Ifrit et Léviathan tome 1

Léo connaissait la position de leader qu’occupaient Ombre et Xiong Mao. Les communautés qu’ils dirigeaient étaient réputées pour être très fermées, voire très agressives envers les gens de l’extérieur. La simple idée des réactions provoquées par la révélation de la partie de jambes en l’air entre la fille de leurs chefs et un parfait étranger, faisait frémir Léo d’horreur.

─ On ne leur dira rien, objecta Sélène, en tous cas pas avant un certain moment. Car si on le fait, eux ne seront que relativement gênés, mais leurs subalternes piqueront une crise ça c’est sûr. On restera donc discret.

─ Mais jusqu’à quand ?

Sélène ne répondit pas immédiatement, cherchant les bons mots à dire à son compagnon.

─ Bon j’espérais t’en parler un peu plus tard, mais je pense qu’il vaut mieux le faire maintenant. Je pense que tu devrais venir avec moi à la FEAH, pour y suivre des études de héros.

Léo voulut rétorquer que c’était hors de question, mais la jeune femme rétorqua :

─ Je sais que tu n’as jamais voulu en devenir un, mais les choses ont bien changé Léo. Le reste du monde se doute déjà que tu as des pouvoirs, pour certains tu es dangereux. Si tu passes un diplôme de héros, ça en fera taire la plupart.

Léo resta tétanisé de surprise, encore plus de questions se bousculaient dans sa tête à présent. Sélène l’enlaça, serra son corps contre le sien et grâce à leur lien tenta de chasser l’anxiété qui montait dans l’esprit du jeune homme. Sa respiration ralentit et il se détendit un peu.

─ Bon, déclara sa compagne, on en parlera un peu plus tard, aujourd’hui c’est une journée repos et plaisir. On va en profiter pour discuter comme un couple normal. 

Les estomacs des deux amants gargouillèrent bruyamment à l’unisson. Léo regarda l’heure, il était dix heures passées. Il n’en revenait pas, il n’avait pas dormi aussi longtemps depuis la découverte de ses pouvoirs. Léo se leva et se rhabilla calmement.

─ Avant tout, je vais nous faire à manger, déclara-t-il.

Sélène proposa plutôt de faire monter à manger, mais Léo rétorqua qu’il avait besoin de cuisiner pour se calmer. Une fois habillé, il descendit les escaliers de l’hôtel à toute allure et fila vers le premier magasin ouvert. Avant même d’entrer il savait déjà quoi préparer : des pancakes avec des pépites de chocolat, de la confiture, du bacon, des œufs, des toasts et du thé. S’il voulait être un bon petit-ami, il avait intérêt à assurer sur les petits déjeuners.

Pendant ce temps, Sélène alla se doucher. Les jambes flageolantes, elle se glissa dans la salle de bain. Elle en avait bien besoin, lorsque l’eau chaude coula sur son corps elle réalisa qu’elle y était bien plus sensible qu’à l’accoutumée. Jamais encore faire l’amour ne lui avait fait autant d’effet après coup. Sa relation avec Léo était bel et bien le fruit du grand jeu karmique apparemment.

Un quart d’heure plus tard, Léo revint avec assez de provisions pour faire un brunch digne de ce nom. En entendant l’eau couler dans la salle de bain, il ne put s’empêcher d’imaginer Sélène nue. Il secoua la tête et fila vers la petite cuisine de la chambre avant que ses reins ne s’enflamment à nouveau. Il prit les ingrédients et commença à préparer la pâte des pancakes.

Alors qu’il s’afférait, Léo réalisa qu’il était détendu. Son surplus d’énergie habituel semblait être stabilisé. Comme si faire l’amour avec Sélène et satisfaire sa libido lui avait permis de trouver un nouvel équilibre.

Sélène, qui venait de sortir de la douche, perçut l’interrogation de son compagnon. Vêtu d’une simple serviette, elle s’arrêta à l’entrée de la cuisine.

─ Le sexe est primordial pour évacuer le stress et l’anxiété Léo, confirma-t-elle avec un sourire malicieux, maintenant tu sais quoi faire pour bien dormir.

Avec ses derniers mots elle laissa retomber sa serviette dévoilant sa poitrine encore luisante d’eau. Léo rougit comme une tomate, mais resta concentré sur ses pancakes. Il ne put réprimer un sourire, la facilité avec laquelle Sélène flirtait avec lui l’emplissait d’un plaisir coupable.

Avec un petit rire, Sélène enfila un simple legging noir et un débardeur blanc orné d’une étoile noire. Tenue légère pour journée décontractée, comme elle aimait dire. Elle sentit alors une délicieuse odeur de pâte cuite et de viande grillée, monter de la cuisine. Son ventre gargouillait de plus en plus. Elle prit place à table et attendit. Aux fourneaux, Léo s’activait avec une dextérité artistique.

Une douzaine de pancakes aux pépites de chocolat s’empilaient déjà dans une assiette et une seconde pile se formait dans une autre. L’eau du thé était en train de chauffer et le bacon de griller sur une poêle, les œufs et les toasts eux aussi cuisaient.

Cinq minutes de plus et Léo eut terminé. Il était assez fier du résultat, il avait utilisé sa recette secrète de pancakes. Une pâte moelleuse avec pas trop de sucre, un temps de cuisson précis et des pépites de chocolats pour la touche finale. Il avait grillé le beacon à la perfection et les toasts aussi, il comptait bien en mettre plein les papilles à sa nouvelle compagne. Les bras chargés, il amena ce festin de roi sur la table.

La simple vue des victuailles suffit à faire gargouiller davantage l’estomac de Sélène, Léo lui-même était pressé de passer à table. Aussitôt la nourriture posée et le jeune homme attablé, les deux amants se jetèrent sur la nourriture. Sélène attaqua ses pancakes et Léo se servit des toasts. Le repas se passa dans le silence, les regards remplaçaient les paroles. Les deux amants ne pouvaient s’empêcher de se dévorer du regard l’un l’autre. À croire qu’aucun d’eux n’était comblé après cette nuit-là.

Une fois les estomacs remplis le silence s’installa à nouveau. Au bout de plusieurs minutes, Sélène prit la parole espérant briser le malaise :

─ Bon alors…par quoi commencer ? débuta-t-elle hésitante.

En désespoir de cause, elle lui raconta sa vie avant leur rencontre. Elle était née de l’amour profond entre deux jeunes héros très puissants, leaders de ce que l’on pouvait aisément qualifier « d’empire ». Avec cette ascendance venait un héritage très lourd et un environnement pas forcément sûr.

Elle avait cependant eu la chance d’être entourée de ses parents et de ses parrains et marraine : Chance, la démone avocate renommée et Fei Long un des combattants et homme de confiance de sa mère. Il y avait également de nombreux « oncles » et « tantes » : des amis de longue date de ses parents, depuis leurs études à la FEAH.

Avec un tel entourage, son enfance fut assez calme, mais à l’adolescence les choses ont commencé à se complexifier. Les premières histoires de cœur commencèrent à arriver et l’identité de ses parents circulait bien plus vite. Cela intimida ses camarades honnêtes et attira les intéressés. Les deux seules relations qu’elle pouvait qualifier de « sérieuses » avaient été avec Tao et Sarah. Et tous deux lui avaient brisé le cœur en montrant leur véritable désir de pouvoir.

Durant tout le récit, Léo ne dit rien. Il laissa sa compagne raconter son histoire en l’écoutant avec beaucoup d’attention. Le jeune homme comprenait et ressentait la solitude de Sélène. Lui-même l’avait subie, mais pour des motifs différents. La jeune femme et lui avaient plus en commun qu’il ne le pensait. Plus Sélène poursuivait son récit, plus elle se sentait légère, comme si elle se libérait d’un poids.

Bien que ses parents soient au courant de ses problèmes, elle n’en avait jamais parlé ouvertement avec eux. Sélène avait la sensation qu’elle pouvait tout raconter à Léo, le lien qui les unissait à présent en était sans doute la cause. Parler de sa situation avec lui était des plus libérateur.

La jeune femme désirait plus que tout développer ce lien et avoir une relation sérieuse avec Léo. Plus elle pensait à cela plus les souvenirs de la nuit passionnée de la veille lui revenaient et avec eux le désir montait à nouveau. Son esprit n’était seul à lui rappeler ce plaisir charnel, son corps, comme enivré par le festin que Léo avait préparé lui rappelait chaque caresses et baisers échangés cette nuit-là. La jeune femme ne pouvait détacher son regard des magnifiques iris de Léo, de ses muscles ou encore de ses lèvres. « Douce Gaia ! » songea-t-elle.

 Elle ne put se réprimer et laissa son pied frotter contre celui de son amant, puis contre sa jambe. Léo eut un frisson et il rougit abondamment. 

─ Tu…hum…as encore envie de le faire ? demanda le jeune homme hésitant.

Sélène se pencha et l’embrassa brièvement.

─ J’aimerais beaucoup, mais cela voudrait dire que l’on resterait au lit le reste de la journée, voire plus, objecta Sélène.

Cela était vrai, Léo n’avait pas idée du temps exact que leurs ébats avaient duré mais plusieurs heures cela ne faisait aucun doute. Sélène et lui avaient besoin de plus que le sexe pour se rapprocher.

─ Aujourd’hui je vais te faire faire le tour de la ville. Ça nous fera du bien.

Sans rien ajouter, Sélène prit Léo par la main. Abandonnant leur chambre, le jeune couple descendit dans les rues de Rennes.

La jeune femme le guida au bord du canal et tous deux se mirent à flâner le long du cours d’eau. Par chance, ils croisèrent peu de gens. Pendant de longues heures, ni l'un ni l’autre ne dit rien. Léo avait toutes les peines du monde à ne pas déshabiller Sélène des yeux. Dans son legging, ses fesses étaient plus belles que jamais et il devinait l’absence de soutien-gorge sous son haut blanc. Il se maudit intérieurement : depuis quand était-il devenu un tel obsédé ? Le jeune homme se rendit compte que si Sélène lui avait raconté son passé, lui ne l’avait pas fait.

C’était le bon moment pour le faire et crever l’abcès. Alors qu’ils passaient sous un saule pleureur Léo s’arrêta, retenant sa compagne par la main. Il lui demanda de s’asseoir avec lui, une fois sur l’herbe fraîche il vida son sac. Le jeune homme lui raconta tout ce que le crash de l’avion et l’apparition de ses pouvoirs avaient changé dans sa vie : son état de quasi drogué à la caféine à ses débuts, la crainte de ses camarades, son isolement, sa souffrance, son rejet de ses pouvoirs, tout.

Bien que Sélène avait eu un aperçu de sa douleur la veille, entendre cela sortir de la bouche de Léo était une autre histoire. Pour Sélène, ses pouvoirs avaient certes apporté des difficultés, mais jamais elle n’aurait pensé rencontrer quelqu’un ayant eu de tels problèmes à cause d’eux et les détester.

Puis Léo aborda leur rencontre et tout ce qui en avait découlé :

─ Depuis que l’on s’est réveillés ce matin, je n’arrête pas de t'imaginer nue. J’ai encore plus envie de toi qu’hier soir, avoua-t-il rouge de honte.

Il s’attendait à se faire incendier, mais au lieu de se mettre en colère, Sélène se mit à sourire de toutes ses dents. Elle se jeta au cou de Léo : en vérité, elle aussi avait les reins en feu et ce depuis le début de la balade. Sélène s’empara des lèvres de son amant comme pour les dévorer, elle avait l’impression qu’elle n’avait pas fait ça depuis des années. C’était comme si elle avait retenu sa respiration pendant tout ce temps.

Tout en embrassant Léo, Sélène passa ses mains dans les cheveux argentés de son amant. Ce dernier se mit à caresser ses épaules, puis ses mains s’aventurèrent sous son débardeur. Réalisant très vite qu’ils ne pourraient pas se contrôler, les deux êtres en chaleur regagnèrent l’hôtel à toute allure. Ils s’enfermèrent à nouveau dans leur chambre.

Une fois encore, des gémissements torrides et des bruits plus qu’explicites sortirent de la chambre jusqu’en milieu d’après-midi.