TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 5

8596 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:08


Chapitre 5

Suite à cette petite remise au point, le trio avait sillonné les grandes étendues du Conflans pendant deux jours consécutifs dans un silence quasi complet. Et tout ce temps, Emerys réfléchissait sur ce qui allait advenir d’elle au sein de la communauté de ce cher Walder Frey, une fois arrivée à destination.

«Rien qu’un connard pervers …» Les mots de Sandor Clegane résonnèrent une fois de plus dans sa tête.

Ce n’était pas réellement son but premier de se retrouver prise au piège aux mains d’un vieux seigneur avare et complètement demeuré au point de confondre ses propres enfants. Elle voulait se diriger vers l’Est, loin de Port-Réal et des Lannister, plus proche de la Mère des Dragons. Les Stark ayant élu domicile sous le toit de Frey le temps d’un mariage arrangé, elle allait en profiter pour proposer ses loyaux services à leur famille. Pour une raison bien précise qui méritait absolument toute discrétion. Un lourd secret qui ne sera dévoilé qu’en temps et en heure si les Dieux en décidaient ainsi.

Mais ciel, qu’elle détestait ces gens-là ...

Tous ces seigneurs en guerre pour le Trône de Fer et la gloire, assoiffés de pouvoir et obsédés par la vengeance qui ne rimaient à rien d’autre qu’au chaos parmi les peuples. Elle détestait tous ces hommes et leurs principes idiots, leurs façons de voir le monde avec si peu de préoccupation pour le sort des innocents. Ils aimaient la violence, la buvette et les filles de joies, mais n‘avaient-ils jamais eu autre chose en tête ? Des idées plus productives au lieu de la destruction, toujours la destruction ? Ereintée par ses propres pensées, Emerys prit une profonde inspiration tout en s’affaissant sur la selle de son cheval en perpétuel mouvement, les cernes sous ses yeux donnant un air encore plus sombre à son visage pâle.

Ses côtes lancinantes étaient un véritable supplice, tout comme cette fatigue accrue et ces courbatures à cause du long voyage sans pause. D’un soupir las, elle passa un rapide coup d’œil sur le Limier et Arya en face d’elle, se demandant vaguement comment ils faisaient pour ne pas tomber de fatigue après si longtemps à cheval. C’était presque impossible ! Mais ces gens devaient être des personnes de voyage, des habitués des routes sans jamais avoir le confort d’un château ni même d’une maison. Chose qu’Emerys regrettait au fil du temps.

Souriant nostalgiquement à elle-même aux souvenirs de son défunt village, elle se redressa contre la selle dure d’une grimace puis accéléra le pas de l’animal pour rattraper le mercenaire qui avait mis un peu de distance avec le sien plus lent. Maintenant au trot, elle se positionna aux côtés de Stranger avant de se racler la gorge pour attirer l’attention du Chien sur elle au lieu de la route. L’homme la regarda du coin de l’œil tandis qu’Arya, somnolente contre sa poitrine, se ressaisit pour écouter ce qu’elle avait à dire.

«Sommes-nous encore loin ?» Questionna-t-elle d’une touche d’hésitation.

«Environ un jour de plus et nous y serons. Je pourrais enfin me débarrasser de vous deux et vivre de mon côté avec les poches bien remplies.» Dévoila-t-il d’un demi-sourire rêveur. Arya tourna son visage vers lui pour lui répondre avec sarcasme.

«Ça a l’air palpitant !» Elle leva les yeux au ciel. Toutefois elle était de plus en plus excitée à l’idée de retrouver sa mère et son frère, alors d’un sourire rare, elle s’affaissa contre le torse de l’homme.

Arya était aussi impatiente de retrouver les siens que de partir le plus loin possible du Chien dangereux. Néanmoins, il fallait reconnaître que ce vil mercenaire ancien protecteur du Roi Joffrey, l’avait escorté jusqu’ici sans lui faire de mal. Ou presque ... Du moins pas intentionnellement comme elle pensait qu’il le ferait après avoir entendu tant de mauvais échos à son sujet. Petyr Baelish était un grand menteur quand il s’agissait du bouclier de Joffrey. Cet homme malin comme un rat et manipulateur souhaitait assidûment recevoir les faveurs de sa maison en inventant ces stupides rumeurs sur les gens pour qu’ils soient ensuite pointés du doigt par le peuple.

Comme par exemple que Sandor Clegane était l’assassin des enfants Targaryen … Ce qui était totalement faux, elle en était sûre et certaine après avoir été témoin du combat entre Béric Dondarrion et le Limier. Si vraiment il avait massacré ces pauvres enfants comme il avait été dit, alors le Dieu du feu l’aurait réclamé en guise de punition. Une certitude assez étrange alors qu’il avait quand même tué de sang-froid le fils du boucher, son meilleur ami Micah, sans être puni par qui que ce soit … Allant même jusqu’à recevoir des louanges pour son travail bien fait. Mais Arya était catégorique. Elle le savait au fond d’elle que cette histoire de Targaryen n’était pas vrai.

Que certaines rumeurs étaient ce qu’elles étaient, de simples rumeurs.

Le trio silencieux s’arrêta non loin d’un paysan avec une charrette bancale arrêtée sur le bas-côté de la petite route paumée entre les champs. Le vieil homme agenouillé tentait de remettre la roue qu’il avait malencontreusement égarée lors de son passage sur une bute, ruminant sous son souffle pour sa malchance. Sauf que le poids de celle-ci était bien trop conséquent pour qu’un petit homme comme lui ne puisse la remettre en place sans se faire un tour de rein. Le paysan soupira donc d’abattement puis s’assit sur ses genoux en mettant ses mains à ses hanches tandis qu’il évaluait l’étendue des dégâts, ainsi que les options qui s’offraient à lui pour repartir avec sa marchandise.

Sandor descendit rapidement de son cheval et tout en gardant une main protectrice sur la jambe d’Arya assise sur la selle, il toisa avec méfiance le vieillard rouspétant à quelques mètres d’eux. Il examina la situation dans laquelle se trouvait le pauvre paysan embêté par sa charrette instable, un plan se formant d’ores et déjà dans sa tête. D’un premier coup d’œil par-dessus son épaule à Emerys, il récupéra la fillette Stark dans ses bras puis la déposa à ses pieds sans lui lâcher l’épaule afin qu’elle ne s’éloigne pas. Il se pencha ensuite vers elle pour lui dicter les choses suivantes.

«Rappelle-toi de ce qui arrive aux mioches qui se sauvent. Je suis ton père, et c’est moi qui cause.» Le Limier pointa son index au visage de la louve qui demeurait stoïque devant son regard de plomb.

Emerys devait couvrir ses lèvres avec sa main pour s’empêcher de glousser. Le mercenaire terrifiant, père d’Arya Stark … En voilà une drôle d’idée qui sonnait complètement fausse à ses oreilles ! Mais c’était sans doute la meilleure solution pour cacher l’identité de l’enfant Stark alors qu’elle était actuellement recherchée dans toute la contrée par la famille Lannister. Personne n’oserait remettre en question la parole du Chien. Son poing contre ses lèvres, elle se mordit l’intérieure de la joue lorsqu’elle reçue un regard noir de la part de l’homme défiguré exaspéré par ses bruitages pendant qu’il se positionnait derrière le vieillard.

«Les routes ne sont plus ce qu’elles étaient ! J’ai cassé trois essieux, ce matin.» Broncha le paysan encapuchonné à genoux au moment où il sentit la présence de l’étranger à sa droite. Il leva ses yeux gris vers ce dernier quand il prit la parole à son tour.

«Il vous faut un coup de main ?» Proposa Sandor en attrapant le bord de la charrette.

«Oh, il m’en faudrait dix, des mains !» Soupira le vieillard. Mais à peine que le dernier mot passa ses lèvres que le Limier redressa la charrette rien qu’à la force de ses deux bras. Quelque peu étonné par cette démonstration de force, il se ressaisit vite pour glisser la roue dans le mécanisme.

«Faut que j’emporte mon porc salé aux Jumeaux à temps pour le mariage. C’est un honneur d’en servir à la table de Walder Frey …» Cependant la voix du paysan s’éteignit lorsqu’il remarqua la présence d’Emerys à côté d’une jeune enfant sur le dos d’un cheval noir. Ses sourcils se nouant à la triste apparence de la jeune femme perchée sur une monture blanche, il retira la capuche de ses cheveux grisonnant puis s’approcha de quelques pas.

«Excusez-moi, de quelle maison venez-vous ? Je pense vous reconnaître, Madame, … Votre visage m’est familier.» Il s’adressa directement à elle, la tête penchée sur le côté pendant qu’il l’observait de haut en bas.

Sous son regard examinateur Emerys bougea inconfortablement sur son cheval, n’aimant pas être regardée de cette façon par un parfait inconnu. Pourtant elle ne l’avait jamais croisée sur les routes, cette familiarité n’était pas réciproque car son visage lui était complètement étranger. Nerveuse, elle jeta un petit coup d’œil à Sandor qui avait toute son attention focalisée sur le vieil homme devenu distrait par sa présence. Une grosse erreur en compagnie d’un mercenaire aussi craint que le Chien ... Elle déglutit puis se redressa sur sa selle pendant que ses doigts jouaient avec les rênes de son cheval immobile à côté de celui d’Arya et du Limier.

«Vous devez vous trompez, mon brave. Je ne vous ai jamais vue de ma vie. Je viens d’un petit village à l’Est d’ici qui a été ravagé par les soldats des Lannister.» Dit-elle d’un sourire impatient, l’inquiétude rampant dans son estomac.

A côté du vieil homme, Sandor la dévisagea longuement.

«Je suis navré d’insister, mais je suis persuadé de vous avoir déjà vu quelque part.» Insista l’homme en secouant pensivement son index en l’air, cherchant dans ses souvenirs tout rapprochement avec cette femme familière.

Emerys ouvrit la bouche pour contester ces propos, toutefois le Limier eut des réflexes beaucoup plus rapides mais aussi plus imprévisibles. Ce dernier balança rapidement son poing dans la figure du vieil homme qui, à la force de la frappe inattendue, fût propulsé de tout son long sur le sol poussiéreux, les jambes et les bras écartés. Dorénavant inconscient, Sandor récupéra son poignard à sa ceinture puis enjamba l’homme dans les vapes pour lui couper la gorge et ainsi l’empêcher d’aller raconter à n’importe qui qu’il les avait vu sur cette route.

«Non ! Ne le tuez pas !» Arya bondit vite de Stranger pour s’interposer entre lui et le paysan. Haletante, elle repoussa violemment la poitrine du Chien à l’aide de ses deux mains.

«De toute évidence, vous n’y allez pas de mains mortes !» Commenta amèrement Emerys en arrière-plan, choquée par cette brutalité injustifiée. Elle descendit de son cheval pour rejoindre la louve inquiète pour le sort de ce pauvre homme.

«Un cafard crevé, ça cafarde pas. Tu vas me demander d’épargner tous ceux que nous croisons ?» Grogna le Limier contrarié. Il voulut pousser la gamine insolente de son passage pour atteindre sa cible, mais les prochains mots de la jeune fille le stoppèrent.

«Vous êtes terrible. Vous dites des choses effrayantes aux fillettes. Vous tuez des petits garçons et des vieillards. Vous assassinez des femmes sans défense ou vous les vendez pour une somme d’argent. Vous êtes un homme terrible …» Arya chuchota la dernière partie de sa phrase comme s’il s’agissait d’un maléfice épouvantable. Les yeux plissés à la forte luminosité du ciel bleu, elle grimaça tandis qu’elle essayait de voir le visage de l’homme inébranlable bien plus grand qu’elle.

«N’avez-vous aucune miséricorde ? Ce paysan ne sait pas qui nous sommes. Il ne savait même pas qu’il parlait au plus jeune des Clegane. Laissez-lui la vie sauve ! Il n’a rien fait de mal.» Soutint Emerys à sa gauche près du corps inerte du vieillard, la mine préoccupée quand elle vit un filet de sang couler de son nez.

«Le plus terrible de tous ceux que tu connais. Vous n’avez aucune idée.» Rétorqua froidement Sandor en regardant d’abord Arya puis ensuite Emerys, cherchant l’approbation dans son regard à ce titre qu’il s’attribuait.

Approbation qu’il ne trouva pas, curieusement.

«C’est faux. Je connais un tueur. Un vrai tueur.» Charia la jeune enfant confiante tout en plissant les yeux avec défi à l’homme qui la surplombait.

«Tient donc.» Acquiesça moqueusement le Limier.

«Devant lui, vous seriez un chaton. Il vous tuerais avec son petit doigt !» Poursuivit Arya qui croyait dur comme fer à ses mots. Elle n’avait pas peur de lui ni de son regard blasé et encore moins des horreurs qui circulaient autour de cet homme.

«Vraiment ?» Même Emerys n’y croyait pas, pinçant les lèvres pour ne pas émettre un ricanement involontaire. Elle redressa sa chemise verte sur ses épaules puis se déplaça vers la charrette pour avoir un meilleur aperçut du visage de la Stark qui ne montrait rien d’autre que de la foi.

«C’est lui ?» Le Chien calme donna un petit coup de menton en direction du vieillard étendu sur le sol poussiéreux.

Confuse, Arya se retourna pour regarder étrangement ce dernier avant de refaire face au Limier qui tenait toujours son poignard dans sa main droite, l’air content. Où voulait-il en venir ? Elle n’aimait pas du tout son petit sourire railleur. Emerys se leva de la roue sur laquelle elle venait de s’adosser quand elle comprit le petit jeu du mercenaire cynique, s’attendant au pire avec lui. Alors quand la louve naïve donna une secousse négative de sa tête suivit d’un rapide "non" qu’elle regretta presqu’instantanément, l’homme s’avança pour atteindre le paysan.

«Ça m’arrange !» S’exclama-t-il. Sauf que les mains de la fillette se posèrent une fois de plus sur son torse pour le repousser de toutes ses forces dans le sens inverse.

«Non, ne le tuez pas ! Je vous en prie, ne faites pas ça.» Plaida-t-elle encore, les bras tombant à ses côtés quand il arrêta de bouger.

Et contre toute attente, le Chien rangea son poignard dans son fourreau. Un geste que ni Emerys, ni Arya ne pensaient encore possible après cette démonstration d’entêtement pour un simple vieillard qui ne faisait que son commerce. C’était moins une. La jeune femme aux cheveux argent leva son regard reconnaissant pour trouver celui agacé de Sandor qui se retenait de ne pas changer d’avis au dernier moment, et encore plus quand le vieil homme se mit à gémir sur le sol. A cette constatation, il émit un gloussement sec puis posa ses mains sur ses hanches pendant qu’il toisait la Stark qui se dressait devant lui.

«Tu es une vraie gentille. Ça va finir par te tuer un jour. Toutes les deux.» Précisa ce dernier en haussant un sourcil à Emerys dos contre la charrette.

Au moment où le paysan commença à remuer derrière Arya, celle-ci passa un coup d’œil par-dessus son épaule. Sans attendre, elle contourna le corps de l’homme pour récupérer un morceau de bois dans sa main qu’elle balança aussitôt dans la tête du vieillard qui venait à peine de se redresser. Il retomba mollement sur le sol, l’impact assurant qu’il ne se réveillera pas avant quelques temps. Cela surpris Emerys qui sursauta légèrement au bruit sourd du bois entrant en contact avec un crâne, un petit rictus aux lèvres. Elle ne s’y était pas attendu que la plus jeune des Stark, après avoir démontré et tenu tête au Limier qu’elle n’était pas une méchante ne frappe un homme sans défense.

«C’est mieux comme ça.» Félicita Sandor en hochant la tête avec fierté, le semblant d’un sourire admiratif.

Emerys leva les yeux au ciel mais décida de ne rien commenter malgré sa grande frustration. Il ne fallait pas encourager ce genre d’action à une enfant en plein apprentissage ! Ce n’était pas correct et encore moins sage pour son équilibre mental déjà fragilisé. Il y avait toujours d’autres moyens plus productifs pour aborder un problème, qu’il soit de taille ou non. La violence ne résumait à rien toutefois la diplomatie était le chemin vers un monde meilleur, elle en était persuadée désormais. Ravalant un juron, elle s’éloigna de la charrette quand le Chien retourna aux deux chevaux qu’ils avaient laissés sur le côté du chemin de terre. Elle n’allait pas le laisser s’en tirer comme ça aussi facilement !

«Vous auriez pu le menacer et ensuite le laisser partir. Je suis sûre qu’un homme comme lui n’aurait rien dit par peur des représailles.» Souligna Emerys en levant un sourcil et en croisant les bras sous sa poitrine, la douleur constante de ses côtes devenant une habitude.

«Ouais, peut-être bien. Mais je ne fais confiance à personne et si je n’avais pas fait ça, nous n’aurions pas eu sa charrette et la nourriture pour passer les portes aux Jumeaux.» Renchérit tout naturellement Sandor d’un reniflement dédaigneux. Il attrapa les rênes du cheval blanc dans la ferme intention de l’utiliser pour tirer la charrette à la place de la bourrique.

«C’est du vol, c’est mal.» Dit calmement Arya qui observait le Limier atteler le cheval à son prochain dur labeur. Puis elle imita la posture d’Emerys en croisant les bras sur sa poitrine, les sourcils froncés pour avoir l’air encore plus sévère.

«Tu préfères crever de faim ? Moi pas, alors ferme ta grande bouche avant de vomir des sottises. C’est ton carrosse de retour vers ta famille.» Gronda Sandor en fixant Arya dans les yeux pour la faire faiblir face à son célèbre regard glacial. Astuce qui fonctionnait à merveille, d’ailleurs.

Elle ne répondit pas, mais ne s’approcha pas non plus de la charrette ni du Chien irrité. Incertaine sur quoi faire ou dire, elle leva les yeux vers Emerys qui ne lui accordait pas d’attention parce qu’elle était focalisée sur le paysan assommé à ses pieds. D’un déglutissement, la jeune femme s’abaissa à un genou au sol avant de poser sa main droite sur le bras de l’homme blessé au nez et à la tête, chuchotant quelque chose sous son souffle pour que personne d’autre à part elle ne puisse entendre. Des mots dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Etait-elle une sorte de magicienne ? Une Prêtresse ?

Arya se sentit très intriguée alors qu’elle se contenta de la regarder faire sa prière étrange pendant que le mercenaire préparait leur nouvelle charrette.

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Ils avaient laissé le paysan derrière eux et récupéré sa précieuse cargaison destinée à Walder Frey.

Emerys montait sans trop d’encombre le grand cheval noir de Sandor car le sien était actuellement en train de tirer la charrette avec le Limier et Arya assis à l’avant. L’ambiance explosive qui stagnait entre eux ne s’étant toujours pas améliorée depuis l’altercation avec le vieil homme, ils avaient au moins de quoi festoyer pour ce midi.

A cette simple pensée, le ventre d’Emerys grogna fortement. Il y avait un peu de gibier parmi les vivres, ainsi que de délicieux pieds de porcs et des jarres de vin ! Une aubaine pour eux après avoir jeûner pendant un jour et demi. Mais elle souhaitait aussi pouvoir se laver dans un cours d’eau parce que cette odeur immonde de bouc lui collait littéralement à la peau …

Elle pourrait parier que même la Reine Cersei pouvait la sentir depuis la capitale. Bon, peut-être que c’était une exagération, mais son odeur était si puissante qu’elle était persuadée que les animaux fuyaient autour d’eux. Un sourire goguenard étira ses lèvres à cette pensée ridicule, toutefois, un frisson lui parcourut le dos à l’image de cette monstrueuse femme aux cheveux d’or. Prise de vertiges soudains, elle poussa un petit gémissement à la faim qui s’accentuait dans son estomac sensible. Elle avait terriblement mal, son corps était lourd et ses paupières voulaient se fermer mais elle devait encore lutter jusqu’à ce soir.

Ensuite, elle sera soulagée de son calvaire.

Au moins une chose était sûre. Ici et dans cette tenue, pas beaucoup de monde pouvait la reconnaître sauf peut-être pour sa longue chevelure inhabituelle qui pouvait attirer l’attention. Calmement, les mains d’Emerys remontèrent au bord du tissu vert olive trop grand puis sur la grande cicatrice cachée en-dessous. Une grimace s’empara de son visage au simple contact de ses doigts sur la peau enflée et chaude s’étendant sur ses côtes. La douleur restait très vive et présente, néanmoins elle pouvait dire qu’elle se sentait beaucoup mieux que les jours précédents. Une chance pour elle, après avoir vu la mort de ses propres yeux.

Elle releva ensuite la tête pour regarder suspicieusement le Limier sur la charrette aux côtés d’Arya, ses doigts se nouant avec le tissu qui recouvrait le haut de son corps pour un peu de dignité. C’était grâce à lui si elle était toujours en vie. Grâce à lui et à la jeune Stark au courage exemplaire. Il aurait très bien pu abuser d’elle lorsqu’elle n’était pas en état de se défendre, et pourtant, il n’avait rien fait. Pas même quand elle lui avait proposé de s’offrir à lui en échange d’être conduite en lieu sûr avec la Stark. Aucun autre homme n’aurait hésité à sa place, alors pourquoi ? Non pas qu’elle s’en plaignait, bien au contraire ! Mais la curiosité lui faisait cruellement défaut.

Peut-être n’était-elle pas son style de femme ? Ses goûts étaient différents de la plupart des hommes ? Aimait-il plutôt son propre genre ? Non, cette dernière hypothèse ne semblait pas juste, elle ne concordait pas avec le Limier qui ne montrait aucun intérêt pour personne. Mais un homme restait un homme, les intentions étaient les mêmes après tout. Emerys pouvait donc s’estimer heureuse de ne pas avoir eu plus d’ennuis depuis qu’elle avait quitté son petit village d’Erebor.

«J’ai faim. Nous avons tous faim et nous sommes fatigués ! Je veux me baigner et enlever la crasse sur ma peau.» S’énerva soudainement Arya en s’affalant sur son siège inconfortable, laissant s’échapper un grand soupir exagéré de sa bouche. L’homme à côté d’elle ricana grossièrement et Emerys qui suivait la charrette ne put s’empêcher d’en faire de même à cette petite crise enfantine.

«Tu veux beaucoup de choses. Mais t’as de la chance que je suis d’accord avec toi.» Répondit Sandor en tirant sur les rênes du cheval pour s’éloigner de la route qu’ils empruntaient.

Ils descendirent beaucoup plus bas, près d’un vieux pont qui séparait deux grands champs coupés par une large rivière assez profonde. Les Jumeaux étaient maintenant bien visibles de l’autre côté de l’eau agitée. Il y avait de la forêt aux alentours ainsi que des herbes hautes qui entouraient cette rivière trouble. Ils étaient certes beaucoup à découvert, cependant le passage se faisant assez rare, ils ne craignaient pas grand-chose pour les prochaines heures de l’après-midi. Pas avec un redoutable mercenaire au visage ravagé par les flammes comme adversaire, de quoi en dissuader plus d’un. Arya et le Limier laissèrent la charrette non loin de l’eau et d’une souche d’arbre avant de descendre pour pouvoir s’étirer.

Emerys stoppa Stranger au bord de la rivière pour le laisser se désaltérer pendant qu’elle entamait la pénible descente de la selle dure. Elle siffla de douleur lorsque ses pieds touchèrent le sol herbeux et que ses cuisses malmenées par les mouvements répétitifs de sa monture provisoire s’étendirent brutalement. Elle s’appuya un instant contre l’animal pour reprendre son souffle. Des heures passées à cheval pouvaient être très fatigant sur une journée, de plus que la fraîcheur se faisait ressentir au manque de présence du soleil dans le ciel.

Une fois détendue, elle tapota doucement l’encolure du cheval noir pour le féliciter et le remercier de l’avoir porté jusque-là sans avoir fait de caprices. Cette créature n’aimait pas beaucoup les gens en temps normal, il n’appréciait que son Maître donc elle avait eu de la chance de ne pas avoir rencontré plus de problèmes avec lui. D’un doux sourire au cheval tranquille, elle se tourna rapidement quand un crissement débuta dans son dos. D’abord perplexe, elle remarqua ensuite que le bruit venait du Limier assis sur un rocher au bord de l’eau et qu’il était en train d’affûter sa longue épée à l’aide d’une petite pierre.

Ses mouvements étaient gracieux, la pierre glissait aisément sur la lame brillante après des années de pratique. Emerys ne pouvait décrocher son regard fasciné de son travail, quelque chose que l’homme remarqua assez vite. Sandor leva les yeux vers la femme plus loin aux côtés de son cheval, se sentant un peu désorienté par sa façon de le regarder. Il arrêta subitement son affûtage puis posa le bout de son épée dans le sol sableux tandis qu’Emerys rougit fortement sous son regard intense. Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle l’observait depuis un moment, jusqu’à ce que le Chien ne la toise durement sur son rocher. Elle prit donc la décision qu’il était peut-être temps de préparer un feu pour rompre ce moment embarrassant.

Elle commença alors à ramasser des morceaux de bois secs aux bords de la rivière avec l’aide d’Arya une fois que celle-ci finit de remplir sa gourde d’eau fraîche. La Stark lui posait un bon nombre de questions auxquelles elle essayait tant bien que mal de répondre sans trop donner de détails. Elle évitait cependant toutes celles sur sa vie antérieure. Pas qu’elle ne voulait pas lui dire la vérité, mais elle craignait que ses informations privées ne se retrouvent dans les mauvaises oreilles. Elles continuèrent de discuter sur des sujets aléatoires, tout cela sous le regard inquisiteur du Limier constamment sur ses gardes par peur de perdre sa fortune sur pattes.

Une fois le feu allumé et le gibier volé cuit à l’aide de bâtons aiguisés, le trio s’installa en silence pour manger la bonne nourriture du paysan. C’était un vrai régal ! Arya, toutefois, ne mangeait pas beaucoup parce qu’elle se sentait dégoûtée de voir Emerys et Sandor déguster des pieds de cochon aussi goulûment, comme s’il n’y avait pas meilleurs morceaux au monde. Son nez se froissa pendant qu’ils grignotaient le peu de chair sur leurs pieds de porc respectifs, un peu de graisse coulant le long de leurs mentons et sur leurs vêtements. C’étaient eux, les porcs …

«C’est répugnant.» S’exprima-t-elle en arrêtant de mâcher son morceau de lièvre, à deux doigts de bâillonner. Elle se décala mal à l’aise sur la selle qui lui servait d’assise quand le Limier la regarda.

«C’est la meilleure partie de la bête !» S’enthousiasma Sandor en prenant une autre bouchée de son pied de porc. Arya secoua la tête d’une grimace.

«Vous devriez goûter, Mademoiselle, avant de dire que c’est répugnant. Avez-vous connu la famine ?» Demanda Emerys en jetant le reste de son pied dans les braises, plaçant poliment une main contre sa bouche lorsqu’elle rota.

«Arrêtez de m’appeler Mademoiselle ! Je déteste ça. Je suis juste Arya, de la maison Stark, rien de plus. Je ne suis pas une Dame.» La louve soupira puis croisa ses bras sur ses genoux, les yeux rivés au sol. Il était vrai qu’elle n’avait jamais connu la famine étant petite mais depuis qu’elle voyageait clandestinement, elle ne mangeait pas tous les jours à sa faim.

«D’accord, juste Arya, comme tu voudras.» Dit doucement Emerys en souriant derrière ses mains croisées, les coudes posés sur ses genoux. Elle jeta un petit coup d’œil au Chien assis au bord de la charrette qui cherchait encore les meilleures parties de son morceau avant de revenir à Arya lorsqu’elle se leva du sol pour regarder les Jumeaux au loin. L’inquiétude était gravée sur son visage.

«Te fais pas de soucis, ils y seront encore. Tu regardes toutes les cinq minutes comme si t’avais peur qu’ils disparaissent.» Interpréta Sandor en voyant la fillette se tordre les doigts d’anxiété. Il cracha un bout de cartilage sur le côté puis rit légèrement quand elle objecta.

«Je n’ai pas peur.» Son front se sillonna.

«T’as peur de pas y arriver. Plus tu approches, plus ta peur augmente. Pas la peine de la cacher derrière ta mine décidée ! La peur, quand je la vois, je la reconnais. Je l’ai vue souvent.» Renchérit-il entre deux bouchées sans sourciller une seule fois devant la détermination d’Arya.

«La peur est une bonne chose. Elle nous permet de rester en vie.» Répliqua Emerys après s’être étirée les bras et le dos avec précaution pour ne pas engendrer de douleur supplémentaire, satisfaite d’entendre un petit craquement.

«Des foutaises !» Contesta le Chien. Toutefois, il arrêta de mâcher son morceau quand la louve reprit la parole.

«Je l’ai reconnue, la peur, quand je l’ai vue en vous. Vous avez peur du feu.» Arya se retint de sourire malicieusement quand le visage renfrogné du Limier se brisa pour laisser place à de l’incrédulité. Elle reprit tout aussi calmement, heureuse de le voir ainsi ; «quand l’épée de Béric s’est enflammée, vous aviez l’air d’une petite fillette effrayée. Et je sais pourquoi en plus.»

Elle prit quelques pas en avant, le défiant silencieusement du regard à la consternation d’Emerys. La jeune femme en question avait l’impression que les limites de la tolérance venaient d’être brisées par la simple énonciation du feu. Elle ignorait de quoi elle parlait, mais ce n’était visiblement pas un souvenir positif pour le Chien silencieux. Elle avala difficilement, ses doigts se resserrant autour de son pantalon lâche tandis que les deux interlocuteurs s’envoyaient des regards noirs à tour de rôle. Son cœur se mit à battre plus vite par peur de voir un bain de sang dans les prochaines secondes si Arya poursuivait dans cette voie-là.

Evidemment qu’elle le ferait.

«Je sais ce que votre frère vous a fait.» Arya plissa les yeux, mais avant même qu’elle ne puisse finir sa phrase, Emerys intervint.

«Arya.» Sa voix était sévère et austère, tout comme son regard. Elle donna une brève secousse de sa tête à la jeune fille prise au dépourvue par son ton tout comme l’homme à côté d’elle qui ne s’attendait pas à cela.

«J’ai besoin d’être un peu seule.» La louve se racla la gorge alors qu’elle s’éloignait du feu pour rejoindre le bord de l’eau.

Emerys fronça lentement les sourcils à l’expression mélancolique qu’avait eue l’enfant désormais assise sur la souche d’arbre dos à eux. Pourtant elle devrait être heureuse, surexcitée même de retrouver sa famille après une éternité séparée des siens ! Alors, pourquoi s’en prenait-elle à l’homme qui avait rendu possible son souhait le plus cher ? Oui il était rustre, vulgaire et brutal, mais il ne lui avait apparemment fait aucun mal durant son voyage à ses côtés et l’avait même protégée de tous les dangers. Elle se sentait confuse, mais aussi soucieuse de la voir dans tous ses états, sans doute terrifiée à l’idée de ne pas arriver à temps maintenant qu’elle approchait enfin du but.

«Saleté de mioche.» Marmonna Sandor dans sa barbe, ce qui la sortie de sa rêverie.

«Je tenais encore à m’excuser pour ce que je vous avais dit, l’autre fois. Je ne le pensais pas …» Emerys brisa le silence entre elle et l’homme à sa gauche. Des excuses inutiles à ce jour, mais qu’elle avait besoin d’exprimer à voix haute.

«C’est l’histoire de ma vie.» Rétorqua-t-il avec désinvolture suivit d’un haussement d’épaules. En revanche, le regard de pitié que lui offrit Emerys par la suite était celui de trop. Grognant sous son souffle, il jeta ses restes puis se pencha vers elle d’une expression féroce.

«Bordel de merde, tu vas arrêter de t’excuser pour chaque connerie qui sort de ta bouche ? Je me fiche de ce que tu penses de moi. De ce que tu as pu entendre sur moi. Je suis l’un des hommes les plus redoutés de tout Westeros et certainement l’un des plus recherchés à l’heure qu’il est. Quand tu entendras le prix de ma tête, tu ne t’excuseras pas de me l’avoir coupée.» S’échauffa-t-il.

Surprise par la force de sa voix et au venin contenu dans ses paroles, Emerys cligna rapidement des yeux tout en reculant de cette soudaine proximité. Elle avait vite pris l’habitude des paroles mordantes du Chien, hors cette fois-ci était différente des autres car il y avait une sorte d’accusation derrière son ton bourrue. Il avait si peu d’estime de lui, si peu de confiance en soi qu’elle ne pouvait s’empêcher de lui sourire tristement en connaissance de cause. Il avait appris à se faire une carapace au monde extérieur au fil des ans. Elle aurait voulu tendre la main pour lui apporter un peu de réconfort, mais cet homme n’était pas habitué à ce genre de geste affectif, alors elle se résigna.

Finalement elle se leva pour rejoindre Arya debout au bord de la rivière. Laissant le Chien seul.

«Que fais-tu ?» Questionna-t-elle une fois aux côtés de la fille qui faisait de drôles de gestes, comme une danse ou quelque chose de la sorte. Elle haussa les sourcils puis commença à retirer ses bottes brunes sous le regard interrogateur de la louve.

«Rien du tout ! Que faites-vous ?!» Arya retourna aussitôt la question, de plus en plus confuse alors que la jeune femme insouciante laissait son pantalon tomber au sol. Elle retint un souffle de surprise tandis que ses yeux se posèrent instinctivement sur le mercenaire assis sur la charrette.

«Je vais me baigner ? Je sens mauvais.» Emerys haussa les épaules à la question idiote.

«Vous êtes folle ?! Et le Limier ?» S’écria follement Arya en continuant de regarder entre Emerys et Sandor, ses yeux s’écarquillant lorsque la tunique verte olive glissa des épaules de l’adulte imprudente.

Mais Emerys l’ignora pendant qu’elle jetait sans ménagement ses vêtements sur la rive avant de se lancer à l’eau dans un petit cri de joie. Elle ne fit pas attention à la douleur cuisante. L’eau était froide et trouble, néanmoins elle n’avait jamais été aussi reconnaissante de toute sa vie de pouvoir retirer la saleté de son corps après des jours de voyage sans fin. Tant pis si quelqu’un la voyait nue, le sacrifice en valait la peine ! La caresse du froid sur son corps endolori la relaxait et la soulageait, serpentait sur sa peau en feu et sur son visage submergé. Elle garda les yeux fermés alors qu’elle profitait de ce doux contact si délectable et bénéfique pour sa brûlure sur la voie de la guérison. Au manque d’air, elle revint à la surface.

«Vient !» Appela Emerys après avoir sorti sa tête hors de l’eau pour prendre une profonde inspiration. Un large sourire conquis aux lèvres, elle passa ses mains dans ses cheveux pour les mettre dans son dos.

Sur la rive, Arya paraissait hésitante à son invitation pourtant alléchante, les mains jouant avec son vêtement sale, la lèvre inférieure coincée entre ses dents dans la réflexion. De temps à autre, elle jetait de petits coups d’œil nerveux au Chien en amont non loin du feu provisoire. L’homme ne se trouvait pas face à la rivière mais elle était presque sûre qu’il les regardait quand même ! Puis, à quoi bon ? Elle s’en fichait de lui ! Il n’avait qu’à se rincer l’œil si ça lui plaisait à ce pervers …

Arya rendit donc le sourire éclatant à Emerys qui barbotait dans l’eau puis se déshabilla à la hâte pour la rejoindre dans sa baignade improvisée, l’appel du bain beaucoup trop fort pour être ignoré plus longtemps. De plus que la femme savait comment s’y prendre pour la mettre à l’aise, malgré les risques qu’elles encouraient en faisant une chose pareille à la vue de tous. Hors il n’y avait personne, alors aucune contrainte pour prendre du plaisir ! Retenant un cri lorsque ses pieds touchèrent l’eau froide, elle rentra lentement dans la rivière jusqu’à ce que ses épaules ne soient entièrement submergées.

Au loin, Sandor observait discrètement les deux filles une fois qu’elles étaient complètement dans l’eau. Il n’avait aucune pensées malsaines, absolument rien d’obscènes concernant Arya, car il n’était pas comme ce pervers de Meryn Trant. Ce n’était toutefois pas forcément le cas pour Emerys. C’était une femme adulte, et il restait un homme avec des besoins primaires qui appréciait la vue de jolie femme comme n’importe quel autre type censé dans le monde. Il aimait la façon dont sa longue chevelure argentée retombait sur ses omoplates, les courbes attrayantes de son corps sinueux, ses sourcils noirs contrastant avec la couleur de sa peau laiteuse, ses lèvres …

Il était difficile de contenir ses pensées interdites.

Sandor bougea inconfortablement sur le bois de son assise alors qu’il dévorait littéralement du regard la curieuse beauté dans la rivière en contre-bas. Heureusement pour elle que la rivière n’était pas trop translucide et qu’il ne voyait que les formes de son corps à cette distance. Ce qui était du coup bien moins intéressant pour lui à regarder, mais qui laissait libre court à l’imagination. Imagination grandement facilité depuis qu’il l’avait vu entièrement nue la dernière fois. Puis tout à coup, une réalisation le frappa en plein visage telle une violente gifle. Il la désirait … Il désirait Emerys.

Depuis combien de temps n’avait-il plus eu de femmes dans son lit ? A priori très longtemps car qu’il ne s’en souvenait même plus. Cela remontait à bien avant la bataille de la Néra, peut-être même avant l’arrivée des Stark dans la capitale. Il était tellement focalisé sur sa vengeance personnelle et sa colère refoulée qu’il ne laissait même plus de place à ses désirs et ses envies de s’amuser un peu dans la vie. Il se sentait de plus en plus mal à l’aise au fur et à mesure qu’il épiait la femme s’amusant dans la rivière avec Arya. Même à cette distance, Sandor distinguait parfaitement bien les formes féminines de son corps ainsi que la pâleur de sa peau parfaite. Ce qui n’arrangeait en rien la situation compliquée dans laquelle il se trouvait maintenant.

Il gémit sous son souffle puis posa deux doigts autour de l’angle de son nez. Il commençait sérieusement à regretter de ne pas avoir accepté de la prendre quand elle voulait se donner à lui en guise de remerciements pour l’avoir aider …. S’en était presque douloureux. N’importe quel autre foutu homme l’aurait fait sans même y repenser à deux fois ! Mais pas lui, et il se sentait extrêmement con désormais.

Frustré au plus haut point, Sandor grogna fortement puis en conclut qu’il en avait assez vu pour aujourd’hui avant qu’il ne fasse une grosse bêtise qu’il risquerait de regretter par la suite. Il s’installa donc sur le sol mou du champ en utilisant la selle de Stranger comme d’un oreiller et une fois allongé, il ferma les yeux pour faire une petite sieste avant la nuit. Les mains croisées sur son torse, il prit de lentes inspirations alors que les rires des deux filles résonnants au loin lui assuraient qu’elles étaient toujours dans les parages.

Arya sortit de l’eau après s’être convaincu qu’elle était suffisamment propre pour les prochains jours. Souriant d’une oreille à l’autre, elle récupéra prestement ses vêtements abandonnés sur le sol puis les enfila tout aussi vite avant que des yeux vicieux ne la repère. Une fois décente, elle s’assit sur le sol en mettant ses mains derrière elle pour soutenir le haut de son corps tout en étendant ses jambes pour sécher au soleil qui avait enfin décidé de sortir des nuages. C’était agréable un après-midi dans le calme, les Jumeaux plus qu’à quelques lieux d’ici. Elle se retenait de ne pas y aller à pieds tant elle était impatiente de prendre sa mère dans ses bras !

De son côté, Emerys continuait tranquillement de se laver et de profiter du moment de sérénité, la douleur musculaire encore trop importante pour faire des mouvements inutiles. L’eau refroidissait ses cuisses endolories ainsi que son dos raidit par le long voyage à cheval. Au moins grâce au froid, elle ne souffrait plus le martyr avec sa brûlure. D’ailleurs en repensant à cette dernière, Emerys se positionna sur ses pieds puis sortit le haut de son corps hors de la rivière pour scruter l’énorme hématome sur ses côtes. Ce n’était pas très joli à voir … La chair était carbonisée et sa peau portait la trace laide de la lame. Cela lui faisait une grande marque rouge violacée sur son côté droit où il n’y avait que des cratères et des croûtes, parfaitement discernables sur le reste de son corps.

Elle avait d’autres bleus ailleurs, notamment aux hanches, mais rien n’égalait cette lésion atroce. Juste au souvenir de sa souffrance au contact de la lame bouillante, Emerys frissonna violemment et sentit son estomac se révolter. Elle replongea doucement dans l’eau pour couvrir son corps abîmé des regards indiscrets, les larmes se remplissant dans ses yeux noirs. L’odeur de la chair brûler continuera de la hanter pendant longtemps, c’était une certitude. Engouffrée dans l’eau, elle remarqua qu’Arya fermait les yeux sur la rive pendant qu’elle séchait, tandis que le Chien se reposait près du feu.

Chien … Pourquoi avait-il cette dénomination ? Qui avait eu cette idée ridicule de le traiter ainsi ? C’était rabaissant, même pour un mercenaire. Malgré que les gens s’entêtent à dire qu’il était un homme mauvais, elle ne pouvait s’y résoudre à croire qu’il l’était vraiment au fond de lui. Mais qui était-elle pour le savoir ? Elle ne connaissait que certaines facettes de son histoire et après l’expérience avec le paysan et sa propre expérience, elle devrait continuer à se méfier du Limier. Emerys se mordit la lèvre inférieure puis se détourna de l’homme en question, une étrange sensation en elle ressemblant à de l’incertitude et du malaise.

La chair de poule s’installa bientôt sur ses bras, alors elle s’empressa de sortir de la rivière pour récupérer ses vêtements trop grands que lui avait donnés Sandor. Ils n’étaient peut-être pas à sa taille, mais ils feront l’affaire jusqu’aux Jumeaux demain si entre temps ils ne faisaient pas de mauvaises rencontres. Cependant avant de les revêtir, elle les rinça dans l’eau pour tenter de faire sortir cette odeur épouvantable qui s’accrochait résolument au tissu usé. Une tâche plutôt difficile, à vrai dire. Elle frotta avec acharnement la fibre jusqu’à ce qu’elle estime que l’odeur était tolérable, sous les yeux rempli de curiosité d’Arya Stark.

«Ça ne changera rien.» Renifla l’enfant en tournant la tête sur le côté. Mais cette déclaration n’arrêta pas pour autant Emerys déterminée à les rendre propres.

Après plusieurs lavages et une inspection minutieuse des vêtements dorénavant imbibés d’eau, elle s’habilla de ces derniers mais faillit trébucher dans la rivière au poids supplémentaire sur son corps. Trempée jusqu’aux os pour les prochaines heures, ses dents claquèrent tandis qu’elle grimpa difficilement sur la berge à côté d’Arya toujours aussi sceptique quant aux vêtements puants. Elle laissa néanmoins apparaître un sourire amusé lorsqu’elle vit la dégaine comique d’Emerys. Les vêtements mouillés lui collaient à la peau !

La jeune femme debout devant elle essora la chemise verte olive entre ses mains ainsi que le bas de son pantalon marron qui était aussi beaucoup trop ample pour correspondre à sa morphologie. Le Limier était vraiment quelqu’un de très imposant. C’était presque effrayant … Ou attirant ? Un léger rougissement se propagea sur les joues d’Emerys à cette dernière pensée cocasse qu’elle chassa rapidement.

La tunique lui faisait un grand décolleté, son épaule droite n’était plus couverte par le tissu car il tombait. Sans parler des manches bien trop longues et du pantalon qui glissait de sa taille. Claquant avec humour sa langue à Arya qui gloussait à son apparence ridicule, elle passa à côté d’elle dans de grands pas laborieux pour rejoindre le petit feu et espérer pouvoir sécher avant le soir. Elle s’assit lourdement sur le sol d’un soupir bienheureux puis donna une petite secousse à ses manches pour sortir le surplus d’eau.

A ce moment-là, elle remarqua que le Limier dormait paisiblement.

Emerys se permit alors de regarder son visage plus en détails pendant qu’il récupérait. Ses traits étaient plus doux, son expression nettement moins redoutable que quand il était éveillé, une preuve qu’il n’avait pas toujours été aussi hargneux. Elle ne l’avait encore jamais vu aussi serein, aussi décontracté … Un petit frisson lui parcourut l’échine quand elle arriva sur la terrible cicatrice sur le côté droit de sa tête. Il lui faisait peur, par moment. Elle craignait de quoi cet homme était capable de faire s’il se mettait vraiment en colère un jour.

Son cœur manqua un terrible battement lorsque Sandor ouvrit un œil pour la regarder tout en gardant sa position initiale avec les mains soigneusement croisées sur son torse blindé. Elle détourna incessamment les yeux de son visage pour s’intéresser à ses genoux repliés contre ses seins, embarrassée d’avoir été prise en flagrant délit. Elle pouvait sentir son regard insistant sur elle et voir du coin de l’œil que le mercenaire souriait avec amusement, voulant rendre cette situation plus incommodante qu’elle ne l’était déjà. L’homme fourbe.

«Tu prenais du plaisir, femme ?» Batifola le Chien amusé en remettant sa tête droite et en refermant son œil, son petit sourire aux lèvres.

«N-non. Absolument pas, je réfléchissais. J’ignorais que vous étiez éveillé.» Balbutia Emerys en retour, les joues échauffées de honte. Elle ne savait pas pourquoi, mais son commentaire lui faisait un drôle d’effet.

Durant le court instant où Sandor l’avait regardée, il avait vu qu’elle était complètement trempée dans ses propres vêtements de rechanges. Ses vêtements beaucoup trop grands pour elle … De quoi faire vagabonder son esprit pour les prochaines heures de l’après-midi. Un autre sourire goguenard étira ses lèvres alors que des pensées plaisantes envahirent sa tête, s’imaginant faire tout un tas de choses coquines avec cette femme pourvue d’une certaine sensualité qui lui plaisait bien.

Il ne dit rien lorsqu’Arya réapparut près du feu après un certain temps éloignée, préférant somnoler plutôt que d’entretenir une conversation stérile avec elle. Car ils avaient encore du temps à tuer avant de partir pour le mariage.

A suivre …


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