Tu le paieras un jour William Afton

Chapitre 18 : Curiosité malsaine

2720 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/10/2020 17:19

Les contours des dessins de William prirent forme dans les semaines qui suivirent. Les croquis lui permettaient de noyer sa peine et remonter doucement la pente avant l'arrivée du rendez-vous qui signerait la fin officielle de sa relation conjugale avec Maggie. Il jeta un coup d'œil sur l'horloge. Il ne restait plus que quelques heures avant le rendez-vous chez le tribunal. Il secoua la tête et se replongea dans son dessin.


Les robots qu'il était en train de concevoir prendraient sans doute plusieurs années à être construits étant donné les fonds limités du restaurant, mais il ne perdait pas espoir. Il avait donné vie à quatre d'entre eux sur papier. Circus Baby, leader du groupe, était une clown aux couettes rousses et au maquillage de la même couleur. Comme Freddy, elle était la chanteuse du groupe. En tant que némésis de l'ours, William s'était creusé la tête pour lui inventer d'autres fonctionnalités. Parmi les plus ambitieuses, elle serait capable d'animer des quizz pour les enfants, mais aussi distribuer des glaces grâce à une machine implémentée dans sa poitrine. Le pari était risqué. Si la glace coulait hors de son réceptacle et se répandait dans les circuits du robot, ce serait une véritable catastrophe.


Il avait longuement réfléchi aux trois acolytes qui l'accompagneraient, car il était évident qu'elle ne serait pas seule. Il avait ainsi créé Ballora, un robot capable de danser comme une danseuse étoile. Le défi était ici de recréer des mouvements humains à partir des parties mécaniques. Mais il avait des idées pour le faire. Les deux autres membres de la troupe étaient plus classiques, pour rester dans l'image de son entreprise. Il s'agissait de Funtime Freddy et Funtime Foxy. Tous les deux seraient blancs, pour coller à la couleur principale de Baby et Ballora. Ils auraient davantage un rôle d'animateur, mais cette fois-ci en duo. Foxy pourrait animer des loteries, des quizz, tandis que Freddy serait plus porté sur les animations pour les jeunes enfants. Il pouvait compter sur une marionnette à l'effigie de Bonnie sur sa main gauche et à sa voix bouffante pour les amuser.


Le projet prenait de plus en plus forme dans sa tête, si bien qu'il commençait à se demander si ouvrir un deuxième restaurant plus loin n'était pas envisageable. Plusieurs rapaces tournaient autour du concept de son restaurant, à commencer par les propriétaire de la pizzeria Candy et ses maudits chats-robots, installée un mois plus tôt dans la ville d'à côté. S'il voulait continuer d'être attractif, il devait agrandir sa franchise. Malheureusement, sans l'argent nécessaire, cela restait pour le moment un doux rêve inaccessible. 


On toqua à la porte de son bureau. Scott entra, une grande enveloppe dans les mains tamponnée du sceau du gouvernement. William tira la grimace. Il en avait presque oublié cette histoire d'analyse de dangerosité. La lettre était encore fermée.


"Je n'ai pas osé l'ouvrir, avoua son manager. J'ai un peu peur de son contenu. A toi l'honneur."


William se débattit avec la languette pendant quelques secondes avant de réussir à en extirper un dossier d'une dizaine de pages. La lettre en première page, teintée de caractères en gras et en rouge, lui serra le ventre. Le rouge, ça n'était jamais bon signe dans une lettre de l'état. Ses yeux parcoururent rapidement le contenu. Scott se rapetissa sur sa chaise à mesure que le visage de son ami passait d'une expression neutre à furieuse, puis de colérique à amer. Non. Ce n'était définitivement pas une bonne nouvelle.


"Quelle bande d'abrutis ! cria William en jetant rageusement le dossier sur la table. Ils n'y connaissent rien et viennent quand même nous donner des leçons. Bande de fouteurs de merde."


Scott garda le silence et lut à son tour le contenu de la lettre alors que William laissait exploser sa colère en jetant des dossiers sur le sol. Son manager blémit légèrement en découvrant les exigences du gouvernement vis à vis de leur robot : Fredbear et SpringBonnie, jugés dangereux, n'avaient plus le droit d'être exposés sur scène. Les costumes à springlocks étaient encore autorisés lors des spectacles, à condition qu'aucun enfant ne puisse les toucher. Cette mesure valait uniquement pour Golden Freddy et le lapin doré. Fredbear allait lui devoir être détruit, et c'était cette dernière mesure qui rendait son créateur fou. Il avait passé des centaines d'heures sur ce prototype, tout ça pour qu'on ne lui laisse pas la moindre chance au premier problème. Par chance, les agents n'avaient rien trouvé à redire sur Freddy, Bonnie et Chica. En revanche, il était préconisé de remplacer le crochet de Foxy par du plastique et lui faire des dents "carrées". Il rejeta les recommandations d'un signe de main. C'était un pirate, pas un jouet en plastique.


Scott releva la tête vers son ami. Après avoir vidé ses étagères de tous ses dossiers, il se calmait dans son fauteuil.


"On s'y attendait un peu, avança prudemment le manager. C'était une possibilité, et je ne pense pas qu'ils ont eu le choix. Plusieurs parents ont menacé de porter plainte suite à la morsure et cette alternative permet de couper court au scandale. Je sais que ça ne te plaît pas, mais je crois qu'on a pas tellement le choix. Au moins, on peut garder les costumes, c'est déjà ça. Et puis on pourra toujours utiliser les pièces de Fredbear pour ton nouveau projet. Tu travaillais encore sur ça, pas vrai ?"


William savait qu'il essayait de lui remonter le moral, mais ça ne fonctionnait pas. Tout allait très bien avant que l'état ne s'immisce dans leurs affaires. Ce traitement était injuste, d'autant plus que ce n'était pas tout. Désormais, chaque projet de robot devrait être validé par le gouvernement avant toute mise en service. Il se sentait prisonnier. Son inspiration venait d'être enfermée dans un tube en métal dont il n'aurait plus jamais le droit de s'écarter.


Les deux adultes s'interrompirent lorsque Elisabeth, alertée par le bruit, passa timidement la tête dans l'encadrement de la porte. William se calma presque immédiatement et se força à sourire pour la rassurer. Elle vint le rejoindre et monta sur ses genoux. Scott la remercia du regard avant de prendre le chemin du couloir.


"Je vais vous laisser en famille, dit-il. Je dois préparer la salle pour ce midi. Préviens-moi lorsque vous partez pour le tribunal. Je suis sûr que ça va bien se passer."


William le gratifia d'un grognement incertain. Il refusait d'y penser tout de suite. Parce qu'il savait qu'il risquait de perdre sa fille sur une décision administrative. Il espérait que Maggie comprendrait qu'il avait besoin d'elle, mais après l'accident, elle avait tous les arguments du monde pour le faire passer pour un père dangereux et instable. 


Elisabeth était déjà prête, habillée d'une longue robe noire aux broderies en dentelle. Malgré la situation préoccupante, elle gardait le sourire. Elle concentra immédiatement son regard sur les dessins qui occupaient William jusqu'à quelques minutes plus tôt. Ils étaient trop annotés pour qu'elle y comprenne quelque chose, néanmoins, elle repéra immédiatement la forme de Circus Baby et passa ses doigts dessus, comme pour en caresser les traits.


"Elle est jolie, s'enthousiasma-t-elle. C'est ton prochain robot ?

— Elle n'arrivera pas tout de suite, mais oui, c'est elle. Elle s'appelle Circus Baby. Elle danse, elle chante, elle fait des glaces... Je suis sûr que tu vas l'adorer.

— Je pourrais t'aider à la construire ? demanda-t-elle innocemment comme s'il s'agissait de Legos.

— Tu pourras m'aider sur quelques petites choses, on verra ça."


Elle serra ses bras autour de lui pour le remercier, le menton levé vers lui. Plongé dans ses yeux d'un vert intense, William passa une main sur ses boucles rousses dissidentes et les écarta de son front. Son ventre se serra à la pensée qu'il pouvait s'agir d'une des dernières fois où elle le regardait de cette façon.


"Tu as hâte de revoir ta maman et Michael ? demanda-t-il d'une voix peu énergique."


Elle parut gêné par sa question. Le sujet était resté assez tabou depuis le départ de Maggie. William savait que, tout comme lui, l'idée de revoir son frère ne lui plaisait pas vraiment. Il n'était pas certain d'être capable de regarder l'adolescent dans les yeux lors de l'audience. Il n'avait pas envie de le voir tout court. Cela remonterait des souvenirs qu'il cherchait à enfouir depuis des semaines. 


"Papa, est-ce que je vais devoir partir avec Maman ? C'est pour ça que tu as mis mes affaires dans une valise ?"


Son regard brillait d'inquiétude. William lui caressa les cheveux.


"Non, ne t'inquiètes pas. Le tribunal est loin, on va dormir à l'hôtel ce soir. Pourquoi ? Tu aimerais partir avec Maman ? 

— Non, répondit-elle rapidement. Je veux rester avec toi. Je... Je ne veux pas rester avec Mike. Il a fait du mal à Georges. Et j'ai peur qu'il me fasse du mal à moi aussi. Et puis Maman t'as laissé tout seul et ça m'a rendue triste."


Il ne se l'avouerait jamais, mais cette déclaration réchauffa son coeur. Elle voulait rester avec lui. Elle était normalement assez âgée pour décider chez qui elle allait vivre, et William comptait dessus pour la garder près de lui. Il avait de l'argent, une maison et un travail stable, il n'y avait aucune raison qu'on lui refuse la garde de sa fille. 


"Je t'aime, ma puce.

— Moi aussi, Papa."


Elle se détacha de lui et descendit de ses genoux. Elle avait promis de donner un coup de main à Scott avant de partir. Cela l'épuiserait peut-être assez pour le long trajet qui les attendaient ensuite en voiture. Lui se reconcentra sur son plan de travail. Il avait besoin de se changer les idées. La journée était encore longue.


********


Henry surveilla le départ de la voiture du manager avec attention. C'était le moment rêvé pour agir. Ce soir, il n'y aurait personne à la pizzeria et il allait pouvoir surveiller plus efficacement la réaction de la Marionnette à sa présence. L'adrénaline lui piquait les mains. Tuer des enfants ne suffisait plus, il avait besoin de se mettre plus en danger encore. De ressentir cette euphorie unique à chaque fois qu'il dépassait la ligne interdite. Elle agissait comme une drogue. Il ne pouvait plus s'en passer.


Une fois assuré que l'homme en costume ne reviendrait pas, il sortit de sa propre voiture et s'approcha à pas de loup de l'entrée arrière. Ah, ce que ça lui avait manqué. Avec la surveillance policière, il n'avait pas pu s'approcher du restaurant pendant plusieurs semaines. Mais c'était enfin terminé, les médias ayant décidé de porter leur dévolu sur une réforme controversée du gouvernement. 


William avait remplacé la serrure par un code. Il avait passé une soirée entière à le cracker. Plus jeune, à l'université, c'était l'un de leurs passe-temps favoris dans les cours trop ennuyeux. Cette sécurité de bas étage n'avait pas posé résistance bien longtemps. Il s'introduisit tranquillement dans le restaurant et jeta un coup d'oeil à l'horloge. Minuit et douze minutes. 


Il hésita un peu sur l'emplacement où il allait se mettre, avant de se planter en plein milieu de la salle. Après tout, la Marionnette, ce qu'il supposait être sa fille, n'avait encore jamais essayé de s'en prendre physiquement à lui. Il était temps de découvrir pour de bon ce qu'elle lui voulait. Cette fois-ci, le robot n'avait nulle part où aller, il ne pourrait pas fuir.


Il frémit lorsque les battants de sa boîte de métal se soulevèrent. Il l'avait vu des centaines de fois sur les caméras, mais la sensation n'était en rien comparable à ce qu'il avait sous les yeux. Le robot se leva grâcieusement et commença à regarder autour de lui. Elle ne prit pas plus de quelques secondes pour remarquer sa présence. 


Papa ? s'immisça la voix dans son esprit, comme les fois précédentes. Cette fois-ci, il ne bougea pas. 


"C'est moi, Charlie. Je suis là. Tu te souviens de moi ?"


La Marionnette sortit de la boîte et s'approcha de lui. Elle volait quelques centimètres au-dessus du sol. Henry eut un mouvement de recul involontaire lorsque son visage vide s'arrêta à quelques centimètres du sien. De près, elle le dépassait d'au moins deux têtes. Les doigts mécaniques se levèrent et vinrent toucher son visage, curieux.


Pourquoi ? Pourquoi tu leur fais du mal ?


Elle parlait, se réjouit-il intérieurement. Elle parlait, elle était capable de faire des phrases et de communiquer. Il ne savait pas si elle lui répondait ou si c'était un réflexe, mais c'était très encourageant. Son esprit scientifique réfléchissait à toute allure. Les yeux noirs du robots s'illuminèrent soudain de deux pupilles blanches. Il remarqua rapidement que ses "yeux" flottaient légèrement au dessus de son masque, comme fantômatiques.


"Tu me reconnais ? insista-t-il."


Les doigts restèrent quelques instants sur son visage, avant de se baisser sur son cou. Elle les crispa soudainement autour de ce dernier et serrèrent. Fort. Henry hoqueta de surprise et chercha immédiatement à reculer de son emprise. Il donna un grand coup de pied qui fit valser le robot en arrière, trop léger pour lutter. 


Si je te reconnais ? siffla la voix, mauvaise. Oui. Tu es un assassin. Et les assassins n'ont pas le droit d'avoir de fin heureuse. Un cliquetis métallique retentit derrière lui. Un pas. Puis un autre. Il fit volte-face vers la scène de Fredbear et SpringBonnie. Derrière les rideaux des coulisses, quelque chose était en train de s'agiter. Golden Freddy surgit soudain et sauta à pieds joints sur le sol carrelé, y créant une large fissure. Tout comme la Marionnette, ses yeux luisaient de blanc. 


Henry en eut le souffle coupé. Il avait maintenant la confirmation que le fils Afton se trouvait bien prisonnier ici, et dans le double du costume qui lui avait volé la vie. C'était au-délà de toutes ses espérances. L'ours doré marchait étrangement, le corps à moitié plié à l'avant. Henry identifia rapidement le problème : il se trouvait toujours en "mode costume", l'endosquelette était donc retenu par les ressorts. Le robot se déplaçait sans le squelette métallique censé le maintenir debout. Son genou droit était tourné du mauvais côté et chaque pas était désorganisé.


"Je vois que tu t'es fait un ami. C'est... très intéressant."


En voyant son attention se détourner d'elle, la Marionnette s'énerva. Du coin de l'oeil, Henry vit ses pupilles blanches virer au rouge vif. Elle leva la main et une boule blanche se forma au creux de sa paume. Fasciné par le phénomène, il n'eut pas le temps de réagir lorsqu'elle le jeta sur lui. Henry vola en arrière sur plusieurs mètres avant de s'écraser contre une des tables de la salle. Golden Freddy poussa un grognement sourd et se tourna vers lui avec le même regard. 


Le scientifique fou hésita, puis décida de sonner la retraite. Il se redressa difficilement, tira la grimace devant l'état de la table sur laquelle il s'était écrasé et courut vers la cuisine. Il entendit la Marionnette sprinter derrière lui. Il eut juste le temps de fermer la porte à son nez. Enragée, il l'entendit frapper frénétiquement contre le métal. 


Il rit à gorge déployée, heureux de s'en être sorti qu'avec quelques égratignures. L'expérience avait été beaucoup plus efficace que prévu. Il allait pouvoir orienter un peu plus ses recherches dans les jours à venir.


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