tseng lui répondit dans un soufflement tout aussi révélateur.

— Tu as l’air bien trop sérieux, et tu as beaucoup trop de cicatrices, cela a dû l'effrayer.

— Tu t’es vue ? Avec tous tes bandages tu ressembles davantage à une momie qu’un être humain normalement constitué... Moi je pense plutôt que c’est toi qui l’ai effrayé.

Les deux amis échangèrent un rapide regard complice, avant de se concentrer de nouveau sur la silhouette calme et immobile de leur chef. Lui ne semblait pas vouloir participer au débat. Son attention changea toutefois bien vite lorsque la sonnerie soudaine d’un téléphone tira le trio de son silence.

— Tseng j’écoute…… Je vois, qui est sur place ? ….Bien, rassemblez tous les témoignages et faites-moi parvenir un rapport complet de la situation. Ne négligez aucun détail...… Oui je lui transmets, merci. 

Le jeune Turks, dont les nombreuses plaies étaient à présent devenues superficielles, rengaina son téléphone dans un calme olympien, malgré la gravité des faits qu’il s'apprêtait à exposer. C’est d’un même ton mesuré et limpide qu’il s’adressa ensuite à Rufus Shinra.

— Monsieur, on m’informe que l’ancien chirurgien du département scientifique, Bill Carter, a été victime tôt ce matin d’une embuscade sur le chemin le conduisant vers nos bunkers de Healin. Il vient d’être retrouvé mort. Monsieur, c’est la 3ème attaque cette semaine. 

Le regard toujours rivé vers le haut des portes, Rufus Shinra demeurait immobile, parfaitement impassible aux paroles de son employé. L’ex-Président tournait le dos à son escorte, pourtant pendu à ses lèvres elle. Veld et Tseng s'échangèrent un bref regard perplexe devant le mutisme de leur leader. Après quelques longues secondes enfin, il prit la parole, inspirant longuement comme pour donner plus de poids à ses mots.

— Notre ennemie connaît de toute évidence l’emplacement de nos planques, et les routes qui y mènent… Nos tentatives d’extractions sont un échec, passons au plan B.

— Bien Monsieur, dois-je prévenir la WRO afin qu’elle puisse augmenter sa capacité d’accueil ?

— Inutile, nous sommes en chemin pour aller parler à Reeve. Je lui exposerai les faits en personne.

— Bien Monsieur. Dois-je dans ce cas faire rapatrier nos collaborateurs déjà sur place ?

— Non, pas pour l’instant… Évitons d’attirer davantage l’attention sur nos hommes, et faisons profil bas.

Tseng et Veld hochèrent la tête de concert. Enfin, le ding cinglant de l'ascenseur annonçait la fin de leur périple. Ils étaient tous trois arrivés au sommet de la nouvelle et clinquante tour de la WRO, là où devait se jouer le sommet réunissant les membres du Conseil décisionnaire de la coalition. Rufus y occupait naturellement une place de choix. Principal soutient financier, il épaulait également très souvent Reeve dans ses nouvelles obligations de dirigeant. Très impliqué dans les plus récents évènements, Rufus Shinra avait aussi largement contribué à l'appréhension des menaces pesant sur Gaïa depuis peu. Il avait mit à disposition sa technologie et d'importants moyens humains au service de la WRO. En effet, nombreux des anciens employés de la ShinRa avaient retrouvé un emploi au sein de la nouvelle organisation de Reeve. Ainsi, de brillants chercheurs, techniciens, biologistes et scientifiques pouvaient de nouveau user de leur savoir, cette fois-ci à des fins plus nobles. Cette implication garantissait à Rufus une certaine transparence sur les divers sujets traités par la WRO. Il était en permanence au courant de tout. Disperser ses pions sur tous les fronts avait du bon, et dans ce domaine, l’ex-Président Shinra avait toujours excellé. C’est donc confiant de ses informations, et de son statut, que notre homme s’élançait à présent dans l’interminable rangée de couloirs, à la recherche de son interlocuteur, Reeve Tuesti.

Ce dernier l’attendait de pied ferme, et fut presque soulagé de le voir enfin arriver. Non peu fier d’être accueilli comme un sauveur, Rufus hocha rapidement la tête pour saluer son hôte, un sourire suffisant au bord des lèvres.

— Monsieur le Président, quel plaisir de vous voir parmi nous. Votre présence au conseil d'aujourd'hui est grandement apprécié.

Reeve avait comprit avec le temps qu'user de la flatterie avec un ShinRa était toujours bon à prendre, afin de faciliter les échanges.

— Je ne fais que tenir mes engagements, Reeve. Alors... Avez-vous réussi à rassembler tous les membres du conseil ?

Reeve grimaça, il avait subitement le regard fuyant. La réponse du grand blond ne se fit pas attendre, adressant aussitôt un regard foudroyant au vieil homme, avant que celui-ci ne se confonde en excuses.

— Cid est en chemin. Avec lui devrait se trouver les derniers membres d’AVALANCHE. Je suis sûr qu'ils seront bientôt là...

— Je vois… Comment s’est déroulée la défense de Edge ?

— L’ennemi s’est replié tard dans la nuit, après que notre soutien aérien est bombardé les lignes Nord de la ville, là où semblait se concentrer le plus clair de leurs forces. 

— Bien… Nous avons un instant de répit donc…

Conclu rapidement le Président Shinra en se tournant vers la vitre donnant sur l’extérieur. Reeve et lui passèrent quelques secondes à observer l’horizon, dans le silence. Tous deux savaient que ce répit serait de courte durée, et que bientôt, l’ennemi redoublerait d’efforts dans une prochaine attaque.

— Edge brûlera… Elle est condamnée quoi qu’il arrive, quoi que nous tentions de faire... Vous le savez tout autant que moi, n'est-ce pas ?

Continua Rufus, dans une expression plus froide encore que la glace. Sa voix résonnait comme le craquement désagréable du tonnerre au milieu d'une nuit calme. Horrifié par de telles paroles, Reeve tourna des pupilles pleines d'effroi en direction du Président. Il n’avait pas de mots pour commenter le constat pessimiste dressé par son invité. Rufus jugeait dans cette expression benêt que le fragile et innocent Reeve Tuesti était décidément encore bien loin de faire un bon leader. Lui aurait été bien meilleur, sans aucun doute. Si le vieil homme refusait de s'endurcir, ou même de regarder la vérité bien en face, il y avait de forte chance pour qu'il entraine toute la WRO dans sa chute... Dans un soupire qui en disait long, Rufus décida tout bonnement d'ignorer les états d’âme de son interlocuteur. Préférant changer de sujet, il se dressa de nouveau face à lui, l’air autoritaire et sûr de lui.

— Puis-je profiter de ces quelques instants que nous avons devant nous afin d’aborder un sujet d’ordre plus personnel ?

— Bien sûr...

La froideur du Président était déconcertante, et son insensibilité avait le don de déstabiliser le pauvre Reeve, qui ne s’était pas encore remis de sa précédente révélation. Rufus hocha la tête, ne lui laissant pas le temps de s’attarder plus longtemps sur un sujet qu'ils auraient tout le loisir d'aborder en public, une fois le sommet de débuté. 

— Bien, je voulais aborder avec vous un sujet crucial, celui de la sécurité au sein de votre établissement... Vous n’êtes pas sans savoir que je confie à vos bons soins nombreux de mes anciens collaborateurs, de brillants esprits dignes de confiance, qui ont largement contribué à la grandeur de la compagnie autrefois, et qui, je crois savoir, vous sont d’une aide remarquable aujourd’hui à la WRO... Pour tout vous dire, j’avais dans l’intention de continuer à rapatrier nombre de ces braves gens au sein de votre quartier général. Une occasion pour eux de trouver sécurité et confort, en échange de leur savoir précieux. Toutefois, ayant eu vent de vos projets, Reeve, je voulais vous demander comment comptiez-vous assurer la sécurité de toutes ces personnes, en accueillant ici même, en ces lieux, la personne qui se présente comme leur bourreau…?

Politicien dans l’âme, Rufus avait l’art de savoir présenter les choses dans une approche tout à fait singulière et assommante. Pour autant, il ne fallait pas sous-estimer l’homme qui se dressait devant lui. Reeve avait lui-même travaillé pour la ShinRa avant d’occuper le rang qui était le sien aujourd’hui. Il avait été responsable du département urbain, et occupait jadis le siège d’un Directeur sous les ordres du père de Rufus. Le chef de la WRO était accoutumé aux pirouettes de langages de la famille Shinra, et il ne lui avait pas fallu longtemps avant de comprendre de quoi Rufus l’accusait aujourd'hui.

Contrarié, l’accusé jeta un regard déçu à l’égard de Tseng. Lui seul pouvait avoir vendu la mèche. Mais pouvait-il réellement s’attendre à ce qu’il en fût autrement… Tseng était d’abord sous les ordres de Rufus avant d’être sous les siens après tout. Dans un soupir prêt à avouer, Reeve repris de manière bien plus concise que son interlocuteur. Reprenant calmement, le chef de la WRO ne se laissa point déstabiliser cette fois-ci

— Marù n’est pas notre ennemie... Elle est seulement perdue. Si nous pouvons rétablir le dialogue avec elle, nous parviendrons à la raisonner... Et peut-être même réussirons-nous à la convaincre de nous aider. Elle a besoin de nous autant que nous avons besoin d'elle...

— Tout ceci est très émouvant Reeve, mais je pense que vous vous fourvoyez. 

Rufus imposa le silence, gonflant le torse tandis qu’il jetait également un rapide coup d'œil à Tseng, comme pour l’inclure également dans son accusation. Ce dernier détourna le regard, et l'ex-président fut satisfait de voir le message était passé. Il reprit, dénué de sentiments, comme à son habitude.

— Cette femme est une menace pour nous tous. Elle est animée d’un pur instinct de vengeance et ne jure que par le sang des victimes qu’elle se délecte de tuer. Elle est instable, c’est une dangereuse psychopathe et il n’y a rien de plus à dire sur elle, encore moins à attendre d’elle. Il faut l’éliminer. Sinon, vous et moi pourrions bien être les prochains à rejoindre le menu de son funeste barbecue.

— Ainsi il n’est plus seulement question de vos hommes tout d’un coup, mais bel et bien de votre propre sécurité… 

— Votre nom figure très certainement sur cette liste, tout comme le mien, Reeve. Vous êtes tout aussi exposé au danger que moi. 

— Oh je ne crois pas non… Personnellement monsieur Shinra, je ne suis pas agité d’un quelconque cas de conscience pour ma part…

Les deux hommes se regardaient en chien de faïence, l’un comme l’autre cherchant à sortir dominant de cette conversation. La tension était palpable dans l’air et personne ne semblait disposé aux concessions. Rufus campait sur ses aprioris mais Reeve tenta d’aborder de nouveaux arguments afin de remporter le débat. 

— Elle connaît notre ennemi mieux que quiconque, elle détient bon nombre d'informations qui pourrait considérablement changer nos chances de l'emporter... Son aide est primordiale.

Toute aide était bonne à prendre, cela va de soit, l’ex-Président Shinra n’irait pas dire le contraire. Marù détenait très probablement de précieuses informations, mais il ne voulait nullement payer le prix d’une vie afin de les obtenir, encore moins s’il s’agissait de la sienne. Rufus ne prendrait jamais un tel risque, et il se chargea de le faire comprendre au chef de la WRO, qu’il jugeait bien irresponsable dans cette affaire.

— Vous savez, je ne suis pas le seul que vous aurez à convaincre dans cette histoire Reeve… Il va falloir vous montrer très persuasif afin de faire accepter aux autres l’idée de prendre un tel risque.

— C’est justement un sujet dont j’aurais plaisir à débattre tout à l’heure, monsieur le Président. Et… N’ayez crainte, je saurais me montrer à la hauteur de vos attentes.

Ironisa le chef de la WRO avec un peu plus de légèreté, offrant une conclusion partiellement acceptable afin de remettre à plus tard le point final de ce débat. Pas de gagnants pour le moment, mais nul perdant non plus. Rufus toléra cette alternative et hocha la tête, sèchement. Tseng pour sa part, détourna maladroitement le regard, gêné d’être à la source de toutes ces tensions, quand bien même il était légitime pour tout le monde d’avoir connaissance de ce sujet. Le Turks était secrètement soulagé que cette discussion se retrouve dans les sujets à aborder auprès du conseil. Si Rufus semblait pour le moins réticent, Tseng quant à lui espérait encore qu’une solution pouvait être trouvée concernant le cas de Marù. Le président Shinra leva finalement la main dans un geste directif, afin de couper court à la conversation, et signaler à son escorte qu’il était temps de partir.

— Je vous retrouve donc en salle de réunion, Reeve, où nous pourrons, je l’espère, nous accorder sur la réponse adéquate à donner à cette divergence.

— Avec grand plaisir, je vous dis à tout à l’heure dans ce cas, Monsieur Shinra.

Sans un mot de plus, les représentants de la feue Shinra s’éloignèrent afin de regagner les quartiers désignés à la réunion de ce jour. De son côté, Reeve retrouva le silence qui l’avait accompagné jusqu’alors. Fort heureusement, il n’aurait plus à attendre longtemps avant de voir Cid et ses compagnons arriver à leur tour. Le Conseil allait bientôt pouvoir débuter.





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~ ♪ ♫ ♪ ~

[...] Emportés par la foule qui nous traîne, nous entraîne

Écrasés l'un contre l'autre, nous ne formons qu'un seul corps

Et le flot sans effort nous pousse, enchaînés à l'un et l'autre

Et nous laisse tous deux épanouis, enivrés et heureux. 

~ ♪ ♫ ♪ ~



La musique résonnait depuis plus d’une heure à tue-tête dans l’aéronef de Cid. La Shera avait tous ses hauts parleur d’ouverts et l’équipage pouvait profiter, malgré lui, des goûts musicaux très vieux jeu du capitaine. La playlist imposée par ses soins était toutefois loin de faire l’unanimité sur le pont. Barret fut sans surprise le premier à contester, après avoir épuisé tout de sa maigre patience.

— Ciiid ! Éteint moi ce boucan avant que je n’arrache moi-même tous les hauts parleur de ce navire, les uns après les autres !

— Ferme-là vieux bouc ! Si tu trouves à redire des règles imposées ici, je t’invite à sortir ! On ne manque pas de parachutes ici ! Dans l'hypothèse ou ils supporteraient ta vieille carcasse.

Tandis que les deux anciens se chamaillaient, Cloud et Tifa profitèrent des dernières minutes de vol en débriefant à l’avant du pont... Ils étaient soucieux. Quitter Edge après une aussi rude bataille n’était pas sans risque. La situation restait préoccupante, quand bien même la ville étaient pour l’heure sous contrôle. Tous deux le savaient, une autre attaque ne tarderait pas à survenir.

— Ils ne tarderont pas à revenir... Toute cette mascarade n’était qu’un test. Ils se sont bien trop vite repliés… Ils avaient pourtant le nombre de leur côté. Je crois qu'ils cherchaient seulement à mesurer nos forces. 

Cloud parlait avec clame malgré la gravité des faits. Pensif, il avait les yeux perdu dans l’horizon infiniment bleuté. Tifa hocha la tête, acquiesçant avec tristesse cette douloureuse réalité. Elle aussi semblait chercher des réponses par delà le coussin nuageux qui défilait sous leurs pieds.

— Ils sont bien équipés, bien organisés, et si tes soupçons s’avèrent exacts, nous devons nous attendre à ce qu’ils soient encore plus nombreux sous la surface… Combien sont-ils exactement…?

— Il y a des questions plus urgentes… Qui sont-ils, et que veulent-ils…

— Reeve en sait peut-être plus que nous. Cette réunion a du bon, même si elle ne tombe pas au meilleur moment…

La jeune femme avait raison, et bien que ce déplacement leur coutait, ils étaient tous deux suffisamment lucides pour comprendre les enjeux de ce rassemblement.

Bientôt devant eux, se dessinait d'ailleurs le sommet de la nouvelle tour du quartier général de la WRO. Perçant les nuages de sa hauteur vertigineuse, sa couleur immaculé se confondait presque avec le tapis de nuages cotonneux. Les subventions gracieusement offertes par Rufus Shinra auraient été plus utiles à investir dans l'équipement, ou la formation des miliciens, pensa Cloud silencieusement. Il soupira à l’idée de revoir certaines de ces personnalités qu’il n’appréciait guère. Lui ne croyait guère à la rédemption si soudaine de l'ancien président Shinra. Mais la paix avait un prix, se répétait-il sans cesse. Si celui-ci était de travailler main dans la main avec Rufus Shinra, alors il devrait s'y plier sans broncher. Notre héros relativisait, il faisait au moins confiance à Reeve, bien que celui démontre souvent des signes d'incompétence... Quelle drôle d'équipe lui avait-on donné là. Mais si l'épidémie des Géostigma lui avait apprit quelque chose, c'était bien que l'union fait la force au cœur de l'adversité, quelle qu'elle fût.

Après une descente pour le moins musclée, Shera se posa enfin. Le vacarme si singulier de ses moteurs finit par cesser de gronder, et l’imposant navire allait pouvoir bénéficier de tous les bons soins de l’équipe technique avant le prochain vol. Après quelques dernières directives, Cid s’empressa de rejoindre le reste du groupe. Le capitaine posa les yeux sur sa montre avant de grimacer.

— On est en retard les gamins ! On va sûrement être les derniers. Reeve va encore nous tomber d’ssus.

— Qu’est-ce que ça peut bien faire ! Tu as peur de lui ?

Le targuait Barret gentiment, dans un rire rauque dont il avait la signature. Cid reprit de plus belle en râlant de sa voix portante, comme il savait si bien le faire. Tifa dû intervenir pour quémander de la concentration et le sérieux des deux hommes. Alors que le petit groupe approchait de l’entrée, une silhouette familière s’empressa de venir les accueillir dans un large sourire.

— Shera ! Quel plaisir de te revoir !

S’exclama Tifa, qui prit rapidement les mains de son amie avec beaucoup de bienveillance. Celle-ci hocha la tête à plusieurs reprises, visiblement très secouée de les voir enfin arriver.

— Quel soulagement vous allez bien ! Le Directeur et moi-même avons veillé toute la nuit à vous attendre…

— Pouah ! Tu parles, ça n’était pas nécessaire ! On connaît notre boulot !

Enchérit Cid en se grattant le dessous des narines. Après que les retrouvailles furent échangées, la scientifique se permit d’ouvrir la marche afin de guider AVALANCHE dans l’immense complexe jusqu’à la salle de réunion. En tête de file avec elle, Cloud en profita pour prendre la température et sonder la situation.

— Alors, où en sommes-nous ...?

— Et bien, Rufus Shinra est arrivé tôt ce matin, il est accompagné de Monsieur Veld et de Tseng, qui animeront également la réunion d’aujourd’hui. Vincent lui nous fait l’honneur de sa présence depuis plus d’un mois, vous aurez la joie de le retrouver tout à l’heure. Quant à mademoiselle Yuffie, elle est arrivée il y a quelques jours déjà, en compagnie d’un autre représentant du Wutaï, mais je ne sais pas bien qui, je ne le connais pas… De notre côté, moi-même et la directrice du département scientifique, Shalua, interviendrons aux côtés du Directeur Tuesti, afin de présenter l’ensemble de la situation et de proposer un plan d'actions face à la crise que nous traversons.

— Vous en savez donc déjà plus que nous… D’où est-ce que Reeve et son équipe scientifique tiennent-ils donc toutes ces informations ? 

— Nous aurons l’occasion de vous expliquer tout cela en détail d’ici quelques instants, c’est promis Cloud. Pour l’heure, nous devons nous presser, vous êtes les derniers arrivés, tout le monde vous attend. 

Quoique frustré de cette réponse, Cloud se plia aux directives, jetant un regard à Tifa qui semblait partager ses doutes. Heureusement, tous seraient bientôt fixés quant à l'avenir qui les attendait.

Quelques étages plus loin, et quelques couloirs plus tard, le petit groupe arriva finalement devant l’entrée d’une large pièce, s’articulant en un dôme parfait. Ses larges baies vitrées offraient une vue panoramique saisissante sur l’extérieur, renforcé par la hauteur démesuré de la structure. Tel un somptueux amphithéâtre, la pièce plongeait en profondeur, alignant des rangés de sièges, chacun surplombé de leur bureau, et tous dotés d’écrans interactifs. Au centre de la pièce, en contrebas, le cœur de l’attention était accaparé par une imposante table ronde, laquelle chérissait une technologie de pointe en son centre. Un dispositif holographique affichait en 3D une sphère aux couleurs bleutée, légèrement transparente, représentant Gaïa. Pour l’heure, l’animation stagnait sur une rotation très douce et lente de la planète. Le spectacle serait sans nul doute plus attractif une fois la réunion commencée. Il y avait foule, et sans plus attendre, le reste d’AVALANCHE se mêla à l’effervescence des lieux. Cloud évita soigneusement le contact visuel avec Rufus Shinra, et se dirigea plutôt directement en direction de Vincent et Yuffie, qui les attendaient à l’autre bout de la pièce. Les retrouvailles furent chaleureuses, quoique de courte durée. AVALANCHE maintenant au complet, Shalua, la directrice du département scientifique de la WRO, fit rapidement son entrée, suivie de près par Reeve Tuesti. Shera partie les rejoindre, et leur rassemblement annonça le début officiel de la réunion. Chacun prit place, le silence trouvant finalement sa place tandis que l'hologramme se mettait déjà à réagir en présence de son Président. Tous affichaient le même air grave et sérieux sur le visage. Le meeting s’annonçait tendu, et il allait l’être, sans conteste…





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« Banora - Jour 263 : Les derniers tests sanguins sont encourageants. La compatibilité cellulaire semble stabiliser l’état de Genesis et ralentir temporairement la dégénérescence des tissus infectées. Il me faudrait élaborer un stabilisateur, une technologie auto-générante de cellules souches issues du traitement. Je manque malheureusement de matériel ici. Mais avec un peu de chance, l’équipement d’Hollander se trouve encore à Modeoheim. Il serait précieux de pouvoir mettre la main dessus. Le temps presse, je dois convaincre Genesis de m’y emmener.  »


- Extrait du journal “L’aube écarlate” - le 25 Août 1439




Le timide écho d’un piano fatigué résonnait dans les couloirs poussiéreux et délabrés du manoir qui fut autrefois notre foyer. Seule avec mes songes, je pianotais au hasard la surface irrégulière des touches immaculées de l’instrument. Le plafond, éventré au-dessus de ma tête, pleurait en écho à ma mélodie sinistre, faisant s’abattre sur moi une pluie chaude de mousson. Depuis plusieurs semaines maintenant, Banora dévoilait tout l’éclat de ses magnifiques couleurs d’été. En un an à peine, la nature semblait avoir repris ses droits, et déjà, les fleurs et les plaines aux teintes pourpres couraient sur des kilomètres dans une danses éblouissantes, ou s’exprimait de nouveau en toute liberté la magie de la vie. Il faudrait toutefois encore plusieurs années avant de revoir pousser les célèbres pommes-sottes de Banora, qui avaient jadis fait la richesse de ma famille. Par endroits, les cadavres des arbres calcinés se mélangeaient encore aux ruines du village, endormi à tout jamais. Cet endroit, ce cimetière… Je ne comprenais pas pourquoi Genesis avait choisi d’en faire son repaire. Ce n’était plus chez nous, cela n’avait plus rien de notre chez-nous d'antan. Comme une cicatrice qu’il refusait de voir se refermer, ou même de guérir, il avait choisi de rester ici par symbolisme. Mais quel symbole autre que la mort pouvait-il bien entrevoir ici ? Je n’avais de cesse de m’interroger. Partout où j'allais, je voyais les fantômes de nos parents, de nos voisins. Je voyais Gillian, m’attendre sur le pas de la porte avec son sourire si singulier, éteint lui aussi à jamais... Je ne supportais plus de rester ici. Mais plus fort que le désespoir qui se trouvait en ces lieux, il y avait mon frère, et c’était bien là la seule raison pour laquelle je me trouvais encore à Banora.

Genesis était justement là lui aussi, je sentais sa présence dans mon dos. Silencieux qu’il était, il m’écoutait jouer, probablement alerte du message porté par mes notes. Son visage fermé laissait s’exprimer de petits yeux tristes. Partageait-il ma peine ? Ces derniers temps, il devenait de plus en plus difficile pour moi de parvenir à le cerner. La souffrance et le fardeau qu’il portait devaient très certainement le peser plus qu’à moi. Mais Genesis était un combattant, un survivant. Malgré le mal qui rongeait sa chair, autant que son esprit, il était plus que jamais déterminé à s’en sortir. À quel prix toutefois, c’était la grande question à laquelle je me devais répondre... Juste après celle de savoir combien de temps cela prendrait-il.

Partager mon sang avec lui semblait au moins ralentir la propagation des chairs infectées, même si par endroits, certaines parcelles de son corps étaient déjà malheureusement, irrécupérables. Depuis quelque temps déjà, ses cheveux avaient même commencé à se teinter de mèches argentées. C’est d'ailleurs à l'apparition de ce nouveau symptôme qu’il avait commencé à changer, à se renfermer sur lui-même. Il m'étais pénible et difficile de le voir dans cet état... Jusqu’ici, il lui avait toujours été possible de cacher l’ensemble de ses tares sous ses vêtements, et ignorer ainsi leur présence afin de se concentrer pleinement sur ses objectifs et sa guérison. Mais à présent, chaque fois qu’il se regardait dans le miroir, il voyait cet homme malade et faible, menant à mal l’image du SOLDAT fort et brillant qu’il fut jadis. Mon impuissance devant cette pensée me révolta et mon poing s'abattit subitement de frustration sur les touches du piano, qui soupira d’agonie. La voix de mon frère résonna aussitôt, m’obligeant à mettre en suspens cette pénible réflexion. 

— Tu m’as habitué à mieux, je ne suis pas mécontent que tu te sois enfin arrêté. Ton morceau avait quelque chose de purement sinistre…

— Quelle critique infâme tu fais ! Je ne t’ai jamais demandé de m’écouter jouer. Encore moins de me donner ton avis… 

Il feinta un sourire, que je devinai loin d’être sincère, puis il s’approcha, venant s’asseoir à mes côtés. Ses yeux se perdirent dans l'horizon grise, tandis que la pluie commençait à l’attaquer à son tour. Il inspira longuement, mais je le pris au dépourvu en parlant la première. 

— Genesis… Il me faut plus de matériel… Je dois essayer de stabiliser et synthétiser la molécule qui ralentit ta dégénérescence. Pour l’instant, nous savons qu’au moins cela, ça fonctionne. Cela nous laissera peut-être assez de temps pour trouver un traitement capable de te guérir à terme… Mais il nous faut la technologie de la Shinra pour y arriver. Toi et moi on sait qu’on ne pourra pas te transfuser éternellement, c’est purement de la débrouille… 

Il semblait acquiescer, hochant très brièvement la tête, toujours mué en un parfait silence. Mes yeux, rivés sur lui avec espoir, l’infligeait d’une pression invisible tandis que je reprenais la parole, puisqu’il ne daignait répondre.

— Les cuves d’Hollander sont toujours à Modeoheim. Si on parvient à mettre la main dessus et que je synthétise la molécule, tu prendras des bains de mako imprégné de ce traitement. Je suis pratiquement sûre que cela te fera même recouvrer des forces.

— Est-ce que tu sais seulement comment fonctionne le matériel d’Hollander, Marù ?

Sa question me laissa dénué de réflexion. Frustrée, je tournai la tête à son opposé, pestant tout en restant convaincue de ma démarche.

— Mais on doit essayer ! On doit saisir toutes les options, Genesis ! Le temps nous est compté !

Cet ultimatum le fit réagir et son visage s’embruma de contrariété. Lui plus que quiconque savait que le temps lui était compté. Il croisa les mains et prit un air solennel, presque grave. Il s’apprêtait à me parler en toute franchise et transparence, je pouvais le deviner à son regard. Je savais aussi que ce qu’il s’apprêtait à me dire serait très certainement loin de me plaire… 

— Je vais aller à Junon, libérer et récupérer Hollander…

— Quoi ?!

Il ne pouvait pas être sérieux... Hollander s'était servi de lui du début à la fin avant son emprisonnement. Jamais le scientifique n'avait eu la moindre intention de lui porter assistance. Cette ordure pourrissait dans les cellules de Junon depuis près d'un an désormais, pourquoi voulait-il aller le libérer subitement ? Mon égo en prit un coup. Était-ce parce que je n'étais pas à la hauteur ? Parce que je n'avais toujours pas de traitement pour le guérir ? Les questions s'alignèrent en confusion dans mon esprit, mais il y avait plus urgent que ma petite personne dans cette situation.

— Tu veux attaquer Junon ? Dans ta condition ? On parle de la cité la mieux protégée et la plus défendue de Gaïa là, on est bien d’accord ?

— Je le sais bien, mais si nous voulons progresser dans nos recherches, nous aurons besoin de la maîtrise d’Hollander, autant sur le plan matériel, que pour son savoir autour du projet G. Ne crois pas que cela me réjouisse, mais nous n’avons pas le choix, nous n’y arriverons pas seuls, Marù, du moins pas à temps j’en ai peur…

Le temps nous manquait-il donc à ce point ? Je me sentis subitement honteuse, remettant mes capacités en question. Je n’allais pas assez vite… Je n’avais toujours pas de solution. Plus que la pluie qui fouettait mon visage, c’était une véritable claque mentale que je venais de prendre en pleine figure, ni plus ni moins que la réalisation de mon échec. Je demeurai alors sans voix pendant de longues secondes. L’heure était grave, et bien qu’il me coûte de l’admettre, Hollander était celui qui possédait toutes les clés concernant les dessous du projet G. Je dû me résoudre à l’accepter. Toutefois, je ne pouvais concevoir l’idée de rester ici, seule, tandis que mon frère mal-en-point, s’en allait attaquer la cité la mieux gardée de la planète. Vivement, je plongeai mon regard dans le sien.

— Laisse-moi venir avec toi ! Tu n’es pas en état d’y aller seul ! 

— C’est hors de question ! Quand bien même, que pourrais-tu bien faire là-bas ? Tu n’es pas taillée pour la guerre.

— Apprends-moi !

— Et puis quoi encore… Sois raisonnable. J’ai besoin de toi ici. Itarù veillera sur toi le temps de mon absence. Je ne serais pas long, inutile de t’inquiéter. 

Genesis concluait toujours par des promesses lorsqu’il souhaitait voir se clore un débat. Il n’avait pas l’intention de céder quoi que ce soit, sa décision était prise et il était donc inutile d’essayer de parlementer avec lui. Comme d’habitude je n’avais plus qu’à me taire et obéir. Je secouai la tête tout doucement, l’air abattu et déçu.

— Et, quand prévois-tu de partir ?

— D’ici une semaine tout au plus. 

Il avait donc pris cette décision il y a quelque temps déjà... Il ne venait pas me demander mon avis, seulement m'avertir. Genesis ne devait pas échouer. S’attaquer à Junon était de la pure folie. Ses forces étaient comptées et sa durée de vie limitée. Avec cette opération suicide, mon frère risquait le tout pour le tout. Il n’avait pas le droit à l'erreur, ou bien, il y laisserait la vie... Au milieu de toute cette perspective pour le moins réjouissante, dans mon cas, je resterais ici à sagement l’attendre, seule, et incapable de l’aider autrement qu’en priant pour son retour. Cette perspective m'était insupportable. Je ne pouvais me résoudre à accepter une telle chose... N’y avait-il donc rien que je puisse faire ? Étais-je donc à ce point incapable de l’aider ? Étais-je tout bonnement, inutile ? En y réfléchissant bien, il y avait bien un moyen pour moi de me rendre utile… Oui, il y avait bien quelque chose que je puisse faire...



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