TOME 1 - Un bout de chemin ensemble

Chapitre 6

8400 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/08/2020 22:09

Chapitre 6

Il était maintenant proche du crépuscule, les quelques derniers rayons du soleil brillaient sur la grande rivière les séparant de leur destination finale. Emerys chérissait particulièrement ce moment de la journée où le ciel changeait radicalement de couleur pour devenir des nuances d’orange et de rose en parfaite harmonie avec le bleu turquoise de l’eau mouvementée. Le moment où l’ambiance devenait plus douce, lui rappelant quelques bons souvenirs de sa vie passée. Quelques oiseaux passèrent au-dessus du fleuve en direction du Sud.

Bientôt l’hiver sera là. Bientôt, la nuit restera pendant une très longue période.

Emerys déglutit tout en passant pensivement ses mains le long de ses bras frissonnants, un sentiment nostalgique dans son cœur qui ne pouvait être apaisé par des mots. Elle redoutait l’hiver qui approchait à grands pas. Toutefois, ce qu’il lui faisait le plus peur à l’instant présent s’agissait du lendemain, lorsqu’elle sera confrontée au vieux seigneur du Pont, Walder Frey. Elle allait devoir se montrer convaincante pour que l’homme âgé l’accepte et qu’elle puisse approcher le Roi du Nord Robb Stark pour lui demander l’asile. Elle voulait aller avec eux, plutôt que de rester avec ce fou ... Les conséquences pourraient être désastreuses si jamais elle se retrouvait coincée aux Jumeaux. Mais pour le moment, elle profiterait de ses derniers instants de liberté.

«A quoi pensez-vous ?» S’exclama une petite voix derrière elle.

«A mon ancienne vie.» Emerys sourit puis tourna la tête lorsqu’Arya Stark s’avança pour s’asseoir à côté d’elle sur le tronc d’arbre renversé.

«Vous êtes nerveuse ?» Vint la question suivante. L’enfant croisa les mains sur ses genoux, son regard perdu sur les vastes étendues arcadiennes mais plus particulièrement sur les imposantes tours des Jumeaux.

«Dire que je ne le suis pas serais un mensonge. Je me questionne. Je me demande de quoi sera fait le lendemain. Si mon périple se terminera dans ce château ou s’il ne fait que commencer. Je garde foi au destin.» Avoua la femme d’une profonde inspiration pour se gonfler de courage. Elle poursuivit en se tournant vers Arya ; «tu l’es, n’est-ce pas ? Je peux sentir ta nervosité pour le mariage de demain.»

«Je suis impatiente de retrouver mon frère et ma mère et d’être enfin débarrassée du Limier.» Répondit-elle sans attendre, la mâchoire serrée de contrariété. Elle baissa les yeux sur ses mains jointes quand la jeune femme reprit la parole avec douceur.

«Il n’est pas si mauvais. Tu devrais lui montrer un peu plus de gratitude pour avoir veillé sur toi. Demain, tu seras à nouveau réunit avec ta famille grâce à lui. Il a quand même prit de sacrés risques en te prenant sous son aile-» Hors, Emerys ne put terminer sa phrase car la louve furieuse se leva d’un bond de la souche pour se tenir devant elle.

«Comment pouvez-vous voir du bon en lui après tout ce qu’il a fait ? Il a voulu vous vendre comme prostituée à cet homme dégoûtant ! Il a tué mon ami pour faire plaisir à ce monstre de Joffrey ! Ils nous brutalisent quand ça lui chante ! Il n’est rien d’autre qu’un homme cruel et méchant, sans aucun honneur. Il ne mérite pas le respect.» Se scandalisa cette dernière, horrifiée. Elle leva brièvement les yeux vers le Chien endormi en amont de la petite colline avant de revenir sur le visage absent d’Emerys.

Comment ?

«Je ne sais pas», aurait été sa réponse si elle ne se sentait pas aussi déboussolée. Comment pouvait-elle en être aussi sûre, après tout ? Elle ne le connaissait pas. Rien de son passé tumultueux ni de ses convictions et Arya voyageait avec le mercenaire depuis plus longtemps qu’elle. Il disait avoir voulu venir en aide à Sansa Stark, mais il n’y avait aucune preuve à l’heure actuelle. Pourtant, il avait délibérément renié sa loyauté aux Lannister dès lors cette terrible bataille. Lieu où la jeune fille était retenue prisonnière depuis l’assassinat d’Eddard Stark. Emerys se mit à réfléchir en conséquence pendant de longs instants avant de partager son avis sur la question à l’enfant révolté.

«Tu as peut-être raison, tu as même très certainement raison. Mais je suis devant toi aujourd’hui au lieu d’être sur un bateau voguant vers Volantis. Je suis ici au lieu d’être en train de succomber à mes blessures. Tu es devant moi alors que tu pourrais être aux pieds de Cersei Lannister. Sans son aide, nous ne serions pas là sur le point de rejoindre la sécurité d’un foyer. Il ne l’a pas fait par contrainte, mais par choix, c’est ce qui fait toute la différence.» Raisonna-t-elle, son sourire grandissant quand l’expression offensée de la louve faiblit légèrement.

«Il ne le fait que pour l’argent, c’est tout ce qui compte.» Objecta Arya qui gardait toutes ses rancœurs au sujet du Limier, ne cédant pas à ses opinions personnelles.

«Il faut toujours une bonne motivation pour faire un acte de bonté. Demain proche de cette heure-ci ce ne sera plus qu’un lointain souvenir, tu n’en entendras plus jamais parler. Nous n’en entendrons plus jamais parler.» Se corrigea rapidement Emerys en avalant à l’incertitude qu’elle ressentait suite aux paroles véridiques de la jeune enfant téméraire.

Cependant, les prochains mots lui glacèrent le sang.

«Vous êtes aveuglée par votre reconnaissance et un jour vous finirez par le regretter.» S’attrista Arya, grimaçant au ton rude qu’elle venait d’emprunter sans le vouloir mais la femme mettait ses nerfs à l’épreuve.

Alors elle se contenta de soupirer de lassitude, puis de lever la tête vers les Jumeaux pour les admirer à nouveau avec envie avant de tourner les talons pour partir à la recherche de bois pour le feu. Son passage laissa comme un froid, abandonnant ainsi Emerys à ses pensées concernant l’homme abject et le lendemain. Effectivement, le Limier ne méritait sans doute pas de gratitude comme le disait la Stark toutefois, elle ne pouvait s’y résoudre à le haïr comme elle le faisait si ardemment. Ses mains étaient certes souillées par le sang d’innocents mais pour elle, il n’était pas mauvais dans tous les sens du terme. Une part de bienveillance sommeillait en lui qui se manifestait de différentes façons.

Ceci dit, il restait un tueur.

Emerys frotta inconsciemment les bleus de strangulation à ses poignets, un rappel amer qu’elle avait été ligotée derrière un cheval une bonne partie du voyage. Arya avait raison sur un point, Sandor Clegane était un homme cruel. Ayant été considérée comme prisonnière dès les premiers instants, elle n’avait eu d’autres choix que de suivre les directives de son bourreau brutal même au détriment de sa santé. Néanmoins il avait fait preuve de courage et de sensibilité à de maintes reprises, notamment lorsqu’elle nécessitait de soins urgents liés au feu, sa plus grande peur. L’ancien bouclier Royal était avant tout un homme illisible à la personnalité indiscernable.

La nuit vint assez vite sur la plaine silencieuse du Conflans. Pour alléger un peu l’ambiance avant le grand jour, le Chien récupéra une jarre de vin dans la charrette pour festoyer dignement autour du petit feu de camp. Après tout, il allait s’enrichir dès le lendemain ! Cela méritait une petite fête. Après quelques gorgées de boisson alcoolisée et de modestes taquineries échangées, l’atmosphère tendue changea radicalement sur le trio insoupçonnable pour devenir quelque chose de plus chaleureux.

Gloussant pour un rien, Emerys accepta volontiers une autre gorgée de la gourde de Sandor puis la lui rendit d’un sourire échauffé, le vin faisant son effet bien plus vite qu’elle ne l’imaginait. Tout le contraire du Limier habitué à ce genre d’alcool qu’il considérait au même titre que l’eau ou que de la pisse de chat … En revanche, ce qui changeait des autres nombreuses fois, c’était qu’il n’était pas seul à boire pour noyer son chagrin et sa rancune. Il avait une bonne et belle compagnie pour l’accompagner ce soir, tout l’inverse de la petite Stark qui refusait catégoriquement de boire sous prétexte qu’elle était trop jeune pour le faire.

«Ridicule ! Personne n’est trop jeune pour boire du bon vin ! Sauf peut-être la petite chatte de Joffrey …», pensa amèrement Sandor en avalant goulûment son vin d’une grimace écœurée à l’image du Roi.

Ils avaient de la chance, car non seulement la charrette contenait de la nourriture à volonté mais il y avait aussi plusieurs grandes jarres de vin fraîchement vendangé. Le paradis pour le Chien après avoir passé plusieurs heures sans une petite goutte de délicieux breuvage désaltérant. Face à lui et de l’autre côté du feu, Emerys riait aux éclats après qu’il lui ait raconté une petite anecdote sur sa vie en tant que garde Royal des Lannister. Même si ce n’était pas vraiment drôle, il ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire timide au comportement enthousiaste de la femme.

Et Arya se tenait entre les deux, apparemment mal à l’aise de les voir agir ainsi. D’un côté, il y avait l’homme qu’elle haïssait le plus après Meryn Trant et Joffrey et de l’autre, son ancienne prisonnière qui ricanait comme une idiote. Elle retint un grognement d’agacement, les joues gonflées à force de retenir l’air dans sa bouche, les doigts tiquant contre ses tibias en attendant de pouvoir dormir tranquillement. Elle avait tellement hâte d’être demain soir pour ne plus être obligée de subir ce genre de moment enquiquinant où les adultes se comportaient comme des enfants aliénés … Son attention resta dissipée jusqu’à ce que le sujet épineux ne soit engagé.

«Vous savez, je pense que nous sommes tous très mal tombé. C’est vrai ! Pourquoi est-ce que ce Trône de Fer existe ? Personne ne devrait avoir le droit de poser son cul là-dessus à moins d’être l’ultime héritier de sang. Nous subissons les caprices d’un enfant né d’un inceste depuis trop longtemps. Il faut que cela cesse.» S’indigna Emerys en retombant mollement sur ses fesses, la gourde en main.

«Vous êtes au courant ?» S’exprima Arya pour la première fois de la soirée.

«Qui ne l’est pas ? Cette famille déshonore le Trône de Fer et les Sept Couronnes. Ils ne méritent pas d’être là où ils sont aujourd’hui. Des gens comme eux ne devraient jamais se retrouver au pouvoir.» Contesta sèchement Emerys en levant les sourcils, dégoûtée par ses propres mots.

«J’ai entendu que vous détestiez Cersei. Pourquoi la détestez-vous autant ? Que vous a-t-elle fait ?» Devenue intriguée, Arya se pencha en avant puis posa ses coudes sur ses genoux, la lumière des flammes rougeoyantes se reflétant sur son visage pâle. A ses côtés, le Limier tendit l’oreille.

«Je ne déteste pas Cersei. Je ne l’ai jamais vue de ma vie. Par contre je déteste ses actes ignobles envers son propre peuple, appauvrissant les gens sans aucune honte. Les affamant, jusqu’à ce qu’ils se dévorent entre eux comme des chiens enragés ... Je hais cette famille pour avoir donné l’ordre à leurs soldats d’égorger des nourrissons devant leurs mères impuissantes, juste à cause d’une rumeur.» Critiqua froidement la femme aux cheveux d’argents en penchant la tête sur le côté. Elle s’approcha ensuite du feu sans jamais rompre le contact visuel avec la louve à l’écoute avant de poursuivre ; «et je les hais encore plus pour avoir donné l’assaut dans mon village.»

«Les nourrissons, c’était sous les ordres de Joffrey. Il avait peur qu’un héritier de Robert Barathéon ne prenne sa place. Un héritier toujours en cavale.» Répliqua Sandor en levant significativement les yeux vers Arya tout en jouant avec son poignard dans ses mains. Mais la fillette ne fût pas déstabilisée par son regard indiscret.

«Un jour, je tuerais Cersei et Joffrey.» Annonça cette dernière avec conviction, le regard perdu dans les flammes.

«Cersei est une salope, mais son petit bâtard de fils sans couilles est encore pire. Il déborde d’imagination pour les punitions. Ça ne m’étonnerais pas qu’un de ces jours il se retrouve le foie à l’air. C’est tout ce qu’il mérite, ce sale rat. Mais tu n’as aucune chance de les atteindre sans te faire zigouiller, crois-moi sur parole. Oublie cette histoire de vengeance.» Sandor s’adressa à Arya après avoir planté son poignard aiguisé dans l’herbe à côté de sa jambe étendue. Emerys fronça les sourcils, lorsqu’une question lui vint à l’esprit.

«Pourquoi vous appellent-ils Chien ? Sans doute parce que vous obéissez au doigt et à l’œil mais, pourquoi ? Après tant d’années de loyaux services en tant que garde personnel, pourquoi avez-vous décidé de fuir et d’aider la fille d’un soi-disant traître ?» S’interrogea-t-elle, son froncement de sourcils s’approfondissant quand le Limier tourna la tête dans sa direction pour la fusiller du regard.

«Hey, ne m’oblige pas à te bâillonner pour que tu la fermes ! Ça ne te regarde pas. Estime-toi heureuse que je ne t’attache pas et que je te laisse ta liberté, femme. Ne me fait surtout pas regretter mon choix.» Gronda-t-il furieusement, l’index pointé vers elle, à deux doigts de mettre en pratique sa menace.

En réponse à cela, Emerys leva les yeux au ciel. Une simple question pour atténuer sa curiosité et voilà la réaction … Les hommes et leur ego surdimensionné ! Malgré tout, un petit sourire narquois étira ses lèvres car elle était amusée par la tournure des événements mais surtout à cause de l’alcool à trop grande dose dans son système. Toutefois, elle avait vu qu’Arya s’était raidit à côté d’elle après avoir prononcé le mot "traître". Accusation bien évidemment fausse étant donné qu’Eddard Stark était tout sauf un traître. Un pesant silence s’installa ensuite sur le trio, entrecoupé par le bruit des crépitements du feu et des bruits environnant des animaux nocturnes.

Etonnamment, ce fût le Limier qui reprit la parole après avoir rangé son poignard à sa ceinture.

«Je ne supportais plus le Roi. Je ne pouvais plus entendre ce petit con se plaindre ni le voir humilier par plaisir. Ce lâche n’est même pas capable de se battre aux côtés de ses soldats ... Il nous avait tous abandonné au front.» Finit-il par répondre d’un petit rictus qu’il masqua aussitôt derrière une gorgée de son vin. Puis il s’installa plus confortablement sur le sol en s’étendant cette fois-ci sur le flanc à cause de son armure encombrante.

«Le Chien vient de la bannière de leur maison. Des Limiers.» Poursuivit tranquillement Arya.

«T’en sais beaucoup sur ma famille.» Ricana sournoisement Sandor, quelques gouttes de boisson s’égarant dans sa barbe mal rasée. Il n’avait pas l’air à l’aise.

Les yeux noirs d’Emerys se fixèrent sur le mercenaire en face d’elle, l’étudiant dans le plus grand des silences pendant qu’il buvait. Elle ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il lui réponde après l’avoir ouvertement menacée de la ligoter si elle ne cessait pas avec ses questions personnelles. Mais elle avait également remarqué à quel point le mot famille avait du mal à sortir de ses lèvres, à quel point c’était difficile pour lui de parler de sa vie aux côtés des Lannister. Il devait certainement nourrir des regrets et de la culpabilité, des sentiments qu’il avait du mal à exprimer en public.

«Pourquoi vous n’avez pas emmené ma sœur avec vous, ce jour-là.» Exigea Arya sans détourner ses yeux du feu dansant devant elle, les poings serrés sur ses cuisses.

«Je voulais le faire, mais ta belle grande sœur ne voulait pas quitter son beau prince charmant. Le petit oiseau aurait été en sécurité avec moi.» Affirma Sandor d’un reniflement disgracieux. Il retira les restes de vin de sa barbe avec le dos de sa main tandis qu’Emerys jouait avec les flammes de son pire ennemi.

Arya se remémorait quelques bons souvenirs avec sa sœur Sansa malgré leurs querelles quotidiennes lorsqu’ils étaient encore tous réunis à Winterfell. Des souvenirs douloureux qui torturaient son cœur chaque jour qui passait loin de cette époque où le mot bonheur avait encore une signification pour elle. Les rides entre ses sourcils se creusèrent à la douleur sourde dans sa poitrine alors qu’elle observait pensivement la femme taquiner le feu du bout des doigts, dansant avec ses flammes mortelles comme si elle ne nourrissait aucune crainte à son égard.

«Vous n’avez pas peur du feu ?» Elle se sentit obligée de le lui demander, perplexe de voir cela après qu’elle ait été gravement brûlée aux côtes. Un traumatisme suffisant pour lui donner des répulsions.

«Non. J’aime le feu, cette source de chaleur est réconfortante. Il me rappelle des créatures merveilleuses autrefois Maîtresses du monde.» Répondit mystérieusement Emerys en retirant ses doigts de la partie inoffensive du feu.

«J’aimerais voir un dragon de mes propres yeux.» Révéla Arya, pensive.

«Un jour, les trois dragons de Daenerys Targaryen sillonneront le ciel et referont le monde à leur image. A l’aide de leurs puissantes ailes, ils parcourront les grandes mers et leur feu dévastateur brûlera les terres souillées par la soif de pouvoir.» Récita calmement la jeune femme assise en tailleur sur l’herbe, les doigts s’entortillant avec les brins sous ses cuisses.

«Juste des fadaises, de stupides légendes ! Les dragons n’existent plus depuis des siècles ! Cette gamine à l’autre bout du monde restera là où elle est si elle ne veut pas se retrouver face à une guerre sans précédent.» Mystifia le Chien en s’allongeant finalement sur le dos quand il ne trouva pas d’autres positions, les mains croisées sur sa poitrine et les yeux rivés vers le ciel étoilé.

«Les dragons vous effraye, pas vrai ? Vous avez peur d’eux, tout comme le feu.» Arya détourna les yeux du feu pour regarder le Limier avec une certaine satisfaction dans son regard. Cela attira toute l’attention d’Emerys qui tourna sa tête vers l’homme étalé sur l’herbe, l’air agitée pour une raison quelconque.

Les dragons et le feu ne faisaient qu’un.

«Non, je n’ai pas peur des choses qui n’existent plus.» Répondit-il d’un soupir de contentement avant de fermer les yeux.

Arya sourit en coin à cette réponse neutre puis s’installa à son tour proche du feu, connaissant d’ores et déjà toute la vérité après avoir vu le Limier se battre en combat singulier avec le chef des Sans-Bannières. A l’intérieur de lui, il n’était qu’une petite fillette terrifiée ! Suite à cette petite pensée revigorante, la Stark tourna le dos au duo pour commencer à réciter sa liste de vengeance personnelle sous son souffle, prenant garde à ce qu’aucun des deux ne l’entende. Elle ne voulait surtout pas faire face à une pluie de questions sur l’origine de cette liste très particulière …

Quant à Emerys, elle commençait sérieusement à apprécier la compagnie du Chien et de la louve, quelque chose qui lui semblait impossible deux jours auparavant. C’était presque surréaliste qu’un groupe comme eux réussisse à survivre ainsi aussi longtemps sans s’entretuer pour telle ou telle raison. Le destin pouvait se montrer très surprenant par moment, et rassembler des gens qui n’étaient pas supposés se rencontrer.

Ou peut-être que si ?

Plusieurs minutes s’écoulèrent jusqu’à ce que le silence ne retombe définitivement sur les trois personnages. Silence que Sandor combla avec de petits ronflements irréguliers alors qu’il se reposait complètement pour la première fois depuis des jours. Il s’endormait assez vite, mais il se réveillait tout aussi vite au moindre petit bruit suspect, toujours sur ses gardes même quand il n’était pas conscient. Il était sans équivoque l’homme le plus réactif de tout Westeros. Une fois allongée, Emerys remonta ses mains croisées contre ses seins puis pria silencieusement les Sept Dieux, les lèvres remuantes au fil des paroles qu’elle récitait dans sa tête.

Elle priait pour demain, elle priait pour Arya et sa famille … Et priait pour Sandor Clegane.

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Au petit matin, la rosée matinale réveilla Emerys de son lourd sommeil.

Elle cligna lentement des yeux pour sortir de son assoupissement, étirant ses membres un à un afin que les muscles se détendent après avoir été immobile aussi longtemps. Le soleil n’était pas encore complètement sorti à l’horizon, mais le ciel était déjà un assortiment de couleurs pastelles spectaculaires à voir. La brume enveloppait le sous-bois et s’épaississait au niveau du fleuve, plongeant ainsi la grande clairière dans une faible luminosité glaciale dût aux basses températures du Conflans en si bon matin.

La jeune femme gémit doucement au froid qui se glissait sur ses membres engourdis, puis se redressa en position assise pour frotter son front douloureux avec deux doigts. Elle était sévèrement refroidie à cause du feu qui était éteint, les cendres blanches une preuve qu’il l’était depuis un long moment déjà. Ses vêtements n’ayant pas séchés dans leur intégralité après leur lavage dans la rivière, elle était encore un peu humide à certains endroits, plus particulièrement dans le dos et les manches. Une petite grimace se forma sur ses lèvres tandis qu’elle passa ses mains le long de ses bras froids pour tenter de se réchauffer un peu.

Encore un peu amorphe de son sommeil, Emerys jeta un petit coup d’œil aux alentours pour voir qu’’Arya dormait paisiblement à sa gauche en position fœtale. Ou du moins il semblerait que ce soit le cas, à moins qu’elle ne fasse semblant pour ne pas être dérangée, une autre possibilité. Dans tous les cas, elle paraissait tellement plus détendue et surtout beaucoup moins malheureuse que lorsqu’elle était pleinement consciente. Un sourire triste étira les lèvres de la jeune femme en considération avant qu’elle ne regarde à l’endroit où dormait le Limier … Pour s’apercevoir qu’il n’était pas à sa place.

Dorénavant confuse, elle se leva pour se dirigea vers la charrette qui était toujours là avec son cheval de substitution tout comme celui qui se nommait Stranger. Le mercenaire devait forcément être dans les parages. Emerys se mordit la lèvre inférieure pendant que son regard réfléchi traînait sur les deux animaux côte à côte. Elle était tentée de fuir, mais que ferait-elle toute seule dans la nature ? Puis l’homme la rattraperait très rapidement et les Jumeaux étaient incontestablement une meilleure idée pour sa survie. Elle passa soigneusement sa main sur l’encolure de sa monture tout en chuchotant des mots rassurants à son oreille avant de grimper dans la charrette pour récupérer un vieux manteau brun poussiéreux qu’elle avait repéré hier soir après avoir récupéré le vin.

Elle le revêtit sans attendre sur ses épaules tout en mordant l’intérieur de sa joue lorsque le mouvement entraîna une vive douleur dans ses côtes. Ce dernier ne faisait pas un très grand barrage au froid, mais il était tout de même réconfortant d’avoir une couche de vêtement supplémentaire au-dessus de ceux trop grands pour elle. Emerys se redirigea ensuite vers Arya lorsque soudainement, son regard fût attiré par quelque chose de brillant sur la rive. Elle marqua un temps de pause, ses sourcils se fronçant de perplexité jusqu’à ce qu’elle ne distingue enfin la forme de l’armure du Limier au bord de l’eau.

L’homme qui manquait à l’appel à son réveil se baignait actuellement dans la rivière en appréciant la solitude et le peu de lumière de l'aurore pour se nettoyer de toute cette sueur et de ce sang qui avaient tâché sa peau abîmée. A mi-hauteur dans le courant, il tournait le dos à Emerys, nettoyant vigoureusement ses bras en jetant de l’eau sur ses membres à l’aide de ses deux mains. Il n’avait pas encore pris connaissance qu’il était observé à son insu. Et à cette distance le bruit étant insignifiant, il était donc sans conséquence sur le sommeil pourtant léger de la petite Stark plus haut.

Après s’être rapprochée jusqu’au niveau de la souche, Emerys se racla doucement la gorge tandis que ses yeux se baladaient sans crainte sur la multitude de cicatrices qui parcouraient le dos du Limier aux muscles saillants. Toutefois une en particulier retenait toute son attention. Une grande entaille assez laide qui commençait à partir de son omoplate droite et qui descendait en diagonal jusqu’à sa hanche gauche, finissant son chemin plus bas à l’abri des regards. Cela ressemblait à une blessure liée à un coup d’épée ou peut-être à une hache, mais elle n’en avait pas la certitude. Il était une véritable fresque vivante de blessures de guerre, des nombreuses traces de son passé pénible en tant que mercenaire et combattant digne de ce nom.

Malgré toutes ces cicatrices, il restait un homme plutôt agréable à regarder.

Devant cette observation approfondie du Chien, Emerys se sentit tout à coup indécise à l’émotion étrangère qui rampait dans son bas ventre. Par réflexe et pour se sentir en sécurité, elle croisa les bras sur sa poitrine, se renfermant au monde extérieur et à ses émotions contradictoires. L’appréhension finit par remplacer ce sentiment suspect lorsqu’elle se rappela que d’ici la fin de la journée, elle sera vendue à ce Seigneur Walder Frey par ce même homme qu’elle admirait d’une certaine façon. Mais il s’agissait de son idée, en fin de compte ... Une idée qui lui sauvera la vie si elle arrivait à négocier un marché avec le vieil homme malsain.

Sandor lava rapidement le reste de la saleté sur son corps puis passa ses mains froides sur son visage pour se rafraîchir, poussant un soupir détendu lorsque la fraîcheur de l’eau dégoulina sur sa brûlure faciale. Une douleur fantôme y résidait toujours. Donc à chaque fois qu’il en avait l’occasion, il mettait de l’eau sur son visage endolori. Il n’y avait rien de plus apaisant pour lui après le silence. L’eau restait son élément favori tout comme le froid, la neige, la glace … Absolument tout ce qui était à l’opposé du feu et de la chaleur.

Une fois qu’il se considéra assez propre, le Chien se hissa hors de la rivière pour revêtir ses vêtements et son armure de protection, les premières lueurs du soleil se reflétant sur l’eau du fleuve lui indiquant qu’il était déjà l’heure de repartir. Il avait vraiment hâte d’empocher la somme d’argent des deux filles pour pouvoir se diriger vers le Mur à Château Noir, sans devoir faire abstraction de bonne nourriture et de bonne compagnie. Car ce genre de voyage coûtait cher, hélas. D’une petite secousse ironique de sa tête à cette dernière pensée, le Limier remonta la colline tout en rebouclant sa ceinture à sa taille.

Emerys décida alors qu’il était peut-être temps de s’éloigner pour ne pas avoir à faire face au caractère féroce du mercenaire de si bon matin. Surtout s’il découvrait qu’elle l’avait observé, contre sa volonté … La tête basse et les yeux rivés au sol, elle s’approcha des arbres en amont pour pouvoir se soulager avant de reprendre la route vers les Jumeaux, cherchant un peu d’intimité parmi les fougères et autres plantes feuillues de la forêt. A son retour au campement, elle remarqua qu’Arya était debout à côté de Sandor et que les deux levèrent simultanément la tête quand elle s’approcha.

«Bonjour.» Déclara poliment Emerys d’un hochement de tête muni d’un sourire penaud.

«Bonjour.» Arya imita son signe de tête sans pour autant retourner le sourire. Ses yeux gris manquaient de sympathie et sa posture rigide spécifiait qu’elle avait très mal dormi cette nuit.

Sandor Clegane, quant à lui, scruta minutieusement la jeune femme immobile de haut en bas tout en glissant ses gants de retour sur ses mains. Il savait qu’elle l’avait regardé tout à l’heure dans la rivière, cependant il ne comprenait pas pourquoi elle l’avait fait avec autant d’insistance. Toutes les femmes détestaient son apparence. Non seulement parce qu’il était laid, mais aussi parce qu’il était un tueur sans pitié, hostile et grossier. Personne ne le ferait par envie et pourtant, cette femme avait été son spectateur pendant son bain matinal alors la seule et unique chose qui lui vint à l’esprit fût de la curiosité. Beaucoup trop de curiosité au sujet de ses cicatrices immondes.

Quelque peu surpris de sentir une sorte de déception prendre vie en lui, Sandor afficha un sourire perfide puis attrapa rapidement sa selle sur le sol pour atteler son cheval, laissant une Emerys dubitative par cet échange silencieux derrière lui. Il pouvait à la fois sentir le regard inquisiteur de la louve insolente et celui de la femme aux cheveux d’argent à l’arrière de sa tête, jubilant intérieurement d’avoir créé une sorte de tension entre eux pour avoir la paix le restant du voyage. Voyage qui sera maintenant de courte durée.

«Laissez tomber. Il ne sait pas ce qu’est la politesse.» Blâma Arya qui regardait le Limier mettre la selle sur son cheval, les bras croisés sur sa poitrine et le nez retroussé.

L’adulte à côté d’elle ne put rétorquer quelque chose car elle s’en retrouva littéralement sans voix face à toute cette haine contenue dans le regard du mercenaire acariâtre. Elle ne s’y attendait absolument pas, pas après avoir échangé si aisément avec lui la nuit dernière après seulement quelques gorgées de vin autour d’un festin. Forcément que l’alcool avait joué un grand rôle là-dedans, pourtant elle ne pouvait comprendre pourquoi il se rétractait de cette façon, allant jusqu’à la dévisager de haut en bas d’un regard pestant. Le répugnait-elle tant que cela ?

«Oui, tu as raison. Il n’en vaut pas la peine. Vivement que nous partions tous chacun de notre côté.» Déçue, Emerys fronça les sourcils tout en déposant une main délicate sur l’épaule d’Arya également désappointée.

«La dure réalité de la vie, faudra s’y faire. Viens ici, fillette ! Nous avons encore de la route jusqu’aux Jumeaux.» S’exclama Sandor d’un ton sec en faisant signe de la main à la louve, pas du tout ébranlé par la réplique de la femme. De toute façon il avait l’habitude d’être pointé du doigt au sujet de son mauvais caractère.

Arya ne dit rien. Toutefois, elle s’approcha de lui pour qu’il la prenne et la positionne sur la charrette à la place passager, suffisamment proche de lui pour que leurs cuisses se frôlent. Elle grimaça légèrement à la sensation désagréable d’être en contact physique avec lui, alors elle se décala sur ses fesses pour ne plus être aussi près de cet homme qu’elle détestait passionnément. Ce serait si facile de lui prendre son poignard et de le lui planter dans la tête … De s’emparer de cette cargaison et de finir le chemin jusqu’aux Jumeaux toute seule. Une idée très stupide, en effet, qui pourrait lui être fatale si elle n’était pas assez rapide et précise.

«Toi aussi ! Et ne t’avises pas de me faire attendre.» Sandor plissa les yeux à Emerys tout en pointant son pouce à l’arrière de la charrette.

Cette dernière incrédule fronça les sourcils face à son comportement très désagréable, se retenant de toutes ses forces de ne pas lui donner un bout de son esprit. Et en plus d’être rustre, il était lunatique ! Elle retint sa respiration quelques secondes puis relâcha calmement la pression dans son corps en répétant deux trois fois cette action avant de grimper derrière la charrette où son cheval avait été attaché.

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«Personne ne va croire que vous êtes porcher, si vous mangez toute la viande !»

Emerys ouvrit subitement les yeux, le cœur battant la chamade après avoir été réveillée aussi violemment par la plainte d’Arya Stark. Elle était couchée sur son flanc droit, les deux mains sous sa tête en guise d’oreiller, le vieux manteau lui servant de couverture à la légère brise qui soufflait sur les plaines. Ils n’étaient plus qu’à environ un kilomètre des Jumeaux et désormais, ils devaient patienter jusqu’à la nuit pour pouvoir s’infiltrer au mariage.

«C’est le meilleur morceau, je te l’ai déjà dit.» S’agaça le Chien en secouant sa patte de cochon en l’air. Ce dernier était assis au bord de la charrette, les jambes étendues devant lui en train de déguster un bon morceau juteux.

Sans doute le dernier.

Immédiatement, Arya se retourna vers la jeune femme couchée dans l’herbe dos à eux puis se demanda si elle avait été réveillée suite à leur petit combat verbal ou si elle dormait toujours. L’enfant examina attentivement la respiration rythmique d’Emerys pour en déduire qu’elle était inconsciente, intérieurement soulagée qu’elle ne fût pas sortie de sa sieste à cause d’eux. Elle n’avait pas voulu crier tout à l’heure, mais le Limier pouvait être une vraie tête de mule quand il s’y mettait … C’était tout leur avenir qui était en jeu et il se permettait encore de se servir dans la charrette destinée à la fête !

«Qu’est-ce qui vous fait rire ?» S’impatienta Arya quand elle entendit le Chien rire derrière elle.

«T’as peur d’elle ? T’inquiètes pas, elle ne te sautera pas au visage. Elle n’est même pas capable de se défendre au corps à corps.» Ricana ce dernier entre deux bouchées, les yeux posés sur la femme en question.

Emerys sentit son cœur manquer un battement à la remarque humiliante, mais vraie, de Sandor sur ses capacités amoindries à se défendre. Cela avait toujours été son plus grand point faible, elle en était bien consciente et peu fière. Mais si seulement ils savaient … Tout en gardant le contrôle sur sa respiration pour ne pas alerter les deux autres qu’elle était éveillée, elle fixa son regard sur un seul arbre au loin dans un champ, ne désirant pas leur parler pour le moment. Tout ce qu’elle voulait était de pouvoir profiter de cet instant de calme, avant la foule et les nouvelles questions toutes plus exaspérantes les unes que les autres. Cependant la nervosité étant à son comble, ce moment de calme ne pouvait être respectée plus longtemps.

«Je veux une partie du butin. J’ai le droit à une part ! C’est grâce à moi si cette opportunité se présente à vous aujourd’hui.» Somma la jeune Stark, les poings serrés à ses côtés.

«Même pas en rêve ! T’auras droit à rien du tout. Qu’est-ce qu’une gamine comme toi veut faire avec de l’argent, de toute façon ?» Se moqua l’homme sur la charrette d’un reniflement désinvolte. Il récupéra ensuite sa gourde de vin pour en boire un peu.

«Le jour ou le vin manquera dans Westeros, vous serez le premier à pleurer comme un petit enfant.» Ironisa la louve en se positionnant juste devant le Chien pour tenter de paraître plus intimidante et coriace qu’elle ne l’était en réalité.

Le changement de sujet étant des plus radicaux, Emerys ne put retenir le petit sourire diverti qui glissa sur ses lèvres. Arya avait un véritable don pour chercher les ennuis, ne rencontrant aucune difficulté à se frotter à bien plus dangereux qu’elle. C’était soit de l’inconscience, soit du courage. Ceci dit, elle pencherait plus pour de l’imprudence dans ce cas précis face à un homme tel que le Limier qui avait vraiment très peu de patience.

«Je préfèrerais m’arracher une couille plutôt que de devoir vivre ça !» Pesta l’homme sur la charrette.

«Ce n’est pas étonnant, mais vous ne feriez jamais ça. Vous jouez aux gros durs alors que vous n’êtes qu’une petite flipette, au fond.» Répondit effrontément Arya d’un sourire taquin. Elle haussa les sourcils lorsque le mercenaire arrêta de boire pour la fixer avec scepticisme, quelques mèches de cheveux couvrant sa cicatrice hideuse.

«Laisse-moi rire. Tu te crois maligne avec tes peurs de bébé ?» Dit-il en plissant les yeux et en roulant sa langue dans sa bouche, à deux doigts de s’énerver une bonne fois pour toute contre la petite garce.

«Vous ne savez rien, mais moi je sais.» En disant cela, Arya vérifia une dernière fois qu’Emerys n’était pas éveillée avant de poursuivre, ignorant qu’en réalité elle était écoutée ; «je sais ce qui vous ai arrivé. Votre frère vous a plaqué le visage dans le feu comme il aurait grillé une bonne côte de mouton.»

La sensation était comme celle de l’eau glaciale sur son corps, une douche froide pour Emerys. Ses yeux s’écarquillèrent de stupéfaction à cette révélation nauséabonde alors que sa bouche s’assécha pour ne laisser place qu’à un goût amer sur sa langue, le cœur martelant dans sa poitrine. Elle ne pouvait peut-être pas voir les expressions faciales, mais ce n’était pas si difficile d’imaginer la colère et l’outrance chez le Limier ainsi que l’allégresse chez la louve audacieuse. Perturbée, elle se concentra sur sa respiration qui devenait de plus en plus irrégulière tandis que les voix s’élevèrent une fois de plus dans son dos.

«Tu y a trouvé de l’inspiration.» En conclut Sandor après un moment à contempler la gamine insolente qui avait du cran, il devait bien l’admettre.

«Peut-être.» Arya sourit froidement puis se détourna de l’homme pour admirer les deux grandes tours qui se dressaient à l’horizon.

«T’as qu’à y aller, alors. Tu pourrais t’enfuir avec ta prisonnière adorée. Peut-être même que tu y arriveras sans mon aide. Ils sont juste de l’autre côté du fleuve. T’as jamais été aussi près de ta famille depuis le jour où Ilyn Payne a coupé le cou à ton père.» Fulmina le Chien entre ses dents après s’être penché en avant, cherchant à déstabiliser la gamine Stark trop confiante à son goût. Mais son petit sourire mesquin diminua lorsque la fille se tourna vers lui d’une haine sans précédent.

«Un jour, mon épée vous percera l’œil et ressortira par derrière votre crâne.» Menaça cette dernière affligée par les remords et la tristesse. Son regard malheureux chercha dans celui indifférent du Limier toute trace de culpabilité qu’elle ne trouva guère.

Ou peu.

Emerys ferma les yeux aux mots cruels échangés, surtout ceux du mercenaire qui n’allait pas dans la délicatesse. Il aurait simplement dût l’ignorer, au lieu de rentrer dans son petit jeu ridicule qui avait pour seul but de le faire sortir de ses gongs une bonne fois pour toute ... Ils se comportaient comme des idiots, tous les deux. Deux caractères farouches qui se cherchaient les noises à tout bout de champ au lieu de s’entraider et de trouver un terrain d’entente pour survivre dans ce monde où le sang coulait bien trop facilement. Ayant plus qu’assez d’écouter cette stupide querelle, elle se redressa puis se leva sans le moindre coup d’œil aux deux en pleine dispute pour se diriger vers le bord de l’eau.

Arya sursauta presque hors de sa peau quand elle vit Emerys se lever aussi vite de l’herbe. Stupéfiée et encore sous l’effet de la surprise, elle dirigea son regard ahuri sur la femme en question qui passa comme une ombre tandis que Sandor continuait de mâcher bruyamment sur sa nourriture, pas le moins du monde déconcerté. Il l’avait remarqué que la jeune femme ne dormait plus depuis un petit moment déjà toutefois, il ne voyait pas l’utilité de le dire ou même de réagir en conséquence.

Quant à Arya, elle ne pouvait décrire comment elle se sentait actuellement. Coupable ? En colère ? Trahie ? Elle n’avait pas manqué la mine endurcie d’Emerys ni sa façon de marcher qui laissait croire qu’elle était énervée, ce qui la rendit d’autant plus incrédule. Pourquoi réagissait-elle ainsi alors que dans quelques heures à peine, ils ne se reverront plus jamais ? Cette réaction était inappropriée pour quelqu’un qui était considéré comme de la vulgaire marchandise aux yeux de son geôlier. Etudiant la femme accroupit devant la rivière pour boire de l’eau, Arya prit place sur un rocher puis posa son menton dans ses mains en attendant qu’ils ne reprennent la route pour finir ce fichu voyage.

Et à la tombée de la nuit, le trio se présenta devant le château armé jusqu’aux dents.

Enormément de soldats étaient présents aux alentours, notamment devant les grandes portes en bois massif qui constituaient l’impressionnante entrée du pont. Le Limier encapuchonné guida avec agilité le cheval blanc qui tirait leur charrette entre les hommes armés, les tentes appartenant à ceux de la maison Stark, les étuis à lances, hallebardes et haches. La plupart des soldats à l’extérieur du domaine étaient d’ores et déjà ivres morts, certains riants aux éclats alors que d’autres vomissaient leurs tripes sur le sol.

Quelques hommes encore lucides à cette heure-là se battaient pour s’amuser, pendant que d’autres se confrontaient aux soldats de la maison Frey pour des raisons de domination évidente qui ne plaisait pas du tout. Le mercenaire reconnut trois Bannières parmi des cavaliers. Celle des Stark, des Frey ainsi que des Bolton. De grands feux de joies brûlaient un peu partout dans le campement où plusieurs femmes de luxure dansaient pour divertir leur public exclusivement masculin. Des chants sur les noces s’élevaient dans les airs, les paroles élogieuses tournant autour de l’une des filles du seigneur du Pont qui allait épouser Edmure Tully, le frère de Catelyn Stark.

C’était la grande fête.

Les rênes claquèrent contre la croupe du cheval afin qu’il presse le pas au travers des soldats menaçants qui fort heureusement, ne se méfiaient pas encore de son intrusion dans le domaine. Ils n’avaient pas beaucoup de temps ... Sandor resserra instinctivement sa cape et sa capuche autour de lui pour s’assurer que personne ne le reconnaisse au risque de créer une émeute et de faire échouer le plan. Oui, son nom et sa renommée étant connus dans beaucoup de régions de Westeros, les Jumeaux en faisaient malheureusement aussi partis. Par précaution, il jeta un rapide coup d’œil à l’arrière de sa charrette où Emerys et Arya se cachaient entre les jarres sous un vieux tissu. Elles étaient couchées sur les sacs de pommes de terre et les pieds de porcs.

«Halte-là ! Où tu vas, toi ?» Cria un garde lorsque l’homme encapuchonné tirant une charrette s’arrêta près des portes. Il leva sa torche pour voir son visage mais la noirceur de la nuit et le bord de la capuche l’empêchaient d’apercevoir ses traits.

«Je livre du porc salé pour le festin.» Expliqua Sandor à la hâte en gardant la tête basse.

«C’est trop tard, il est fini le festin !» Répondit le garde d’un sourire édenté, son coéquipier lui lançant quelques petits regards nerveux. Cela ne passa pas inaperçu au Limier qui arqua son sourcil.

«Pourtant, il y a encore de la musique et de l’animation.» Remarqua-t-il en désignant avec sa main libre les tentes et les grands feux autour de lui.

A l’arrière de la charrette, Emerys et Arya se regardèrent tout en gardant leurs mains sur leurs bouches pour faire taire tout bruit suspect qui alerterait les gardes. Leurs respirations étaient rapides, désordonnées. Dans leurs yeux brillaient de la crainte et de l’appréhension, mais également de la confusion suite aux paroles du soldat en discussion avec le Chien conducteur. Posant un doigt sur ses lèvres en signe de silence, Emerys décala légèrement la couverture pour voir ce qui se passait dehors. Elle ne voyait pas grand-chose dans cette position allongée dans le noir, cependant, elle pouvait déceler les formes des soldats lorsqu’ils passaient devant les flammes.

Puis Arya décida qu’elle avait assez attendue. Alors, dès qu’Emerys tourna la tête dans l’autre direction, elle se précipita sous le tissu pour sortir de sa cachette et ainsi se fondre dans la masse parmi les hommes en armure. Elle était tellement rapide que la jeune femme, prise de court, ne réussit pas à lui mettre la main dessus avant qu’elle ne sorte définitivement de sa portée. Emerys chuchota frénétiquement le nom de la louve sauf qu’elle était déjà trop loin pour l’entendre après avoir discrètement tourné derrière une tente.

Ce fut à cet instant précis qu’elle comprit que quelque chose n’allait pas du tout.

Les soldats de la maison Frey étaient armés de la tête aux pieds, alors que ceux de la maison Stark ne l’étaient pas. Pourquoi gardaient-ils leurs armes sur eux à une fête célébrant un mariage ? Tout à coup, de la sueur froide glissa le long de sa nuque quand elle posa les yeux sur plusieurs rangées de soldats lourdement armés s’aventurant dans le campement et dans les tentes. Certains couraient en direction du château, d’autres sortaient leurs épées de leurs fourreaux en appelant silencieusement ceux de la même allégeance à en faire de même pendant que les Stark faisaient la fête. Ces derniers ignoraient totalement le danger qui planait désormais au-dessus de leurs têtes.

«Je ne vais pas le répéter, dégage de là ! La fête est finie !» S’impatienta le garde en jetant sa main dans le sens inverse.

«J’ai aussi des pieds de porc.» Soupira Sandor dans une dernière tentative de faire passer sa charrette. Néanmoins il avait remarqué l’étrange agitation depuis quelques secondes, un poids lourd s’installant dans sa poitrine en comprenant soudainement l’ampleur de la situation catastrophique.

«Clegane ! C’est un traquenard !» Hurla désespérément Emerys qui bondit hors de sa cachette, les yeux élargis dans l’horreur absolu.

A suivre …

Je vous laisse sur ce Cliffhanger, même si vous devez sans doute déjà connaître les grandes lignes. Quoique ..?

VP


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